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Le passage de l'économie agricole à  l'économie de pêche:les changements sociaux à  Ndayane

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par Mamadou Ndoye
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise de Sociologie 1998
  

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A/ ORGANISATION SOCIALE

a) Le borom Kër comme levier de l'organisation sociale

Le chef de carré (borom Kër) tirait sa légitimité du droit de primogéniture qui stipulait que le plus âgée dirige au nom de toute la lignée. Il pouvait être soit le plus âgé d'abord ou ensuite le neveu du borom Kër défunt. C'est souvent un cas fréquent à Ndayane du fait du système de filiation utérine. Il symbolisait ainsi la vitalité du système lignages en consolidant grâce à son pouvoir la continuité des rapports matrimoniaux à base utérine.

1 DIOP (A. B.), La Famille Wolof : tradition et changement, Paris Karthala, 1981, p.144

Le pouvoir du borom Kër concernait tous les domaines de la vie du lignage. L'influence qu'il exerçait sur les membres de son carré était manifeste surtout pendant l'hivernage. Le carré était l'unité de production et de consommation c'est-à-dire que tous les membres partageaient en commun le toolu kër gi.

Chaque ménage avait son propre champ appelé «Konong» c'est-à-dire un champ privé qui servait la plupart du temps à la culture de l'arachide pour satisfaire les besoins individuels.

Etant le personnage principal c'est sous la bannière du borom Kër que les champs étaient cultivés. Aucun champ n'était cultivé avant le sien. Son rôle se justifiait surtout par le fait que la famille rurale n'est pas seulement un cadre de vie mais aussi et surtout constituent une cellule de production et de consommation. Ce rôle à la fois sociale et économique de la famille faisait du borom kër un maillon important devant faire épanouir son lignage. En effet le prestige de chaque famille devait découler de la capacité de son chef à mobiliser ses protégés pour assurer la production nécessaire à l'autosuffisance du carré. Il était ainsi dépositaire d'un pouvoir central.

Ces valeurs étaient le legs de la tradition. Le to'ol bu mag symbolisait dans ce sens l'unité du lignage.

C'est pourquoi on peut dire que c'est le principe communautaire qui était le substrat de la vie des Lebu de Ndayane. Au centre de ce «communautarisme» on trouvait son corollaire c'est-à-dire une morale sociale supérieure ou pour parler comme Durkheim une conscience collective. 1(*) Le respect des anciens plus qu'un leitmotiv constituait un principe directeur que tout jeune homme se devait de respecter. L'adage célèbre du Lebu l'a dit : «rak to'op mak, doom to'op baay» `les petits frères suivent leurs grands frères (aînés) ; et les fils eux leurs pères).

Pendant l'hivernage le borom kër était le premier à se réveiller. Il faisait même une ronde à la plage pour surveiller d'éventuelles pirogues en partance pour la mer. Les contrevenants à la tradition se verraient frapper à coup de bâton et même prenaient la fuite au vu de ce représentant de l'ordre.

La sanction la plus lourde c'est que les récidivistes se voient refuser la possibilité de prendre femme car considérés comme des «hors la loi».

L'on ne saurait comprendre l'organisation sociale traditionnelle des Lebu de Ndayane sans prendre en compte ce personnage en rapport avec le lien social de la vie communautaire. Il est donc intéressant de saisir les fondements de son pouvoir à travers la structure familiale terreau fécond des rapports domestiques.

b) L'importance de la ligne utérine dans le fonctionnement de la famille.

Comme dans toutes les sociétés de pêcheurs, le groupe Lebu a la particularité d'être marqué dans le fonctionnement de la famille par la ligne maternelle.

La matri linéarité originelle est encore vivace même si dans sa logique de fonctionnement traditionnelle elle s'est altérée quelque peu.

Ces rapports domestiques ont été tissés autour de la voie utérine d'où le rôle important du neveu et même de l'oncle. Durant une époque encore lointaine c'est-à-dire où l'Islam n'était qu'embryonnaire c'est le neveu qui héritait à la place des fils de l'oncle. Cette prédominance de la ligue utérine depuis que l'islamisation s'est accélérée n'est plus que symbolique même si aujourd'hui le neegu ndey s'affirme comme le dépositaire du pouvoir familial des Lebu de Ndayane. En cela il possède la primauté des décisions en matière d'alliance.

Ce symbolisme du système matrilinéaire prend racine dans la forme de socialisation en cours chez la nouvelle génération.

En effet, dès son âge, le jeune garçon est mis en contact direct avec son oncle soit par des visites constantes chez lui, soit en étant près de lui durant un moment (dès l'âge de six ans).

L'oncle au même titre que ses fils est obligé d'assimiler son neveu à ses propres fils. Dans un contexte pareil, il n'est pas rare de voir certaines soeurs déléguer l'éducation et la formation dans le cadre de la pêche de leurs enfants à leurs frères. La pirogue du nijaay est souvent la base de la formation du jeune pêcheur.

Aujourd'hui c'est la soeur du frère qui prend en charge l'habit du circoncis.

Le corollaire du système matrilinéaire ici est le mariage par cousin croisé même si aujourd'hui, il a perdu son lustre d'antan.

L'organisation familiale ainsi bâtie va être le socle de la culture de cette population.

* 1 DURKHEIM (E), Les Règles de la Méthodologie sociologique, Paris, PUF, 1992

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