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Migrations et impacts socio-économiques à  Béguédo, centre-est, Burkina Faso : 1919-2017


par Thomas Frank Bancé
Université Joseph Ki-Zerbo - Master de recherche 2021
  

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Chapitre III : Aperçu historique des migrations internationales au Burkina Faso

Pour mieux comprendre le contexte historique dans lequel les migrations internationales ont évolué au Burkina Faso, il est important de remonter aux origines des migrations internationales ; de découvrir les mobiles qui ont poussé les Burkinabè à l'émigration et d'analyser l'évolution des flux de migrants internationaux. En outre, la connaissance des stratégies nationales de gestion des migrations internationales permettrait de mesurer l'importance et la place des migrations dans les politiques nationales.

Le présent chapitre s'est construit autour de deux grandes parties. La première partie analyse les migrations internationales des Burkinabè d'abord, et ensuite la deuxième partie aborde la gestion nationale des migrations internationales.

I_ Migrations internationales des Burkinabè

Une analyse rétrospective sur l'histoire des migrations internationales au Burkina Faso permet de répertorier trois moments importants du phénomène. Ce sont entre autres : la création de la colonie de Haute-Volta en 1919 ; la proclamation de l'indépendance de la République de Haute-Volta en 1960 et les mesures de réajustement de l'économie ivoirienne à partir des années 1979. De ces trois dates clés, nous établissons trois périodes déterminantes des mouvements migratoires burkinabè : la période coloniale ; la période postcoloniale à 1980 et la période 1980 à nos jours.

I_1. La période coloniale (1919-1960)

La plupart des études et des recherches portant sur les migrations internationales des Burkinabè reconnaissent que l'émigration des Burkinabè (ex Voltaïques) a existé bien avant la période coloniale. Mais si l'origine des migrations internationales au Burkina Faso est souvent attribuée à la période coloniale, c'est parce que l'administration coloniale a amplifié considérablement le phénomène à travers sa politique coloniale. Abraham SONGRE disait ceci : « Avec ses diverses formes d'exploitation elle aura contribué plus que tout autre facteur aux déplacements massifs des Voltaïques à l'étranger : le travail forcé, le système d'exploitation des importantes concessions détenues par des sociétés privées, les grands travaux d'infrastructures entrepris par le colonisateur, l'enrôlement sous les drapeaux, le système du « volontariat », les motivations économiques enfin, ont provoqué une émigration massive vers presque tous les pays

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de l'Afrique occidentale : Mali, Sénégal, Ghana et Côte d'Ivoire. »94 Ainsi, les politiques coloniales vont entrainer deux types de migration des Voltaïques : la migration de travail et la migration de refuge.

A propos de la migration de travail, Irissa ZIDNABA explique que « La migration de travail a été organisée et entretenue par l'administration coloniale à travers les politiques de mise en valeur des colonies de l'Afrique Occidentale Française. »95 Cette migration a été qualifiée de migration de travail forcé dans la mesure où les migrants étaient recrutés de force dans les cercles de commandement et acheminés dans les futurs chantiers de travail. Concernant la nature et le lieu du travail à effectuer par les migrants voltaïques, le Processus de Rabat explique que : « [...] la colonie de Haute-Volta ayant eu pour fonction à l'époque, d'être le réservoir de main d'oeuvre, qui devait servir aux grands travaux d'aménagements (routes, constructions, transports, contingents de la 2e portion des conscriptions militaires) et à l'exploitation des richesses agro-industrielles des colonies voisines (café et cacao en Côte d'Ivoire, arachide au Sénégal, riz à l'Office du Niger au Soudan français, actuel Mali). »96 On remarque ainsi que même pour les deux guerres mondiales, des Voltaïques ont été recrutés. La colonie de Côte d'Ivoire a été la plus grande bénéficiaire de ces migrations de travail au regard des flux migratoires de la période coloniale. Par exemple, entre 1951 et 1958, on a enregistré 230 000 travailleurs voltaïques en destination de la Côte d'Ivoire. Ce recrutement a été l'oeuvre du Syndicat Interprofessionnel pour l'Acheminement de la Main d'oeuvre (SIAMO). Créé en janvier 1950, le SIAMO était devenu l'organisme chargé du recrutement de la main d'oeuvre voltaïque en direction de la Côte d'Ivoire. Avec la suppression du travail forcé en 1946, l'administration coloniale ne pouvait plus continuer ses mesures contraignantes de recrutement. Il fallait donc laisser la tâche à une structure privée comme le SIAMO.

