Les pouvoirs du maire au Bénin: réflexion à l'aune de la récente réforme sur la décentralisationpar Ulrich Yeme Kevin ADANVOESSI Université d'Abomey-Calavi / Ecole doctorale des sciences juridiques politiques et administratives - Master recherche en droit 2023 |
2 : La libre administration et la décentralisationLa libre administration étant le principe qui régit l'autonomie des collectivités béninoises et qui nous sert de base pour discuter des pouvoirs du maire dans cette étude, il est important de rappeler que toutes les décentralisations ne sont pas basées sur le principe de la libre administration. De fait, la libre administration et la décentralisation territoriale sont deux concepts liés à l'organisation du pouvoir au sein de l'Etat. En l'espèce, ils sont liés à l'organisation verticale du pouvoir au sein de l'Etat. La libre administration, comme nous l'avons étudié, est une liberté fondamentale, un principe à valeur constitutionnel dont le respect s'impose au législateur. Lorsqu'on recourt à cette expression, c'est souvent pour faire référence au droit et à la capacité que les collectivités ont de s'administrer de manière autonome. Typiquement, la libre administration reconnait l'autonomie des collectivités pour gérer leurs affaires dans le respect des lois et politiques nationales. C'est pour cette raison que la Constitution béninoise parle de libre administration bien que le code de l'administration territoriale, lui, mette l'accent sur la décentralisation. Justement, la décentralisation territoriale est, quant à elle, « un principe d'organisation administrative de l'Etat qui repose sur la délégation de puissance publique consentie aux collectivités »61(*). C'est « un processus d'aménagement de l'État unitaire qui consiste à transférer des compétences administratives de l'État vers des entités (ou des collectivités) locales distinctes de lui »62(*). Nous pouvons donc observer que la décentralisation se charge de définir le transfert de pouvoirs et de responsabilités de l'administration centrale vers des entités infranationales. Elle est un concept plus large que la libre administration et partant de ce fait, il peut y avoir un transfert de pouvoirs et de responsabilités qui n'équivaut pas à une libre administration. A contrario, l'on parle toujours de libre administration dans le cadre de la décentralisation. La décentralisation étant une acception plus large que la libre administration englobe soit une décentralisation politique, administrative ou financière. L'étude de la littérature existante montre qu'en Afrique la décentralisation à la française repose principalement sur le principe de la libre administration tandis que la décentralisation dans les pays anglophones peut signifier « la déconcentration, la délégation de pouvoir ou encore la dévolution de pouvoir, cette dernière correspondant à la notion francophone de la décentralisation »63(*), c'est-à-dire à la libre administration. Mais même dans le cadre de la « dévolution », l'expérience de la décentralisation est très différente des pays francophones, notamment au niveau de la répartition des compétences entre l'administration centrale et les collectivités territoriales. La libre administration est donc un aspect de la décentralisation qui accorde aux collectivités locales le pouvoir de s'administrer de manière autonome dans les domaines relevant de leurs compétences.Mais, la permission d'agir accordée aux collectivités par le constituant se trouve limitée. Certes, la libre administration garantit l'autonomie des collectivités locales. Cependant, cette autonomie « connait certaines limites qui découlent du principe d'indivisibilité de la République »64(*). * 61 FAVOREU Louis et ROUX André, « La libre administration des collectivités territoriales est-elle une liberté fondamentale ? », op. cit. * 62 VERPEAUX Michel et Coll., Les collectivités territoriales et la décentralisation, Paris, La documentation française, 9e édition, col Découverte de la vie publique, 2016, p.48 * 63 DEMANTE Marie-Jo et coll, Décentralisation et Gouvernance locale en Afrique : des processus, des expériences, Paris, IRAM, février 2008, p.6 * 64 FAVOREU Louis et coll., Droit constitutionnel, op. cit. p523-524 |
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