4.2. Estimation du modèle de demande des soins de
santé
Dans ce point, nous
présentons les principaux résultats de l'analyse
économétrique qui ont consisté à estimer un
modèle de demande de soins de santé dans la ZS de KADUTU au
regard de plusieurs variables retenues.
4.2.1. Formalisation théorique du
modèle
L'analyse sur la demande des soins
de santé a considéré comme variable réponse, la
variable Y dont les valeurs correspondent à deux
éventualités : se faire soigner dans une structure sanitaire
ou non. Nous présentons dans ce qui suit la régression logistique
dichotomique qui permet de modéliser cette variable Y de nature nominale
en fonction de plusieurs variables indépendantes (à la fois
dichotomiques et polytomique).
A cette fin, les modalités
ou catégories de la variable Y nominale sont étiquetées
à l'aide de valeurs numériques : 1 lorsque l'individu malade est
allé se faire soigner et 0 dans le cas contraire.
Plusieurs variables
indépendantes sont mises en relation pour expliquer le fait d'aller ou
non se faire soigner dans une structure sanitaire. Ci-après les
variables explicatives retenues dans notre modèle.
(a) Le coût des
soins
Le coût à payer pour
accéder aux soins de santé est un facteur qui peut guider le
choix de consulter ou non un personnel soignant en cas de maladie. En effet,
lorsque le coût de soins est élevé et que le patient ne
dispose pas de moyens nécessaires, il peut recourir à d'autres
alternatives qu'il trouve à la portée de sa bourse pour se faire
soigner, ou pour ne pas se faire soigner du tout. Raison pour laquelle nous
avons retenu cette variable pour expliquer le niveau d'utilisation des services
de santé dans la ZS de Kadutu.
(b) Le revenu du
ménage
Le revenu du ménage est un
des déterminants importants de la demande des soins dans un
système de santé dans la mesure où il peut accroître
la probabilité d'utiliser un service de santé moderne. La
santé n'a pas de prix, dit-on. Lorsqu'on dispose d'un revenu assez
important, l'on ne peut se priver d'un service de qualité pour
protéger sa vie.
(c) La gravité de la
maladie
La perception qu'a la personne ou
le ménage sur la maladie de son membre est un des facteurs qui poussent
les malades à utiliser les services de santé. On n'a tendance
à utiliser un service de santé que lorsqu'on trouve que la
maladie devient grave. Dans le cas contraire on attend ou on pratique d'autres
solutions alternatives.
(d) Le type de
maladie
Le type de maladie dont souffre le
patient est aussi un des facteurs pouvant expliquer l'utilisation d'un
établissement des soins par le malade. Certains types de maladies
peuvent être soigné dans une structure de santé moderne
alors que d'autres non. Pour la population, certaines affections ne peuvent
être traitées que par la médecine traditionnelle, la
médecine moderne s'avérant impuissante dans ces cas.
(e) Appartenance à une
mutuelle de santé
Les mutuelles de santé
peuvent également expliquer le recours aux services de santé dans
la mesure où celles-ci prennent en charge les coûts des soins de
ses membres. Lorsqu'on est abonné à la mutuelle, on a tendance
à aller se faire soigner en cas de maladie chez un professionnel
soignant car étant animé d'une assurance que les soins sont pris
en charge.
(f) Appartenance de la
structure de santé
L'appartenance d'une structure
peut stimuler la préférence d'un malade à se faire soigner
dans une structure que l'autre et ainsi l'amener à utiliser un service
de santé. Nous avons pensé que cette variable pourrait
également jouer un rôle significatif sur l'utilisation des
services de santé.
(g) La structure par
âge et par sexe du malade et du chef de ménage
L'impact de l'âge sur
l'utilisation des structures sanitaires est lié aux pathologies
associées. Selon qu'on est un nouveau né ou un adulte en
âge avancé, les pathologies sont différentes et peuvent
guider la nature des soins à demander. Quant au sexe, selon qu'on est
homme ou femme, certains facteurs biologiques et naturels peuvent
prédisposer à certains besoins de santé spécifique
et amener l'une ou l'autre catégorie d'utiliser le service de
santé que d'autres.
