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La société sucrière du Burkina Faso (SN SOSUCO : de l'aménagement du territoire à  la construction de la mémoire (1965-2020)


par Thomas Frank Bancé
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master de recherche 2023
  

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Chapitre I : L'INSTALLATION ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA NOUVELLE SOCIÉTÉ

SUCRIÈRE DE LA COMOÉ (SN SOSUCO)

Abstract

The history of the Nouvelle Société Sucrière de la Comoé (SN SOSUCO) would be like the history of its country, Burkina Faso, that is to say a history made of many twists and turns. Created in 1965 in a Sudanese-Sahelian country, the cultivation of sugar cane and its local transformation was full of uncertainties and obstacles to be solved. But in 1968, the Société d'Etudes Sucrières de Haute-Volta (SESUHV) came to the conclusion that the Cascades region, located in the southwest of Burkina Faso, was favorable for the cultivation and manufacture of sugar. The choice of this region was justified by the availability of physical, economic and human assets favorable to the development of the sugar industry. In 1972, the Government of Upper Volta, now Burkina Faso, signed a contract with the Société d'Organisation, de Management et de Développement des Industries Alimentaires et Agricoles (SOMDIAA) to build a sugar complex. This complex should be established on a perimeter of 10,000 ha of which 4,000 ha will be used for sugar cane plantation. The factory should have an annual production of about 30 000 tons of sugar. The sugar complex was inaugurated in 1975 with the launch of Made in Burkina Faso sugar. From 1975 onwards, SN SOSUCO underwent several political, social and economic changes. Created with the status of a mixed economy company, SN SOSUCO will undergo legal changes in accordance with the political instability of the country between 1966 and 1987. The return to constitutional order in Burkina Faso in 1991 puts an end to exceptional regimes, but economic crises took over. Caught in the grip of the liberalization of African economies from 1991 onwards, the Burkinabè authorities privatized SN SOSUCO in 1998, which had become a state-owned company since 1985. Since then, the Holding Industrial Promotion Services-West Africa (IPS/WA) has managed the sugar complex. From its privatization in 1998 until 2020, SN SOSUCO went through instability related to sugar production, crises of poor sales, social discontent among workers and a need to modernize its industrial facilities.

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Située au coeur de l'Afrique de l'Ouest et entièrement bordée par six autres pays, la Haute-Volta, aujourd'hui Burkina Faso, est un pays continental avec une population de 20 505 155 habitants30. Créée le 1er mars 1919 en tant que colonie française, la Haute-Volta a attendu son indépendance le 5 août 1960 pour pouvoir mettre en oeuvre une politique industrielle. L'objectif de cette industrialisation, comme ailleurs, était d'amorcer le développement économique du pays. Soixante ans après le démarrage du processus industriel, force est de constater que le Burkina Faso peine à se doter d'une industrie forte au regard des difficultés politiques, économiques et sociales que connaît le pays. Néanmoins, certaines industries parviennent à fonctionner malgré le contexte socio-économique difficile. L'une d'entre elles est la Nouvelle Société Sucrière de la Comoé, abrégée SN SOSUCO. Cette industrie sucrière d'économie mixte a été créée en 1965 dans l'objectif de doter le Burkina Faso de sa propre usine de production et de commercialisation de la canne à sucre. Aujourd'hui, la SN SOSUCO est l'une des rares industries créées après l'indépendance à être encore en activité. Il s'avère donc intéressant de revisiter l'histoire de la SN SOSUCO depuis sa création jusqu'en 2020. Cette analyse nous permettra de comprendre le contexte de création de l'usine, des raisons de l'implantation du complexe sucrier à Bérégadougou et le fonctionnement de l'usine sous le groupe SOMDIAA SA puis sous la holding IPS-WA.

I. Le contexte de la création et de l'installation du complexe sucrier au Burkina Faso

Si les années 1970 ont vu la désindustrialisation des systèmes productifs en Europe, en Afrique en général et au Burkina Faso en particulier, l'ère était à l'industrialisation de l'économie. Cette industrialisation a véritablement commencé dans les années 1960 et se poursuit encore au Burkina Faso avec la présence des sociétés comme la SN SOSUCO.

