Lieux de mémoires et citoyen.ne.s numérique : un dialogue impossible ?par Paul GOURMAUD L'École de design Nantes Atlantique - Master 2 Digital Design 2024 |
1.2 Que sont les lieux de mémoires ?Pour commencer, cette notion de « Lieux de mémoires » fait écho à des « Lieux » matériels ou immatériels, comme le définit Pierre Nora dans le premier tome de son travail sur les Lieux de mémoires : « Ces lieux, il fallait les entendre à tous les sens du mot, du plus matériel et concret, comme les monuments au morts et les Archives nationales, au plus abstrait et intellectuellement 7 Engelking, B. (2018). Des rêves comme source pour l'histoire de l'Holocauste ? Vingtième siècle. Revue d'histoire, 139, 94-109, consulté le 14 novembre 2023, à l'adresse https://doi.org/10.3917/ving.139.0094 18 construit, comme la notion de lignage, de génération, ou même de région et d'homme mémoire » 8 (Nora. P, 1984). Ces derniers évoluent en même temps que la mémoire collective et sont tributaire de l'intérêt ou du désintérêt des citoyens qui trouveront plus de sens dans un monument plutôt qu'un autre. Les raisons peuvent être multiples : une mémoire trop lointaine, la forme du lieu qui n'est plus assez évocatrice etc. Si l'on reste sur l'exemple des monuments publics (monuments aux morts, statues, stèles), la simple performance artistique ou technique dans l'élaboration du monument n'est pas suffisante afin de marquer les esprits et transmettre la mémoire. Il faut aussi que ceux-ci possèdent une forte dimension symbolique afin qu'ils trouvent du sens aux yeux des citoyens. Au mieux il vivra donc au présent ; au rythme des cérémonies, des discours, des discussions, lui permettant ainsi de devenir un lieu d'échange entre le passé et le présent. Ainsi lors des commémorations du 11 novembre 2023 à Nantes, c'est le Monument aux morts de la guerre de 1914-1918, près du Quai Ceineray qui est choisit. Malgré le nom qui lui est attribué, ce n'est pas simplement un hommage aux morts de la première guerre mondiale, car deux plaques supplémentaires sont posés devant la façade. L'une à la mémoire des morts nantais pendant la 8 Nora, P. (1984). Les Lieux de mémoire T. 1 : La République (Vol. 1). Gallimard. 19 seconde guerre mondiale et l'autre pour ceux tombés au cours des opérations en Afrique française du Nord (AFN) entre 1952 et 1962, notamment durant la guerre d'Algérie. Ce monument possède ainsi une valeur symbolique forte en rassemblant plusieurs mémoires importantes à un seul endroit. D'autant plus que sur ce dernier sont gravés les noms des nantais morts pendant la première guerre mondiale, renforçant encore davantage le lien émotionnel avec le lieu. Par opposition, de l'autre côté de l'esplanade se trouve le monument aux morts de la guerre de 1870, en mémoire des ligériens tombés pendant la guerre franco-allemande de 1870. Nous parlons ici d'événements lointains, qui se retrouve aux côtés de mémoires plus récentes déjà installées dans notre mémoire collective contemporaine. Sur la forme, c'est un piédestal composé de plusieurs statues, au sommet celle d'un homme terrassant un aigle, et sur les côtés, 4 statues d'hommes représentant chacune une catégorie de soldats. Ici, la grande différence avec le monument du Quai Ceineray, est que celui-ci n'appose aucun noms, il commémore des valeurs mais pas des Hommes. Les différences se trouvent aussi sur le plan symbolique ; d'un côté ce monument exprimant une volonté de revanche patriotique, avec la figure de l'aigle dominé. Et de l'autre, le monument du Quai Ceineray, où la nation se met en retrait au profit des soldats qui ce sont sacrifiés pour elle. 20 |
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