(h) Le niveau d'instruction
du chef de ménage
Il est aussi relevé que le
niveau d'instruction du chef de ménage peut apparaître comme
déterminant pour l'utilisation des service de santé dans la
mesure où lorsque on est instruit, on est censé disposer de plus
d'information sur l'importance de fréquenter un établissement des
soins ou de consulter un personnel soignant en cas de maladie que celui qui
n'est pas instruit ou qui l'est moins.
(i) La taille du
ménage
La taille du ménage a
été retenu parce qu'elle peut à son tour influer sur la
décision d'aller ou non se faire soigner. En effet, lorsque la taille du
ménage est grande et que le revenu n'est pas suffisant, en cas de
maladie on réfléchit pour faire un choix entre se faire soigner
où subvenir à d'autres besoins du ménage. Ce qui peut ne
pas être le cas lorsque la taille du ménage est petite.
4.2.2. Résultats des régressions
Les équations de demande
des soins de santé ont fait l'objet de plusieurs estimations sur les 286
personnes qui sont tombées malades et qui se sont fait soigner d'une
manière ou d'une autre. Le tableau ci-après fait apparaître
les résultats d'estimations obtenues du logiciel EVIEWS 3.0 concernant
la possibilité d'aller ou non se faire soigner dans un
établissement de soins de santé.
Tableau N°32 :
Résultat de la régression
Variable dépendante :
Y
|
Variables explicatives
|
Coefficients
|
Ecart-type
|
z-Statistic
|
Probabilité.
|
C
|
0.765491
|
0.984986
|
0.777159
|
0.4371
|
ETMAL
|
1.134382
|
0.376934
|
3.009500
|
0.0026
|
TM1
|
0.344538
|
0.388860
|
0.886019
|
0.3756
|
TM2
|
0.523912
|
0.573514
|
0.913512
|
0.3610
|
TM3
|
0.302460
|
0.705412
|
0.428771
|
0.6681
|
TM4
|
29.97984
|
7104932.
|
4.22E-06
|
1.0000
|
REVENU
|
0.004702
|
0.003920
|
1.199368
|
0.2304
|
ABOMUT
|
-0.080965
|
0.573563
|
-0.141162
|
0.8877
|
STRUCT
|
1.694417
|
0.430900
|
3.932272
|
0.0001
|
TAILLE
|
0.074748
|
0.063298
|
1.180888
|
0.2376
|
SEXMAL
|
-0.356228
|
0.339536
|
-1.049161
|
0.2941
|
SEXCM
|
-0.568163
|
0.596212
|
-0.952956
|
0.3406
|
ETCM
|
0.166891
|
0.625382
|
0.266862
|
0.7896
|
AGECM
|
-0.012799
|
0.015287
|
-0.837256
|
0.4024
|
AGEMAL
|
-0.001697
|
0.001101
|
-1.540941
|
0.1233
|
Où :
- ETMAL = état de la
maladie
- TMi = Type
de la maladie (i allant de 1 à 4 :
1.Malaria ; 2.Maladies respiratoires ; 3.Diarrhées ;
4.Accouchements dystociques)
- REVENU = Revenu du
ménage
- ABOMUT = Abonnement
mutuelle
- STRUCT = Appartenance de la
structure de santé
- TAILLE = Taille du
ménage
- SEXMAL = Sexe du malade
- SEXCM = Sexe du Chef de
ménage
- ETCM = Niveau d'instruction
du chef de ménage
- AGECM = Age du chef de
ménage
- AGEMAL = âge du
malade
Dans l'ensemble, les
résultats d'estimation permettent de comprendre que toutes les variables
n'interviennent pas nécessairement dans la décision d'aller ou
non se faire soigner dans un établissement sanitaire. A première
vue, les estimations soutiennent que seules les variables liées à
l'état de maladie et la structure institutionnelle de
l'établissement sanitaire ont un impact positif sur la décision
d'aller ou non se faire soigner. Aussi, ces résultats montrent que les
variables liées au chef du ménage ne sont pas toutes
significatives. L'on observe en effet que les paramètres associés
aux sexe, âge, niveau d'étude du chef de ménage ainsi
même qu'à la taille du ménage ne sont pas significativement
différents de zéro. Cela pourrait trouver son explication dans le
fait que la plupart des personnes tombées malades (88%) ont
déclaré se prendre elles-mêmes en charge quant aux soins de
santé.