A/ Le paysage industriel du Burkina Faso avant la création du complexe sucrier 1. Les industries pendant la période coloniale

De 1919 à 1960, le bilan de la colonisation française au Burkina Faso est très pauvre en termes d'industrialisation. En effet, la Haute-Volta, à l'instar des autres colonies de l'Afrique Occidentale

30 Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD), Cinquième Recensement Général de la Population et de l'Habitation du Burkina Faso, Synthèse des résultats définitifs, Ouagadougou, INSD, 2e édition, 2022, p. 28, consulté le 27 mars 2023, URL : https://www.insd.bf/fr/file-download/download/public/2066.

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Française (AOF)31, avait le statut de colonie d'exploitation au regard des potentialités naturelles et humaines des territoires de l'AOF. L'exploitation de ces ressources naturelles par l'empire colonial français pendant la période coloniale n'a pas abouti à l'installation de nombreuses usines d'extraction et de fabrication en Haute-Volta. La raison fondamentale de la sous-industrialisation du Burkina Faso pendant la période coloniale serait « [É] l'absence d'une politique industrielle rigoureuse »32. La métropole s'est contentée d'utiliser le "pacte colonial" dans ses relations avec la colonie. Ce pacte lui garantissait un monopole commercial avec la Haute-Volta. Ainsi, la France préférait exporter les matières premières voltaïques (coton, coques d'arachide, bétail) pour les transformer dans des industries situées en France. En retour, elle ramenait des produits manufacturés en Haute-Volta. L'industrialisation du Burkina Faso n'était donc pas une nécessité pour la France.

À partir de 1939, avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la métropole entreprend d'implanter quelques industries en Haute-Volta pour répondre aux besoins croissants de la France en produits manufacturés. Georges Compaoré, dans sa thèse de doctorat, affirme que : « Le colonisateur, loin de se préoccuper de l'avenir du pays, a surtout implanté quelques unités de production dans le but de servir sa cause » 33 . Ce fut le début d'un faible processus d'industrialisation en Haute-Volta. Parmi ces industries, nous avons essentiellement :

- La Société d'Exploitation des Carburants Coloniaux (SECACO) qui a existé en Haute-volta entre 1938 et 1953. L'usine devait produire du carburant alternatif à base d'amende de karité34.

- Le Comptoir des Industries Textiles et Cotonnières (CITEC), créé en 1942 à Bobo-Dioulasso. Cette usine, toujours en activité, est spécialisée dans la production d'huile et de savon. Elle est de ce fait la plus ancienne usine du pays encore en activité.

31 L'Afrique Occidentale Française (AOF) était un gouvernement général qui a réuni huit (8) colonies françaises d'Afrique de l'Ouest dans une fédération entre 1895 et 1958. Formée en plusieurs étapes, elle comprenait finalement la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan français (actuel Mali), la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Niger, la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) et le Dahomey (actuel Bénin).

32 Compaoré G., « L'industrialisation de la Haute-Volta », op. cit., p. 12.

33

Ibid.

34 Sissao Claude Etienne, « La SECACO : la création d'une usine en temps de guerre en Haute-Volta. », Outre-mers, tome 97, n°366-367, Images et pouvoir dans le Pacifique, 2010, p. 273, consulté le 30 mars 2023, URL : https:// www.persee.fr/docAsPDF/outre_1631-0438_2010_num_97_366_4466.pdf, DOI : https://doi.org/10.3406/ outre.2010.4466.

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- L'abattoir municipal de Ouagadougou a été construit en 1954 pour faciliter l'abattage et le transport de la viande. Deux abattoirs frigorifiques ont ensuite été construits à Bobo Dioulasso (1962) et à Ouagadougou (1969).

