1.2. Revue de la littérature
La littérature à notre portée nous a
permis de cerner l'étendue du problème et la manière dont
il a été abordé dans différentes études
réalisées par d'autres chercheurs à travers les pays. Ce
sont ces résultats qui sont présentés dans cette partie du
travail.
Dans une étude réalisée par le CRDI dans
les pays de l'Afrique de l'Ouest sur les politiques publiques et la protection
contre l'exclusion, il ressort que les systèmes de santé des pays
en développement et plus particulièrement en Afrique de l'ouest
ont connu des transformations majeures durant ces dernières
décennies. Alors que certaines politiques ont permis d'améliorer
l'accessibilité et parfois l'efficacité des services de
santé, la question de l'équité d'accès aux soins de
santé n'est toujours pas résolue. Elle s'est même
aggravée dans de nombreux cas, contribuant ainsi grandement à
l'augmentation de la pauvreté. Les inégalités de
santé et d'accès aux soins demeurent considérables dans la
région. Certains sont exclus des soins de manière permanente.
D'autres plus nombreux sont exclus de façon temporaire,
leurs capacités de payer, de se déplacer ou encore de se
libérer pour aller se soigner ou soigner une personne à charge,
variant au gré de saisons et du rythme d'activités. On observe
que le fardeau de la santé tend à s'accroître avec la
pauvreté et que la maladie est une des sources d'appauvrissement des
ménages démunis. Aussi, ces derniers sont plus fréquemment
exposés à des soins ou des traitements de mauvaise qualité
et à des pratiques non éthiques, notamment de surfacturation.
(5)
Dans leur manuel sur le financement des soins de santé
en Afrique subsaharienne par la tarification des services et l'assurance, Paul
SHAW et Charles GRIFFIN montrent que la tarification des soins dispensés
dans les établissements de santé publics sont un facteur
d'équité parce que la demande de soins de santé augmente
d'une façon disproportionnée avec le revenu. Les gens de
condition aisée sont plus en mesure et acceptent plus volontiers de
payer pour des services coûteux, si bien que faire payer les gens
relativement riches pour des services qu'ils demandent et qu'ils peuvent
s'offrir, particulièrement dans les hôpitaux et en utiliser le
produit pour subventionner ceux qui sont le moins à même de payer
pour se faire soigner est un moyen d'améliorer les prestations de
services de santé aux pauvres.
Selon leur observation, une enquête sur l'utilisation
des services de santé dans l'Etat d'Ogun, au Nigeria, a
révélé qu'environ la moitié des ménages
situés dans le quintile supérieur de revenu
bénéficiait des services gratuits ou fortement
subventionnés dans les cliniques ou hôpitaux publics. Ce quintile
supérieur était aussi cinq fois plus porté à se
faire soigner dans les hôpitaux privés que les gens de quintile le
plus pauvre, montant ainsi une grande disposition à payer pour se faire
soigner.
Une enquête sur les ménages
réalisée en 1993 en Tanzanie prouve de manière frappante
qu'une part disproportionnée des subventions de l'Etat à la
santé va aux ménages relativement riches. Les riches sont les
plus gros utilisateurs des services de consultation et d'hospitalisation des
hôpitaux, dispensaires et centres de santé privés et
payants, avec un nombre de visites qui représente près de la
moitié du total. Les riches sont aussi plus nombreux que les pauvres
à se faire soigner dans les établissements payants dirigés
par des missions, entrant pour 35% des malades hospitalisés et 25
à 29% des malades non hospitalisés dans les hôpitaux,
centres de santé et dispensaires de ces missions.
Ce qui est plus surprenant, c'est la prédominance des
riches parmi les malades hospitalisés dans les hôpitaux d'Etat
où ils représentent de 35 à 37% de l'ensemble des
patients. Ces hôpitaux fournissent une part substantielle de l'ensemble
des soins avec hospitalisation dans le pays. Si les subventions publiques de
santé allaient à ceux qui en ont besoin, un plus grand nombre de
tanzaniens des quintiles inférieurs pourraient se faire soigner
gratuitement dans les établissements publics.
