La société sucrière du Burkina Faso (SN SOSUCO : de l'aménagement du territoire à la construction de la mémoire (1965-2020)par Thomas Frank Bancé Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master de recherche 2023 |
A/ L'impact positif de l'installation de la société sucrière à BérégadougouEn choisissant la région des Cascades pour implanter le complexe sucrier, l'objectif du gouvernement burkinabè était de créer un nouveau pôle de développement économique et social 190 Site web officiel de la SN SOSUCO, consulté le 13 juillet 2023, URL : https://snsosuco.com/produits/la-distillerie. 191 Sombié Ferdinand, entretien du 03 novembre 2021, SN SOSUCO à Bérégadougou, réalisé par Bancé Thomas Frank. Page 92 dans la région, compte tenu de la quasi-absence d'industrie locale192. Aujourd'hui, la société sucrière est une source de fierté nationale pour la population, puisqu'elle produit du sucre "made in Burkina" mis sur le marché depuis un demi-siècle. 1. La contribution de la SN SOSUCO au développement économique Le premier impact économique généré par l'implantation du complexe sucrier de Bérégadougou est la création d'emplois. La Nouvelle Société Sucrière de la Comoé emploie environ 3 000 personnes pour le fonctionnement de son activité. Cet emploi massif de travailleurs lui a permis d'occuper la deuxième place des structures pourvoyeuses d'emplois au Burkina Faso, juste après l'État burkinabè qui comptait 216 837 employés en 2020193. Mais parmi les entreprises non étatiques, la SN SOSUCO occupe la première place en termes d'effectifs. En employant des milliers de personnes, la société sucrière contribue à réduire le chômage dans un pays où le taux de pauvreté était de 36,2% en 2018194. En consacrant plus de 3 milliards par an à la masse salariale, elle contribue à augmenter le pouvoir d'achat de ses salariés dans un contexte d'inflation progressive des produits de consommation. La présence de la SN SOSUCO dans la région des Cascades a contribué au développement de l'économie locale, avec la croissance et la création de nouvelles activités économiques. En effet, avec la croissance démographique que connait la région suite à l'arrivée de nouveaux employés des régions environnantes, les besoins quotidiens de la population vont augmenter et se diversifier. Les secteurs économiques bénéficiant de ce développement dans la région sont : les institutions financières, la maçonnerie, la menuiserie, la mécanique, l'artisanat, le commerce, la restauration, etc. Des sociétés de transport ont été créées pour assurer le déplacement des travailleurs à l'intérieur de la région et vers d'autres régions environnantes. L'autre impact de la SN SOSUCO sur l'économie régionale et nationale réside dans le paiement des impôts. À l'instar des autres entreprises opérant au Burkina Faso, la SN SOSUCO s'acquitte chaque année des taxes aux autorités locales et nationales. Ces impôts couvrent le chiffre d'affaires, 192 Avant l'installation de la SN SOSUCO dans la région de Banfora, il n'existait qu'une seule minoterie de blé. Il s'agit de la Société des Grand Moulin du Burkina, créée en mai 1970 et spécialisée dans la transformation et la commercialisation des céréales (blé, maïs, sorgho) en farine. 193 Ministère de la fonction publique, du travail et de la protection sociale, Annuaire statistique 2020, Ouagadougou, Direction générale des études et des statistiques sectorielles, 2021, p. 26, URL : http://cns.bf/IMG/pdf/ annuaire_statistique_2020_du_mfptps.pdf. 194 Site web de l'Institut National de la Statistique et de la Démographie, consulté le 26 mai 2023, URL https:// www.insd.bf. Page 93 les droits d'importation, les patentes, les droits de douane, les cotisations sociales et les impôts sur les salaires. De 2008 à 2014, les impôts payés par la société sucrière s'élèvent à 26 121 805 480 francs CFA, soit 31,5% du chiffre d'affaires de la société195. Dans une interview accordée à la presse nationale en 2018, le directeur général de la SN SOSUCO a résumé la contribution de son entreprise en ces termes : « La SOSUCO, c'est également près de 6 à 7 milliards de FCFA d'achats de biens au niveau national, sans compter