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Strategie pour une gestion durable des forêts au Senegal - pressions exercées sur les forêts et stratégie de gestion forestière dans un contexte de changement climatique: cas des forêts de Casamance au Sénégalpar Abdoul Aziz Sy DIOUF Le Mans Université - Master gestion des territoires et développement local 2023 |
II. PROBLEMATIQUELe développement économique des activités mondiales tel qu'on le connaît actuellement, ne s'est pas réalisé sans conséquences sur l'environnement et les ressources forestières dans le monde notamment en zone tropicale où les forêts font parties des plus anciennes et des plus riches ; elles sont des réserves de biodiversité et constituent l'un des écosystèmes terrestres les plus primordiales de notre planète (Mongabay, 2009). Ensemble de mutations techniques, sociales, territoriales, démographiques et culturelles accompagnant la croissance de la production17, il est à l'origine des fortes pressions anthropiques exercées sur les forêts (exploitation forestière, l'expansion agricole, fragmentation forestière, l'extension urbaine, les feux de forêts...). Depuis 1990, le nombre d'hectares de forêts disparus à l'échelle mondiale sous l'effet de la déforestation est évalué à 420 millions d'hectares de forêt et ne cessent de continuer mais à un rythme faible, d'après le rapport sur la situation des forêts dans le monde (FAO, 2020). 15 Article L1 du Code forestier français 16 GIEC ? Rapport spécial sur le changement climatique et l'utilisation des sols publié en août 2019. 17 Définition donnée par Géoconfluences 19 Figure 3 : Taux annuel d'expansion de la forêt et de déforestation de 1990 à 2020 18 Les activités humaines notamment celles relatives à l'exploitation forestière et minière sont les principales causes de la dégradation et de la disparition des forêts, engendrant de multiples conséquences tels que les phénomènes d'appauvrissement des ressources, des sols et de la flore, l'érosion de la biodiversité, la fragilisation et la destruction des écosystèmes, des habitats et des milieux naturels à l'échelle mondiale. A chaque seconde, nous assistons à une disparition de forêts tropicales de superficie équivalente à un terrain de foot (Mayer, 2021). L'exploitation des ressources forestières et la conversion des terres forestières notamment en terres agricoles ont conduit à l'anéantissement de 34 % des forêts tropicales humides primaires et entrainé d'une part, la dégradation, la destruction complète ou partielle et d'autre part, à leur substitution par des forêts secondaires de plus de 30% des forêts tropicales primaires, les rendant ainsi plus vulnérables aux feux de forêts ou à des potentielles exploitations ultérieures (FAO, 2021). Les forêts tropicales primaires emmagasinent plus de carbone que les secondaires et procurent un habitat à une biodiversité d'une grande richesse. Considérées comme des puits ou réservoirs de carbone, la destruction de ces forêts est synonyme de libération du carbone sous forme de gaz à effet de serre, entrainant une réduction de la capacité de l'écosystème mondial à stocker du carbone (WWF France, 2012), donc moins de quantités de CO2 absorbé et par conséquent une augmentation d'effet de serre, principale cause du réchauffement climatique de notre planète. Contrairement à l'Amérique du Sud qui a réduit de moitié la destruction de ses forêts atteignant un taux annuel de pertes forestières nette de 2,6 millions d'hectares sur la période 2010-2020, ce taux sur le continent africain est estimé à 3,9 millions d'hectares contre 3,4 18 Source : FAO, Rapport d'évaluation des ressources forestières mondiales 2020. 20 millions d'hectares enregistrés lors de la décennie précédente (FAO, 2020)19. L'Afrique est la région où la dégradation des forêts et la déforestation sont les plus importantes de la planète (Pépin, 2012). Pourtant, les forêts de ce continent demeurent un véritable poumon vert pour le monde entier (Fleshman, 2008). Selon le dernier rapport d'évaluation des ressources forestières mondiales de la FAO, l'Afrique constitue le seul continent où la déforestation et la dégradation se poursuivent à un rythme alarmant avec une progression la plus rapide dans le monde, contribuant significativement à la disparition de nombreuses espèces végétales, animales et fongiques et par conséquent au déclin actuel de la biodiversité. La déforestation enregistrée sur le continent est en grande partie due à l'agriculture de subsistance à petite échelle et