La société sucrière du Burkina Faso (SN SOSUCO : de l'aménagement du territoire à la construction de la mémoire (1965-2020)par Thomas Frank Bancé Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master de recherche 2023 |
C/ Les zones de logementsA l'instar des parcelles de culture et des installations industrielles, la détermination des zones de logements pour les travailleurs de la SN SOSUCO a fait l'objet d'une planification à l'intérieur et à l'extérieur du périmètre sucrier. Les études préliminaires de 1972 avaient estimé l'arrivée d'au moins 10 000 personnes avec l'ouverture du complexe sucrier164. Et pour un aménagement rationnel 163 Archives nationales de France, Direction du développement économique du Ministère chargé de la coopération, Fond 201 MC, 19860346/20, Contrat d'ingénierie et d'assistance technique, op. cit., p. 34. 164 Centre National des Archives du Burkina Faso, Ministère des Travaux Publics et de l'Urbanisme, sous-série 40V, 40V28, Société Sucrière de la Haute-Volta : études d'urbanisme de Banfora, levers topographiques, correspondance - Compte rendu de la réunion tenue le 18 juillet 1972 au Ministère du Plan, p. 1. Page 77 du territoire, le gouvernement préconisait l'installation des nouveaux arrivants à Banfora et non dans les alentours du périmètre sucrier au risque de créer des bidonvilles. C'est pourquoi des cités d'habitation sont aménagées pour accueillir les cadres et les ouvriers de la compagnie sucrière. Concernant la politique de logement de la société sucrière, Cissé Oumar affirme que les cadres et les ouvriers qui s'occupent de l'irrigation des champs sont logés gratuitement, tandis que les agents de maîtrise bénéficient d'indemnités de logement165. La cité ouvrière de Bérégadougou est mise à la disposition des employés permanents sur une base forfaitaire. Le reste des travailleurs doit habiter dans les zones environnantes du complexe sucrier à leur charge. 1. La cité des cadres Conçue dans le projet d'aménagement du complexe sucrier pour s'établir à Banfora, la cité des cadres a finalement été construite à Bérégadougou, à une quinzaine de mètres au sud des installations industrielles (voir Figure 5). La non-application de cette recommandation gouvernementale s'explique par le désir de la SOMDIAA de maintenir son personnel étranger à proximité de l'usine, mais aussi par l'obligation pour les constructeurs d'usines de résider près de leur chantier de travail. Au nombre de 28 logements, la cité des cadres a été construite en deux temps : 4 villas de type C entre janvier et juin 1973 et 24 autres entre 1973 et 1975166. Chaque villa a une superficie de 160 m2 167 et servait de logements aux employés européens occupant des postes de direction dans les différents départements de l'entreprise. 165 Cissé O., « Une approche historique de l'agro-industrie au Burkina Faso », op. cit., p. 33. 166 Sombié Ferdinand, entretien du 03 novembre 2021, SN SOSUCO à Bérégadougou, réalisé par Bancé Thomas Frank. 167 Archives nationales de France, Direction du développement économique du Ministère chargé de la coopération, Fond 201 MC, 19860346/20, Contrat d'ingénierie et d'assistance technique, op. cit., p. 36. Page 78 Figure 13 : Photographie aérienne de la cité des cadres de la SN SOSUCO Echelle: 1/5 000 Secteur 3 Secteur 4 Secteur 2 Secteur 5 Secteur 1 Source : CNES/Airbus Landsat, Installations industrielles de Bérégadougou, images datées de novembre 2019, consultées et reconstituées par Bancé Thomas Frank en mai 2022, URL : https://earth.google.com/web/search/ SN+sosuco,+Bérégadougou,+Burkina+Faso/. Comme le montre la figure ci-dessus, la cité est subdivisée en 5 secteurs d'habitation délimités par des pistes rurales en l'absence