Les ménages relativement aisés ont aussi
tendance à bénéficier davantage que les autres des
services coûteux et subventionnés dispensés dans les
hôpitaux tertiaires. Ceci provient du fait que les ménages
relativement aisés se rencontrent surtout en milieu urbain, près
des hôpitaux centraux et des hôpitaux universitaires. Ici encore,
la Tanzanie nous en fournit la preuve. 47% des hospitalisations en Tanzanie
concernent des personnes qui vivent en milieu urbain et 62% d'entre elles
appartiennent aux deux quintiles supérieurs des revenus. (35)
Dans son ouvrage les fondements de l'économie de la
santé, Charles E. PHELPS note quant à lui que, comme pour tout
autre bien économique, la demande des soins médicaux,
dépend des revenus. Des revenus plus important créent une demande
des soins plus importante. Il fait remarque cependant que ce genre de
déclaration doit être accompagnée d'une mise en
garde : toute chose restant égale par ailleurs.
Pour ce qui est du prix de l'argent, le raisonnement
économique affirme que les personnes vivant dans les limites des
contraintes budgétaires achètent moins un certain type de biens
au fur et à mesure que leur prix augmente. En sens inverse, elles
achètent davantage quand leur prix baisse. Si des études
expérimentales sont nécessaires pour montrer l'importance du prix
dans l'influence exercée sur les consommateurs de soins médicaux,
la logique nous enseigne que sa possibilité existe. D'autres choses
étant égales, la demande des individus devrait diminuer quand le
prix des soins médicaux augmente.
Concernant le temps, suivant l'adage « le temps
c'est de l'argent, nous pouvons nous attendre à ce que les personnes
obligées de consacrer beaucoup de temps aux soins médicaux en
useront moins, toute chose restant égale par ailleurs.
Il signale en plus que la demande des soins devrait varier
directement avec la gravité de la maladie, aussi longtemps que ces soins
seront aptes à guérir le patient. (6)
Au Rwanda, une étude de 2004 sur le rôle de
l'assurance dans l'amélioration de l'accessibilité aux soins
révèle que les mutuelles de santé ont montré un
très grand potentiel à améliorer l'accessibilité
financière de la population aux soins de santé. En effet, dans
les zones de rayonnement des CS où les MS sont déjà
fonctionnelles, l'on a constaté une très grande augmentation de
la fréquentation de la population membres de la mutuelle par rapport aux
non - membres. Alors que la moyenne nationale du taux d'utilisation des
services curatifs est tombée à 0,3 consultation par an ; les
taux annualisés des consultations dans la plupart des MS atteignent 1
à 1,3 consultations par an. Ainsi donc, chaque membre mutualiste,
grâce aux MS est à même de fréquenter son CS de
premier contact.
Dès lors que la barrière financière
à l'accessibilité aux soins de santé est enlevée
par les MS, en cas de maladie, les membres sont susceptibles d'utiliser 4 fois
plus que les non membres les services de santé modernes.
Outre que les MS contribuent à l'accessibilité
financière aux soins de santé, elles renforcent aussi
l'amélioration de la qualité des soins dans les FOSA à
travers une mobilisation des ressources financières additionnelles et la
constitution d'une coalition des consommateurs des soins de santé au
niveau local qui questionnent en permanence la qualité des soins de
santé. (24)
Au Burkina Faso, une étude de ZOUBGA Alain portant sur
les services des soins et qualité montre que, sur le plan financier, le
coût de prestation des soins et des médicaments, même
génériques est généralement élevé par
rapport au pouvoir d'achat de la majorité de la population surtout
après la dévaluation du Franc CFA, cette situation
s'explique en partie par les prescriptions irrationnelles et le non
fonctionnement du système de prise en charge des indigents. Il s'y
ajoute l'absence de mécanismes de prise en charge des coûts des
soins. (38)
Pour le Projet sphère version 2004, selon la norme1
relative aux systèmes de santé et aux infrastructures de
santé ; classement des services de santé selon leurs
priorités : « Toutes les personnes ont droit à
l'accès à des services de santé qui sont classés
selon leurs priorités afin d'aborder les principales causes de
mortalité et de morbidité excessives.
