CHAPITRE 1 : CONTEXTE, PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE
I. CONTEXTE DE L'ETUDE
De nos jours, le changement climatique notamment les questions
sur le réchauffement climatique et les problématiques
liées à la déforestation et de la dégradation des
forêts dans les débats environnementaux qui animent en permanence
la vie politico-sociale sont autant de sujets d'actualités
internationales et occupent le devant de la scène mondiale. La
déforestation et la dégradation des forêts sont aujourd'hui
d'importants facteurs des changements climatiques et de la perte de
biodiversité forestière, deux des plus grands défis
environnementaux majeurs actuels auxquels l'humanité est
confrontée. On estime à l'échelle mondiale à 420
millions d'hectares de forêts la perte forestière imputée
à la déforestation entre 1990 et 2020, en majorité celle
due à l'essartage pour l'agriculture (FAO, 2020). Selon une étude
parue sur la revue Science et portant sur la classification des moteurs de la
perte mondiale des forêts, on estime à l'échelle mondiale
à près de 5 millions d'hectares, les pertes annuelles de
forêts entre les années 2001 et 2015 (Curtis et al., 2018).
L'expansion de l'agriculture constitue la cause directe
d'environ 80% de la déforestation mondiale (Kissinger, Herold et De Sy,
2012), avec des variations importantes selon les régions du monde.
Près de 60% des forêts sont dégradées dans le monde.
Selon l'indice Forest Landscape Integrity, révélé dans une
étude publiée en décembre 2020 dans la revue Nature
Communications, les forêts mondiales ont tellement été
dégradées que seulement 40% sont considérées comme
ayant une haute intégrité écologique c'est-à-dire
celles caractérisées par des niveaux élevés de
biodiversité, des services écosystémiques de haute
qualité et une forte résilience au changement climatique
(Grantham et al., 2020). Plusieurs travaux de recherches, divers rapports de
société civile voir même des discours politiques sont de
plus de plus orientés vers les thématiques relatives à la
dégradation des ressources forestières et la déforestation
(Capel, 20155 ; Cirad, 20206 ; Jacque, 20227 ;
Tsayem-Demaze, 20108 ; Hasan, 20199 ; Bakehe,
202010). Les causes sous-jacentes de ces processus de
dégradation et de déforestation sont
5 Rapport technique 2015 sur Agents et causes de la
déforestation et dégradation dans les sites pilotes du projet
6 Pourquoi les politiques actuelles de lutte contre la
déforestation sont-elles vouées à l'échec ?
Plaidoyer 2020.
7 Discours à la COP27 du Président Lula
sur la déforestation en Amazonie, Article Les Echos. 2022.
8 Éviter ou réduire la
déforestation pour atténuer le changement climatique : le pari de
la REDD. 2010
9 Évaluation de la dégradation des
forêts primaires par télédétection dans un espace de
front pionnier consolidé d'Amazonie orientale (Paragominas),
Thèse de doctorat 2019.
10 L'effet de la démocratie sur la
dégradation de l'environnement : le cas de la déforestation dans
le bassin du Congo, Article 2020.
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surtout liées aux formes d'agriculture et d'industrie
minières adoptées par les sociétés à travers
leurs modes de fonctionnement économique mondialisé (Lanly,
2003).
Dans le bassin de l'Amazonie par exemple, les barrages et
routes transamazoniennes, les politiques de colonisation menée par le
gouvernement brésilien et les incitatifs économiques, ont
été les premières causes de la déforestation
(Beliveau, 2008 et Smouts, 2001). L'étude réalisée par
Smouts « La déforestation. Un débat sans conclusion
»11, dans "Forêts tropicales, jungle internationale"
apparaît comme la plus pertinente expliquant les causes de la
déforestation à l'échelle mondial selon l'avis de Paul
Leadley, écologue à l'université Paris-Saclay. Par
ailleurs, les facteurs de la déforestation sont multiples et
diffèrent selon les continents et les régions du monde, d'une
zone géographique à une autre. En Afrique et plus
particulièrement en Afrique subsaharienne, les activités
agricoles notamment l'agriculture de subsistance et l'agriculture commerciale
ont principalement été de loin la cause majeure du
défrichement des grandes forêts de la région, mais aussi
l'exploitation forestière industrielle et le commerce de bois (FAO et
al., 2015)
Les forêts tropicales d'Afrique et d'Amérique ont
depuis longtemps subi des pressions dues à la colonisation par
l'exportation des ressources forestières africaines
considérées avant comme des ressources inépuisables, et le
déboisement anarchique du bloc amazonien sous l'effet des
activités humaines. A partir de l'année 2000, c'est dans la zone
sud-américaine où les pertes annuelles nettes de forêts les
plus élevées ont été enregistrées avec
près de 4,3 millions d'hectares sur les cinq premières
années selon le rapport 2020 sur l'évaluation des ressources
forestières mondiales de l'Organisation mondiale pour l'alimentation et
l'agriculture. Toutefois sur la période de la dernière
décennie 2010-2020, l'Afrique se démarque et présente le
taux annuel net de perte forestière le plus élevé
évalué à 3,9 millions d'hectares contre 2,6 millions de la
région sud-américaine qui arrive en deuxième position,
tandis que l'Asie affiche sur la même période le gain net de
superficie forestière le plus important (FAO, 2020)12.
11 Dans Forêts tropicales, jungle
internationale. Les revers de l'écopolitique mondiale, 2001.