- L'usine d'égrenage de coton de la Compagnie Française pour le Développement des Textiles (CFDT) a été mise en service en janvier 1957. Aujourd'hui, cette usine continue d'égrener le

coton dans huit villes du pays sous le nom de Société des Fibres et Textiles (SOFITEX).

- La création de deux grandes imprimeries à Ouagadougou : l'imprimerie évangélique en 1942 et l'imprimerie des Presses Africaines (1952).

- Un entrepôt de boissons en 1955. Cet entrepôt deviendra les Brasseries de Haute-Volta (BRAVOLTA) en 1960 et depuis 1984 la Brakina, la brasserie nationale.

- Deux boulangeries "industrielles" à Ouagadougou : la boulangerie Attié ouverte en 1956 et la boulangerie-pâtisserie Nouvelle créée en 1958 35 .

L'analyse spatiale de toutes les industries créées pendant la période coloniale permet de comprendre que la quasi-totalité des industries n'étaient présentes que dans les cercles de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso. Le cercle de Banfora, à l'instar des autres cercles voltaïques, n'a pas été touché par les autorités coloniales.

Si l'on déplore la faiblesse de l'héritage colonial français dans le domaine industriel, force est de constater que toutes ces industries primitives ont le mérite d'avoir résisté aux nombreuses difficultés socio-économiques du Burkina Faso.

2. Les premières politiques de développement industriel du Burkina Faso

Face au faible niveau d'industrialisation du nouvel État, les autorités politiques de la Haute-Volta des années 196036 ont voulu faire de l'industrialisation de l'économie un secteur prioritaire. Cette volonté politique s'est traduite par la formulation de plusieurs politiques de développement industriel au fil des années. Parmi celles qui ont précédé la période de 1965, on peut citer les Politiques d'orientation et le Plan-cadre 1967-1970.

35 Compaoré G., « L'industrialisation de la Haute-Volta », op. cit., p. 23.

36 Le 5 août 1960, la Haute-Volta, aujourd'hui Burkina Faso, accède à l'indépendance. Cette indépendance est proclamée par Maurice Yaméogo, Président de la République de la Haute-Volta. Le 3 janvier 1966, un soulèvement populaire met fin au régime de Maurice Yaméogo et marque l'arrivée des régimes militaires au pouvoir.

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Les Politiques d'orientation

Les autorités politiques voltaïques savaient que l'indépendance politique ne pouvait être atteinte sans indépendance économique, ce qui nécessitait un programme de développement socio-économique pour le pays. Les objectifs de cette politique d'industrialisation étaient les suivants :

? Améliorer la balance commerciale en réduisant les importations. Pour combler le déficit, l'État favorise l'implantation de petites unités de production de biens manufacturés à forte consommation (ciment, tôle, bois, tissus, chaussures, matériel de cuisson, pneus, etc.) Cette mesure permet non seulement d'ajouter de la valeur au produit intérieur brut, mais aussi de créer de nouveaux emplois pour la population.

? Encourager la construction d'unités industrielles pour transformer les matières premières localement. Des secteurs prioritaires seront déterminés pour accueillir les premières industries. Il s'agit du textile, du pneumatique et de l'agro-alimentaire. C'est notamment cet objectif des autorités politiques qui lancera les réflexions sur la création d'un complexe sucrier national.

Pour mener à bien ces politiques de développement industriel, l'État voltaïque s'est doté d'institutions politiques et financières chargées de piloter les différentes mesures. En 1962, il adopte également un instrument juridique pour règlementer le secteur des investissements : le Code des investissements37. Ainsi, toutes les conditions politiques et économiques étaient réunies pour favoriser la création d'une société sucrière en Haute-Volta.

La conséquence de ces politiques de développement économique a été l'émergence dès 1962 de nouvelles industries dans l'agro-industriel, le coton et les produits manufacturés. Georges Compaoré résume le secteur industriel en ces termes : « Fin 1965, l'ensemble représentait environ

36 installations industrielles dont 20 à Ouagadougou et 16 à Bobo-Dioulasso »38 .