Parallèlement aux migrations de travail initié par l'administration coloniale, un autre courant migratoire s'est développé durant la période coloniale : c'est la migration de refuge. Cette migration, essentiellement destinée vers la Gold Coast (Ghana actuel), était effectuée par des

94 SONGRE Abraham, 1973, L'émigration massive des Voltaïques : réalités et effets, Genève, Revue Internationale du Travail, vol 18, n°2-3, p. 22. OEuvre citée par

BOUTILLIER Jean-Louis et al., 1985, « La migration de la jeunesse du Burkina », in Cahiers de l'ORSTOM, Série sciences humaines, vol. XXI, n° 2-3, p. 243.

95 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 82.

96 Dialogue Euro-Africain sur la Migration et le Développement (Processus de Rabat), 2014, Guide d'utilisation des données migratoires au Burkina Faso, ICMPD-FIIAPP, p. 3.

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Voltaïques qui ont refusé de se soumettre aux conditions inhumaines.97 Les flux migratoires de ce type de migration sont difficilement accessibles compte tenu de la nature illicite des migrations de refuge mais aussi à cause du changement d'identité des migrants une fois à destination. Ce changement d'identité allait leur permettre de ne pas se faire prendre par les autorités coloniales.

L'analyse des flux migratoires de la période coloniale permet de percevoir une évolution du contingent des migrations de travail durant la période coloniale. Elle nous permet de comprendre également les variations du choix de la zone de destination des migrants d'une période à une autre. Le premier tableau ci-dessus est consacré à l'évolution des flux migratoires de la période coloniale.

Tableau 3 : Nombre de migrants internationaux de la Haute-Volta par zones et périodes de départ.

Destinations

Périodes

 

1924-

1932

1933-

1939

1940-

1945

1946-

1950

1951-

1955

1956-

1960

Non
déclarés

TOTAL

Côte d'Ivoire

310

1 480

4 100

8 750

10 020

21 280

33 960

210

80 110

Ghana

930

3 450

3 910

5 210

7 810

12 630

15 470

700

50 110

Mali

130

500

690

1 580

610

170

350

 

4 030

Sénégal

530

920

750

1 010

910

290

420

 

4 830

Autres pays africains

1 570

3 170

2 840

2 040

970

640

950

 

12 180

 

Source : Service de la Statistique et de la Mécanographie (actuel INSD), Enquête démographique par sondage 1960-1961.

Les chiffres de ce tableau ont été obtenus grâce à une enquête démographique rétrospective menée entre 1960-1961 en Haute-Volta. Mais compte tenu du caractère rétrospectif de l'enquête, les mémoires humaines n'ont pas pu donner les chiffres justes de plus de 30 ans. Ce qui fait de ces chiffres obtenus, des chiffres minimes par rapport à la réalité. Toutefois, cette enquête officielle est très importante pour l'analyse de l'évolution des flux d'émigration car elle permet d'aboutir à quelques conclusions :

97 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 83.

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- La Côte d'Ivoire et la Gold Coast ont été les deux principaux pays de destination des émigrés voltaïques durant la période coloniale ;

- Les flux migratoires des voltaïques vers le Ghana ont été plus importants que ceux en destination de la Côte d'Ivoire jusqu'en 1932, date de la dislocation de la colonie de Haute-Volta. Autrement dit, les migrations de refuge ont pris la primauté sur les migrations de travail.

- A partir de 1932 jusqu'à la veille des indépendances, la Côte d'Ivoire prend la primauté des flux migratoires des Voltaïques au détriment de la Gold Coast. Ceci traduit l'importance des migrations de travail et donc de la propagation des politiques d'orientation des flux migratoires voltaïques voulue par l'administration française.