s'explique certainement par la croissance démographique selon Mme Branthomme, experte à la FAO (Favrot, 2020). La conversion des superficies forestières en surfaces affectées à l'agriculture, à des fins de subsistance ou commerciales semble être de très loin la cause majeure et la plus destructrice de la forêt en Afrique, continent qui renferme plus de la moitié de la proportion des pauvres soit près de 55%, la plus hausse au monde (CEA, 2023)20. La sécurité alimentaire et les moyens d'existence de milliards de personnes à travers la planète dépendent des forêts, à la fois abri pour l'essentiel de la biodiversité terrestre et solution pour atténuer les effets des changements climatiques. Formidables réserves de biodiversités, les forêts hébergent plus de 3/4 soit au moins 80% des espèces d'animaux, de plantes et d'insectes dénombrées dans le monde entier (Bodiguel, 2020). On estime la population mondiale qui en dépend pour assurer sa subsistance à plus de 1,6 milliard de personnes majoritairement pauvres, dont 70 millions concernent des peuples autochtones (FAO, 2018). Selon les données récemment publiées par le Fonds monétaire international, la très grande majorité des vingt-cinq pays les plus pauvres du monde se trouve localisés sur le continent africain (FMI, 2023). Parmi les 24 pays dont les ressources forestières contribuent au minimum à 10% de leurs économies, figurent dix-huit pays africains. Les populations africaines pauvres de la plupart des territoires ruraux sont particulièrement dépendantes des produits forestiers (Fleshman, 2008). Cette pauvreté persistante sur le continent conjuguée à la croissance démographique accentue les fortes pressions sur les forêts, ces dernières constituent une source primordiale de vie, d'alimentation à travers la richesse des produits comestibles qu'elles nous procurent, de bois de chauffage ou énergie. 19 FAO, Rapport d'évaluation des ressources forestières mondiales 2020. 20 CEA, Rapport de la Commission économique pour l'Afrique 2023. 21 « Beaucoup de la déforestation dans la région est due à l'agriculture de subsistance à petite échelle », rapporte Branthomme, experte de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, lors d'un entretien accordé à l'AFP21. Les activités humaines impactent fortement le changement climatique et d'après une étude réalisée par des chercheurs météorologues et publiée en janvier 2022 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, les fortes pressions exercées sur les forêts en région ouest-africaine augmenteraient le risque d'inondations, (Taylor et al., 2022). La déforestation et la dégradation des forêts sont à l'origine de nombreuses conséquences néfastes sur les écosystèmes et les milieux naturels, et suscitent de sérieux problèmes de résilience d'autant plus qu'elles influent sur les inondations liées aux tempêtes et intempéries. Ces phénomènes provoquent également des nombreux effets impactant sur les populations et les sociétés locales souvent dépendant de l'écosystème forestier pour subvenir à leurs besoins, engendrant divers problèmes socio-économiques tels que les pertes de ressources issues d'arbres rares et les phénomènes d'érosion des sols susceptible d'impacter négativement l'agriculture. Par ailleurs, les mauvaises politiques de gestion des forêts se traduisant notamment par la surexploitation forestière, les récoltes de quantités exagérées de bois de chauffage et de plantes médicinales et la construction d'infrastructures de transport concourent à accentuer le problème. Environ 70 % des besoins énergétiques des habitants du continent africain sont couverts par le bois, proportion incontestablement supérieure à celle du reste du monde (Fleshman, 2008). Toutefois, pour remédier à ces situations et relever les innombrables défis auxquels le continent africain est confronté, la sauvegarde de ces véritables et précieux écosystèmes que sont les forêts constitue l'un des meilleurs moyens à la fois rapide et efficace devant permettre de lutter contre les changements climatiques. En effet, la préservation de ces forêts africaines notamment en zones tropicales et le reboisement pour remplacer les arbres décimés par la déforestation sont de nature à concourir à l'atténuation de l'amplitude de l'évolution climatique et à minimiser les effets des changements climatiques. Plusieurs actions sur l'aménagement des forêts ont été menées sur le continent par des organisations et institutions internationales. C'est le cas de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture avec notamment l'initiative de la Grande muraille verte (GMV), vaste programme visant à lutter contre le phénomène de la désertification au Sahel, à permettre le stockage du carbone et à la restauration de la biodiversité et à combattre les effets 21 GEO. Le recul s'accélère en Afrique pour la forêt, mère nourricière des plus fragiles, mai 2020. 