L'administration publique locale face à la sécurité des personnes et de leurs biens dans la province du Sud Kivu( Télécharger le fichier original )par Jean-Luc Malango Kitungano Université de Kisangani - Graduat en Sciences Politiques et Administratives 2002 |
II.2. LES CAS D'INSECURITE LES PLUS IMPORTANTSI. 2.1.Tableau n°5 : Cas d'insécurité (décembre 1998 à Janvier 1999)
N.B : S.N.A (sources non administratives) COMMENTAIRES : Suite aux changements politiques brusques intervenus avec l'agression rwando-ougandaise, d'août 1998, laquelle s'est muée en rébellion du RCD la justifiant, la plupart des cadres territoriaux n'avaient pas transmis la situation sécuritaire des différents secteurs. On sait par ailleurs que le massacre de Makobola ne fut connu que parce que cette localité se situe à proximité du territoire d'Uvira qui en avait reçu plusieurs rescapés. Il sied de faire également remarquer que les forces burundaises avaient pris le poste de Kazimia en septembre 1998, on ne connait pas toutefois le nombre exact des victimes civiles de ces attaques. Il y a lieu de croire cependant que les victimes furent moins nombreuses dans la mesure où plus de 98% de la population de cette contrée avait déjà fui en Tanzanie avant les attaques. Le compte rendu de la réunion de pacification organisé par le chef de secteur de Ngandja et les sages des villages de Kazimia le 11 janvier 2000 écrit sur l'agression burundaise qu'à cette époque, seuls 27 civils et des milliers des soldats de la force burundaise se trouvaient à Kazimia de septembre 1998 à janvier 1999. Par conséquent, il importe de signaler que les différents cas d'insécurité précités ne le sont qu'à titre illustratif. En outre, il y a lieu de noter que plusieurs cas de violations ne sont pas encore connus jusqu'à ce jour. Les données précitées ne concernent que deux secteurs (Tanganyika et Ngandja) alors que celles de Mutambala et Lulenge restent inconnues. Nous conjecturons, toutefois, que corollairement aux pratiques locales en territoire de Fizi, consistant à se cacher dans les bivouacs en période de guerre, on peut soutenir que plusieurs exactions ont eu lieu dans ces bivouacs connus comme lieu de refuge en brousse pour échapper aussi bien aux militaires gouvernementaux qu'aux rebelles (maï-maï et autres milices). I. 2.2.Tableau n°6 : Cas d'insécurité (décembre 1998 à Janvier 1999)
N.B : S.A : sources administratives69(*) COMMENTAIRES : Il y a lieu de signaler que le secteur de Lulenge a connu une situation d'insécurité permanente mais les données ne sont pas accessibles. Ce secteur a été morcelé et une grande partie a été rattachée administrativement au territoire de Minembwe70(*) qui connaît un isolement remarquable et les banyamulenge s'y conduisent comme en territoire conquis et indépendant. La plupart des chefs de localité, en majorité Bembe, ont été pourchassés et obligés de fuir ailleurs. Il sied de faire remarquer que ce tableau ne fait pas ressortir non plus les cas de viols. Ceci ne signifie pas qu'ils ne se sont pas produits. Nous ne les mentionnons pas parce que, les sources administratives aussi bien que non administratives de 1999 ne les mentionnent pas. Le bulletin d'information du secteur Tanganyika n° 5072/139/B.6/S.T./99 du 18 Octobre 1999 fait vaguement mention : « Néanmoins, les positions militaires de Swima et Nundu continuent à tracasser la population paysanne malgré nos cris d'alarmes adressés au commandant bataillon en place ; les jeunes filles n'osent plus traverser le pont de la rivière Sandja vers 18 heures au risque d'être violées »71(*). I. 2.3.Tableau n°7 : Cas d'insécurité (2000)
Les représailles du 29 au 30 juin 2000 à Lusenda sont confirmées aussi par les sources non administratives. Le rapport succinct sur la situation générale du territoire de Fizi du 28 juin au 06 juillet 2000, datant du 07 juillet 2000, précise le contexte de ces représailles et les retombées en termes de pertes des biens des civils : « Un autre fait important à signaler est qu'après l'attaque de Lusenda en date du 29 juin 2000, toute la population de l'axe Mboko-Lweba s'est enfuie vers les zones contrôlées par les Maï-Maï suite aux bavures commises par nos militaires qui, selon le rapport du chef de poste d'encadrement administratif et du chef de groupement des Balala-Nord, auraient tué 26 personnes sur l'axe »72(*) Il s'agit de l'axe Lusuku-Lusenda. Les sources de la société civile de Fizi par les informations transmises à Héritiers de la Justice à Bukavu, estiment ce nombre à 30 victimes73(*). Il y a eu, selon les mêmes sources, une vingtaine de cas de viols. I. 2.2.Tableau n°8 : Tableau comparatif des cas d'insécurité (nombres des victimes par année)
