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L'introduction du modèle coopératif sur un marché concurrentiel: l'exemple de Railcoop sur le marché ferroviaire


par Boris Chiron
Université de Nantes - Master Science Politique de l'Europe 2022
  

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A. Les veto-players

Dans un marché où existait un monopole fort, celui-ci ne disparaît pas du jour au lendemain, et l'acteur qui possédait ce monopole peut alors devenir un veto-player par sa puissance. Les veto-players, terme développé par George Tsebelis102, sont des acteurs dont l'accord est essentiel pour réaliser un changement, un projet, des acteurs sans lesquels l'avancée n'est pas possible, avec lesquels il faut s'accommoder et être en bon terme103. C'est toujours une des menaces importantes pour les modèles coopératifs, naissant, comme cela a pu être constaté sur le marché de l'énergie lors de son ouverture à la concurrence avec plusieurs mécanismes typiques des veto-players mis en place par Electricité de France vis-à-vis d'Enercoop. Comme dans l'énergie, le secteur ferroviaire reste un secteur assez fermé, peu concurrentiel, avec une hégémonie de la SNCF, ce qui peut parfois être défavorable à Railcoop. Le Goliath SNCF est parfois réticent à l'apparition du David Railcoop, pas tant pour le fait que la coopérative va lui prendre certains voyageurs, mais pour

102 TSEBELIS G. (1995). Decision Making in Political Systems: Veto Players in Presidentialism,

Parliamentarism, Multicameralism and Multipartyism. British Journal ofPolitical Science, Vol. 25 (3), pp. 289-325

103 WOKURI, P. (2020)., op. cit.

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l'image que cela pourrait potentiellement renvoyer, exposant indirectement les faiblesses et les lacunes du géant du rail, notamment en montrant qu'il est faisable de faire passer un train là où la SNCF ne le faisait plus passer. Ainsi, Railcoop a par exemple besoin d'accords de la part de SNCF Réseau pour ouvrir certaines portions de lignes, de SNCF Gares de Connexions pour avoir une place dans les gares, de SNCF Voyageurs pour acheter des wagons, qui appartiennent financièrement aux Régions, mais matériellement à SNCF Voyageurs. Comme vu auparavant, si le Bordeaux-Lyon a été retardé deux fois, c'est parce que SNCF Réseau n'avait accordé que 50% des sillons demandés par Railcoop. Par ailleurs, SNCF Voyageurs a laissé duré l'achat des rames, en mettant quatre mois à octroyer les wagons à Railcoop parce que celles-ci possédaient un système de signalisation qui était leur propriété intellectuelle. Malgré la bienveillance affichée continuellement par Railcoop, Dominique Guerrée explique que « Les autres ne sont pas indifférents, il y a toujours une contre-attaque, même si Monsieur Farandou, le PDG du groupe SNCF, dit qu'il nous aime bien mais qu'on n'y connaît rien en ferroviaire, comme si on était des doux rêveurs. On l'a rencontré, il y a quand même une légère condescendance. Mais les freins ne viennent pas forcément de la direction mais parfois de directions régionales, qui par exemple ne veulent pas nous vendre de matériel par peur de se tirer une balle dans le pied. «. Une attitude de la SNCF qui ne laisse pas indifférent d'autres élus qui ont moins besoin de bien s'entendre avec le géant du chemin de fer. Ainsi Frédéric Laporte, maire de Montluçon, pour qui «la SNCF est en permanence un frein», ne les ménage pas : «Pour vous donner un exemple, le Lyon-Bordeaux s'arrête à Libourne. Vous voyez, c'est intéressant, ils ne respectent en rien la réglementation européenne qui les enjoint d'ouvrir à la concurrence sur des lignes normales, avec une exploitation totale.», ajoutant qu'il «n'y a qu'à voir l'affichage qu'ils vont concéder à Railcoop dans la gare SNCF. Vous comprendrez tout de suite qu'ils ne cherchent pas spécialement à leur faire de la publicité. Évidemment qu'ils [Railcoop] ne peuvent pas avoir le même discours que moi, ils sont en relation permanente avec eux, ils sont suspendus à leur bon désir»104. La SNCF représente donc parfois un point de blocage malgré l'air assez peu menaçant de la SCIC du Lot. Mais ce frein semble amené à grandir au fil des années et du développement de Railcoop, du moins si celle-ci arrive tout de même à continuer à progresser malgré les défis, financiers, décisionnels, concurrentiels, qui se présentent à elle.

104 Entretien avec F.Laporte

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