L'accès aux services de santé se basera sur le
principe d'équité à savoir assurer un accès
égal selon les besoins, sans discrimination pouvant entraîner
l'exclusion des groupes spécifiques. Dans la pratique, l'emplacement et
la dotation en personnel des services de santé devraient être
organisés de manière à assurer un accès et une
couverture optimaux.
Les besoins particuliers des groupes vulnérables qui ne
peuvent peut- être pas y accéder facilement seront abordés
lors de la conception des services de santé. Lorsque les honoraires sont
demandés aux utilisateurs, il faudra prendre des dispositions pour
veiller à ce que les personnes n'ayant pas les moyens de verser ces
honoraires aient tout de même accès aux services. (31)
Selon un rapport du groupe d'étude de l'OMS de 1993 sur
l'évaluation des récentes reformes opérées dans le
financement des services de santé, la méthode de financement peut
avoir une incidence sur l'augmentation du coût des soins de santé,
la localisation et le type de services fournis ainsi que sur le nombre et le
type du personnel employé. Il existe à l'évidence un
besoin de comprendre de quelle manière les objectifs qu'un pays s'est
fixé en matière de politique sanitaire peuvent se trouver
modifiés suite aux réformes opérées à
l'échelon du financement.
Les changements opérés dans le mode de
financement peuvent avoir des effets d'une portée considérable.
Une restructuration du mode de financement, des soins ou de
rémunération des dispensateurs, vu qu'elle modifie le nombre des
incitations, peut changer le type et la qualité des relations entre les
dispensateurs, de même qu'entre les dispensateurs et les consommateurs
des soins. Elle peut restreindre la possibilité sur le plan financier
d'avoir accès aux soins et altérer de ce fait l'état de
santé de divers groupes des populations. (30)
Ce rapport présente une enquête sur la
santé nationale des Philippines dans laquelle on observe que tandis que
la fréquentation des installations publiques des soins de santé
primaires diminue avec le revenu, les établissements hospitaliers
publics sont utilisés de manière égale par les groupes
disposant des revenus les plus bas et ceux disposant les revenus les plus
élevés. Cela signifie que les premiers bénéficient
d'autant de subvention que les derniers, ce qui n'était pas forcement
recherché à l'origine. (28)
Ce rapport note en plus que, l'on a vu dans la facturation des
soins aux usagers un moyen d'améliorer la répartition des
prestations et des charges parmi la population, mais les preuves empiriques
démontrant des effets sur l'équité sont mitigés.
Les analyses les plus sophistiquées concernant la demande qui existent
à ce jour et qui tiennent compte à la fois des coûts
monétaires et du temps passé à obtenir des soins de
santé émanant de personnes plus pauvres recule à mesure
que les frais augmentent. En d'autres termes, à des niveaux
supérieurs de revenu, l'élasticité par rapport au prix des
soins de santé n'existe pratiquement pas, alors qu'à des niveaux
inférieurs de revenu elle augmente. (30)
Au Burundi, Selon l'enquête menée par MSF
Belgique de novembre 2003 à janvier 2004 sur les soins des personnes
vulnérables, plus de 17% de la population ne se rend pas à une
simple consultation, principalement pour des raisons financières (82% de
ces malades ne consultent pas par manque d'argent). A cela, il faut ajouter que
parmi les patients qui ont trouvé le moyen financier de payer la
consultation, certains (quelque 4.8%) n'ont pas l'argent nécessaire pour
financer un traitement ou seulement partiellement. Or sans argent, pas de
médicaments.
