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Strategie pour une gestion durable des forêts au Senegal - pressions exercées sur les forêts et stratégie de gestion forestière dans un contexte de changement climatique: cas des forêts de Casamance au Sénégal


par Abdoul Aziz Sy DIOUF
Le Mans Université - Master gestion des territoires et développement local 2023
  

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INTRODUCTION

Les pressions opérées par nos sociétés et leur mode de fonctionnement économique mondialisée sont aujourd'hui à l'origine d'importants processus de dégradation et de disparition des ressources forestières à l'échelle mondiale et des changements climatiques observés partout dans le monde (Naturefrance, 2022). Avec le phénomène de mondialisation qui expose les forêts à la pression des marchés internationaux, l'adaptation des territoires aux changements environnementaux devient d'autant plus cruciale que s'accélèrent et s'accentuent les bouleversements climatiques. En effet, après la seconde guerre mondiale marquée par la période de reconstruction et des changements profonds impulsés par le phénomène de l'industrialisation, trois grands espaces de déforestation active se dégagent dans le monde : l'Amazonie en Amérique du Sud, l'Afrique équatoriale et la zone Malaisie/Indonésie en Asie (FAO, 2006)1. Aujourd'hui, l'Afrique est le seul continent où la déforestation et la dégradation des forêts se poursuivent à un rythme alarmant avec une progression la plus rapide au monde, d'après le dernier rapport d'évaluation des ressources forestières mondiales de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO, 2020).

Selon le rapport de mission « Protection des forêts tropicales et de leur biodiversité contre la dégradation et la déforestation », la crise forestière mondiale est avant tout une crise de surconsommation liée principalement aux activités humaines (Le Guen, 2010). La mondialisation économique a entrainé une consommation excessive des ressources naturelles, engendré des pollutions de l'environnement et une destruction encore plus accélérée des ressources déjà surexploitées notamment les ressources forestières. Bien qu'elles soient des ressources inégalement réparties géographiquement sur le globe, les forêts du monde couvrent une superficie totale estimée à 4,06 milliards d'hectares, correspondant à 31% de la superficie terrestre mondiale, d'après les résultats d'évaluation des ressources forestières mondiales (FAO, 2020)2. L'Europe y compris la Russie héberge le 1/4 de la superficie forestière mondiale. S'en suivent l'Amérique du Sud (21%), l'Amérique du Nord et centrale (19%), l'Afrique (16%), l'Asie (15%) et l'Océanie (5%). Plus de la moitié soit précisément 54% des forêts mondiales se trouvent localiser exclusivement dans cinq pays (Russie, 20% ; Brésil, 12% ; Canada, 9% ; USA, 8% ; Chine, 5%) et on estime qu'environ 45% de la superficie forestière mondiale sont occupées par les forêts tropicales en 2020.

1 FAO, Rapport d'évaluation des ressources forestières mondiales « Résultats principaux de FRA 2005 »

2 FAO, Rapport d'évaluation des ressources forestières mondiales « Résultats principaux de FRA 2020 »

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Figure 1 : Répartition mondiale des forêts par domaine climatique 3

Les forêts mondiales ont longtemps joué un rôle primordial dans la création des microclimats et la régulation du climat du globe terrestre. On distingue les forêts primaires communément appelées forêts vierges ou anciennes (ou encore originelles) hébergeant généralement d'immenses arbres centenaires, des forêts secondaires constituées davantage d'arbres de plus petites tailles et jeunes. Les forêts primaires structurellement plus intactes et complexes par rapport aux secondaires, fournissent en plus de la préservation de la biodiversité, de nombreux services écosystémiques (maintien et protection des sols et de la qualité des eaux, séquestration du carbone...). Les forêts secondaires sont des forêts victimes de perturbations profondes et offrent également des services écosystémiques (épuration des eaux, fournir des produits forestiers, protection des sols contre l'érosion, stockage du carbone...). D'après le rapport du Global Forest Watch sur l'état des forêts tropicales du monde, les forêts tropicales primaires permettent de stocker plus de carbone en comparaison avec les autres forêts et procurent un habitat à une biodiversité riche et très rare (Global Forest Watch, 2020). Selon le Directeur du

3 Source : FAO, Rapport d'évaluation des ressources forestières mondiales 2020.

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Département des affaires internationales au Ministère néerlandais de l'agriculture, de la nature et de la qualité de l'alimentation, des études réalisées par la FAO ont montré que les forêts emmagasinent d'énormes quantités de carbone et on estime actuellement plus de 1000 milliards de tonnes de carbone stockées par les forêts et les sols forestiers mondiaux, soit l'équivalent de 2 fois plus que le volume présent dans l'atmosphère (Hoogeveen, 2007).

