Les pouvoirs du maire au Bénin: réflexion à l'aune de la récente réforme sur la décentralisationpar Ulrich Yeme Kevin ADANVOESSI Université d'Abomey-Calavi / Ecole doctorale des sciences juridiques politiques et administratives - Master recherche en droit 2023 |
Section 2 : La modulation de l'autonomie locale par le législateurSi le constituant béninois a voulu que la libre administration soit assurée par les conseils élus et l'a inscrit noir sur blanc, il a aussi confié le soin au législateur de déterminer les principes fondamentaux de la libre administration ainsi que les compétences et les ressources des collectivités. C'est donc dans les conditions prévues par la loi que les collectivités prévalent de leur droit à s'administrer librement. L'article 98 de la Constitution béninoise précise en ce sens que « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ». Le législateur a ainsi un pouvoir large d'encadrement de l'exercice de la libre administration par les collectivités. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard que l'article 151 de la Constitution affirme que « les collectivités s'administrent librement par des conseils élus [...] dans les conditions prévues par la loi ». Il est clair que la décentralisation dans le cas du Bénin est codifiée par le législateur et non pas par un acte infralégislatif. Le pouvoir de modulation du législateur est large. Mais nous nous concentrerons sur les modulations qui ont rapport à l'autonomie organique des collectivités et plus particulièrement, celles qui ont rapport aux pouvoirs du maire au Bénin. Cela implique que seule la modulation des organes dirigeants et plus précisément de l'organe exécutif local de la collectivité sera étudiée. L'hypothèse est que cela est nécessaire pour la suite du raisonnement. Dans son exercice de modulation de l'organisation institutionnelle des collectivités, le législateur peut décider de l'institution d'un organe exécutif (Paragraphe 1). Le législateur détermine aussi les conditions dans lesquelles le pouvoir des organes locaux prend fin (Paragraphe 2). Paragraphe 1 :L'institution d'un organe exécutifLe constituant béninois n'a donné qu'une seule obligation expresse en matière d'administration des collectivités. Il faut qu'elles soient administrées par des conseils élus. Or, les lacunes intentionnelles d'une telle assertion permettent justement au législateur d'avoir un champ large pour moduler la constitution des instances dirigeantes de la commune au Bénin. Ainsi, bien que le constituant n'ait pas parlé des organes de la commune encore moins de l'organe exécutif spécifiquement, il a laissé la voie au législateur de moduler les principes directeurs de la libre administration et donc de créer un organe exécutif pour la commune (A) et de fixer les conditions de sa désignation (B). A : L'organe exécutif d'une communeL'organe exécutif local est une création du législateur qui a estimé qu'il était nécessaire pour la commune de disposer d'un organe qui mettrait à exécution les délibérations des assemblées délibérantes. C'est sans doute en s'inspirant de la célèbre citation attribuée à Charles de Gaulle « On ne gouverne pas un pays comme la France avec des assemblées qui discutent, qui palabrent, qui ergotent, qui tergiversent, qui chicanent, qui bavardent, qui radotent et qui perdent leur temps »86(*) qu'on a estimé qu'il faut véritablement avoir un organe avec une autorité forte et une vision claire capable d'agir rapidement et efficacement. L'organe exécutif est donc dans l'action. Au niveau local, l'exécutif peut être unipersonnel ou collégial (2). Dans tous les cas, il a certaines missions assez classiques qui différent de celles des organes délibérants de la collectivité (1) 1 : Les attributions de l'organe exécutif localUn organe exécutif, à la différence des organes délibérants, se charge de préparer et d'exécuter des décisions, de mettre en oeuvre des programmes, etc. L'organe exécutif de la commune n'a pas une source constitutionnelle au Bénin, mais est nécessaire au bon fonctionnement et à l'efficacité de la collectivité. Certains pensent d'ailleurs que le silence d'une constitution quant à l'existence d'un autre organe chargé de préparer et d'exécuter les décisions de l'assemblée des conseils élus est la manifestation de la volonté du Constituant de laisser au législateur le libre choix du mode de désignation des exécutifs communaux87(*). Cela concourt à l'obtention de collectivités qui fonctionnent normalement. * 86 Discours de Caen du 30 mars 1947 * 87 SAUVAGEOT Frédéric, « Pouvoir exécutif et pouvoir délibérant dans les collectivités territoriales françaises »,InAnnuaire des collectivités locales, Tome 21, 2001, La démocratie locale, p.26 |
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