Pour payer la consultation et se soigner, la majeure partie
des Burundais est contrainte de recourir à des moyens extrêmes,
tel l'endettement ou la vente d'un bien, les poussant dans une pauvreté
encore plus grande. Le recours à l'endettement auprès d'un
centre de santé est une pratique courante dans le pays. Les titulaires
de ces structures signalent d'ailleurs une forte augmentation des patients
s'endettant au niveau de leur centre. Les patients ont recours à
l'endettement aussi bien à l'hospitalisation que pour une simple
consultation ambulatoire, pour lesquelles les sommes varient fortement. (25)
Une étude sur l'utilisation et demande des services de
santé au Sénégal montre que parmi les 6.331 individus de
la zone rurale ayant déclaré être tombé malade
durant le mois précédent le passage de l'enquêteur, 50%
n'ont pas cherché de soins dans le secteur moderne; 6% ont
cherché des soins auprès d'un prestataire privé moderne;
8% ont cherché des soins auprès d'un hôpital ou d'un centre
de santé public; et 36% ont cherché des soins auprès d'un
poste de santé ou d'un dispensaire public. En d'autres termes, dans les
zones rurales, le choix du prestataire est réduit essentiellement au
choix entre entrer dans le secteur moderne et ne pas entrer dans le secteur
moderne.
Par ailleurs, parmi les 8.191 individus de la zone urbaine
ayant déclaré être tombés malades, 33% n'ont pas
cherché de soins dans le secteur moderne; 17% ont cherché des
soins auprès d'un prestataire privé moderne; 25% ont
cherché des soins auprès d'un hôpital ou d'un centre de
santé public; et 25% ont cherché des soins auprès d'un
poste de santé ou d'un dispensaire public. En d'autres termes, du point
de vue du nombre d'individus qui utilisent les services de santé
modernes, les trois principaux types de prestataires modernes définis
dans cette étude se partagent le marché moderne des soins de
santé de façon assez équilibrée en zone urbaine.
Les résultats des analyses économétriques
ont révélé que le secteur privé moderne et les
établissements de soins tertiaires du système de santé
publique servent essentiellement les couches aisées des zones urbaines
du pays. Par ailleurs, les établissements du niveau inférieur du
système de santé publique, les postes de santé et les
dispensaires de quartier, servent principalement les couches les moins nanties
des zones urbaines et la majorité des ménages ruraux.
Le temps d'accès aux établissements de soins
apparaît comme un facteur effectif de rationnement des services de
santé, notamment en milieu rural; en zone urbaine, le temps ne semble
pas déterrer les malades à rechercher des soins dans le secteur
moderne étant données l'accessibilité physique
relativement élevée des établissements et la
densité des réseaux de transports en communs. Dans les zones
rurales, cependant, les effets du temps d'accès sur la demande des soins
sont plus importants que les effets des prix: les populations des villages
éloignés des établissements de soins font face à
des coûts d'accès relativement élevés
comparés aux autres groupes sociaux. Sans nul doute, le rationnement
quantitatif des soins par le temps et les distances pose toujours un des
premiers problèmes de l'équité du système de
santé.
Bien que le revenu du ménage joue un faible rôle
dans l'entrée dans le secteur sanitaire moderne en zone urbaine, le
revenu du ménage est un des déterminants les plus significatifs
de l'entrée dans le secteur moderne en zone rurale: une augmentation du
revenu du ménage de 100% augmente la probabilité d'entrée
dans le secteur moderne de 26 % dans les zones rurales. Par contre, le revenu
du ménage affecte surtout le choix du prestataire dans les zones
urbaines: une augmentation de 100 % du revenu résulte en une
augmentation de 39 % de la probabilité qu'un prestataire privé
soit choisi, une augmentation de 19 % de la probabilité qu'un centre de
santé ou un hôpital public soit choisi, et une diminution de 30 %
de la probabilité qu'un poste de santé public soit choisi. En
d'autres termes, la sensibilité de la demande des services des
prestataires privés par rapport au revenu est deux fois plus
élevée que celle de la demande des services des hôpitaux et
centres de santé publics dans le contexte urbain. Par ailleurs,
l'élasticité négative de la demande des services des
postes de santé publics indique que ces services sont perçus par
les malades comme étant de pauvre qualité.
