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La société sucrière du Burkina Faso (SN SOSUCO : de l'aménagement du territoire à  la construction de la mémoire (1965-2020)


par Thomas Frank Bancé
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master de recherche 2023
  

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B/ Les actions de la multinationale de 1975 à 1985 en Haute-Volta

Plusieurs accords ont été signés entre la République de la Haute-Volta et la SOMDIAA de 1965 à 1985. Ces accords ont servi de cadre aux actions de la multinationale française dans le cadre du projet sucrier voltaïque. Les actions de la SOMDIAA se sont étalées sur deux décennies : 1965-1975 et 1975-1985.

71 Société d'Organisation, de Management et de Développement des Industries Alimentaires et Agricoles (SOMDIAA), Dossier de presse, op. cit., p. 6.

72 Société d'Organisation, de Management et de Développement des Industries Alimentaires et Agricoles (SOMDIAA), Rapport Développement Durable, op. cit., p. 17.

73 Ibid., p. 18.

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1. La première décennie : 1965-1975

Les premières actions de la SOMDIAA débutent officiellement en République de la Haute-Volta le 17 août 1965, date de la signature du protocole d'accord entre la SIAN (devenue SOMDIAA en 1970) et la République de la Haute-Volta, aujourd'hui Burkina Faso. De ce protocole d'accord est née la Société d'Etudes Sucrières de Haute-Volta, dirigée par la SIAN. De 1965 à 1969, la SIAN a mené les actions suivantes :

- Des études préliminaires (rapports, compte-rendus, notes, etc.) sur le milieu physique, économique et humain des zones ciblées à accueillir le futur complexe sucrier de la Haute-Volta ont été réalisées au préalable. Ces études, commandées par la SIAN, ont permis de déclarer la région de Banfora comme la plus propice à l'implantation du complexe sucrier.

- Des projets d'aménagement hydraulique ont également été réalisés afin d'étudier les ressources en eau de la région. Ces études ont abouti à la mise en place d'un système d'irrigation des tiges de canne à sucre pendant la saison sèche.

- Des essais agronomiques sur plusieurs variétés de canne à sucre ont été réalisés. L'objectif est de fournir aux pépinières les variétés les mieux adaptées à ce milieu physique.

- La recherche de financement pour le projet sucrier de la Haute-Volta. La SOMDIAA a eu la lourde tâche de rassembler les investisseurs privés et publics autour de ce projet et de solliciter des financements auprès des institutions financières sous-régionales et internationales.

Compte tenu de la technicité de certaines actions, la SIAN a collaboré avec des structures spécialisées pour mener à bien certaines activités. Il s'agit notamment de l'Institut de Recherches Agronomiques Tropicales (IRAT), de la Société Grenobloise d'Etudes et d'Applications Hydrauliques (SOGREAH), ou du Secrétariat français des Missions d'Urbanisme et d'Habitat (SMUH). L'État voltaïque, par l'intermédiaire de ces directions régionales, a également assisté la SIAN dans l'accomplissement de toutes ces missions.

En juillet 1968, la Haute-Volta a créée sa première usine d'agglomération du sucre avec l'assistance technique de la SIAN. Au vu des premières productions encourageantes, cette agglomération sucrière a été transformée en 1972 en complexe sucrier sous le nom de Société Sucrière de Haute-Volta, en abrégé SOSUHV. Un contrat d'assistance technique est signé entre le Gouvernement voltaïque et la SOMDIAA.

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De 1972 à 1974, la SOMDIAA multiplie les réalisations en Haute-Volta. Elle assure la construction des bâtiments de l'usine, l'installation des machines de la raffinerie et la fourniture du matériel agricole dans le cadre du Contrat d'engineering du 20 octobre 1972. Au même moment, les dernières expérimentations sur les variétés de canne à sucre dans les pépinières sont achevées. En 1975, le complexe sucrier est opérationnel.