Pour comparer les flux migratoires des deux destinations, M. LARRUE, Administrateur du travail de la Haute-Volta observait ceci : les chiffres officiels en 1949 montraient que la Côte d'Ivoire recevait 50 000 travailleurs contre 25 000 au Ghana. Et les chiffres non officiels, estimaient à 150 000 le nombre de travailleurs voltaïques en Côte d'Ivoire contre 100 000 en Gold Coast.98

Par ailleurs, Serge Noël OUÉDRAOGO rappelle que « les deux courants migratoires ont continué à exister dans le cadre des migrations libres ».99

I_2. La période postcoloniale aux années 1980

Le changement des statuts politiques des colonies d'Afrique de l'Ouest, désormais des Républiques et États, n'impactera pas nécessairement les courants migratoires préexistants en Haute-Volta. En effet, les flux migratoires enclenchés pendant la période coloniale continueront de se produire. Toutefois, on constatera quelques changements. Le premier changement majeur réside dans le choix des terres d'accueil : la République de la Côte d'Ivoire100 est préférée au Ghana101. Le second grand changement a été le remplacement des migrations de travail et de fuite par des migrations conventionnelle, libre, saisonnier ou circulaire. Un dernier changement

98 CNAB, 42V272: Minutes of the first meeting of the inter-colonial conference on medical control of immigrant workers held at the office of the honorable the Directory of the medical services. Victoriaborg, Accra on Friday the 26th august 1949.

99 OUÉDRAOGO Serge Noël, 2016-2017, op.cit., p. 277.

100 Décembre 1958 : la Côte d'Ivoire devient une République autonome dans le cadre d'une association avec la France appelée Communauté française. Puis le 7 août 1960, la Côte d'Ivoire accède à l'indépendance sous le nom de République de la Côte d'Ivoire (RCI).

101 6 mars 1957 : la colonie britannique Gold Coast accède à l'indépendance sous le nom de Ghana.

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mineur, a été le début des migrations de retour en masse de Burkinabè vivant à l'extérieur. La situation économique des nouveaux États au lendemain des indépendances est à l'origine de ces changements intervenus dans le phénomène migratoire.

Au lendemain des indépendances, la situation économique des deux principaux pays bénéficiaires des flux migratoires de la Haute-Volta, le Ghana et la Côte d'Ivoire sont dans une situation opposée. En effet, pendant que le Ghana est en train de perdre son statut de « eldorado » pour les émigrés burkinabè, la Côte d'Ivoire est en train de réaliser un « miracle économique » selon beaucoup d'auteurs.

En 1942, Serge Noël OUÉDRAOGO résume la situation économique de la Gold Coast en ces termes :

« La Gold Coast était plus attrayante que toutes les autres destinations. Elle était avantagée par la liberté de son marché du travail, ses salaires élevés, la nourriture saine et suffisante, l'absence de tracasseries administratives, l'offre plus grande et diversifiée et ayant un taux de change plus favorable a attiré les travailleurs migrants dans la localité anglaise. »102 Avec toutes ces qualités, la Gold Coast devrait continuer à attirer le maximum d'émigrés en provenance de la Haute-Volta. Mais à partir des années 1946, la Gold Coast doit faire face à des difficultés économiques suivies de l'adoption de politiques nationales défavorables au climat de travail des migrants voltaïques. Serge Noël OUÉDRAOGO explique :

« La crise économique au Ghana, notamment, ses manifestations comme la hausse du chômage, le marasme économique, la dépréciation de 44% du cedi [monnaie ghanéenne] le 27 décembre 1971, ainsi que les mesures « xénophobes », sinon de préférence nationale du régime du Premier Ministre Kofi Abrefa BUSIA, ont terni l'image de la « destination Ghana ». »103 On perçoit ainsi les mobiles ayant concourus à la chute de la destination de l'hégémonie du Ghana dans les courants migratoires voltaïques. Parallèlement, on peut s'interroger de savoir si la Côte d'Ivoire, pays en course pour le monopole des flux de migrants voltaïques, traversait les mêmes difficultés que le Ghana ?

