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La société sucrière du Burkina Faso (SN SOSUCO : de l'aménagement du territoire à  la construction de la mémoire (1965-2020)


par Thomas Frank Bancé
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master de recherche 2023
  

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B/ Les effets négatifs de l'implantation du complexe sucrier à Bérégadougou

Comme on pouvait s'y attendre, l'implantation de la société sucrière à Bérégadougou n'a pas été qu'un succès. Nous examinerons ici les conséquences pour les populations locales et l'environnement de l'aménagement du périmètre sucrier et de la pratique des activités agricoles et industrielles.

200 Site web officiel de La SN SOSUCO, consulté le 13 juillet 2023, URL : https://snsosuco.com/engagement/rse.

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1. Les conséquences de l'aménagement du périmètre sucrier

L'un des principaux échecs du processus d'aménagement du périmètre sucrier a été l'absence d'un plan de réhabilitation des villages expulsés. Pour obtenir les 10 000 ha du périmètre sucrier, l'État a expulsé totalement 11 villages comptant une population d'environ 5 000 habitants201. Bien qu'un dédommagement ait été annoncé en 1970, seule une exonération de 12 années des impôts locaux a été accordée aux familles concernées. Cette gestion des populations déplacées a laissé un terrible souvenir dans la région, qui se fait encore sentir de nos jours.

Outre la perte de leurs terres d'habitation et de culture, certaines populations de la région ont perdu leur héritage social, culturel et économique. Pour accueillir les nouvelles plantations de canne à sucre, toute la zone cultivée (autrefois les villages) a dû être débarrassée de tous les obstacles de surface par des engins mécaniques. Sur le plan économique, cela s'est traduit par la perte de champs de culture, la destruction de vergers et la disparition de pâturages pour le bétail202. Sur le plan social, certaines familles se sont séparées pour trouver une nouvelle habitation, en raison de la taille de leur ménage203. Sur le plan culturel, l'aménagement du périmètre aurait entrainé la destruction de lieux de culte, des bosquets sacrés, de cimetières et d'espaces de sociabilité.

Dès les premières années du déguerpissement, certaines cultures ont été abandonnées par manque de terres arables. Thierry Hartog explique que :

« Dès 1971, 80% des paysans déplacés durent restreindre leur éventail de cultures. L'autosuffisance alimentaire ne fut plus assurée totalement que par trois cultures de base : le mil, le sorgho, le maïs. D'autres cultures furent complètement abandonnées : le sésame (à 50%), le riz (à 25%), l'arachide (à 10%), les pois de terre (à 8%), sans parler de l'arrachage des palmiers-rônier, pénalisant l'ensemble des villageois »204.

Le recul ou l'abandon de ces activités agricoles réduira le pouvoir d'achat de la population paysanne. Par conséquent, la cherté de la vie est ressentie par ceux qui ont perdu leurs zones de culture.

201 Hartog T., « Le périmètre sucrier de Banfora », art. cit., p. 129.

202 Cissé O., « Une approche historique de l'agro-industrie au Burkina Faso », op. cit., p. 40.

203 Hartog T., « Le périmètre sucrier de Banfora », art. cit., p. 129.

204 Ibid., p. 131.

2.

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Les effets de l'industrie sucrière sur l'environnement

L'irrigation annuelle des champs de canne à sucre réduit les réserves d'eau de la région. Cela rend difficile la culture d'autres produits irrigués comme le riz. Selon Oumar Cissé, plusieurs projets de riziculture ont dû être interrompus en raison de l'insuffisance des ressources en eau205. Les cultures maraîchères (tomates, choux, oignons) sont délaissées au détriment des travaux dans les plantations de canne à sucre.

La culture de la canne à sucre a des effets négatifs sur l'environnement, si l'on en croit les nombreuses études menées sur cette plante. Tout d'abord, la culture de la canne à sucre entraine une érosion du sol due à l'arrosage mécanique. Cette érosion entraine un appauvrissement général des terres qui ne sont pas laissées en jachère. Un autre facteur d'appauvrissement et de fragilisation des sols est l'utilisation massive des produits phytosanitaires et de pesticides dans les champs. Toujours à propos des sols, les agronomes font état d'une énorme réduction de la quantité de terre après chaque opération de sarclage et de labour que subissent les sols de canne à sucre. Nous n'avons pas de données sur la quantité de sols perdue à Banfora, mais savoir que la terre a été exploitée pendant 48 ans suffit à faire frémir. L'épuisement des réserves d'eau dans la région des Cascades est dû à la culture de la canne à sucre accompagnée de 9 mois d'irrigation.

En ce qui concerne la pollution de l'air, le périmètre sucrier de la SN SOSUCO a un impact négatif sur l'environnement. Les ateliers de production, les machines agricoles et les moyens de transport utilisés quotidiennement pour les activités de l'entreprise rejettent dans l'air des polluants tels que le dioxyde d'azote et l'ozone. Les eaux usées des ateliers de production sont rejetées directement dans le Yannon et la Béréga. Ces rejets industriels peuvent avoir un impact sur la santé des salariés et de la population environnante. La détection de certaines maladies respiratoires chez les employés (asthme, bronchite, sinusite, infection pulmonaire)206 pourrait être liée aux polluants industriels.

3. Les changements socioculturels

Si la SN SOSUCO a amélioré les conditions de vie de ses employés (comme mentionné dans les retombées sociales de l'industrie sucrière), elle a aussi bouleversé leur mode de vie et de travail traditionnel. Les travailleurs de l'entreprise et leurs familles doivent désormais se conformer

205 Cissé O., « Une approche historique de l'agro-industrie au Burkina Faso », op. cit., p. 41.

206 Cissé O., « Une approche historique de l'agro-industrie au Burkina Faso », op. cit., p. 72.

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strictement au système de travail imposé par leur employeur. Cela signifie un travail continu avec peu de jours de congés fixes, l'obligation de respecter les jours et heures de travail fixés par l'employeur, l'obligation d'attendre le début de chaque mois pour percevoir son salaire, la peur de perdre son emploi pour manque de résultats ou de mauvaise conduite, l'impossibilité pour les salariés permanents d'exercer d'autres activités extra-professionnelles, l'obligation d'épargner ses revenus pour s'assurer une vie financière à la retraite. Le monde capitaliste a ainsi pris le relai d'un monde longtemps resté traditionnel. Ce monde est né avec une vague de nouveaux maux sociaux : délinquance juvénile, dépravation des moeurs et des coutumes, vol, prostitution, etc.

L'accumulation des biens matériels est devenue le moteur des principales préoccupations des populations : achat de maisons, de moyens de transport, d'accessoires vestimentaires et d'appareils ménagers. L'individualisme et l'égoïsme ont également pris le dessus sur la solidarité d'antan. L'entraide, le travail collectif, le partage des moments heureux et douloureux ont considérablement régressé. Au contraire, des pratiques telles que la course au sommet, l'enrichissement et la jalousie humaine se sont installées dans la société. Les familles nombreuses (paternelle, maternelle et noyau) sont délaissées pour les familles nucléaires (mari, femme et enfants).

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