Les relations observées entre le revenu et la demande
des soins de santé en zone rurale, où l'essentiel des soins de
santé sont subventionnés suggèrent que les plus nantis des
zones rurales capturent une plus grande part des subventions publiques que les
plus pauvres. Cette situation est aussi prévalente en zones urbaines
où le niveau des subventions publiques est plus élevé:
elle est opérée dans le cadre urbain, cependant, par
l'accès différentiel des groupes socio-économiques aux
soins aux coûts élevés des établissements
tertiaires. (34)
Au Mali, le personnel soignant ayant soumis en réunion
de « concertation locale » le problème de sous
fréquentation des centres de santé par les malades, une analyse
des raisons de cet état a été conduite via une
série d'animations avec les populations de l'aire de santé
concernée. Ces séances ont fait ressortir différents
aspects :
ï Le problème de l'accessibilité
financière au centre de soins du fait des faibles revenus de la
population, particulièrement à certaines périodes de
l'année
ï L'inexistence de la notion d'épargne de
santé
ï L'absence de liquidité financière
ï Le fait de ne pas donner la priorité aux
dépenses de santé par rapport aux autres types de dépenses
(on ne dépense pas de l'argent pour se faire soigner quand on est
malade)
La plupart des malades se rendent ainsi au centre de
santé uniquement les jours de foire, car c'est le moment propice pour se
procurer de l'argent liquide en vendant quelques biens. Cela explique qu'il
n'est pas rare de voir les parents des patients se présenter d'abord au
centre pour faire estimer le coût des soins avant de se rendre au
marché pour vendre bétail, grains, poissons et autres produits
pouvant couvrir le montant de la dépense. Les personnes qui n'ont aucun
moyen, ou presque, soit se retournent vers les tradi - thérapeutes, soit
vers les vendeurs ambulants des médicaments, ou tout simplement restent
à la maison. (7)
Une étude menée en France par Denis RAYNAUD
montre qu'au delà de l'influence de l'âge, du sexe et de
l'état de santé, les caractéristiques socio-
économiques et le bénéfice d'une assurance maladie
complémentaire influent sur la consommation de soins.
Alors que la structure de la consommation des personnes issues
de milieux sociaux favorisés est plutôt tournée vers les
soins ambulatoires, celle des plus modestes a tendance à
privilégier les soins vers l'hôpital : c'est le cas des personnes
issues de ménages dont la personne de référence est
ouvrière ou n'a pas reçu d'éducation secondaire, ainsi que
des personnes issues de familles monoparentales.
En outre, les personnes bénéficiant d'une
assurance complémentaire engagent des dépenses ambulatoires
supérieures de 29% à celles des personnes qui en sont
dépourvues, les bénéficiaires de la CMU
complémentaire engageant quant à eux des dépenses de
médicaments et d'omnipraticiens supérieures à celles des
autres assurés complémentaires.
Enfin les déclarations portent sur le renoncement aux
soins pour des raisons financières, qui concernent essentiellement les
soins dentaires,optiques et de spécialistes,sont réduites de plus
de moitié quand les personnes sont couvertes par une assurance
complémentaire.(32)
Dans une étude menée au Canada auprès des
ménages à faible revenu, il ressort que plusieurs participants
ont déclaré recourir à une forme ou une autre des services
de santé ou à des services communautaires pour survivre. Les
services étaient aussi considérés comme un moyen
d'atténuer l'isolement et de faire face au stress. Les principaux
thèmes qui se dégagent de l'analyse des données
comprennent les facteurs qui influencent l'utilisation des services de
santé et les expériences personnelles, ainsi que des
recommandations pour améliorer les services et modifier les politiques.