D'après les résultats de l'étude intitulée « Cartes mondiales des flux de carbone forestier du XXIe siècle » publiés dans la revue Nature Climate Change, les forêts mondiales ont absorbé 2 fois plus de gaz qu'elles n'en ont émis sur la période allant de 2001 à 2019 (Férard, 2021). Chaque année, elles ont en moyenne consommé 16 milliards de tonnes de CO2 annuellement contre 8,1 milliards de tonnes libérées du fait de la déforestation et d'autres perturbations (Harris et al., 2021). La destruction de ces forêts se traduit par une réduction de la capacité de l'écosystème mondial à stocker du carbone, donc moins de CO2 absorbé et inversement une augmentation de l'effet de serre, cause principale du réchauffement climatique de la planète. Depuis 2002, plus de la moitié des destructions de ressources forestières tropicales sont enregistrées dans les forêts localisées dans la région amazonienne ou dans ses environs immédiats (Krogh, 2021). Selon l'ONG Rainforest Foundation Norway, l'exploitation des ressources forestières et la conversion des terres notamment pour des besoins de productions agricoles ont réduit à néant 34% des forêts tropicales humides primaires et conduit à la dégradation, la destruction partielle ou complète puis à leur remplacement par des forêts secondaires de plus de 30% des forêts tropicales primaires, les rendant plus vulnérables aux feux de forêt ou à des potentielles exploitations ultérieures.

La superficie forestière mondiale ne cesse de diminuer au fil des années et les pertes de forêts dans le monde sont énormes, même si toutefois le taux de perte forestière nette a significativement depuis les années 90 grâce au recul du rythme de la déforestation dans certaines régions et à l'augmentation de la superficie forestière relative aux reboisements et à l'expansion naturelle forestière, d'après le rapport de l'Organisation mondiale de l'alimentation et l'agriculture sur l'évaluation des ressources forestières mondiales (FAO, 2020). Selon le même rapport, les pertes enregistrées à l'échelle mondiale depuis l'année 1990 ont atteint près de 178 millions d'hectares de couvertures forestières, avec des taux annuels de perte forestière nette respectifs de 7,8 millions d'hectares durant la décennie 1990-2000, 5,2 millions entre 2000 à 2010 et 4,7 millions sur la période 2010-2020 (FAO, 2020). L'agriculture est à l'origine de près de 80% de la déforestation ; les 20% restants étant attribués par importance respectivement accordée avant tout à l'industrialisation et la construction d'infrastructures notamment les

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routes et les barrages, ensuite aux activités minières et dernièrement à l'urbanisation, si on se réfère sur les données du rapport de l'Organisation sur la situation des forêts du monde (FAO, 2016)4.

Au Sénégal, les formations forestières essentiellement représentées par les forêts claires, les forêts galeries et les forêts denses sèches sont généralement localisées dans la partie Sud du territoire. De 1965 à l'année 2000, les superficies des forêts ont progressivement reculées, passant respectivement de 4,4% du territoire sénégalaise à 2,6% (Tappan et al., 2004). D'après le Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS), les forêts claires, les forêts galeries et les savanes ont connu une importante baisse en termes de superficie, avec une diminution de près de 12 000 km2 entre 1975 et 2013 (Solly et al., 2021). Par ailleurs, une dégradation forestière très avancée et une forte diminution de la couverture végétale ont été constatées entre 1987 et 2018 dans la partie Sud du pays, en région casamançaise d'après les enquêtes réalisées dans le cadre d'une étude sur le suivi de la déforestation par télédétection haute résolution en Haute Casamance dirigée par des chercheurs du département de géographie de l'Université de Ziguinchor (Solly et al., 2018). De plus, l'étude avance que les principaux facteurs à l'origine de ces phénomènes de déforestation et dégradation forestière tournent autour des défrichements agricoles, des nombreux feux de brousse, des coupes démesurées ou non contrôlées de bois, l'augmentation de la population et les variations de la pluviométrie.

Logiquement quand les forêts sont surexploitées, détruites ou incendiées, elles deviennent elles-mêmes une source de gaz à effet de serre (Sremski, 2022). Tout compte fait, la destruction des forêts est synonyme d'émission de milliards de tonnes de dioxyde de carbone chaque année dans notre atmosphère. Aujourd'hui, il est nécessaire d'empêcher cette libération de gaz dans l'atmosphère pour lutter contre le réchauffement climatique, de protéger le patrimoine naturel forestier, le patrimoine naturel mondial et l'environnement. Cette présente étude s'intéresse de façon générale à la gestion durable des ressources forestières en Afrique, plus particulièrement au Sénégal. Elle cherche à traiter les différentes pressions exercées sur les vastes forêts de la région naturelle de la Casamance au Sénégal et à proposer des solutions réalistes efficaces en faveur d'une stratégie efficaces pour une gestion durable des forêts casamançaises. Pour ce faire, l'étude tente dans un premier temps d'aborder les cadres politique, juridique et institutionnel régissant la gestion des ressources forestières et l'évolution de la gouvernance forestière après un brève présentation de la zone concernée par la présente étude. Ensuite, elle

4 FAO, Rapport sur la situation des forêts du monde, 2016.

s'oriente vers l'identification et l'analyse des différentes pressions exercées sur les forêts de la région de Casamance, les principales causes et les conséquences découlant de ces différentes pressions. Enfin, elle cherche à préconiser des solutions visant à améliorer la stratégie pour une gestion durable des forêts après avoir analysé la stratégie mise en oeuvre et identifier les principales contraintes auxquelles elle est confrontée.

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