DISCRIMINATION À L'EMPLOI A EVRY
Elle se présente comme l'une des formes les plus
répandues de la violation du principe d'égalité pour tous.
Tout le monde en parle, tout le monde s'en plaint.
A Evry malgré le récent colloque sur
l'accès à l'emploi des jeunes diplômés issus de
l'immigration, nous avons recueillis plusieurs témoignages des victimes
de cette discrimination.
Un jeune Centrafricain présente une candidature pour un
poste de comptable dans une société d'Evry. La
Société l'invite à passer son test qu'il réussit et
lors de l'entretien, le fait qu'il se soit présenté comme
centrafricain a suffi pour que le responsable, qui passait l'entretien lui dise
que pour ce poste « nous avons besoins des français et non
des étrangers. Nous devons d'abord résorber le chômage qui
touche notre pays, vous serez utile à votre pays, la Centrafrique, je ne
connais d'ailleurs pas ce pays... »
Un journaliste inscrit à l'ANPE a répondu
à une annonce publiée par cette agence sur un poste de
journaliste dans une radio locale. Le journaliste ayant postulé, a
été reçu pour un test. A son arrivée, la femme
chargée de le recevoir le fait attendre en lui faisant croire que le
Rédacteur en Chef était absent. Pendant qu'il attendait
d'être introduit dans le bureau du Rédacteur en Chef, il entendit
dans le bureau d'à côté : « C'est un
Black ».suivi de quelques éclats de rire.
Quelques minutes plus tard, la femme lui fit savoir que
l'entretien était reporté sine die, deux jours après, il
reçu une réponse négative.
Face à de telles pratiques discriminatoires,
récemment, les députés français qui ont
renoncé au CV anonyme, doivent réfléchir au moment
où la France doit faire face à un taux de chômage le plus
spectaculaire de son histoire, 10% de jeunes diplômés sans emploi
n'est tout de même pas anodin. Le CV anonyme, comme son nom l'indique ne
devait pas comporter de nom, de photo, d'adresse, d'âge, ni de
nationalité du postulant. Cette expérience devait amener les
recruteurs à n'analyser que les motivations du candidat, son savoir
faire, son expérience et son apport dans l'entreprise qui l'accueille.
Le nom patronymique, l'âge, l'adresse, les origines sont des handicaps
pour accéder à un emploi.
Lorsqu'on est noir, diplômé et que l'on habite
les « Pyramides », c'est un lourd handicap pour
accéder à un emploi. D'ailleurs, un jeune des Pyramides qui n'en
pouvait plus de recevoir des réponses négatives se résolut
à s'appeler « Daniel Durand », il envoya son CV en
changeant simplement de nom. Deux jours après, il fut convoqué
à un entretien d'embauche.
La discrimination à l'emploi souligne Manuel Valls,
« constitue une des formes les plus courantes de la violation de
notre principe égalitaire. On a, à diplôme égal, le
contraste entre étrangers ou français dits issus de l'immigration
et français, qualification encore plus difficile à analyser,
reste équivalent... »
Nous savons que beaucoup de jeunes immigrés de
l'Afrique Subsaharienne sont victimes de mesures discriminatoires à
l'emploi. C'est le cas d'un jeune originaire de RDC (République
Démocratique du Congo), qui s'est vu refuser un emploi de chargé
de clientèle dans une agence d'intérim à Evry. La personne
qui l'avait reçu le jour de l'entretien lui a fait savoir qu'il vaudrait
mieux pour lui, qui venait d'être reconnu réfugié, de
postuler comme vigile dans un supermarché, comme le font certains, que
de postuler comme chargé de clientèle. Ce jeune est titulaire
d'une Maîtrise en Sciences économiques (BAC + 4).
Deux autres jeunes filles du quartier des Aunettes,
malgré leur DESS en droits des Affaires n'ont pu obtenir de stages dans
les Cabinets d'avocats d'Evry.
