Section 2 : Revue de la littérature sur
l'efficience boursière et sur les stratégies de gestion de
portefeuille applicables à la BRVM
La littérature sur l'efficience des marchés a
commencé aux USA par les études de Fama and all [1969 ] et a
été la proposition centrale en finance durant environ trente ans
et sur les marchés boursiers français par Modigliani et Cohn
[ 1979 ]. C'est donc sur la base de vérifications empiriques
solides, que s'est construit un ensemble d'applications théoriques et
pratiques notamment en matière d'analyse des titres financiers.
Pour notre étude, cette revue de la littérature
nous permettra d'appréhender les différentes approches
d'efficience et les différents travaux qui ont été
réalisés aussi bien sur les autres places boursières qu'
à la BRVM ce qui nous aidera à mieux orienter notre
recherche.
2.1 Les Théories de
l'Efficience des Marchés
La théorie de l'efficience des marchés renvoie
à trois types d'efficiences , Gillet [ 1991 ]:
l'efficience allocationnelle, l'efficience
opérationnelle et l'efficience informationnelle. Notre étude
porte essentiellement sur l'efficience informationnelle c'est-à-dire
comment les informations agissent- elles sur les prix des titres boursiers ?
Cette question est fondamentale pour tous les intervenants sur un marché
boursier car l'analyse des deux autres formes d'efficience ne permet pas
à un investisseur de prédire les cours des titres et de
réaliser des gains. Toutefois, de brèves définitions de
l'efficience allocationnelle et opérationnelle seront données
avant d'aborder l'efficience informationnelle selon la théorie .
2.1.1 Efficience Allocationnelle
L'efficience allocationnelle indique que le marché est
capable d'orienter les fonds vers les emplois les plus productifs et contribue
ainsi à un développement satisfaisant de l'économie.
Ainsi, les prix sur le marché égalent les taux de rendement
marginal des emprunteurs et des prêteurs (13) . Le test de
cette forme d'efficience n'est pas approprié pour notre étude car
elle ne permet pas de définir une stratégie de gestion de
portefeuille.
(13) La définition explicite
que Jensen, [1978] exposé se fonde sur l'impossibilité de
réaliser un profit d'arbitrage en tenant compte de ces coûts.
Remarquons à l'occasion que, ce faisant, Jensen tirait
déjà les enseignements des travaux de Coase [1937] et de Demsetz
[1969], qui insistaient sur la nécessaire prise en compte des
coûts de transaction pour disposer d'une définition pertinente de
l'efficience allocationnelle et qui allaient également inspirer sa
démarche en finance organisationnelle.
2.1.2 Efficience Opérationnelle
La théorie de l'efficience opérationnelle
précise que les intermédiaires financiers mettent en relation de
manière satisfaisante les offreurs et les demandeurs de capitaux et ce,
au coût le plus faible tout en retirant une juste
rémunération. Le rôle des
« market-makers » dans le cadre de la régulation
des marchés boursiers est souvent bien rempli et ne pose pas de
problème étant entendu que les cries ne sont pas très
fréquentes sur les places boursières même si elles sont
graves de conséquence quand elles surviennent. L'efficience
opérationnelle, en la testant ne nous permet pas non plus de
définir une stratégie de gestion de portefeuille tels que
fixées dans nos objectifs.
2.1.3 Efficience informationnelle
Le type d'efficience qui traite les informations qui agissent
sur les cours des titres sur le marché est l' efficience
informationnelle, la plus explorée en finance. Elle prend en compte la
forme forte, semi-forte et faible des hypothèses formulées par
les chercheurs en la matière.
Figure N06: Schéma des
différentes formes d'efficience
Forme forte : Toute l'information y compris celle
privée.
Forme semi forte :Toute l'information publique.
Forme faible : Toute l'information historique sur les
prix.
2.1.3.1 Efficience faible
Le test de l'efficience faible revoie à
l'hypothèse que les prix courants reflètent toute l'information
historique sur les prix. Pour le tester il suffit d'appliquer les
modèles de prévisions dont les variables explicatives seront les
anciens prix ou encore des données antérieures.
Kendall [1953] a appliqué le test
d'autocorellation aux fluctuations hebdomadaires de 19 indices des cours
d'action britannique. Fama [1969] a examiner les fluctuations de 30 titres du
Dow Jones au cours de la période s'étendant de décembre
1957 à septembre 1962.
D'autres auteurs ont appliqué les tests de forme faible
en intégrant des variables macro-économiques comme l'inflation.
