1.3. Le problème
Au lendemain de leur
indépendance, les pays africains, y compris la RDC déclaraient la
santé comme un droit et instauraient le système favorisant
l'accès aux soins de santé pour tous. Cependant, les
systèmes de santé hérités de la période
coloniale, basés sur des infrastructures hospitalières lourdes,
n'étaient pas adaptés à la répartition
démographique et aux besoins de santé de base de ces pays.
Les années 80 virent donc une réorganisation
profonde des systèmes de santé en Afrique, avec une forte
décentralisation et une stratégie axée sur la
prévention et les soins de santé primaires. C'est à Alma
Ata en 1978 que les pays membres de l'Organisation Mondiale de la Santé
donnèrent officiellement le point de départ de cette nouvelle
stratégie. Elle se heurta pourtant rapidement à la question de
son financement.
Les pays africains surendettés ne pouvant plus financer
leurs services de santé, l'idée du financement des services de
soins par le recouvrement des coûts des prestations auprès des
malades fit son apparition au début des années 80 et fut
officiellement lancée par l'OMS à Bamako en septembre 1987 sous
le nom d'Initiative de Bamako (IB). Son postulat de base était que le
malade serait prêt à payer une somme raisonnable pour sa
santé, à condition qu'il puisse trouver un service et un
personnel de qualité, adapté à sa demande.
Cependant, la profondeur de la crise économique que
connaît la RDC a hypothéqué largement les chances de
succès d'une telle initiative. La baisse du budget de l'Etat
alloué à la santé, s'est accompagnée d'une baisse
du revenu moyen des ménages et d'une hausse des disparités au
sein des populations.
Concernant la capacité de la population à
recourir aux soins, cette crise économique, accentuée par les
deux guerres successives qu'a connu le pays a considérablement
modifié la demande de soins de santé de la population. D'une
part, l'appauvrissement des populations a entraîné une baisse de
la capacité financière de recours des ménages aux soins de
santé et, d'autre part, la baisse du budget de l'Etat consacré
à la santé a entraîné une substitution en
matière de financement de ce secteur au détriment de la demande
publique en affectant profondément les plus pauvres. Ces
éléments ont eut de fortes conséquences non seulement sur
le niveau des dépenses de santé mais aussi et surtout sur les
formes d'accès aux soins.
La mission qui revient au gouvernement est de promouvoir
l'état de santé de toute la population, conformément au
principe de la « Santé pour Tous et par Tous
» en fournissant des soins de santé de qualité,
globaux, intégrés et continus avec la participation de l'Etat, de
la communauté, des intervenants intérieurs et extérieurs.
L'objectif principal du gouvernement assigné aux
services de santé est de fournir à la population des soins de
santé qui s'expriment en terme de qualité,
d'accessibilité et d'équité.
L'atteinte de cet objectif exige pour ce faire, la
connaissance des déterminants de recours aux soins, de la demande
exprimée par la population en terme de nature de services de
santé attendus, de la capacité contributive des populations,
combinée d'une connaissance fine de l'organisation du système de
santé par type d'offre permettant de déterminer les
stratégies alternatives en terme d'organisation et de financement du
système d'offre de santé viable.
La viabilité des services de santé a souvent
été négligée. La capacité du centre de
santé à couvrir ses coûts suppose une fréquentation
suffisante du centre, et des acteurs qui contrôlent les recettes et
limitent les dépenses superflues.
Certes la santé n'a pas de prix, mais les services de
santé, eux, ont un coût, et l'on ne peut dépenser plus que
ce que l'on possède. Quoique pauvres pour la majorité d'entre
elles, les populations dépensent de l'argent pour se faire soigner. La
question n'est donc pas de savoir s'il faut ou non faire payer les services de
santé étant donné que la population paye
déjà beaucoup. Il s'agit plutôt de se demander:
S'il est possible dans les conditions actuelles de la RDC de
fournir des services de santé de qualité à un prix
accessible pour la majorité de la population
Si les ressources disponibles privées et publiques sont
suffisantes pour assurer le financement à long terme de ces services
Pour pouvoir répondre à ces questions, il est
nécessaire d'évaluer les facteurs qui poussent la population
à utiliser les services de santé modernes ainsi que les
différentes barrières rencontrées qui empêchent
à cette population d'utiliser ces services qui du reste demeurent moins
utilisés dans notre pays.
Les décideurs sanitaires devraient donc chercher
à soutenir l'émergence de services de santé qui offrent de
façon continue les prestations accessibles, de qualité et
à un coût réduit pour l'utilisateur et qui soient
pérennes sur le plan des soins, de leur gestion, et de leur
financement.
Pour y arriver, ils doivent disposer des données
nécessaires leur permettant de prendre des mesures adéquates.
Cependant, bien qu'il y ait eu plusieurs investigations
sanitaires dans le pays, les déterminants de l'utilisation des services
de santé restent très mal connue en RDC et plus
particulièrement dans la province du Sud Kivu. Ainsi, dans le contexte
de réformes du système de santé envisagées au
pays, l'étude des déterminants de l'utilisation des services de
santé par les ménages pourrait devenir un instrument pour
informer la formulation des politiques et stratégies de financement des
soins de santé et la mise en place de politiques permettant de
promouvoir un système de santé plus efficient et plus
équitable. La présente étude s'inscrit dans cette
perspective.
Elle va donc tenter de répondre à la question
suivante: Quels sont les facteurs qui déterminent l'utilisation des
services et le choix du prestataire des soins de santé ?
Les résultats de cette étude devraient
contribuer à l'élaboration de la politique sectorielle de
santé dans le cadre de la stratégie nationale de réduction
de la pauvreté et de l'atteinte des objectifs du millénaire pour
le développement en fournissant aux décideurs les outils
d'analyses qui leur sont nécessaires. D'où l'intérêt
que nous y avons porté.
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