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Lieux de mémoires et citoyen.ne.s numérique : un dialogue impossible ?


par Paul GOURMAUD
L'École de design Nantes Atlantique - Master 2 Digital Design 2024
  

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3.2 - les fondations du monument aux morts

Il nous arrive parfois de passer à côté de cet édifice, une sculpture verticale de béton, tantôt avec une statue, tantôt sans. Une inscription est gravée en majuscule « En mémoire de ces soldats morts pour la France », suivie d'une liste de noms nous rappelant que près de 1,5 million de soldats et de civils français périront lors du premier conflit mondial de 1914 à 1918. L'érection des monuments aux morts connaît un réel développement dans les années qui suivront la fin de cette guerre. En revanche, ces initiatives ne se limitent pas seulement à cette période : déjà à partir de la guerre franco-allemande de 1870-71, des monuments aux morts sont construits. Seulement, contrairement aux monuments de 1914-18, ceux-ci résultent majoritairement d'initiatives privées et s'établissent dans un esprit de revanche vis-à-vis de la perte de deux départements français, ceux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, plus communément connus comme l'Alsace-Lorraine.

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avec une symbolique plus patriotique comparativement à ceux de la Première Guerre mondiale 41 (Prost & Nora, 1984). À ce titre, le 25 octobre 1919, face à l'ampleur des pertes humaines, l'État met en place une loi consacrée « à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre ». Cette loi promet entre autres aux communes d'offrir une subvention à utiliser pour la glorification de leurs héros locaux, notamment via l'édification de monuments aux morts.

Cependant, cette décision est à nuancer au regard de ses résultats réels. Dans un premier temps, certaines des propositions formulées dans le texte de loi n'ont tout simplement pas été mises en place, comme par exemple le dépôt des noms de soldats morts pour la France au Panthéon ou encore la construction d'un monument en leur honneur à Paris (même si la dépouille d'un soldat français inconnu sera déposée sous l'Arc de Triomphe en 1920). D'autre part, les subventions pour les communes n'ont été fixées qu'en juillet 1920 et n'ont couvert qu'entre 5 % et 26 % du coût du monument érigé ; cette aide sera finalement arrêtée en 1925. 42 (Julien, 2016). Enfin, la date du 11 novembre

41 Prost, A., & Nora, P. (1984). Les monuments aux morts. Dans Les Lieux de mémoires, La République, La Nation (Vol. 1). Gallimard.

42 Julien, E. (2016, 29 septembre). La loi du 25 octobre 1919 et sa postérité. Le Souvenir Français. Consulté le 13 février 2024, à l'adresse https://le-souvenir-francais.fr/la-loi-du-25-octobre-1919-et-sa-posterite/

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que l'on connaît aujourd'hui afin de commémorer « tous les morts de la France » n'était à l'origine pas celle choisie. La loi du 25 octobre avait en effet préféré les dates du 1er et du 2 novembre à celle du 11, respectivement le jour de la Toussaint et de la fête des morts, afin de privilégier des commémorations endeuillées plutôt que victorieuses. Mais à plusieurs reprises, les associations d'anciens combattants se sont levées contre cette décision, préférant la date du 11 novembre. Elles continueront ainsi à réaliser leurs propres cérémonies en 1919 et en 1920, avant que le gouvernement ne décide finalement d'officialiser cette date en rendant le 11 novembre férié le 8 novembre 1920. Par la suite, l'addition de nouveaux conflits dans la mémoire collective entraîne, le 28 février 2012, le vote de la loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts de la France. Ce texte, en plus des soldats, rend donc hommage aux civils ainsi qu'à ceux ayant péri lors d'opérations extérieures.

Ainsi, la date du 11 novembre tire ses racines d'initiatives que l'on pourrait qualifier de « citoyennes », car elle émane directement du peuple qui affirme trouver davantage de sens en cette date. Même si nous pourrions nuancer en disant que les associations d'anciens combattants ne sont pas exactement représentatives de l'ensemble de la population française en cette période ; leur volonté semble malgré tout en accord avec la situation démographique du pays après la guerre. En effet, la France fut le pays le plus durement touché au regard de

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ses pertes militaires. 70 % des soldats mobilisés ont été tués ou blessés, avec parmi eux 15 000 gueules cassées 43. Malgré tout, l'épreuve du temps fait que les cérémonies du 11 novembre perdent progressivement de leur sens aux yeux des citoyens d'aujourd'hui. Ce qui vaut aussi pour les monuments aux morts qui vivent surtout au travers de ces mêmes cérémonies. « Aux héritiers d'aujourd'hui, il continue d'adresser un langage plus ou moins clair, plus ou moins audible. Le signifié a pu changer ou perdre de sa vigueur, le signifiant demeure pour sa part gravé dans le marbre et le bronze. » 44 (David, 2013). Pourtant, ces édifices sont des portails temporels vers le passé, dans la mesure où chaque détail de leur conception a dû être pris en compte à un moment donné, de leur justification architecturale à la symbolique de leur emplacement. En effet, pourquoi avoir choisi de l'avoir placé dans un cimetière plutôt que directement dans l'espace public ? Le monument se veut-il être plus proche des vivants, ou au contraire appartenir aux morts ?

Également, son emplacement peut être choisi en fonction de la topographie du lieu, et de cette manière, le

43 WeDoData. (2014). Guerre 14-18 : une population transformée [Base de données ; Infographie en ligne]. Dans 14-18, un monde en guerre. https:// shorturl.at/dhrV1

44 David, F. (2013). Comprendre le monument aux morts [OpenEditionBooks]. Codex. consulté le 10 septembre 2023, à l'adresse https://doi.org/10.4000/books. codex.967

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parcours pour y arriver devient une forme de narration. Dans le cas du mémorial de la Vendée à Lucs-sur-Boulogne (datant de la révolution, mais constituant un exemple pertinent dans ce cas-là), le mémorial ayant été construit en 1993 marque le début du parcours afin de monter jusqu'à la chapelle commémorative du Petit-Luc dans laquelle on retrouve des plaques commémoratives avec les noms des 564 résidents du village tués pendant la Révolution. La chapelle étant placée sur un terrain surélevé, il faut gravir la colline, faire un effort pour monter jusqu'à celle-ci, et enfin profiter d'un espace de quiétude en l'honneur de ces victimes. Mais ce sont autant d'informations qui se perdent avec le temps et qu'il est nécessaire de rendre accessibles à celui ou celle qui veut faire parler le monument aux morts. D'autant plus lorsque l'on s'intéresse à la symbolique d'un emplacement. Car dans l'exemple d'un monument aux morts établi en milieu urbain, depuis son érection, l'agencement des bâtiments a évolué autour de lui, le rendant de plus en plus anachronique par rapport au contexte contemporain.

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