Pour la période 1960-1980, la Côte d'Ivoire a bénéficié de situations politiques et économiques avantageuses. En fait, tout part de la dislocation de la colonie de la Haute-Volta en

102 OUÉDRAOGO Serge Noël, 2016-2017, op.cit., 258 p.

103 OUÉDRAOGO Serge Noël, Idem, 278 p.

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1932. Après la dislocation du territoire de l'ancienne Haute-Volta, il a été convenu que les 2/3 des territoires voltaïques soient rattachés à la Côte d'Ivoire et les 1/3 restants seront répartis entre le Soudan français et le Niger. A partir de ce moment, la Côte d'Ivoire bénéficia de nouvelles terres mais surtout des hommes qui les peuplent. Ce rattachement des territoires de la Haute-Volta à la Côte d'Ivoire allait normalement augmenter le recrutement des Voltaïques dans les chantiers et plantations ivoiriens. En plus, l'administration française avait commencé à baisser les mesures coercitives à l'égard des Voltaïques, créant un climat atténué dans les relations. Sur le plan économique, à partir de 1943 la Côte d'Ivoire offrait désormais aux migrants voltaïques des salaires attractifs, des systèmes de rémunération variés, une prise en charge financière du processus de recrutement à l'arrivée du migrant en Côte d'Ivoire. Pour finir, l'arrivée du chemin de fer en 1954 à Ouagadougou et en 1934 auparavant à Bobo Dioulasso a facilité la mobilité humaine des émigrés. Autant de facteurs cumulés ont donc été à la base d'une réorientation des flux migratoires du Ghana vers la Côte d'Ivoire.

Durant la période 1960 aux années 1980, deux principaux types de migrations internationales étaient pratiqués par les Burkinabè. En effet avec la suppression du travail forcé en 1946, les Burkinabè avaient le libre choix d'effectuer une migration. C'est ainsi qu'on assiste à des départs volontaires des Burkinabè vers l'extérieur. La « migration libre » des Burkinabè revêt un double caractère. Elle prend souvent la forme d'une migration saisonnière, qui consiste à se déplacer pendant la saison sèche pour aller monnayer sa force de travail durant toute la saison et revenir avant le début de la saison des pluies. Lorsque la migration saisonnière est répétée au fil des années, on parle alors de migration circulaire pour désigner les allers et retours d'un migrant entre deux pays. Un autre type de migration apparait en Haute-Volta aux lendemains des indépendances : ce sont les « migrations conventionnelles » ou « migrations légales ». En effet, réputé être un « réservoir de main d'oeuvre », la Haute-Volta va signer des conventions avec certains pays à partir de 1960. L'objectif de ces conventions était d'offrir un cadre légal aux mouvements migratoires des populations mais aussi une protection des candidats à l'émigration. Malheureusement, la plupart de ces conventions ne durera qu'une dizaine d'années à cause des difficultés liées à sa mise en pratique.104

104 On peut citer la convention de main d'oeuvre avec la Côte d'Ivoire qui a duré 14 ans (1960-1974) ; La convention d'établissement et de circulation avec le Mali, 9 ans (1969-1978) et

La convention avec la République du Gabon, a duré 4 ans (1973-1977).

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L'analyse des flux migratoires de la première partie de la période postcoloniale se résume par une nette domination de la destination Côte d'Ivoire par rapport à celle du Ghana. En effet, au regard du « marasme économique » de la Gold Coast dans les années 1940 et face à l'hostilité des autorités ghanéennes pour les étrangers, le Ghana a commencé à ne plus être le premier choix pour les émigrés voltaïques. La proportion des flux d'émigrés dans ce premier tableau illustre la prédominance de la destination Côte d'Ivoire.

Tableau 4 : Flux migratoires des Voltaïques des zones rurales vers l'étranger de 1969 à 1973.

Origine

Destination

Taux annuel
d'émigration
pour 1 000

 

Ghana

Autres

Total

 

204 845

10 229

2 502

215 576

20

Rurale de l'Ouest

77 761

15 163

1 254

94 178

11

Total de la zone rurale 290 714 27 484

6 553

324 753

15

 

Source : COULIBALY Sidiki et al., 1980, op.cit., p.39.

