Les pouvoirs du maire au Bénin: réflexion à l'aune de la récente réforme sur la décentralisationpar Ulrich Yeme Kevin ADANVOESSI Université d'Abomey-Calavi / Ecole doctorale des sciences juridiques politiques et administratives - Master recherche en droit 2023 |
B : Un transfert de ressources en difficultéD'habitude on fait référence au principe d'équilibre lorsqu'on évoque le transfert de compétences vers les communes102(*). Ce principe postule que tout transfert de compétence doit s'accompagner d'un transfert de ressources103(*). « La mise à disposition des compétences se fait par la loi et doit également obéir au principe de la concomitance : aux compétences transférées doivent correspondre les moyens qui permettaient leur exécution par l'État central jusqu'à la date du transfert »104(*).Si cela est un véritable challenge que l'administration territoriale doit affronter, il est souvent occulté l'impérieuse nécessité d'accompagner et de soutenir les capacités infranationales. Les deux vont de pair. Visiblement, les efforts de l'administration centrale en la matière sont insuffisants (1) et trahissent peut-être un choix délibéré (2). 1 : Des efforts insuffisantsAujourd'hui, des efforts sont faits notamment à travers la CONAFIL, pour ne citer qu'un exemple, afin que les collectivités disposent de ressources pour exercer les compétences à elles attribuées par le législateur. C'est très encourageant et la dynamique devrait se poursuivre pour faire rayonner notre décentralisation. Toutefois, l'administration centrale doit encore travailler à atteindre un niveau de financement de la décentralisation plus conséquent. En l'état actuel, le Bénin est très loin des recommandations du livre blanc de l'UEMOA sur la décentralisation ou encore de l'ANCB. A l'horizon 2025, il était recommandé aux Etats d'atteindre un taux de transfert de 20% à 30% des ressources budgétaires du pays105(*). Outre cette recommandation provenant de l'instance supranationale, l'ANCB fixait le seuil minimal recommandé en matière de transfert de ressources à 15% des ressources budgétaires nationales106(*). Les acteurs locaux prévalent du faible transfert de ressources vers les collectivités pour justifier l'inefficacité de leurs actions. Pourtant, l'administration centrale justifie ce faible transfert de ressources et de compétences par l'état pitoyable de la gestion locale. 2 : Un choix délibéré de l'administration centraleD'abord le ministre Raphaël AKOTEGNON puis le président Patrice TALON ; ces deux personnalités politiques ont tenu à défendre publiquement le faible transfert de compétences aux communes. Pour eux, l'état de la décentralisation au Bénin n'est pas de nature à permettre que l'on confie davantage de ressources et de pouvoirs aux élus locaux. C'est, semble-t-il, donc un choix délibéré fait aux dépens de tout l'arsenal juridique en place. A l'arrivée, tel le Ouroboros qui se mord la queue, il existe une sorte de corrélation et d'influence réciproque entre l'inefficacité de la gestion locale et le transfert de ressources aux communes par l'administration centrale. Car l'administration centrale avance que les acteurs locaux ne gèrent pas « en bon père de famille » les ressources mises à leur disposition. Or, dans le même temps, les acteurs locaux prétendent que l'insuffisance de résultat, l'inefficacité que l'administration centrale leur reproche est également due à ce manque de ressources. En substance, la gestion locale est inefficace malgré l'autonomie constitutionnelle accordée aux collectivités pour décider de leur sort. Mais cette inefficacité est presque souvent couplée à une certaine opacité dans la gestion qui renforce la méfiance et la défiance des électeurs, des citoyens et des contribuables. * 102 KPATCHA Marc, « Problématique du transfert de compétences aux communes : stratégies des acteurs et perspectives », Mémoire, Master en Administration de développement communautaire, UAC, Bénin, 2007, * 103 GONOD Pascale et coll. (Dir.), op. cit., p.315 * 104HOCHET Peter et coll., Livre blanc de la décentralisation financière dans l'espace UEMOA, Edition Labo Citoyennetes, Décembre 2004, p.15 * 105Ibid., p.48 * 106Ibid. |
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