Il s'agit de Linter [1975], Bodie [1977], Nelson [1976], Jaffe et Mandelker
[1976], Fama et Schwert [1977], Fama [1981], Gultekin [1983] qui ont
globalement mis en évidence une relation négative entre le
rendement réel et nominal observés des actions et l'inflation
observée, anticipée ou non anticipée pour mieux expliquer
l'efficience. Ces résultats, obtenus à partir de données
du marché américain ainsi que celles de certains marchés
européens, ont été interprétés comme une
preuve de l'inefficacité de l'investissement en actions à
protéger contre l'inflation (14) et comme tel contredisant
l'hypothèse de Fisher.
Toujours dans l'optique des tests de forme faible, Solnick
[1973] a repris les travaux de Fama sur d'autres marchés
européens et a observé des valeurs de coefficients Rp
proche de zéro quels que soient les valeurs de i et a donc
conclu que la fluctuation des cours Ti (t) est linéairement
indépendante des fluctuations des cours observés pendant les
i jours précédents.
En résumé la forme faible d'efficience fait
référence au test d'autocorelation dont le coefficient
Rp permet d'apprécier la relation qui existe entre la valeur du
cours à l'instant t et celle à l'instant t-p.
Rp = Cov (Ti (t) ; Ti-(t-p)/Var (Ti (t). Il existe
également d'autres méthodes pour tester la forme faible notamment
la technique des filtres, des moyennes mobiles et la technique dite des points
et des croix (15).
(14) Plusieurs explications de cette
relation négative ont été avancées par les auteurs,
mais l'explication la plus controversée est de loin celle
proposée par Modigliani et Cohn [1979]. Ces auteurs pensent que la
valeur de la firme (prix des actions) devait rester constante en période
d'inflation et qu'une relation négative observée entre les cours
boursiers et l'inflation ne peut être dite qu'au fait que le
marché est induit en erreur à cause de l'irrationalité des
investisseurs et de leurs incapacité à se libérer de
l'illusion monétaire. Cette hypothèse, si elle était
vérifiée, remettrait manifestement en question l'efficience des
marchés financiers.
(15) La techniques des filtres
d'Allexandère précise que si les cours d'un titre augmente de x
% au moins par rapport à son dernier minimum, il convient d'acheter ce
titre et de le garder jusqu'à ce le cours baisse d'au moins x % par
rapport à son maximum précédent. A ce moment, il faut
couvrir sa position à découvert et prendre une position longue.
Tous les mouvements d'ampleur inférieurs à x % sont
ignorés. Cette technique a été testée par Fama,
Blume et Galesne, Jensen et Bennington, [1970]. Les résultats obtenus
montrent que l'application de ces règles ne permet pas d'obtenir des
résultats significativement supérieurs à ceux que l'on
obtient par une méthode d'achat conservation.
La technique de moyenne mobile quant à elle
consiste à acheter (vendre) par un signal donné lorsque la courbe
des variations des cours franchit la courbe de la moyenne mobile en suivant une
phase haussière (baissière). Cette méthode a
été testée par Van Home et Parker [1967]. Ils ont
utilisé cinq tailles de filtres différents et ils ont
calculé les moyennes mobiles sur les périodes de 100, 150 et 200
jours. Pour toutes les combinaisons de filtres et de longueurs de moyennes
mobiles, l'application de la technique moyenne n'a pas permis d'obtenir des
profits supérieurs à 100 obtenus par l'application d'une
stratégie achat détention.
La technique dite des points et des croix testés
par J. Hamon suppose que toutes les variations des cours inférieurs
à un certain seuil sont ignorées : une variation
supérieure à zéro est représentée par une
croix, une variation inférieure à zéro est
représentée par un point., Pour une variation de signe constant
des points ou des croix (suivant le singe de la variation) sont sur une
même colonne à la position correspondant au cours. A chaque
changement du signe de la variation, les rangs de la colonne est
incrémenté . le mouvement de hausse et de baisse sont
représentés verticalement en fonction du temps.
Les conclusions révèlent que les
résultats de l'application de ces différents tests de forme
faible sont inférieurs à ceux obtenus par la méthode
d'achat conservation.
Sur le marché de la BRVM, il n'y a pas eu
d'études utilisant les techniques de filtre et de moyenne mobile ou
celle des points et des croix à notre connaissance. Toutefois, la
méthode des moindres carrés ordinaires a été
utilisée pour faire des tests de forme faible. Notre étude
prendra en compte la forme faible en intégrant dans le modèle,
les cours antérieurs des titres et évoluera vers la forme semi
forte.
2.1.3.2 Efficience semi forte
La forme semi forte postule que les prix sur le marché
reflètent toute l'information publique donc comment reagissent les prix
à l'annonce de nouvelles informations. Certains auteurs comme E. Fama,
L. Fisher, M. C. Jensen, R. Roll [1969] ont travaillé sur l'ajustement
des prix des titres aux nouvelles informations.
