Le passage de l'économie agricole à l'économie de pêche:les changements sociaux à Ndayane( Télécharger le fichier original )par Mamadou Ndoye Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise de Sociologie 1998 |
B/ LA CULTURELa double activité de paysans -pêcheurs montre le sens donné au travail chez cette population. Le travail est ici un sacerdoce sans quoi la vie n'a pas de sens. Ce goût achevé du travail constitue un élément important de leur culture. En effet dans le langage populaire le mot «ki fañak là» (fainéant) revient souvent. Dans la pure tradition agricole toute personne bien portante n'osait se monter dans les rues du village pendant que les autres étaient aux champs. Dans la logique du système social mis en oeuvre le vrai Lebu est celui qui a un champ à cultiver pendant l'hivernage et après s'embarque dans une pirogue pour s'adonner à la pêche. La famille élargie (kër) est un élément important de l'organisation sociale Lebu. Dans cette famille le rôle important de la femme témoigne du « particularisme Lebu ». Dans le cadre du mode de production traditionnel à économie d'autosubsistance c'est la femme du Borm kër qui prenait en charge la gestion du grenier communautaire. Cette dernière demeure dans ce contexte «l'égale d'un homme» en ce sens qu'elle réunissait sous sa direction toutes les femmes des ménages composant le carré pour leur donner le ravitaillement. Cette répartition des tâches entre les hommes et les femmes reflète le sens de la solidarité qui est un caractère majeur du Lebu de Ndayane. La notion de solidarité en tant que valeur réunissait les individus d'une même communauté apparaît à travers la place booy-bi, lieu symbolique où tout le village se réunissait en cas d'urgence. Ce lieu qui constituait le terrain de la conscience collective est maintenant un souvenir, un vestige du passé pour les personnes âgées et une réalité mythique chez la nouvelle génération. Les palabres qu'on y tenait constituaitent une véritable exaltation collective de la mentalité religieuse traditionnelle fortement imprégnée des nations de «tuur» et de «rab». Pour Ousmane SYLLA l'on se saurait expliquer la culture Lebu sans mettre l'accent sur la prédominance de la mentalité religieuse. Pour lui »il résulte (mentalité Lebu) de la croyance en un nombre considérable de «tuur» et de «rab» commandant aux phénomènes naturels et aux activités humaines ». 1(*) La cosmogonie constitue ici un élément de référence pour saisir l'essence d'une telle culture. Ainsi dans la pratique mystique elle joue les premiers rôles. C'est un univers qui est encore présent dans le psychisme collectif c'est-à-dire que la pratique du Ndoëp hier plus qu'aujourd'hui affecte encore les consciences. Il n'est pas rare d'entendre dire «Ki sanpal na ñu ko» c'est-à-dire qu'on lui a installé ses «Xamb». Toute syncope est interprétée en terme de «rab» et toute persistance heurte cette conscience religieuse forte. C'est pourquoi malgré l'islam, le Ndoëp est encore pratiqué et que des maladies sont toujours considérées comme dérivant d'une famille ayant un «rab». Cet esprit magico-mystique traverse encore toute la conscience collective et joue un grand rôle dans la pêche piroguière modernisée. La mer est considérée comme dangereuse donc pour l'affronter il faut se préparer mystiquement d'où les gris-gris pendant dans les pirogues. Du point de vue des pratiques culturelles sociales, les Lebu épousent le patrimoine de leur ethnie et ceci malgré l'islam et la modernisation qui ont désintégré les structures sociales traditionnelles. CHAPITRE III LES ACTIVITES SOCIOECONOMIQUES TRADITIONNELLES La double activité de paysans - pêcheurs est à la base de la subdivision de l'année en quatre périodes égales. Cet organigramme s'établit comme suit :
Le sens donné au travail précédemment trouve ici sa mise en relief. Le jeune homme en âge de travailler a toujours la possibilité de passer d'une activité à une autre. La période de naweet (hivernage) et de No'or sont les deux plus importantes saisons de travail. C'est pendant ces saisons que les activités agricoles et de pêche sont vécues intensément les saisons de Lo'oly et de Coron sont récréatives car étant des intermèdes avant le début de ces pleines saisons que sont les deux précitées. Même si l'agriculture considérée par les paysans (comme la base de la structure économique, il n'en demeure pas moins que la pêche est prise en compte selon les mêmes modalités. En effet pour le paysan il n'y a rien de mieux que l'agriculture : «lu dul mbey mbey mo la gën». Cependant la pêche est considérée comme faisant partie intégrante de la culture des Lebu sous ce rapport elle a une considération de premier plan seulement, comme pratique culturelle pouvant satisfaire des besoins alimentaires. Elle n'a pas dans la psychologie des paysans pêcheurs la même valeur symbolique que l'agriculture. Cet avantage de l'agriculture doit être certainement le résultat des vestiges de leur origine Sereer avec une organisation sociale basée sur la terre. Calendrier des activités socio-économiques dans le cadre de l'organisation socio-économique traditionnelle à Ndayane. CALENDRIER DES ACTIVITÉS SOCIO-ÉCONOMIQUES DANS LE MODE DE PRODUCTION TRADITIONNEL * 1 SYLLA (O.) Structure familiale et mentalité religieuse des Lebu du Sénégal in notes Africaines N° 119 , juillet 1968, p 80 |
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