de clôtures. Chaque villa est reliée au circuit général d'eau potable et au réseau électrique du périmètre sucrier. La Figure 14 ci-dessous montre que le style architectural des villas est classique, avec l'utilisation de briques de ciment ou le granite comme matériaux de construction. Chaque maison dispose de 3 chambres à coucher, d'un salon, d'une toilette, d'une cuisine et d'un débarras, d'un garage pour une voiture et d'une terrasse abritée168. Un système de climatisation est installé. La toiture est uniquement constituée de tôles d'aluminium et les ouvertures (portes et fenêtres) sont métalliques. L'aménagement intérieur et extérieur des villas est très sommaire. 168 Centre National des Archives du Burkina Faso, Ministère du Plan, Commerce, Industrie et Mines, sous-série 17V, 17V109, Aménagement du périmètre de Banfora - Etudes de programmation à Banfora, 1973, p. 41. Page 79 Figure 14 : Plan de construction des logements de cadre de la SN SOSUCO Source : Centre National des Archives du Burkina Faso, Ministère du Plan, Commerce, Industrie et Mines, sous-série 17V, 17V109, Aménagement du périmètre de Banfora - Etudes de programmation à Banfora, p. 43. Figure 15 : Photographies de la cité des cadres de la SN SOSUCO Air conditionnée Villa en briques de ciment, secteur 1 Jardin privatif Villa en briques de ciment, secteur 1 Toiture en aluminium Entrée principale Terrasse abritée Garage Fenêtres et portes en fer Villa en briques de granite, secteur 3 Villa en briques de granite, secteur 3 Source : Bancé Thomas Frank, Visite de la cité des cadres de Bérégadougou, novembre 2021. Page 80 Aujourd'hui, 45 ans après leur construction, de nombreuses villas ne sont plus habitées. Ceci est dû, d'une part, à la réduction du nombre de cadres étrangers travaillant pour l'usine et, d'autre part, à la présence dans la ville de Banfora de logements plus modernes et plus confortables pour les cadres. Par conséquent, la cité des 28 villas est moins habitée et les maisons sont abandonnées (voir photos en annexe 6). 2. Les cités ouvrières Deux types de cité ont été aménagées pour accueillir les travailleurs de la SN SOSUCO : une grande cité dans la commune de Bérégadougou et quatre autres dans le périmètre sucrier. La cité ouvrière de Bérégadougou169 En 1975, la SOSUHV obtient de l'État burkinabè le lotissement d'un périmètre situé à Bérégadougou, à quelques kilomètres du complexe sucrier. Ce périmètre de 239 ha a été découpé en 792 parcelles pour l'édification d'une cité ouvrière destinée aux employés permanents de la SN SOSUCO. Cependant, en raison des difficultés de financement, la SN SOSUCO n'a obtenu le financement que pour la mise en valeur de 326 parcelles de 375 et 700 m2. Ce financement a été accordé en 1975 par l'Agence Française de Développement (AFD) pour un montant total d'environ 700 000 000 de francs CFA170. Contrairement à la cité des cadres, les villas qui ont été réalisées sur la cité ouvrière de Bérégadougou ont été vendues aux employés à des prix forfaitaires. Ainsi, après la réalisation des villas de type F1 à F5, la SN SOSUCO a procédé entre 1988 et 2006 à l'attribution aux bénéficiaires de leurs propriétés171. Mais il a fallu attendre 32 années avant que la majorité des bénéficiaires de ces villas (255 employés) obtiennent leur Permis Urbain d'Habiter (PUH)172. Les autres cités ouvrières La spécificité de ces cités c'est qu'elles sont toutes aménagées dans le périmètre sucrier. En effet, pour des questions de proximité avec les zones de culture pendant la campagne sucrière, la SN SOSUCO a mis en place des cités pour loger les ouvriers saisonniers. Il s'agit des cités de Yannon Est, Yannon Ouest, Lémouroudougou et Nyanka Sud (voir Figure 5). Ces travailleurs saisonniers 169 Pour des raisons droits d'image, nous n'avons pas pu prendre des photos des villas des travailleurs à Bérégadougou. 