Outre le fait que l'état de
la maladie a un impact assez important dans la décision de se faire
soigner dans une structure sanitaire, les paramètres liés aux
variables indicatrices sur le type de maladie ne sont pas tous significatifs.
Ce qui prouve à suffisance qu'à KADUTU, le recours aux soins de
santé dans un établissement sanitaire n'intervient que dans la
situation d'aggravation de la maladie plutôt que par rapport au type de
la maladie elle-même.
Ce résultat est
cohérent avec la situation vécue dans la zone de santé
où les malades viennent se faire soigner dans une structure de
santé étatique seulement après avoir épuisé
toutes les autres alternatives notamment l'automédication et les
structures privées. Ils arrivent ainsi au centre de santé ou
à l'hôpital dans un état déjà avancé
de maladie.
Ceci corrobore également
avec ce qui a été relevé au tableau N°16 qui montre
que pour des raisons essentiellement financières, la plupart de malades
recourent à la consultation uniquement s'ils jugent la situation assez
grave.
Par ailleurs, l'hypothèse
d'un impact de l'appartenance à une mutuelle de santé sur la
possibilité d'aller se faire soigner n'a pas été
validée par les résultats d'estimation. Les issus de
l'enquête ont révélé que seuls 10% de personnes
malades font partie d'une mutuelle de santé ; ce qui
témoigne combien cette variable se retrouve moins importante dans le
choix à faire face à une maladie.
Pour ce qui est du cadre
institutionnel, les établissements de soins de santé, selon qu'il
s'agit d'une structure étatique ou privée, exercent un impact
assez important sur la décision de se faire soigner. Avant de se faire
soigner, le malade prend le temps de réfléchir sur la structure
à utiliser.
Cela s'explique par le fait que
les malades ont une préférence à se faire soigner
là où ils trouvent que la qualité des soins leur semble
meilleure. Dans l'ensemble, 60% des ménages déclarent avoir
choisi une structure des soins grâce à la qualité des soins
fournis. Etant donné que les structures étatiques sont en
majorité constitués des HGR (87%) ; celles-ci sont
considérées par la population comme des structures de dernier
recours dans lesquels on ne peut recourir qu'en cas de gravité. Ce qui
est appuyé par les résultats de nos enquêtes qui ont
révélé que seules 17% de malades se sont fait
soigné dans un établissement des soins étatiques.
Le rôle incitatif de l'Etat
en matière de santé doit se traduire ici pour influencer la
décision des personnes malades de visiter les établissements de
soins de santé.
Le revenu des ménages, bien
que présente un signe positif, ne semble pas être très
significatif pour expliquer l'utilisation des services de santé dans ce
premier modèle. De même pour la taille du ménage ainsi que
le niveau d'instruction du chef de ménage.
Le coût de la maladie n'est
pas aussi significativement différent de zéro. Ceci pourrait
s'expliquer par le fait que dans notre modèle, nous n'avons tenu compte
que du coût effectivement payés par ceux qui se sont fait soigner,
et pour le reste de malades qui n'ont pas consulté le personnel
soignant, nous avons considéré ce coût nul.
4.2.3. Calcul des probabilités d'utiliser un
service de santé
Les estimations de
différents modèles logistiques ont conduit après examen
des divers résultats à retenir le modèle adéquat
sur base duquel les calculs des probabilités devront être
effectuées. L'estimation du modèle de régression
logistique de recours aux soins de santé est alors
présentée en fonction des variables s'étant
avérées plus significatives dans le choix à faire
lorsqu'on tombe. Les résultats de ces estimations se trouvent
consignés dans le tableau n° 33 ci-dessous.