les 3 milliards de FCFA de salaires que nous versons, le centre de santé que nous avons mis à la disponibilité des populations, les aides scolaires aux écoles qui fonctionnent grâce à nous »196. En ce qui concerne les employés, la direction générale a mis à leur disposition un certain nombre d'avantages économiques dans le cadre des mesures d'accompagnement. Il s'agit notamment de la possibilité de contracter un prêt pour la scolarité de leurs enfants en chaque début d'année, et d'avances sur salaire pour les employés en difficulté financière. Un magasin économique a été ouvert au sein de l'entreprise pour la revente aux salariés des biens de consommation tels que le sucre, le riz, le maïs, l'huile, etc à des prix fixes197. 2. Les retombées sociales du complexe sucrier La création de la SN SOSUCO a contribué de manière significative à l'expansion de la ville de Banfora, chef-lieu de la région des Cascades. Cette expansion se caractérise par la croissance démographique que l'entreprise a entrainée. D'environ 8 000 habitants en 1972, la population de Banfora est passée à environ 23 000 habitants en 1980198, soit un quasi-triplement en 8 ans. L'implantation de la SN SOSUCO s'est également accompagnée d'un projet d'urbanisme à Bérégadougou et à Banfora. L'entreprise aménage des routes et contribue à la réhabilitation des pistes rurales pour faciliter le déplacement des travailleurs. La société sucrière a construit un dispensaire et une école de trois classes à Bérégadougou, et a transformé une école communale de trois classes en une école de six classes199. Toujours dans le cadre de sa responsabilité sociétale, la société finance annuellement un certain nombre d'activités organisées par des associations sportives 195A.T, « SOSUCO : pourquoi l'Etat subventionne-t-il l'importation du sucre », L'économiste du Faso, mis en ligne le 8 octobre 2018, consulté le 28 mai 2023, URL : https://www.leconomistedufaso.com/2018/10/08/sosuco-pourquoi-letat-subventionne-t-il-l-importation-du-sucre/. 196A.T, « SOSUCO : pourquoi l'Etat subventionne-t-il l'importation du sucre », art. cit. 197 Hartog T., « Le périmètre sucrier de Banfora », art. cit., p. 128.
199 Thiombiano T., L'enclave industrielle, op. cit., p. 178. Page 94 et culturelles de la région, et contribue à l'accès à l'eau potable et à des espaces verts par le reboisement200. La SN SOSUCO emploie en majorité des Burkinabè au sein de l'entreprise et contribue à leur formation en mécanique industrielle, génie industriel et agronomie. Une expertise locale a ainsi été développée dans l'entretien des machines, la conduite d'engins lourds et la gestion des cultures irriguées. D'autres formations socioprofessionnelles sont régulièrement organisées pour les employés. Pour répondre aux besoins de logements de ses employés, la SN SOSUCO a mis en place des cités ouvrières : quatre cités ouvrières pour les saisonniers, une cité ouvrière pour les employés permanents et une cité pour les cadres. Ces logements contribuent à améliorer l'environnement de travail des salariés et de leurs familles. 3. L'évolution des techniques agricoles L'introduction de la culture de la canne à sucre en Haute-Volta en 1972 a entraîné un transfert de technologies et de connaissances. L'utilisation de machines agricoles pour le défrichement, le sous-solage, le désherbage et le billonnage a modernisé les pratiques agricoles dans la région des Cascades. Nous n'avons aucune connaissance de l'utilisation antérieure de ces équipements pour quelque culture que ce soit. Cette mécanisation de l'agriculture a influencé le développement des cultures de grandes surfaces, pratiquées aujourd'hui dans d'autres régions (coton, riz, sésame). Outre l'utilisation d'outils agricoles pour la culture de la canne à sucre, le génie hydraulique a apporté une contribution majeure aux activités agricoles de la région. En plus de la technologie utilisée pour irriguer 4 000 ha de champs de canne, des plans d'eau aménagés (barrages de la Comoé, du Yannon et de Béréga) ont été utilisés pour la culture de produits maraîchers par les populations environnantes. |
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