Commentaires : Ce tableau synthétique ne reflète que partiellement les différents cas d'insécurité. Le climat d'insécurité qui prévaut dans le territoire de Fizi ne permet pas au chercheur d'avoir accès au plus grand nombre de témoignages des victimes ou de leurs proches ; les sources administratives quant à elles sont peu nombreuses. Par ailleurs, l'on sait que plusieurs victimes ont pris la direction de la Tanzanie et d'autres demeurent cachées dans les brousses (bivouacs) actuellement inaccessibles au chercheur. Nous devons faire remarquer que la présente étude nécessite des comportements ultérieurs surtout pour ce qui est des cas d'insécurité précités. L'année 1999 a connu moins de cas de représailles, de pillages et de viols. L'explication de cette baisse par rapport aux années 1998 et 2000 serait que : 1. Au courant de l'année 1999, l'armée du RCD a perdu plusieurs localités dont les plus importantes sont : toutes les localités de la presqu'île d'Ubwari74(*), la grande partie du groupement Basimukuma-sud dont les villages Simbi , Kakungu, Kananda, Mukera, Itota, Kasenga, Kichula, Kakamba, Mutongachimu étaient occupé par les maï-maï. Deux localités seulement étaient encore sous contrôle de l'armée du RCD à savoir Malinde et Mulongwe75(*). Dans le secteur Tanganyika, les maï-maï s'étaient rendus maîtres de plusieurs localités qu'ils occuperont de mai à juin 1999. Le chef lieu de secteur à savoir Mboko (lequel sera également le théâtre des opérations musclées entre maï-maï et FDD d'une part et l'armée du Rcd et ses alliés burundais et rwandais d'autre part) était aussi tombé entre les mains des mai-mai. Corollairement à cette situation de déroute des éléments de l'armée du RCD-Goma dans les différentes localités, la baisse des cas d'insécurité s'explique aussi par l'adoption de la logique de négociations avec les maï-maï que le RCD amorca par l'entremise des chefs de secteurs, ainsi que des notables des localités. 2. En effet, le 30 août 1999, une tentative de réconciliation est amorcée par le comité local de la pacification (chefs de localité, pasteurs protestants). Ce comité avait été approuvé par la commission de la pacification. A la tête de cette commission fut placé le pasteur protestant Tambwe M'massa Issac, un mubembe originaire du territoire de Ngandja résidant à Bukavu et exerçant cumulativement la fonction de maire adjoint de la ville de Bukavu, secondé par Makyaba , un autre mubembe qui exerçait cumulativement la fonction de directeur provinciale de sécurité et renseignement76(*). Le 12 octobre 1999, le comité local de pacification s'était rendu à Lulambwe aux fins de discuter avec le colonel maï-maï, Rachid. 3. Le jeudi 14 octobre 1999 s'était tenue à Kangovi, près du groupement Babungwe-Nord non loin de Mboko, une rencontre d'échange sur la sécurité des personnes et de leurs biens. A la suite des pourparlers, les maï-maï (délégation du colonel Rachid) s'étaient engagés à arrêter les incursions contre les positions militaires du RCD et de ses alliés ainsi qu' à de libérer sans délai six otages banyamulenge qui étaient détenus depuis 06 mois (Cf. Secteur Tanganyika, Rapport de pacification, 17 janvier 2000). En outre, début janvier 1999, l'armée burundaise négocie avec les maï-maï et les négociations se poursuivirent jusqu'à mai-juin 1999. Durant cette période, il n'y aura plus d'affrontements notables autour de Kazimia, poste d'Encadrement administratif controlé par l'armée burundaise au profit du RCD-Goma. 4. Il semble que l'occupation de plusieurs localités, en mai 1999, a permis aux maï-maï de percevoir des taxes, notamment dans le marché de Simbi où les transactions aurifères sont nombreuses. Il semble également que le gouvernement de Kinshasa aurait apporté une aide financière et matérielle substantielle aux résistants maï-maï à partir de l'aérodrome de Kilembwe. Cette assistance se serait poursuivie jusqu'à mai et juin 2000. Cette information ressort du Bulletin d'information du chef de secteur Mutambala (Célestin Useni) : Selon les rumeurs qui circulent ici à Baraka, j'ai l'honneur de vous informer qu'il paraît qu'un délégué du gouvernement de Kabila en provenance de Kinshasa via la Tanzanie est arrivé à Mwayenga/ Ubwari où réside actuellement le général Dunia, ce dernier est muni des salaires des FAC et FAP. Sur ce même ordre d'idée je vous informe également qu'à Kananda, il y a eu une grande manifestation organisée par les responsables insurgés sur la journée du 17 mai par (sic) laquelle Kabila a pris le pouvoir77(*)