12 FAO, Rapport d'évaluation des ressources
forestières mondiales « Résultats principaux de FRA 2020
»
![](Strategie-pour-une-gestion-durable-des-forts-au-Senegal-pressions-exercees-sur-les-forts-et-s3.png)
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Figure 2 : Hausses et reculs de la surface forestière
mondiale par région de 1990 à 2020
Phénomène inquiétant en nette
progression, la déforestation est devenue aujourd'hui une
réalité préoccupante et pose soucis dans beaucoup de pays
du monde notamment et plus particulièrement en Afrique où les
forêts sont particulièrement vulnérables aux changements
globaux. L'Afrique héberge le second massif de forêt dense
tropicale humide au monde d'après les résultats d'une
étude de l'IRD et du CIRAD, publiés dans la revue Nature en
202113. En outre, elle constitue l'unique continent abritant le seul
puits de carbone encore important si on considère les trois principales
zones de forêts tropicales de la planète à savoir le bassin
de l'Amazone, le bassin du Congo et l'Asie du Sud-Est (Harris et Gibbs, 2021).
Les forêts tropicales constituent les écosystèmes les plus
importants en terme de séquestration du carbone. La biomasse
considérable leur permet d'absorber 50% de carbone de plus que les
autres forêts, jouant ainsi un rôle essentiel dans la
régulation du climat.
Les forêts sont des formations végétales
constituées d'arbres plantés ou spontanés, aux cimes
jointives ou peu espacées, dominant souvent un sous-bois arbustif ou
herbacé. Espace couvert par ce type de végétation. Massif
boisé d'au moins 4 ha avec une largeur moyenne en cime d'au moins 25
mètres ; des classes de superficie peuvent être distinguées
: 4 à 25 ha, 25 à 100, etc... (Définition de
l'IFN14). Ce sont des terres occupant une superficie de plus de 0,5
hectare avec des arbres atteignant une hauteur supérieure à 5
mètres et un couvert forestier de plus de 10%,
13 IRD et CIRAD, Des forêts
d'Afrique centrale particulièrement vulnérables aux changements
globaux, 2021.
14 Inventaire Forestier National
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ou avec des arbres capables de remplir ces critères
(FAO). Couramment, nous en distinguons deux grands types : les forêts
primaires et les forêts secondaires. Les forêts primaires sont des
forêts vierges, qui sont restées identiques au fils des
siècles sans être transformées par la présence de
l'homme. Elles sont formées d'espèces indigènes où
aucune trace d'activité humaine n'est clairement visible et où
les processus écologiques ne sont pas sensiblement perturbés. Les
forêts secondaires, par opposition aux primaires, sont des forêts
qui ont repoussées, en une ou plusieurs phases après avoir
été détruites et/ou exploitées par l'homme.
Autrement dit, ce sont des forêts qui se sont
régénérées là où des forêts
primaires ont disparu sous l'impact sous l'effet de phénomènes
naturels ou des activités anthropiques.
"Les forêts représentent un "puits de carbone"
qui absorbe une quantité nette de 7,6 milliards de tonnes de CO2 par an,
soit 1,5 fois la quantité émise annuellement par les Etats-Unis",
d'après une étude sur les émissions et absorption de CO2
des forêts mondiales et réalisée par deux chercheurs pour
le Global Forest Watch (Harris et Gibbs, 2021). Comparables à un poumon,
les forêts assurent de nombreuses fonctions essentielles voir vitales
dont les quatre principales tournent autour de la production de bois (bois
d'oeuvre, bois-énergie, bois industrie), la préservation de la
biodiversité et des fonctionnalités écologiques, la
fonction sociale (activités de loisirs, tourisme, paysage,
bien-être des populations) et la protection contre les risques naturels
(crues, avalanches, chutes de blocs rocheux, érosion des sols,
glissement de terrains). Les forêts mondiales sont liées de
façon étroite au changements climatique, d'autant plus qu'elles
sont à la fois une cause, l'une des premières victimes et
également l'une des réponses pour atténuer les effets du
changement climatique.
Elles contribuent à atténuer le changement
climatique à travers trois processus plus connus sous le principe des
« 3 S » : la Séquestration du carbone par les arbres, le
Stockage du carbone dans les produits bois, et la Substitution dès lors
que le bois se substitue à d'autres matériaux ou énergies
plus émetteurs en carbone (Valade et Bellassen, 2020). De plus en plus,
il est de toute évidence manifeste que des fortes pressions sont
exercées sur les ressources forestières dans les pays des «
Suds » d'Afrique notamment au Sénégal et que les changements
climatiques ont des effets sur la répartition et la composition des
forêts. Il apparait donc nécessaire de mettre en place des
solutions concrètes pour apporter une réponse aux pressions
accrues qui s'exercent sur les forêts notamment la pression de
déforestation, de mettre en oeuvre des stratégies
forestières efficaces visant à réduire les fortes
pressions exercées sur les forêts et concourant à adapter
les forêts aux nouvelles conditions climatiques.
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La gestion durable des forêts permet de garantir la
diversité biologique de ces dernières, leur productivité,
leur capacité de régénération, leur vitalité
et leur capacité de satisfaire, actuellement et pour l'avenir, les
fonctions économiques, écologiques et sociales pertinentes aux
niveaux local, national et international, sans causer de préjudices
à d'autres écosystèmes (GIEC, 2009).15 Diverses
approches participatives de gestion associées à la foresterie
sociale ou agroforesterie ont intégré des instances
d'intervention internationales (Verdeaux, 1999). Tout compte fait, la gestion
durable des forêts apparaît comme un moyen de lutte contre la
déforestation et la dégradation des forêts, et constitue un
levier essentiel pour combattre le changement climatique d'après le
rapport spécial du GIEC sur le changement climatique, la
désertification, la dégradation des sols, la gestion durable des
terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet
de serre dans les écosystèmes terrestres"16.
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