L'une d'entre elle, pour joindre les deux bouts a
été containte d'accepter un poste de conditionneuse dans une
entreprise de Corbeil-Essonnes tandis que l'autre est auxiliaire de vie.
Parlant de difficultés pour obtenir un stage,
personnellement j'ai envoyé environ une centaine lettres de candidature
pour obtenir un stage. De ces cent lettres, une seule réponse a
été positive. C'est celle du service Intégration et Lutte
contre les discriminations de la Mairie d'Evry. A travers ces cas précis
de discriminations directes à Evry, ce sont des souffrances, des
injustices de ces jeunes diplômés que la société
rejette en raison de leur origine. La République devrait assurer
l'Egalité des chances à tous les citoyens même aux
minorités silencieuses, mais visibles qui n'attendent qu'à
être reconnues à leur juste valeur.
D'une manière générale en France, les
discriminations à l'emploi se poursuivent. Cerise sur le gâteau,
certains jeunes français d'origine étrangère, pourtant
diplômés des Universités françaises ne sont pas
embauchés, en tenant compte de leurs diplômes. De ce fait, ils
subissent une autre forme de discriminations dans la rétribution qu'ils
perçoivent lorsqu'ils travaillent. C'est le cas de Oumar Sylla, jeune
franco-sénégalais diplômé de Sciences Po Rennes et
engagé comme chargé de mission auprès de Mme Jeanne Larue
Vice Présidente du Conseil régional de Bretagne.
Dans un article paru dans le Canard Enchaîné du
25 mai 2005, et intitulé « Dumping Social de Gauche à
la mode de Bretagne » un témoignage qui se passe de
commentaire de ce jeune franco-sénégalais nous est
rapporté :.
Pas besoin d'expédier les salariés en
Roumanie ou en Arménie pour les sous-payer ! Depuis son embauche au
conseil régional de Bretagne en juin 2004, Oumar Sylla, jeune
chargé de mission franco-sénégalais, est royalement
payé 523 euros net par mois. Et ce au titre de collaborateur politique
direct de la vice-présidente à l'administration
générale, radicale de gauche Jeanne Larue. Après Josselin
de Rohan, battu aux régionales en 2004, les nouveaux ducs de Bretagne,
pourtant officiellement à gauche, sont grands seigneurs ! Pour un
demi smic net, Oumar est en principe chargé de mission à
mi-temps. Mais il dépassait largement ses horaires, d'après
plusieurs témoignages. Jusqu'en janvier, où sa patronne l'a
soudain pris en grippe pour de sombres histoires de transmission de consignes
de vote avec l'autre élu radical. Du jour au lendemain, Oumar se voit
demander les clés de son bureau, puis sommé d' »exercer
son activité à son domicile » par une autre lettre
comminatoire du directeur général des services du conseil
régional, qui lui signifie avec six mois d'avance le non renouvellement
de son contrat en juin.
Comme si cela ne suffisait pas, il se voit accusé
au passage d'avoir envoyé un e-mail à son frère au
Sénégal afin de « marabouter » sa
patronne ! Il dément avec énergie et soupçonne
aujourd'hui que l'e-mail a en fait été envoyé à son
insu de son propre ordinateur resté allumé lors d'une pause
déjeuner.
Le vrai tort d'Oumar Sylla ? Avoir accepté
sans broncher son sort de travailleur pauvre, alors qu'il est bardé de
diplômes : sortir officier de Saint Cyr, il est titulaire d'une
maîtrise de communication et d'un DESS de management de la presse de
Sciences-Po Rennes... « Il se trouve que je rédigeais en fait
les discours de Mme Larue, notamment sur la précarité, mais, avec
mes 523 euros par mois, j'ai moi-même été forcé de
recourir à l'aide de la Croix Rouge pour manger... , explique-t-il
au « Canard », Histoire que ces discours sonnent plus
vrai ?
