L'administration publique locale face à la sécurité des personnes et de leurs biens dans la province du Sud Kivu( Télécharger le fichier original )par Jean-Luc Malango Kitungano Université de Kisangani - Graduat en Sciences Politiques et Administratives 2002 |
SECTION DEUXIEME : CAUSES DE L'INSECURITE DES PERSONNES ET DES LEURS BIENSII.1. LES CAUSES INTERNESII.1.1. Le potentiel élevé de la violenceLe contrôle de la partie Est de la République Démocratique du Congo, en Août 1998, par le RCD a eu lieu à une époque où le territoire de Fizi était littéralement traversé par le phénomène de « milicianisation » des populations : En Février 1998, les officiers banyamulenge des FAC se sont mutinés suite à la décision de les muter dans d'autres provinces et garnisons (...) après des tractations conduites par le chef d'Etat major ad interim des FAC, J. KABARERE, plusieurs unités ont dû être démobilisées et se sont repliées avec leurs armes dans les hauts plateaux... « Les ethnies autochtones » craignant un coup de force des Banyamulenge, avaient soit constitué des milices de protection, soit renforcé les milices mayi-mayi hostiles aux Banyamulenge80(*). II.1.2. L'expérience des luttes insurrectionnellesLe chercheur congolais Wilungula B. Cosma estime qu'entre 1967 et 1986, avec les insurrections des Simba, plus de 60% de la population de la Zone de Fizi avait bénéficié d'une formation militaire ou paramilitaire. Dans les collectivités de Lulenge, Ngandja et Itombwe, presque tous les hommes et quelques femmes savent utiliser les armes à feu et connaissent les tactiques de guerre. Dans deux autres collectivités, celle de Mutambala et de Tanganyika, un bon nombre de gens manie aussi avec facilité les armes à feu. Le chercheur Wilungula en déduit que cette masse constitue en soi une armée de réserve81(*). L'expérience insurrectionnelle des « Banyamulenge » débute véritablement en 1996 quand les jeunes Banyamulenge après avoir servi dans l'APR (1991-1994) sont démobilisés. Ils débutèrent alors en 1996 des opérations insurrectionnelles en République Démocratique du Congo avec l'appui du Rwanda et de l'Ouganda qui fournirent armes et instructeurs militaires dans les hauts plateaux de Fizi et Uvira. Les Banyamulenge constituèrent avec les Banyarwanda Tutsi du Nord-Kivu la composante majeure des troupes de la rébellion de l'AFDL. Tous les enfants mâles des Tutsi de Fizi et Uvira, de plus de 10 ans, reçurent une formation militaire ou paramilitaire. II.1.3. La fragmentation et/ ou la dilution de l'espace administratif à Fizi sous le RCD.Entre 1998 et 2000, les milieux ruraux de l'Est de la République Démocratique du Congo échappaient, en grande partie, à l'emprise des autorités administratives et politiques du RCD. Selon le chercheur Bob Kabamba, les rebelles du RCD ne contrôlaient que les cités urbaines de la province du Sud-Kivu. Toutes les campagnes environnantes étaient contrôlées, par contre, par les différents mouvements Maï-Maï hostiles au RCD82(*). En territoire de Fizi, entre 1998 et 2000, il existait deux espaces administratifs antagonistes : d'un côté la société à prétention officielle, formelle et contrôlée par le RCD grâce à l'administration locale que le RCD s'était accaparé83(*), de l'autre, la société informelle, souterraine et se prétendant légitime. Celle-ci est fragmentée en plusieurs factions : territoires contrôlés par les Maï-Maï et leurs alliés d'une part, les territoires sous contrôle des milices « guerriers » Banyamulenge d'autre part. Les forets pour les Maï-Maï et leurs sympathisants symbolisent la société légitime avec une administration concurrente à celle que s'est accaparée le RCD. Ainsi les différents mouvements armés et les administrations antagonistes qu'ils mirent sur pied contribuèrent à la fragmentation et à la dilution de l'administration publique. Le manque flagrant d'une seule autorité coercitive, l'absence de légitimité politique des cadres territoriaux84(*), les moyens matériels, financiers et humains dérisoires ont grandement contribué à la dilution de l'espace administratif. Pour étayer notre hypothèse, nous avons effectuée une enquête portant sur la question de la sécurité à Fizi auprès de quelques anciens et nouveaux cadres territoriaux ainsi que des observateurs avisés de ce territoire. A la question suivante : pour le rétablissement de la paix à Fizi, vous estimez qu'il faut: 1. Chasser le Banyamulenge. 2. Tuer tous les Maï-Maï 3. Désarmer les Maï-Maï 4. Désarmer les milices (guerriers) Banyamulenge. 5. Former des milices d'autodéfense populaire. 6. Dissoudre le RCD. 7. Diviser le territoire de Fizi en plusieurs territoires. 8. Renforcer les effectifs des militaires du RCD. 9. Mettre en application les accords de Lusaka. 10. Réclamer l'autonomie du territoire (Sécession). 11. Elire les autorités politico-administratives locales 12. (...) Il s'en est dégagé le résultat suivant : sur 30 personnes ciblées (soit 100%), 20 personnes (soit 66,6%) ont répondu. 15 personnes pensent que l'élection des cadres territoriaux peut réduire les conflits et renforcer la paix. 16 personnes estiment qu'il faut dissoudre le RCD. * 80 Bob Kabamba et Olivier Lanotte : « Guerres au Congo-Zaïre (1996-1999), Acteurs et scénarios, in Mathieu, P., et al., Conflits et Guerre au Kivu et dans la région des Grands-Lacs : entre tentions locales et escalades régiionales (Cahiers Africains, n°39-40), Bruxelles -Paris, Cedaf - Harmattan , 1999, p. 133. * 81 Cosma B. Wilungula, FIZI 1967-1986 : Le maquis de Kabila (Cahiers Africains n° 26), Bruxelles-Paris, Cedaf-Harmattan, 1997, p. 118. * 82 Bob Kabamba et al, Op.cit., p. 117 * 83 Le RCD a toujours prétendu être l'autorité légitime dans les territoires de l'Est de la République Démocratique du Congo sous son contrôle et en vertu des dispositions du Droit International Humanitaire : « Les tribunaux du territoire occupé doivent continuer à fonctionner et à traiter tous les crimes couverts par la législation nationale ». Crf. Human Right Watch, L'Est du Congo dévasté: civils assassins et opposants réduits au silence, New York, Vol. 2, n°3 (A), mai 2000, pp. 33-36. * 84 Nous savons, à partir des différents rapports administratifs consultés, des entretiens et enquêtes auprès des déplacés de Fizi qui s'étaient réfugiés à Uvira, que l'administrateur de territoire Eciba Mboko fut très contesté par la population et ses proches collaborateurs (cas de l'Administrateur adjoint Misabiko, le commandant militaire du bataillon de Baraka, Milingita Mvano, le chef de secteur d'Ubwari ) dont certains s'étaient même autoproclamés administrateurs de crise. En effet, par sa lettre du 09 juillet 1999, Eciba signifie à Abondelwa, chef de service du commerce extérieur qui s'était autoproclamé administrateur de crise, qu'il n'a pas le droit de déclarer son poste vacant. |
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