La société sucrière du Burkina Faso (SN SOSUCO : de l'aménagement du territoire à la construction de la mémoire (1965-2020)par Thomas Frank Bancé Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master de recherche 2023 |
C/ Le climat socio-économique à la veille de la privatisation de la SOSUCOLe gouvernement burkinabè avait mis en place des mesures exceptionnelles pour protéger la SOSUCO d'une éventuelle concurrence et pour réduire les importations frauduleuses. Cependant, le mal de la société sucrière semblait être beaucoup plus interne qu'externe au regard de l'environnement socio-économique qui prévalait. 1. L'instabilité de production sucrière Malgré la vingtaine d'années d'expérience de la SOSUCO, la Société d'État éprouvait toujours des difficultés à stabiliser sa production annuelle. Plusieurs facteurs auraient conduit à cette situation déplorable qui a débuté dans les années 1980. Le premier facteur d'instabilité de la production est la baisse des rendements de la canne à sucre observée à partir de la campagne 1977-1978110. Cette baisse des rendements serait due à la diminution des rendements en canne dans les champs, à la baisse de la teneur en sucre de la canne, au vieillissement des tiges de canne et à la 108 Organisation Mondiale du Commerce, Premier communiqué de presse : résumé des rapports du secrétariat et du gouvernement, réalisé le 13 novembre 1998, consulté le 22 mars 2023, URL : https://www.wto.org/french/tratop_f/ tpr_f/tp089_f.htm.
110 Cissé O., « Une approche historique de l'agro-industrie au Burkina Faso », op. cit., p. 77. Page 52 forte acidité de certains sols du périmètre de la SOSUCO. La canne à sucre subirait de nombreuses maladies à évolution rapide causées par des chenilles et des champignons111. Outre les problèmes liés à la culture de canne à sucre, l'obsolescence de certaines installations constituerait une autre justification de la baisse de la production du sucre. Certaines installations et équipements utilisés dans la sucrerie dateraient de 1972. La modernisation des installations industrielles contribuerait à l'augmentation de la force productrice. Par ailleurs, les conditions de vie et de travail des ouvriers et des cadres de la SOSUCO seraient un facteur déterminant dans la baisse de la production. La main-d'oeuvre n'a pas toujours été gérée correctement pour une utilisation optimale. Au contraire, elle a été reléguée au second plan par les différentes politiques d'exploitation de la société sucrière. Autant de raisons peuvent justifier la baisse de production de la SOSUCO. Or, une entreprise commerciale qui subit des baisses de production risque de mettre en péril sa survie dans l'économie concurrentielle. 2. Les revendications syndicales Depuis la création de la SOSUCO, les centrales syndicales qui se sont constituées n'ont cessé de lutter pour le bien-être des employés de la société. Elles ont toujours dénoncé les conditions de vie et de travail difficiles subies par les employés, ainsi que les dérives des autorités dirigeantes. Si certaines de leurs luttes ont été couronnées de succès, d'autres ont été classées sans suite. En ce qui concerne les restrictions des droits du travail que les centrales syndicales auraient subies sous les régimes d'exception, elles décident de prendre fait et causes dès le 1 mai 1991 en soumettant un cahier de doléances auprès de la Direction Générale de la SOSUCO112. Plusieurs revendications y sont consignées concernant la santé, l'encadrement professionnel, la carrière et les conditions salariales des travailleurs. Mais le plus marquant est que les syndicats s'opposaient déjà à un programme d'ajustement structurel qu'ils disent "sauvage" de la SOSUCO113. Ils ne semblent pas avoir digéré la gestion de la SOMDIAA durant la décennie 1975-1985. Sur la douzaine de points revendiqués, seuls cinq ont été pris en compte par la Direction Générale de la SOSUCO. La non-
112 Le cahier de doléance de la correspondance du Syndicat National des Cadres et Agents de Maîtrise des Entreprises (SYNCAME) figure à l'annexe 2. 113 SYNCAME, Cahier de doléances du 1er mai 1991 présenté par les centrales syndicales de la SOSUCO, Archives de la SN SOSUCO consulté par Cissé O., « Une approche historique de l'agro-industrie au Burkina Faso », op. cit., Annexe n°4. Page 53 privatisation de la société sucrière n'a pas été accordée aux syndicats. Cette action de la nouvelle Direction de l'entreprise publique a contribué à apaiser le climat social dans le complexe jusqu'à la veille de la privatisation de la SOSUCO en 1998. IV. La privatisation de la SN SOSUCO et la série de méventes Avec l'adoption des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) en 1991, l'État burkinabè s'engage à ouvrir son économie au marché international. Cette mesure s'est traduite par la privatisation d'un certain nombre de sociétés d'État qui avaient bénéficié pendant des années du protectionnisme de l'État. Si le bilan des PAS semble aujourd'hui mitigé, il a néanmoins permis d'accroître les Investissements Directs Etrangers (IDE) au Burkina Faso. Des décennies après la privatisation de la SN SOSUCO, nous revisitons l'histoire pour présenter les conséquences des politiques de libéralisation sur certaines entreprises publiques de grande envergure. |
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