Interrogée à son tour, Jeanne Larue,
vice-présidente de l'administration générale (ironie du
sort !), affirme tomber des nues : « M. Sylla a
été réaffecté à d'autres fonctions au sein
du groupe socialiste, et ce n'est pas ma faute si son contrat a
déjà expiré (sic). Il n'a jamais rédigé de
discours pour mois et je n'ai absolument rien à lui
reprocher. » Pourquoi tant d'acharnement à s'en
débarrasser, alors ?
Dans une lettre salée du 22 février au
président PS du conseil régional, Jean-Yves Le Drian, le syndicat
SUD ne l'entend pas de cette oreille et dénonce le
« traitement illégal, injuste et irrespectueux »
d'Oumar, s'indignant qu'un collaborateur de groupe puisse être
payé au dernier échelon de la catégorie C correspondant au
niveau d'un balayeur. « Selon nos informations, les autres
collaborateurs de ce groupe qui sont chargés de mission sont, quant
à eux, logiquement rémunérés en
référence à la catégorie A, ce qui ne peut
qu'alimenter une lecture de ce dossier sous l'angle de la
discrimination ». La CGT est également intervenue en sa
faveur.
Dircab' de Le Drian, Dominique le Tallec reconnaît,
un rien gêné aux entournures : « Ce bas salaire
n'est pas illégal à proprement parler, mais il n'est pas
glorieux, c'est vrai. C'était une solution de
dépannage... »
Un « dépannage » d'un an tout
de même.
DISCRIMINATIONS DANS L'ACCES AUX
LOGEMENTS
Ils sont nombreux à Evry, ces travailleurs
immigrés en recherche de logement digne de ce nom. Beaucoup parmi eux
ont fait toutes les démarches nécessaires et certains n'y croient
même plus.
C'est le cas de ce couple dont M. est agent
pénitentiaire et son épouse employée de caisse à
Carrefour, qui ne trouvent pas de logement, malgré tout le dossier
fourni à l'Office des HLM et auprès des agences
privées.
Cette discrimination touche également des
étudiants qui viennent d'Afrique Subsaharienne et qui ne peuvent se
loger correctement en raison, non pas du manque de logement, mais surtout en
raison de leur origine.
A cet effet, trois étudiants, originaires du Burkina
Faso, n'ont pu obtenir un logement en cité universitaire et
auprès des particuliers qui leur exigeaient des garanties certes, mais
une fois les garanties trouvées, ces propriétaires ont
argué que leurs studios venaient d'être loués à
d'autres étudiants.
Il faut noter que les discriminations prennent
également des formes détournées. Elles sont à ce
moment là, indirectes.
DOUBLE DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES
FEMMES D'AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Etre femme issue d'Afrique Subsaharienne et accéder
à un emploi en France n'est pas facile. Ces femmes souffrent de la
double discrimination. Beaucoup d'entre-elles par dépit ont choisi des
métiers comme : auxiliaire de vie, technicienne de surface (femme
de ménage), conditionneuse, baby-sitter, alors que dans leur pays
d'origine, elles ont occupé des postes valorisants après des
parcours d'études de haut niveau.
Sur Evry, j'ai eu un contact avec une femme cadre de banque,
dans son pays d'origine, qui est technicienne de surface dans un
hôtel.
Une ancienne avocate, victime de la discrimination au logement
explique son calvaire. « ... je voulais un appartement dans le parc
privé. Je me suis adressé aux agences privées. J'ai
contacté 3 agences. Et quand j'arrivais, une question récurrente
m'était posée : « Pourquoi n'avez-vous
pas constitué un dossier pour avoir un habitat à loyer
modéré (HLM) auprès de l'OPAC ? J'avais l'impression
en tant qu'(Africaine, je ne devrais habiter qu'en HLM. Or je n'étais
pas en difficulté. Quand les visites ont commencé :
1ère commission d'appartement, 2ème
commission, on m'explique que les propriétaires ont retiré leurs
biens. Curieusement une semaine après, il y avait toujours la pancarte
« A louer » affichée sur la maison et à
l'agence... »
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