170 Yere Mamadou, « Cité ouvrière de la SN SOSUCO : Après 32 ans d'attente, les propriétaires de villas reçoivent leur PUH », Agence d'Information du Burkina, mis en ligne le 22 juin 2020, consulté le 10 février 2023, URL : https:// www.aib.media/regions/2020/06/22/cite-ouvriere-de-la-sn-sosuco-apres-32-ans-dattente-les-proprietaires-de-villas-recoivent-leur-puh//. 171 Le prix des villas a été fixé en fonction de la superficie de la parcelle et de la qualité de la construction. Les bénéficiaires ont payé à tempérament entre 800 000 et 3 500 000 francs CFA pour acquérir leur logement. 172 Yere M., « Cité ouvrière de la SN SOSUCO », art. cit. Page 81 sont essentiellement des coupeurs de canne et quelques ouvriers de l'irrigation des champs. Au regard du nombre élevé de coupeurs de canne, les chambres sont partagées par 4 ou 5 personnes. Toutes ces conditions de logement contraignent de nombreux travailleurs à refuser d'habiter dans ces cités. Ils préfèrent louer des chambres à leurs frais dans les environs du complexe sucrier173. La plupart du temps, les logements sont rudimentaires et non équipés. Toutefois, l'entreprise rénove les logements avant le début de chaque campagne. 3. Les aménagements temporaires Plusieurs projets d'aménagement ont été élaborés pour répondre aux besoins spécifiques des activités industrielles. La plupart de ces aménagements temporaires réalisés ont disparu à la fin de leur usage et d'autres ont été modifiés pour répondre à de nouveaux besoins. Nous allons rappeler quelques uns de ces aménagements territoriaux : - La cité de chantier : 50 maisons, elle a servi à loger les ouvriers de chantier du complexe sucrier. Les maisons devaient avoir l'architecture de cases traditionnelles préconstruites. A la fin des travaux de chantier, estimée en 1975, une partie des maisons pourrait être utilisée comme logement pour les ouvriers saisonniers et pour les travailleurs en transit. Le site devait être situé au sud de l'autoroute Ouest-est174. - La trame d'accueil : Cette aire de 35 ha a été délimitée au nord de l'autoroute Ouest-est pour accueillir les nouveaux arrivants à Banfora. Ces nouveaux arrivants auront le choix de louer des maisons existantes ou de construire leurs propres maisons en achetant un terrain. Des infrastructures publiques seront construites (routes, eau, électricité, toilettes, etc.)175. - Le contournement de la route nationale 7 (RN7) : Ce projet n'a pas été réalisé faute de financement. Il consistait à désenclaver la ville de Bérégadougou de la région des Cascades et à éviter la RN7 de traverser le centre du périmètre sucrier, comme on le constate aujourd'hui. II. Le processus de production du sucre et le fonctionnement de la SN SOSUCO La chaîne de production sucrière de la SN SOSUCO est divisée en trois phases principales : la phase de culture de la canne, la phase de production du sucre et la phase de commercialisation des produits finis. Pour atteindre ses résultats annuels, la société s'appuie sur l'organisation interne du travail et la gestion efficace des ressources humaines. Par moment, nous comparerons les processus de culture de la canne à sucre et de production de sucre au Burkina Faso avec ceux du Cameroun ou du Maroc. 173 Biaou O. D., « Améliorer la disponibilité des coupeurs de canne à sucre sur un périmètre industriel », op. cit., p. 19. 174 Centre National des Archives du Burkina Faso, Ministère des Travaux Publics et de l'Urbanisme, sous-série 40V, 40V28, Société Sucrière de la Haute-Volta : études d'urbanisme de Banfora - Compte rendu, op. cit., p. 2.
Page 82 |
|