Plan-cadre 1967-1970

L'objectif du Plan-cadre était de dynamiser l'économie nationale en s'appuyant sur les potentialités de chaque région. Une place centrale a été accordée à la production rurale avec la création d'Organismes Régionaux de Développement (ORD). Ces ORD ont permis d'accroître le potentiel agricole de la région de Banfora au point d'en faire le lieu d'implantation de l'industrie

37 Compaoré G., « L'industrialisation de la Haute-Volta », op. cit., p. 32.

38 Ibid., p. 35.

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sucrière en 1968. Six autres unités industrielles seront créées en Haute-Volta dans le cadre de la mise en oeuvre de ce schéma directeur. Des villes comme Koudougou et Kaya bénéficient de leurs premières unités industrielles. C'est l'industrialisation à l'échelle nationale.

À la fin des années 1970, les résultats des unités industrielles créées par la politique de développement industriel du gouvernement voltaïque sont faibles, mais meilleurs que l'héritage colonial. D'une dizaine d'unités industrielles, le pays en comptait une quarantaine lors de la création du complexe sucrier de Bérégadougou. On peut conclure que la politique de développement industriel était lancée en Haute-Volta.

B/ L'implantation du complexe sucrier à Bérégadougou

Compte tenu de la taille du complexe sucrier qui devrait être installé en Haute-Volta, la recherche et le choix d'un espace approprié était une étape primordiale. Cet espace devait permettre de réduire au maximum les coûts d'aménagement et de fonctionnement de l'usine. C'est à cet effet que l'Institut de Recherches Agronomiques Tropicales (IRAT), après plusieurs recherches, a finalement retenu la commune de Bérégadougou dans la région des Cascades pour l'implantation du complexe sucrier de la Haute-Volta39. Ce choix s'explique par les potentialités physiques, économiques et humaines de la région. La carte ci-dessous illustre la situation géographique de la SN SOSUCO, située à l'extrême nord de la ville.

39 Dans les documents juridiques et administratifs de la SN SOSUCO (lois, conventions, correspondances), la commune rurale de Bérégadougou est bien le lieu d'emplacement de la société sucrière du Burkina Faso. Mais la plupart des études économiques, politiques et urbanistiques préliminaires ont localisé la SN SOSUCO à Banfora, commune urbaine et chef-lieu de la région des Cascades. Ainsi, selon la nature du document utilisé, nous situerons la SN SOSUCO à Bérégadougou ou à Banfora.

Figure 1 : Carte de la situation géographique de Banfora

Source : Groupement Agence ARCADE et Agence AXIALE, « Le découpage administratif de la commune », dans Conseil Municipal de Banfora, Plan Communal de Développement de la Commune urbaine de Banfora, op. cit., p. 15.

1. Les atouts physiques de la région des Cascades

L'environnement physique de Banfora, chef-lieu de la région des Cascades, présente quatre potentialités favorables à la culture de la canne à sucre. Il s'agit du relief, du sol, du climat et de l'hydrographie.

Le relief et les sols

La commune urbaine de Banfora est située dans une cuvette marquée par un relief plat et élevé. La majeure partie du territoire est relativement plate avec une altitude de 270 m, bien qu'à certains endroits il y ait un relief élevé caractérisé par des escarpements ou ruptures de pentes40. Pour la culture de la canne à sucre, le relief plat était un atout pour les tiges et le système d'irrigation.

40 Conseil Municipal de Banfora, Plan Communal de Développement de la Commune urbaine de Banfora : horizon 2019-2023, Banfora, Commune urbaine de Banfora, 2019, p. 18. [Ouvrage disponible à la Mairie de Banfora]

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La platitude du relief devrait s'accompagner de sols prédisposés à la culture de la canne. Les études réalisées ont permis de classer les sols de Banfora en trois types : les sols hydromorphes, les sols peu évolués et les sols ferralitiques ou ferrugineux. Parmi ces sols, seuls les sols hydromorphes se sont révélés favorables à la culture de la canne à sucre en termes de valeurs agronomiques (70-80% de sable).