22 des changements climatiques (Markus, 2021). L'Afrique figure parmi les continents où la part des forêts bénéficiant de plans de gestion à long terme est l'une des moins importants avec seulement 24% des forêts d'après le dernier rapport d'évaluation des ressources forestières mondiales, certes au-dessus de la moyenne mondiale (18%) et devant l'Amérique du Sud (17%) mais très loin de l'Europe (96%) et l'Asie (64%). Depuis 1989, le Sénégal dispose d'un plan d'action forestier (PAFS adopté en 1992) qui a fait l'objet à plusieurs reprises d'actualisation et de révision. Ce plan découle lui-même de l'actualisation d'un outil de planification des activités forestières dont le Sénégal s'était doté officiellement en 1981, avec l'élaboration du Plan Directeur de Développement Forestier (PDDF). A l'heure actuelle, les enjeux majeurs de la gestion forestière au Sénégal sont essentiellement de préserver la biodiversité et maintenir l'équilibre socio-écologique, de limiter la dégradation des sols et le stockage du carbone et plus particulièrement la lutte contre l'exploitation démesurée des ressources forestières. Le Sénégal fait face à des défis majeurs dont les problématiques liées au réchauffement climatique et à la préservation des ressources naturelles. Dans le Sud du Sénégal et plus particulièrement dans la région naturelle de la Casamance où sont localisées les vastes forêts denses s'étendant sur une superficie de près de 30 000 hectares et connues pour leurs essences d'arbres et leurs bois rares et précieux (bois de rose aussi appelé bois de vène, poirier du Cayor), les enjeux sont énormes et les pressions de plus en plus forte (Djeukoua, 2019). L'exploitation illégale des ressources forestières notamment d'espèces de bois de grande valeur très convoitées faisant l'objet d'une immense demande à l'échelle mondiale, est un phénomène très présent dans la région casamançaise et échappe au contrôle de l'Etat sénégalais. Depuis 2010 jusqu'à ce jour, plus de 10 000 hectares de forêts soit environ un million d'arbres ont disparu en raison de l'abattage illégal dans cette région naturelle considérée comme le poumon vert et dernier bastion forestier du Sénégal (Sané, 2016 ; Djeukoua, 2019)22. 22 D'après les conclusions d'une enquête de terrain réalisée en 2016 par l'Association Oceanium de Dakar dans le département de Médina Yoro Foula, région de Kolda, et dans des villages en Gambie. 23 Figure 4 : Bois abattu illégalement par des individus 23 Les vastes forêts de Casamance sont en train d'être décimées par l'exploitation forestière illégale et le trafic de bois précieux vers la Chine (via la Gambie) surtout le bois de rose pour lequel la demande est particulièrement forte, en l'occurrence du marché chinois. Longtemps constitué comme l'un des trésors des forêts casamançaises, le bois de rose ou vène est une espèce qui fait l'objet de toutes les convoitises. Pourtant, c'est une espèce protégée et interdite d'exportation depuis 1998 dans le Code forestier sénégalais24. Selon l'AGM, les forêts casamançaises continuent d'être « massacrées » par des individus provenant majoritaire du pays voisin la Gambie, qui exploitent de manière frauduleuse ces forêts pour récolter des bois précieux25, malgré le déploiement militaire et de nombreuses mesures sur la coupe de bois prises par le gouvernement sénégalais. Figure 5 : Bois saisit par les agents des eaux et forêts 26 23 Source : AGM, 2019. 24 Oceanium de Dakar, « Restaurer notre environnement pour que nos populations en vivent », avril 2021. 25 AGM. « Sénégal : Exploitation illégal des ressources forestières en Casamance », décembre 2019. 26 Source : AGM, 2019. 