5. Le dernier élément explicatif de la baisse des cas d'insécurité en 1999, serait aussi le fait que les maï-maï se mirent à assurer effectivement la sécurité des personnes et de leurs biens dans les localités sous leur contrôle en mettant hors d'état de nuire quelques éléments indisciplinés du FDD/ CNDD. Le maï-maï auraient commencé à chasser les FDD et auraient tué trois d'entre eux dans une attaque non loin du marché de Sebele (...) Ces mêmes responsables (sic) sont venus participer à une réunion de pacification tenue du 26 - 27/11/1999 à Fizi78(*) Le compte rendu de la réunion de sécurité tenue en date du 06 octobre 1999( par le chef de secteur Mutambala) cite l'action positive du côté maï-maï tendant à assurer le sécurité des personnes et de leurs biens dans les localités qu'ils contrôlaient :
Une escorte des maï-maï conduite par le capitaine Etabo est arrivée le samedi 4 octobre 1999 chez le chef de groupement à la recherche des FDD qui se livrent au pillage des biens des populations et pour arrêter tous les rançonneurs79(*) Pour clore cette section, nous devons reconnaître que la plupart des hypothèses explicatives avancées se réfèrent aux sources administratives. Or celles-ci n'étant pas complètes en elles -mêmes, par l'unilatéralité, et même si elles traduisent des aspects réels ; il y a lieu d'approfondir ultérieurement les hypothèses émises en se référant aux acteurs maï-maï, aussi. * 68 Chiffres cités par Héritiers de la Justice, Situation des droits de l'homme en RDC, Cas du Sud-Kivu, Rapport du premier trimestre 1999, pp. 1-3. Le RCD, tout en reconnaissant « qu'il y a eu bavure à Makobola » n'avançait aucun chiffre. L'ONG la voix des sans voix basée à Baraka et Mboko, estimait le nombre des victimes à 814 personnes assassinés lors du massacre de Makobola. * 69 Les sources administratives auxquels nous nous sommes référées pour dresser ce tableau sont : 1. Secteur Tanganyika, Bulletin d'information, 22 décembre 1999. 2. ________________, Bulletin d'information, 18 Octobre 1999. 3. chef de secteur Tanganyika, Rapport de pacification, 17 janvier 2000. 4. Poste d'encadrement administratif de Baraka, Bulletin d'Information du 12 décembre 2000. 5. secteur Mutambala, Bulletin d'information, 24 Novembre 1999. * 70 Il s'agit des groupements Basimuniaka-Sud, une partie du groupement Basombo (collectivité secteur de Lulenge) et le groupement Basimukindje (collectivité secteur de Mutambala), Cf., territoire de Minembwe, Rapport annuel 2000. * 71 Le bulletin d'information du secteur Tanganyika n° 5072/139/B.6/S.T./99 du 18 Octobre 1999 * 72 Territoire de Fizi, Rapport succinct sur la situation générale du territoire de Fizi (du 28 juin au 6 juillet 2000), 7 juillet 2000. * 73 Héritiers de la Justice, Ibid., p. 21. * 74 Le message officiel N° 5072/007/M.G1/TF/99 du 06 avril 1999 de l'administrateur du territoire de Fizi adressé au gouverneur du Sud-Kivu par voie phonique démontre que l'armée du Rcd-Goma perdait le terrain : « Tous les militaires avoir fui jusqu'à Baraka (...) toute presqu'île d'Ubwari être sous contrôle des mai-mai (...) En outre, même maï-maï avoir fait offensive et occupe Sebele-Mulongwe à 15 kilomètre de Baraka vers le sud () ; Baraka encerclé » * 75 Secteur MUTAMBALA, Compte rendu de la réunion de sécurité tenue en date du 06 septembre 1999 à Baraka. * 76 Ces deux personnalités politiques du RCD auraient effectué plusieurs missions de pacification dans le territoire de Fizi, entre le second semestre de 1999 et le premier semestre de l'année 2000. En date du 20 février 2000, ils étaient arrivés à Baraka dans une mission officelle de pacification. C'est ce qui ressort de la lettre n°5072/23/B.6/S.M./2000 du chef de secteur Mutambala datant du 26 février 2000 à l'administrateur de territoire de Fizi. * 77 Celestin Useni, Bulletin d'information du secteur Mutambala, juin 2000. * 78 Territoire de Fizi, Situation générale de FIzi, Semaine du 11 - 29 novembre 1999, 30 novembre 1999, p. 1. * 79 Secteur MUTAMBALA, Compte rendu de la réunion de sécurité, Baraka, 06 octobre 1999, p.1. |
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