Figure 2 : Carte des sols et des bas-fonds de Banfora

Source : Groupement Agence ARCADE et Agence AXIALE, « Le découpage administratif de la commune », dans Conseil Municipal de Banfora, Plan Communal de Développement de la Commune urbaine de Banfora, op. cit., p. 23.

La carte ci-dessus donne une lecture globale de la diversité des sols de la commune de Banfora. La présence abondante de sols hydromorphes ou bruns eutrophes sur matériaux argilo-sableux est visible au Nord-ouest et au Sud. Cette zone est également la plus riche en bas-fonds, utilisés pour l'irrigation des plantes. Malgré leur faible teneur chimique, ces sols ont été déclarés compatibles avec l'utilisation d'équipements lourds tels que tracteurs, bulldozers, canoteurs, etc. Toutes les conditions étaient réunies pour déclarer ces sols et ce relief aptes à recevoir une plantation de canne à sucre.

Le climat et les ressources en eau

Banfora bénéficie d'un climat tropical humide sud-soudanien, marqué par deux grandes saisons : une saison sèche de cinq mois (novembre-mars) et une saison des pluies de sept mois (avril-

octobre). Les températures moyennes annuelles varient entre 17°et 36° C. L'humidité, un facteur

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important pour la croissance de la canne, était supérieure à la moyenne. Entre 1971-1978, une relative humidité de 63% a été enregistrée à Bérégadougou41. Cette humidité favorise la croissance et la maturité de la canne. Un autre facteur climatique déterminant est l'ensoleillement, considéré comme satisfaisant pour la formation du sucre dans les tiges de canne42.

Le Sud-ouest du pays est considéré comme la zone la mieux arrosée en termes de précipitations annuelles. La canne à sucre étant une plante consommatrice d'eau, cette région semblait être l'endroit le plus favorable au développement de cette culture. Entre 1959 et 1967, la moyenne pluviométrique à Banfora a été de 1224,5 mm d'eau par an. Une quantité d'eau jugée suffisante pour les plants de canne. Thierry Hartog ajoute que « Les variations pluviométriques inter-annuelles y sont aussi moins accentuées : elles se situent entre 72 et 130% des moyennes relevées, alors qu'elles oscillent, dans le Nord du pays, entre 50 et 170% » 43 . Cette zone s'est révélée être l'une des plus arrosées de la Haute-Volta, et donc propice aux plantations de canne à sucre. La carte du réseau hydrographique ci-dessous montre la variété et l'abondance des ressources en eau à Banfora.

Figure 3 : Carte du réseau hydrographique de Banfora

Source : Groupement Agence ARCADE et Agence AXIALE, « Le découpage administratif de la commune », dans Conseil Municipal de Banfora, Plan Communal de Développement de la Commune urbaine de Banfora, op. cit., p. 21.

41 Ouattara A., « Industrialisation et urbanisation en Haute-Volta. Le cas de Banfora : transformations, problème de croissance urbaine et d'organisation spatiale. », Thèse de doctorat, Université Louis Pasteur, Strasbourg 1, 1982, p. 77, cité par Cissé O., « Une approche historique de l'agro-industrie au Burkina Faso », op. cit., p. 11.

42 Cissé O., « Une approche historique de l'agro-industrie au Burkina Faso », op. cit., p. 11.

43 Hartog T., « Le périmètre sucrier de Banfora », art. cit., p. 121.

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Les fortes précipitations de la région ne suffisent pas à assurer le plein développement des tiges de canne. Il était donc important de disposer de réserves d'eau pour alimenter le système d'irrigation des plantations. En 1965, les réserves d'eau de la région étaient estimées à 51 600 000 m3.44 Le barrage de la Comoé (38 millions de m3) et ses deux affluents, la rivière Yannon et la

45

rivière Béréga, en étaient les principales. Outre l'utilisation de ces réserves d'eau pour l'irrigation des champs, il est prévu de les utiliser pour alimenter les centrales hydroélectriques de sucrerie. Cette mesure devait assurer une relative autonomie à l'ensemble du complexe sucrier.