Rendleman, Jones E.T. Latane [1982], Jegadeesh et Titman
[1993] ont pour leur part étudié les réactions aux
annonces de résultats financiers et ont conclu à l'inefficience
c'est à dire qu'il y a possibilité de prévoir les cours
des titres quand on annonce les résultats financiers mais cette
conclusion n'est pas valable pour tous les marchés.
Laporta, Lakonishik, Schleifer et Vishny [1997] ont par
ailleurs, examiné les revenus des croissances à la date de
l'annonce et ont conclu que le débat théorique tourne autour du
prix c'est-à-dire le rendement attendu et la préférence de
l'investisseur.(16)
Aussi, si l'hypothèse bayésienne qui dit que les
investisseurs font de bonnes prévisions est-elle remplie et qu'ils sont
identiques alors on peut conclure que les marchés sont efficients.
(16) Concernant la
préférence de l'investisseur, Von Neumann et Morgenstern [1994]
ont insisté sur la maximisation de l'utilité de l'investisseur
(EU). Il s'agit pour ces deux auteurs de maximiser l'utilité de
l'investisseur (EU) de fonction additive et séparable sous les axiomes
de pré-ordre totale A1, A2 et A3
L'axiome A1 de pré-ordre total et
transitivité s'explique pour tout a1 et a2
:
a1 >* a2 ; a2 >*
a1 ; ou a1 ~* a2
Si a1 * a 2 et a 2 * a
3 alors a1 * a 3 c'est la
transitivité.
L'axiome A2 de continuité
démontre que pour tout a1, a2 et a3 tel
que a1 a3 a2 alors il existe des scalaires
(; ); 0 1; 0 1 ; tel que a3 * [ x a2 + (1 - )
a1] et a3 >* [a2 + (1 -
a1]
L'axiome A3 d'indépendance : Pour tout
a1; a2 ; a3 et tout (0 1), si
a1 * a2 alors [a1 + (1 - ) a3] *
[a2 + (1 - ) a3]. On peut dire que les
préférences entre a1 et a2 sont
indépendantes de a3.
Bref sous les axiomes A1, A2 et
A3, on a la fonction d'utilité suivante : EU (ai)
= i U(aij) . Pr(aij)
Les postulats du modèle sont :
1- Les individus se préoccupent de tout ce qui est
source d'utilité ou de désutilité (éléments
pécuniaires ou non) et sont des « évaluateurs ». Ils
sont à même de faire des arbitrages entre les différentes
sources d'utilité et leurs préférences sont transitives
;
2- Les individus sont insatiables ;
3- Les individus sont maximisateurs. Ils sont
censés maximiser une fonction d'utilité sous contraintes. Ces
contraintes peuvent être cognitives et les choix effectués
tiennent compte des coûts d'acquisition du savoir et de l'information
;
4-Les individu sont créatifs et savent s'adapter ;
ils sont à même de prévoir les changements de leur
environnement, d'en prévoir les conséquences et d'y
répondre en créant de nouvelles opportunités.
Odean, [1999] a également tiré des
conclusions dans l'étude du comportement de l'investisseur sur un
marché efficient selon lesquelles les investisseurs transigent trop,
vendent les titres gagnants et gardent les perdants. Dans tous les cas, pour le
comportement des investisseurs, ils ne sont pas rationnels, ils utilisent des
règles de décisions «heuristiques» (rules of thumb)
dans leur prise de décision.
Certains modèles de comportement
développés par Bikhchandani, Hirshleifer et Welch [1992] et
Kahmeman et Tversky [1999] dans la théorie des perspectives concourent
à l'hypothèse des marchés sous forme de cascade
informationnelle. Shiller [1990] observe que 65 % des opérateurs du
marché considèrent que c'est d'abord la psychologie du
marché qui guide les investisseurs.
Les principales conclusions de la théorie des
perspectives sont les suivantes :
- la plupart des sujets violent l'utilité
exactement comme l'a montré Allais [1953] ; à savoir qu'ils
réagissent à des changement similaires de
probabilité.
- les sujets accordent généralement plus
d'importance aux changements de richesses qu'à la richesse totale, ce
qui contredit une nouvelle fois le paradigme d'utilité.
- la fonction de valeur est une fonction en «S»
c'est-à-dire concave dans le domaine des gains (aversion au risque) et
convexe dans celui des pertes. Cette fonction est définie par les
déviations du point de référence.
- la pondération de décision assignée
à la probabilité est généralement plus faible que
la probabilité correspondante excepté dans l'intervalle des
très faibles probabilités.
Toujours dans le cadre des tests de l'hypothèse
d'efficience semi forte, Dodd et Ruback [1977], Kummer et Hoffineister [1978]
et Brddley [1980] ont traité l'impact d'une annonce d'OPA sur les cours
boursiers. L'étude de Navatte [1978] sur les fusions et de Eckbo et
Langohr [1985] et Husson [1986] ont permis de tirer des conclusions pertinentes
sur les entreprises françaises.