Divers facteurs affectent le recours à une gamme
d'organismes et de services en raison de leur influence sur la capacité
ou le désir d'utiliser des services. La compétence, la
confidentialité et le besoin d'autosuffisance sont des facteurs
clés qui influencent l'utilisation des services. La capacité du
personnel de première ligne à écouter et comprendre les
personnes à faible revenu, à leur manifester de l'empathie et
à les traiter avec respect a influencé le taux d'utilisation.
L'accès aux services variait également selon la proximité,
la capacité de payer et la commodité, la connaissance de leur
existence, et leur iniquité fondée sur le statut de personne
à faible revenu, le racisme, l'apparence physique et l'environnement de
quartier.
Plusieurs réponses ont révélé les
expériences des personnes face aux services. Les réponses ont
également mis en lumière des besoins en services, certains
auxquels on a satisfait, et d'autres auxquels on n'a pas répondu. Les
participants ont parlé de stratégies informelles (comme
l'autodiagnostic/traitement) et structurées (comme la
religiosité) auxquelles ils ont eu recours pour faire face aux exigences
de la vie courante. Enfin, les participants ont indiqué que leur statut
de personne à faible revenu leur laissait peu de choix quant aux
services auxquels ils pouvaient avoir accès. (36)
D'après les résultats d'une enquête dans
les ménages réalisée à Nouna, dans une
région rurale du Burkina Faso, les déterminants du premier
recours à un système des soins de santé et de la
fidélité du patient au système choisi sont
différents. Pour les services de santé modernes, le revenu du
ménage, le niveau d'études, la résidence en zone urbaine
et la compétence attendue du prestataire des soins sont des facteurs
prédictifs positifs du premier recours à un système de
soins, mais non de la fidélité du patient, pour laquelle seule la
qualité perçue des soins était prédictif positif.
(26)
Au Cameroun, il a été constaté que 80% de
la population revêt un profil de consommation de pauvre. Cela
entraîne une faible capacité de recours aux soins et donc des
dépenses de santé effectifs très faibles. La
décision de se faire consulter dès l'apparition de la maladie est
largement tributaire des moyens financiers disponibles. Le manque d'argent a
constitué pour l'automédication moderne et l'abstention la raison
fondamentale de la décision thérapeutique. (4)
En RD Congo, une évaluation des services de
santé réalisée en 1998 sur les mutuelles de santé a
montré une faible accessibilité de la population aux soins de
base , soit 26% et qu'à peine 37% de la population avait accès
aux médicaments essentiels génériques. (37)
Une autre étude menée par la DEP/MS en 2004
révèle que 10% des ménages interviewés n'ont eu
recours à aucun traitement pour se faire soigner y compris avec des
plantes médicinales par manque d'argent dans 79% de cas. Bien que les
coûts des soins aient déjà été
subventionnés à travers le pays, ils sont toujours inaccessibles.
Le problème d'argent (manque d'argent (78,81%) et du coût excessif
(11,02%)) constitue à 90% le motif principal de renoncement aux soins de
santé dans un établissement moderne des soins.
Les personnes qui ont renoncé aux soins auraient bien
voulu avoir l'opportunité de faire des choix et d'être satisfaits
de vivre, mais leur état de pauvreté monétaire les a
privé de cet avantage, les conduisant à un plus grand risque -
maladie. La même étude montre que malgré que les
interviewés se sont plaint du coût élevé des soins,
87% d'entre eux ont pu payer la totalité du coût exigé. Il
y a donc lieu de nuancer les réponses des ménages sur
l'appréciation du coût des soins en prétendant, dans 67%
des ménages avec cas de maladie, que le coût des soins est
élevé. (23)
Une étude menée à
Kinshasa en RDC analyse les déterminants de choix des populations pour
les centres de santé par une enquête de comportement des
ménages sur un échantillon représentatif de 1000
ménages, dans les zones de santé de Kinshasa en 1997. Pour le
dernier épisode de maladie, les répondants ont recouru à 7
types des soins: le centre de santé (37%), le dispensaire privé
(26,5%), l'automédication pharmaceutique (23,9%), le tradipraticien
(21%), l'automédication traditionnelle (16,9%), la polyclinique
conventionnée (16,7%) et un hôpital de référence
(10,4%).