Si les potentialités du milieu physique pour la culture de la canne à sucre sont satisfaisantes, la SESUHV avait besoin de réunir des conditions humaines et économiques avant de conclure à la possibilité d'installer le complexe sucrier à Bérégadougou.

2. Les potentialités humaines et économiques

La ressource humaine

Les besoins en main-d'oeuvre du projet sucrier ont été estimés à 2 000 travailleurs permanents répartis comme suit : 1 500 dans les cultures, 300 dans l'usine et 200 dans les services généraux46. En 1965, la population du cercle de Banfora était de 6.661 habitants. La densité humaine était de 10,4 habitants/km2 contre 20,5 habitants/km2 au niveau national47. Cette faible densité s'explique par l'abondance des zones d'eau. Cependant, il existe un potentiel de main-d'oeuvre et la facilité de recrutement est un autre avantage au regard de l'organisation administrative de Banfora. Le caractère agricole de la population a été pris en compte dans la mesure où l'activité principale de ces populations était l'agriculture et la vannerie.

La région de Banfora bénéficiait également d'une position géographique favorable. Dans un rayon de 20 km, on comptait environ 53 500 habitants, ce qui conforte l'idée que la main-d'oeuvre est disponible dans cette partie du pays grâce au développement du travail migratoire. La proximité de Banfora avec la deuxième ville de la Haute-Volta, à 82 km de Bobo-Dioulasso, a été un facteur déterminant dans l'offre de main-d'oeuvre. En somme, une ressource humaine disponible et

44 Ministère du Commerce, de l'Industrie et de l'Artisanat, Privatisation de la société sucrière de la Comoé, 1998, p.31, cité par Cissé O., « Une approche historique de l'agro-industrie au Burkina Faso », op. cit., p. 30.

45 Biaou O. D., « Améliorer la disponibilité des coupeurs de canne à sucre sur un périmètre industriel », op. cit., p. 12.

46 Centre National des Archives du Burkina Faso, Présidence du Faso, sous-série 7V, 7V408, Correspondance relative au projet de création d'industrie, 1965-1994.

47

Ibid.

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qualifiée pourrait être mobilisée à Banfora pour servir dans le futur complexe sucrier de la Haute-Volta.

Les atouts économiques

Le projet sucrier devrait permettre à terme la commercialisation d'un produit de consommation courante : le sucre. Or, les prévisions de consommation de sucre en Haute-Volta étaient progressives pour la période de 1969 à 197748. Le complexe sucrier disposait donc d'un marché pour la consommation de sucre en Haute-Volta. Il y a donc une valeur ajoutée à l'économie de la région de Banfora d'abord et à l'économie nationale ensuite. Cela permettra d'amorcer le processus de désenclavement économique des régions, tel que souhaité par les autorités de la Haute-Volta avec l'adoption de diverses politiques de développement industriel.

Banfora était desservie par la ligne de chemin de fer Abidjan-Ouagadougou. Cette position était très déterminante pour l'implantation du complexe sucrier pour deux raisons. Tout d'abord, la Haute-Volta est un État enclavé sans accès à la mer. Le transport du matériel roulant, des grosses machines et des équipements du complexe sucrier, qui devait se faire par voie fluviale, ne pouvait se faire que par voie ferrée. Une autre importance de ce réseau était son utilisation pour l'approvisionnement en matières premières nécessaires au fonctionnement de l'usine. Le chemin de fer devait servir à l'acheminement du produit fini sur les marchés de l'intérieur et de l'extérieur.

Au vu de ces potentialités physiques, humaines et économiques, la région des Cascades, et en particulier la commune de Bérégadougou, a été proposée comme lieu d'implantation du tout premier complexe sucrier de la Haute-Volta. Une fois le site validé par le gouvernement voltaïque, le projet pouvait continuer son développement.

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