24 Selon la Direction de l'information et des relations publiques des Armées, 77 camions transportant illégalement du bois provenant du Sénégal ont été immobilisés par le détachement déployé au sein de la Force internationale en territoire gambien, durant la période d'août à décembre 2021 (DIRPA, 2022)27. Face à un Etat quasi-impuissant, de grandes quantités de bois notamment du bois de rose sont acheminés clandestinement par charrettes, voitures ou camions vers la Gambie avec la complicité présumée d'autorités gambiens, pour ensuite être exporté vers le continent asiatique, plus précisément en Chine. Avec une superficie estimée à 11 300 km2 (le plus petit pays d'Afrique continentale) et bien que ses forêts soient pourtant presque entièrement décimées, la Gambie expédie autant de bois vers la Chine que la Guinée-Bissau ou la Côte d'Ivoire ou encore le Ghana. Elle se positionne en deuxième place sur la liste des pays d'Afrique exportateurs de bois de rose vers la République de Chine, avec un volume des exportations grumes et de sciages de bois de rose vers la Chine estimé à près de 58 000 mètres cubes de bois en 2015 (l'équivalent de 140 milles arbres) pour un montant de l'ordre de 41 millions de dollars soit plus de 24,5 milliards de Francs CFA (Caramel, 2016)28. Figure 6 : Importations chinoises de grumes et de sciages de bois de rose en provenance des pays de la CEDEAO, 2015 29 Selon une enquête de la BBC en 2020, la valeur de ces exportations gambiennes de bois de rose est de l'ordre de 300 millions de dollars (soit l'équivalent de 180 milliards de Francs CFA) au cours de ces six dernières années (DIOP, 2022). Ce marché très lucratif est au centre des tensions vives et persistances qui sévissent de façon permanente, depuis plusieurs années à la frontière sénégalo-gambienne. Cette exploitation forestière illégale représente pour un manque 27 DIRPA, annonce du mardi 25 janvier 2022. 28 Le Monde Afrique, « Entre Gambie et Casamance, les saigneurs du bois de vène », mai 2016. 29 Source : Oceanium de Dakar 25 à gagner de près de 117 milliards de francs CFA pour l'Etat sénégalais (BBC Africa Eye, 2020)30. L'ampleur de cette exploitation forestière illégale qui sévit dans cette région frontalière du territoire gambien est arrivée à tel point que la disparition rapide des zones boisées a atteint aujourd'hui un seuil critique (Djeukoua, 2019). Comme en témoignent les images ci-dessous d'une vidéo31 filmée grâce à un drone qui permettent d'avoir une idée un peu plus précise du pillage et l'ampleur des destructions des forêts casamançaises, du trafic illégal de bois précieux surtout du bois de rose ou vène particulièrement apprécié des chinois pour la fabrication des meubles de luxes. Ces images vues du ciel du marché de Sare Bodjo, village du territoire gambien situé à 1 km de la frontière sénégalaise, montrent disséminés sur de grandes étendues un dépôt de milliers de troncs de bois de rose ou vène, de larges baraquements et des camions, des chevaux et des charrettes transportant le bois collecté depuis le territoire sénégalais32. Figure 7 : Marché de Sare Bodjo, à un kilomètre à l'intérieur de la Gambie33 30 BBC Africa Eye, Reportage intitulé « Les arbres qui saignent », 9 mars 2020. 31 Seneweb / publiée en mai 2016 par l'Oceanium de Dakar, association sénégalaise oeuvrant pour la protection de l'environnement et la conservation des ressources naturelles. https://www.youtube.com/watch?v=ee0yLBh NRE 32 Vidéo du pillage de bois de la Casamance par des chinois publiée par l'Oceanium de Dakar, mai 2016. 33 BBC Africa Eye, mars 2020. 26 L'exploitation clandestine du bois a pris de l'ampleur au cours des cinq dernières années en région casamançaise. Certes, il est difficile de quantifier annuellement les superficies dévastées mais c'est souvent en moyenne le chiffre de 40 000 hectares qui est annoncé et mis en avant par les autorités sénégalaises selon Dr Baldé, expert géographe spécialiste en gouvernance des ressources naturelles, tout en affirmant que le vrai problème réside dans le fait que les besoins de prélèvements des populations locales outrepassent les capacités de régénération des écosystèmes forestiers (Baldé, 2018)34. Jusqu'en 2016, « Environ 10 000 hectares de forêts ont été coupées et les 30 000 hectares restants risquent de subir le même sort » affirme l'écologiste et ancien ministre sénégalais de l'environnement Haïdar El Ali en conférence de presse, avant d'ajouter que « avec l'implication de la population sénégalaise locale dans le trafic illégal, le taux de coupe avait plus que triplé en 2016 et on pourrait assister à la disparition de plus de la moitié de la forêt restante en une courte durée de moins de trois années ». C'est autour de son successeur au ministère de l'environnement Abdoulaye Bibi Baldé d'annoncer lors de la Journée mondiale de l'environnement en 2015 que le pays a perdu une superficie de massifs forestiers estimée à 1,2 millions d'hectares entre 2010 et 2015 soit à l'espace de cinq années (Ndao, 2021). Les