2. La deuxième décennie : 1975-1985

Après l'inauguration de la Société Sucrière de Haute-Volta en janvier 1975, le gouvernement de la République de la Haute-Volta décide de confier la gestion et l'exploitation du nouveau complexe sucrier à la SOMDIAA en signant un nouveau contrat. Ce Contrat de Gestion et d'assistance technique est signé le 1er juillet 1975 pour une durée de 10 ans. À partir de cette date, tous les actes de l'entreprise française sont régis par ce contrat. Les actions de la SOMDIAA dans la gestion de la SOSUHV se répartissent en plusieurs secteurs.

L'équipement technique

La réussite de ce projet sucrier commençait dans les champs de canne à sucre. Pour ce faire, la SOMDIAA a acquis un important matériel agricole afin de rentabiliser la culture de la canne et le système agricole qui l'accompagne. Ce matériel comprend des véhicules légers, des véhicules lourds (tracteurs, camions-bennes, remorques) et des machines spéciales. Ce matériel était utilisé pour la culture, l'irrigation, la coupe et au transport de la canne des plantations à l'usine. Ils servaient également à la mobilité des travailleurs dans les plantations. La SOMDIAA a commencé avec 30 ha de pépinières en 1972 74 et n'a pu développer que 4 210 ha sur les 10 000 ha prévus.

La transformation de la canne à sucre devait se faire dans une unité industrielle sophistiquée et moderne. Pour ce faire, la SOMDIAA signe en 1972 un Contrat d'ingénierie avec la société française Fives Lille-Cail pour la construction de l'usine. Cette entreprise s'associe avec une société belge (UCMAS) pour la fourniture des équipements75 et à une société française (UDEC Volta) pour le montage des équipements à Bérégadougou. Au final, le complexe sucrier dispose d'une cour à cannes, d'un bâtiment industriel, d'un magasin à sucre, d'un atelier de production, d'une raffinerie, d'un laboratoire et de bureaux administratifs. Ces prestations d'ingénierie ont permis la mise en service en 1975 d'une sucrerie dont la capacité de production est estimée à 30 000 tonnes par an.

74Archives nationales de France, Direction du développement économique du Ministère chargé de la coopération, Fond 201 MC, 19860346/19, Contrat d'ingénierie Fives Lille-Cail, 1972, p. 3.

75 Ibid., p. 2.

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La production et la commercialisation du sucre

Les données statistiques relatives à la production et à la vente de sucre SOSUVH n'ont pas suivi la même évolution. Le Tableau 1 et le Graphique 1 ci-dessous illustrent cette disparité.

Tableau 1 : L'évolution de la production et des ventes de la SOSUHV de 1974-1985

 

1974-

1975-

1976-

1977-

1978-

1979-

1980-

1981-

1982-

1983-

1984-

Années

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

Production (tonnes)

5805

16129

20793

30214

31018

27838

25506

28406

27702

26939

27369

Vente (tonnes)

-

-

-

-

29178

30380

30252

32322

31013

32140

29863

Source : Centre d'archives de la SOSUHV, Statistiques des ventes 1974 à 2007, tableau cité par Cissé O., « Une approche historique de l'agro-industrie au Burkina Faso », op. cit., p. 64.

Graphique 1 : L'évolution de la production et des ventes de la SOSUHV de 1974-1985

Production Vente

Source : Bancé Thomas Frank, graphique généré à partir des données du tableau ci-dessus, avril 2023.

Tout d'abord, en observant la chaîne de production de la SOSUHV, on distingue deux grandes périodes. La première période s'étend de la campagne 1974-1975 à celle de 1978-1979. Durant cette période, la quantité de sucre produite par l'usine augmente à chaque campagne, passant de 5 805 tonnes en 1974 à 31 018 tonnes en 1978, soit une augmentation de 531%. Puis, à partir de la campagne 1979-1980, la production chute de 31 018 à 27 828 tonnes de sucre avant de se stabiliser entre 1980 et 1985. Cette baisse de production sous la direction de la SOMDIAA pourrait être justifiée par le faible rendement des champs de canne à sucre (70 à 100 tonnes par ha)76. Nous reviendrons sur les raisons des faibles rendements des champs de canne à sucre qui ont marqué le début de l'instabilité économique du complexe sucrier.