Tableau N°33 :
estimation du modèle
Variable
dépendante : Y
|
Variables
explicatives
|
Coefficients
|
Std. Error
|
z-Statistic
|
Probabilité
|
ETMAL
|
1,20942
|
0,34139
|
3,54263
|
0,00040
|
REVENU
|
0,00929
|
0,00272
|
3,42084
|
0,00060
|
STRUCT
|
1,77252
|
0,40853
|
4,33880
|
0,00000
|
AGEMAL
|
-0,00171
|
0,00083
|
-2,06588
|
0,03880
|
Obs with Dep=0
|
54
|
Total obs
|
286
|
Obs with Dep=1
|
232
|
|
|
|
Le modèle s'écrira donc
comme suit :
Y(X1,
X2, X3, X4) = 1,2094* X1 + 0,0093*
X2 + 1,7725* X3 - 0,0017*
X4
Où
X1 : état de
maladie (ETMAL)
X2 : revenu du
ménage (REVENU)
X3 : structure de
l'établissement sanitaire (STRUCT)
X4 : âge du
malade (AGEMAL)
Ce modèle laisse
apparaître que de toutes les variables retenues au préalable,
seuls l'état de maladie, le revenu, l'âge du malade ainsi que la
structure de l'établissement sanitaire consulté se sont
avérés plus importants dans le choix à faire quant au
recours aux services de santé. Ces résultats soutiennent de ce
fait les arguments avancés pour soutenir la présence de l'une ou
l'autre de ces variables dans le modèle.
La probabilité
(Pi) d'un malade quelconque de la commune de KADUTU d'aller se faire
soigner dans un établissement sanitaire étant donnée son
âge, l'état de sa maladie, le revenu de son ménage, la
structure de l'établissement sanitaire qu'il voudrait se faire soigner
s'obtient comme suit :
P (Yi = 1 = X1i;
X2i; X3i; X4i) =
Ainsi, la probabilité
d'aller se faire soigner dans un établissement sanitaire étant
donné l'âge moyen du malade de 17 ans, avec un revenu moyen de 76
dollars américains pour un malade grave dans une structure sanitaire
étatique sera de :
P (Yi =
1|X1i = 1; X2i = 76;
X3i = 1 ; X4i =17) =
= = = 0,97488637
Les calculs effectués
montrent que la probabilité d'aller se faire soigner dans un
établissement sanitaire étant donné l'âge moyen du
malade à Kadutu de 17 ans, avec un revenu moyen de 76 dollars
américains pour un état de maladie grave dans une structure
sanitaire étatique est de 97,49%. Autrement, la probabilité de ne
pas aller se faire soigner dans un établissement sanitaire étant
donné les informations fournies ci-dessus est très faible de
2,51% (soit 100% - 97,49%). Le tableau ci-après donne les
différentes probabilités au regard de différentes
modalités des variables explicatives.
Tableau N°34 :
Calculs de différentes probabilités
Modalités
|
X1=1
X2=76
X3=1
X4=17
|
X1=1
X2=76
X3=0
X4=17
|
X1=0
X2=76
X3=1
X4=17
|
X1=0
X2=76
X3=0
X4=17
|
Y
|
Y=1
|
97,49%
|
86,83%
|
92,05%
|
66,31%
|
Y=0
|
2,51%
|
13,17%
|
7,95%
|
33,69%
|
Le tableau n°34
démontre une très forte probabilité d'accès aux
soins de santé pour le cas grave et pour un établissement public
de soins de santé. Cette probabilité connaît une baisse
sensible pour les cas moins grave dans une structure sanitaire privée.
Toutefois, le niveau observé de ces probabilités au dessus de 50%
prouve l'importance que joue le niveau de revenu des ménages et de
l'âge de malade ; lesquels ont été fixés
à leurs niveaux moyens.
|