forêts de la région casamançaise, dernière grande zone boisée du pays, seront d'ici quelques années irrémédiablement détruites si le trafic illicite de bois vers la Gambie continue au rythme actuel (Sané, 2016). Dans cette partie du territoire national, les fortes pressions exercées sur les forêts sont croissantes, ne cessent de s'accentuer d'années en années et sont à l'origine de la dégradation des ressources naturelles et forestières. La surexploitation des forêts casamançaises a été depuis longtemps favorisée par une situation persistante d'insécurité dans certaines zones et de conflit armé depuis plus de 40 ans (depuis 1982), symbole de la lutte des rebelles casamançais pour l'indépendance de la région de Casamance (Ba, 2022). Les évènements tragiques de janvier 2018 relatifs aux tueries dans la forêt de Bofa-Bayotte en Basse-Casamance qui ont entrainé à la mort de 15 individus coupeurs de bois partis chercher du bois et tués par des personnes armées supposés appartenir au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), en attestent la visibilité et l'ampleur de ce phénomène d'exploitation forestière illégale et rappellent l'acuité de la question. La politique laxiste du gouvernement sénégalais en matière de protection des forêts casamançaises est pointée du doigt notamment par la Convergence pour le désenclavement et le développement de la Casamance 34 Baldé. L'exploitation illégale de bois de vène dans les communes de Badion et de Kandia en haute Casamance : un évènement social et territorial, Thèse de doctorat 2018. 27 (CDDC) à travers sa déclaration : « Dès lors que l'incident émane de l'exploitation abusive et illégale des ressources naturelles de la Casamance, encore une fois notre Etat a montré ses limites, son amateurisme et son incapacité à pouvoir gérer avec efficience, pragmatisme et rigueur des dossiers relevant de ses compétences» (Gaye, 2018)35. Pour faire face à cette situation de tension et lutter contre le trafic illégal de bois, plusieurs mesures sont prises par les autorités sénégalais. Un nouveau code forestier interdisant les exportations du bois et limitant l'exploitation locale au bois mort a été adopté en novembre 2018. Les effectifs d'agents des services des eaux et forêts ont augmenté jusqu'à triplé entre 2014 et 2020 en vue de renforcer la surveillance des ressources forestières et sensibiliser les populations locales (Gyuse, 2022). Toutefois les mesures prises n'ont pas permis de stopper le trafic illégal et les évènements tragiques qui en découlent. Ce commerce illégal de bois ne cesse de prospérer au fil des années ; une véritable catastrophe écologique qui génère des sommes d'argent colossales et alimente la lutte armée. En témoigne le récent événement de l'embuscade meurtrière du 24 janvier 2022 décrite dans l'article du 27 avril 2022 du magazine Jeune Afrique intitulé « Sénégal : quand le trafic de bois alimente la rébellion en Casamance »36. Cette vaste région naturelle au Sud du territoire sénégalais abrite une grande diversité d'espèces végétales et est très souvent confrontée aux feux de forêts aux conséquences multiples, aux coupes irréfléchies par les sous-traitants de la compagnie fournisseuse d'électricité (forêt pillée sur 50 ou 100 m de profondeur au bord des routes de toutes ses espèces nobles), aux coupes illégales au préjudice incommensurable, aux prélèvements pour le fumage du poisson (Ba, 2022). Il est manifeste que les forêts casamançaises subissent d'énormes pressions anthropiques avérées qu'il serait nécessaire bien les identifier et analyser en vue d'établir des stratégies forestières efficaces pour une gestion durable des forêts en région casamançaise et une bonne gouvernance forestière. Ainsi, face à ces fortes pressions exercées qui dégradent et détruisent les forêts, une bonne gouvernance des forêts devrait permettre de répondre à la satisfaction durable des besoins des populations casamançaises en produits forestiers ligneux et non ligneux, sans pour autant compromettre les équilibres socio-écologiques dans le contexte actuel de réchauffement climatique. 35 Le Quotidien, Casamance - Tuerie dans la forêt de Bofa-Bayotte : La Cddc accable les « parrains » du trafic du bois, 18 janvier 2018. 36 Jeune Afrique Sénégal : quand le trafic de bois alimente la rébellion en Casamance, article du 27 avril 2022. https://www.jeuneafrique.com/1340050/politique/senegal-quand-le-trafic-de-bois-alimente-la-rebellion-en-casamance/ 28 |
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