76 Thiombiano T., L'enclave industrielle, op. cit., p. 181.

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En ce qui concerne les ventes de sucre, nous n'avons pas eu accès aux statistiques des quatre premières années de vente de la SOSUHV (1975-1978), ce qui nous a contraint à ne présenter le graphique qu'à partir de la saison 1978-1979. Dans le Graphique 1, on constate que la production de la SOSUHV ne correspond pas à ses ventes pour la même période, alors que la société était censée vendre ce qu'elle produisait. En effet, la quantité de sucre vendue était supérieure à la production (sauf pour la campagne 1979-1980). Ceci est dû à la vente du sucre importé par la SOMDIAA conformément à la Convention d'établissement de 1972 afin de satisfaire les besoins nationaux en sucre.

Sur le plan financier77, la SOMDIAA a obtenu des résultats relativement satisfaisants. L'exercice comptable 1984-1985 fait apparaître un chiffre d'affaires de 8 596 879 267 francs CFA, une valeur ajoutée de 4 644 410 074 francs CFA et un bénéfice net de 638 929 649 francs CFA78. Il est évident que l'on aurait pu s'attendre à un bilan beaucoup plus élevé après 10 ans de gestion de la SOMDIAA, mais à défaut, il faudra se contenter d'un solde excédentaire en fin d'année. En 1982, Thiombiano Taladidia estimait que les investissements de la SOSUHV gérés par la SOMDIAA s'élevaient à 11,5 milliards de francs CFA 79 . Il s'agit du plus important investissement réalisé dans une unité industrielle en Haute-Volta.

Les travaux connexes

Outre la gestion administrative et technique de la Société Sucrière de Haute-Volta, la SOMDIAA a mené d'autres actions pour faciliter la productivité du complexe sucrier. Parmi ces actions, on note la construction d'une cité pour les cadres à proximité de l'usine. Selon les dirigeants de la SOSUHV, ces villas permettraient de rapprocher les directeurs de service (des travailleurs étrangers)80 de l'usine. La SOMDIAA a contribué à faciliter la mobilité des travailleurs de l'usine en mettant à leur disposition des camions. Cette mesure a permis d'optimiser les horaires de travail des ouvriers qui habitaient parfois à des dizaines de kilomètre du complexe. Toujours dans le

77 Nos recherches ne nous ont pas permis d'obtenir un état financier complet de la SOSUHV pour la période allant de 1975 à 1985. Seule l'année 1985 est présentée ici.

78 Centre National des Archives du Burkina Faso, Ministère du Plan, Commerce, Industrie et Mines, sous-série 17V, 17V93, Société Sucrière de la Comoé : études diverses - Dossier soumis à la Commission Nationale des Investissements pour bénéficier du régime A du Code des investissements, 1988, annexe 2, p. 7.

79 Thiombiano T., L'enclave industrielle, op. cit., p. 190.

80 Dans la documentation des employés de la SOSUHV, les cadres non voltaïques sont appelés "expatriés". Aujourd'hui, le mot expatrié désigne une personne qui a été contrainte de quitter son pays d'origine. Les cadres recrutés par la SOMDIAA ayant quitté volontairement leurs pays, nous préférons les appeler "travailleurs étrangers".

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domaine du transport, la société a construit des pistes et des routes rurales pour faciliter la mobilité de la population environnante, au bénéfice de la toute la région81.

Dans le cadre de sa responsabilité sociétale, la SOSUHV a construit un dispensaire (ouvert aux travailleurs et à leurs familles, ainsi qu'à la population environnante) et une école primaire de trois classes pour promouvoir l'alphabétisation dans la région82. Des subventions seraient accordées pour le fonctionnement de certains services publics dans la région et pour des activités sportives, culturelles et sociales83.

Les dix années passées par la transnationale française à la tête de la SOSUHV ne peuvent se résumer à un bilan positif. Dans la suite de notre analyse, nous présenterons les manquements de la SOMDIAA au contrat d'assistance technique et de gestion du complexe sucrier.

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