D'autres études ont également été
réalisées afin de tester les réactions du marché
à l'annonce des résultats ou des distributions de dividendes
Watts[1973], Ball [1978], Pattel et Wolfson [1984] ou encore Collins et Kothary
[1989] et mettent souvent en avant l'existence d'un délai de
réaction relativement bref (deux jours).
Toutes ces études confortent l'hypothèse
semi-forte selon laquelle le prix courant des titres reflètent toute
l'information publique sur le marché à tout instant notamment les
annonces de résultats ou des dividendes, les fusions, les splits
d'actions et les OPA.
Ces différentes approches intéressent notre
recherche dans ce sens que l'annonce des résultats et de distribution
de dividendes est un signe aux investisseurs pour procéder à la
détermination des ratios comme : le bénéfices par
action, le rendement du marché, le ratio cours / bénéfice
ainsi que d'autres anticipations en vue d'une optimisation de leur
portefeuille. Toute fois, des critiques sont formulées sur la nature et
la source de l'information dite publique (17).
(17) Daniel Szpiro, [2000] fait
remarquer que le constat sur l'efficience des marchés peut en fait
s'interpréter de plusieurs manières. Soit que l'hypothèse
d'efficience dans sa version semi-forte doit être rejetée ; soit
la notion d'information publique reste à définir avec plus de
clarté . Après tout, peu de gens consultent à tout moment
les agences d'information supposées publiques (Reuters ou AFP). Dans ce
cas, l'interprétation du phénomène observé dans
l'étude de Daniel Szpiro serait que le coût de l'information est
trop élevé et que les intervenants sont malgré tout
rationnels, quand bien même ils n'investissent pas massivement dans le
suivi de l'information.
Le modèle de Grossman S. J. & Stiglitz J. E.
[1980] décrit ce type d'équilibre où l'information
coûteuse empêche l'efficience des marchés dans un cadre
statique, mais la prise en compte de délais dans la
révélation de l'information par les prix de marché rend
possible l'acquisition coûteuse de cette information, comme le
suggère Larnac P. M. [1992].
Cependant l'argument consistant à considérer
que les informations fournies grâce à des prestations payantes qui
ne sont pas entièrement "publiques" n'est théoriquement pas
fondé : il n'est pas nécessaire que tous les intervenants soient
informés pour que les prix convergent vers la "vraie" valeur car les
transactions des seuls agents informés feront bouger les prix s'ils sont
suffisamment nombreux , Holden C. W. & Subrahmanyam A. [1992].
De plus, s'il doit y avoir un arbitrage entre le
coût de l'information et les opportunités d'interventions en
bourse, on pourrait s'attendre à ce qu'une probabilité de gains
plus élevée accélère les délais de
réaction des cours ; or sur l'échantillon de D. Szpiro,
l'amplitude totale des mouvements de cours enclenchés par la nouvelle
ainsi que la taille de la valeur ne jouent pas sur les délais de
réaction.
Une autre interprétation serait qu'une fois la
nouvelle connue, son interprétation serait divergente, ce qui
générerait des perturbations de prix étalées dans
le temps. Cela impliquerait que des phénomènes d'imitation, voire
de sur-réaction, sont à l'oeuvre y compris une fois l'information
connue.
Dans la même étude, D. Szpiro a montré
que la source de l'information paraît être un déterminant
significatif de la vitesse de réaction : lorsque la
société est à l'origine de la nouvelle, les cours
commencent à réagir vers 15 heures la veille du jour de
l'annonce, pour se stabiliser vers 15 heures le lendemain de l'annonce alors
que pour les autres sources, les cours réagissent après
l'ouverture du jour de l'annonce et se stabilisent vers 5 ou 6 heures avant
l'annonce.
Deux interprétations de ce constat sont possibles:
soit le premier type de nouvelles correspond à une plus grande
asymétrie d'information entre les intervenants, soit le contenu de la
nouvelle qui est en général une annonce de résultat donne
plus facilement lieu à des anticipations précises une fois la
date de divulgation de l'information connue.
En ce qui concerne la fin de l'intégration de la
nouvelle dans les cours boursiers, la première méthode d'analyse
de la croissance des cours fait apparaître un dernier mouvement à
14 heures le lendemain de l'annonce, alors qu'une deuxième
méthode indique seulement des mouvements de cours qui ne durent que
jusqu'à l'ouverture du lendemain du jour de l'annonce.
Ainsi, même après la diffusion publique de la
nouvelle, les délais de réactions continuent à courir,
alors que dans le modèle de Kyle A. [1985], les cours devraient se
stabiliser : l'asymétrie d'information et le jeu entre informés
et non-informés ne semblent donc pas être la seule cause de
l'ajustement graduel des cours boursiers, ce qui est peut-être
contradictoire avec un comportement rationnel des intervenants.
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