Les pouvoirs du maire au Bénin: réflexion à l'aune de la récente réforme sur la décentralisationpar Ulrich Yeme Kevin ADANVOESSI Université d'Abomey-Calavi / Ecole doctorale des sciences juridiques politiques et administratives - Master recherche en droit 2023 |
B : Un échec à atteindre les objectifs initiauxCet état de choses a longtemps mis à mal la décentralisation béninoise qui,rappelons-le, devait servir de tremplin pour sortir de la pauvreté (1). Mais au lieu que la décentralisation serve le développement de la commune, elle a fini par servir les projets et ambitions de développement de certains élus (2). 1 : L'échec à sortir les communes de la pauvretéL'échec de l'expérience béninoise de la décentralisation à sortir les communes de la pauvreté a été analysé par certains scientifiques. CALDEIRA a démontré que les communes béninoises dont le niveau de richesse était nul souffraient plus de la décentralisation qu'elles n'en bénéficiaient. Ces communes s'appauvrissaient davantage du fait de la décentralisation113(*). Bien que cela puisse sembler paradoxal, l'étude révèle que ce sont les disparités entre les collectivités plus riches, plus peuplées et plus avancées et celles plus pauvres qui sont aggravées par les efforts de développement. En clair, les communes plus pauvres n'arrivent pas à suivre le rythme de développement des communes plus avancées et s'éloignent davantage du niveau des autres communes qui se développent plus vite et plus facilement. Outre ces disparités, la tendance globale est que la décentralisation béninoise peut être plus performante et plus efficace. Le développement intégré de toutes les parties du pays n'a pas été une réalité plus de deux décennies plus tard. Il fallait donc penser à un nouveau modèle de gestion locale qui prendrait également en compte les spécificités des communes les plus pauvres. 2 : Le développement d'une classe plutôt que de la collectivité territorialeAussi, plutôt que de servir à développer les communes, la décentralisation a parfois servi des intérêts inavoués. Elle a servi à l'enrichissement de personnes physiques ou morales autres que les collectivités territoriales. Dans une situation comme celle-ci où des mésusages comme la corruption et le clientélisme sont érigés en norme, la décentralisation devient absolument contreproductive. Elle ne sert plus au partage des ressources, mais contribue au mieux-être d'une classe sociopolitique donnée au détriment de la grande masse. La justice l'a fait constater avec la mairie de Cotonou où de graves accusations ont pesésur les autorités d'alors. La décentralisation béninoise, calquée sur le modèle francophone, qui constitutionnalise une large autonomie aux autorités locales, a échoué dans sa forme à servir le grand nombre. En lieu et place, elle a servi à alimenter les ambitions personnelles d'une certaine classe. Les données d'Afrobaromètre ont établi une claire corrélation entre la confiance des mandants et la qualité de la gouvernance locale. Ces données ont démontré que les citoyens avaient perdu confiance en la gestion de leurs élus, estimant que cela servait leurs ambitions personnelles. En retour, ce manque de confiance et d'intérêt pour la qualité de la gestion amène les citoyens à ne pas se préoccuper de l'état de la gestion donnant un quitus aux élus pour encore mal diriger. Ces analyses soulignent tout de même la différence de perception selon le niveau d'éducation et de pauvreté des personnes sondées. Les personnes les plus défavorisées sont nettement moins rigoureuses dans leur appréciation de la gestion de leurs conseillers que celles plus éduquées et plus nanties. * 113 CALDEIRA Emilie et coll., « Does decentralization facilitate access to poverty-related services ? Evidence from Benin », In African Successes, Volume 1, Chicago, 2016, p.81-82 |
|