La régression logistique a montré que l'on
recourt d'autant plus au centre de santé qu'à une autre structure
de soins (p < 0,05) lorsqu'on recherche la
qualité des soins, l'application de bons tarifs et l'offre de services
polyvalents. Par contre, le souci de proximité
géographique par rapport au lieu de résidence du
ménage appelle à utiliser le dispensaire privé. Lorsqu'on
recherche la présence d'un médecin ou l'existence d'une
convention on choisit plutôt la polyclinique privée
conventionnée. Ceux qui ont cherché une solution à un type
particulier de maladie ont plutôt choisi le tradipraticien.
En conclusion, les résultats de cette étude
montrent que si les populations choisissent les soins offerts par le centre de
santé, c'est parce qu'elles les jugent de bonne qualité. Des
soins intégrés et offerts par le même technicien, de
formation requise, sont un atout majeur à l'acceptabilité du
premier échelon des soins de santé primaires à Kinshasa.
Cette étude suggère qu'il serait sans doute
bénéfique d'intégrer les structures de soins
privées non officielles dans le système des soins de santé
primaires, pour autant qu'elles puissent atteindre un niveau de qualité
comparable à celui des centres de santé.
Pour que le tradipraticien puisse jouer un rôle
complémentaire important dans la réalisation des soins de
santé primaires, même en milieu urbain, il est
suggéré d'étudier la possibilité de
privilégier des lieux de communication. En outre, étant
donné le faible pouvoir d'achat des habitants de la ville et l'existence
préalable des tontines de solidarité, des conventions apportant
un allégement du coût des soins de santé dans le chef des
communautés locales devraient pouvoir être intégrées
dans l'organisation du système de santé urbain. (14)
L'étude effectuée dans les hôpitaux du
réseau BDOM- Kinshasa en 2004 sur les coûts annexes des soins
d'hospitalisation des malades relève que l'accès des malades aux
soins de santé est en relation inverse avec la taille des formations
sanitaires qu'ils fréquentent : les malades commencent par
fréquenter les formations médicales les plus proches et les plus
petites, avant d'être transférés dans celles qui sont les
plus éloignées pour un meilleur suivi. Par ailleurs, plus la
formation est petite, plus les malades des catégories pauvres sont
à même d'y supporter les coûts des soins. Mais il s'agit
vraisemblablement des soins d'une moindre qualité, avec un personnel
médical moins qualifié et donc moins onéreux. (11)
Localement, dans la province, une enquête socio -
économique et d'accessibilité aux soins venait d'être
organisée par Malteser en septembre 2004. Il ressort de cette
étude que les conditions socio - économiques précaires
dans lesquelles vivent les populations des 7 zones de santé
étudiées ne permettent pas à la population
d'accéder facilement aux soins de santé de base. (13)
De ce qui précède, nous pouvons retenir que dans
les Pays en voie de développement en général et en
particulier la RDC, l'utilisation des services de santé de base pose
d'énormes difficultés et nécessite de faire l'objet d'une
préoccupation majeure du gouvernement. La littérature en notre
possession prouve que malgré les moyens consentis à cet effet,
une grande partie des populations reste exclue aux soins de santé.
Cependant, les informations ne sont pas parfois disponibles, fiables et
adaptées pour guider la planification et la prise des décisions.
Aussi, cette littérature ne nous permet pas de cerner comment la
population se comporte pour résoudre ses problèmes de
santé en situation de crise et quels sont les facteurs
déterminants pour lui faciliter l'accès aux soins. Ce qui
constitue malheureusement un frein au développement durable dans les
Pays en Développement.
|