Quand bien même que ce tableau comporte quelques insuffisances (absence des émigrés en provenance des zones urbaines ; toutes les zones rurales de la Haute-Volta n'y figurent pas), force est de reconnaitre qu'il est l'un des plus importants sur les flux migratoires de cette période. En effet, ce tableau nous montre que la zone rurale mossi est la première fournisseuse de migrants à l'étranger durant la période 1969-1973. Ensuite, on observe que la Côte d'Ivoire est de loin la première destination du contingent de migrants voltaïques. Le Ghana, qui jouissait d'un immense privilège pendant la colonisation a perdu cet honneur. En plus, on constate que le taux annuel d'émigration des Voltaïques était de 15%o. Quelques années plus tard, soit en 1975, la Haute-Volta effectue le premier recensement démographique de sa population en général. Les résultats définitifs font état de 334 715 émigrés vivant à l'étranger, avec 70,4% d'hommes et 29,6% de femmes.105 On n'aperçoit pas malheureusement la répartition des émigrés par zone de destination.

Malgré la primauté du courant voltaïque vers le Ghana, aucune convention officielle de migration n'a été signée après les indépendances.

105 COUREL Marie-Françoise et al., 1979, « La population de la Haute-Volta au recensement de décembre 1975 », In Cahiers d'Outre-mer, n°125-32 année, p. 54.

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A la fin des années 1970, le déclin de la destination du Ghana était amorcé tandis que la suprématie de la Côte d'Ivoire s'imposait dans les flux migratoires internationaux des Voltaïques. Les Burkinabè représentaient 18% de la population masculine (15 à 54 ans) de la Côte d'Ivoire. 106 Cet état de changement a été l'émanation de plusieurs facteurs économiques et politiques qui prévalaient dans les territoires d'accueil des migrants internationaux.

I_3. Les années 1980 à nos jours

Pendant que l'« Eldorado » perdait sa renommée auprès des Voltaïques, la Côte d'Ivoire semblait être le « nouveau Eldorado » des émigrés de la Haute-Volta. Les flux migratoires vers la Côte d'Ivoire témoignaient de la primauté de cette destination dans les migrations internationales. Mais à la fin des années 1978-1979, la situation économique en Côte d'Ivoire rencontre de grandes difficultés.

Entre 1978 et 1979, les deux produits d'exportation de la Côte d'Ivoire connaissent une chute de leurs cours. Et la conséquence directe de cette chute a été la contraction des marchés traditionnels du café et du cacao, marché sous-régional et international.107 Avec le ralenti économique général observé dans le monde à partir de 1980, c'est tout le commerce extérieur de la Côte d'Ivoire qui est à l'arrêt. Or, si le marché stagne, la production ralentie. C'est ainsi qu'on commence à observer des licenciements massifs des travailleurs nationaux et internationaux dans les plantations, les sociétés de transformation ou encore les chantiers publics. C'est dans ces turbulences du secteur économique que les émigrés voltaïques se retrouvent sans emplois, obligés de retourner dans leurs zones de départ. Conséquence, on observe un nouveau type de migration chez les Voltaïques : les migrations de retour. Irissa ZIDNABA revient sur cela : « Cette turbulence migratoire a été essentiellement marquée par des retours des émigrés de la Côte d'Ivoire, en majorité des femmes, des enfants et des personnes âgées de plus de 55 ans. Ces retours migratoires sont liés aux licenciements et à la baisse de revenus consécutifs à la chute des cours des produits de base, café, cacao, en 1978-1979. »108 Les données recueillies lors du Recensement Général de la Population de 1985 mentionnent la preuve des migrations de retour à travers deux chiffres :

106 BOUTILLIER Jean-Louis et al., 1985, op.cit., p. 246.

107 MOUSSA Bemba, 1985, « Les mesures de réajustement de l'économie ivoirienne face à la crise économique mondiale : leurs résultats et leurs implications sociales », In Afrique Développement/Afrique et Développement, CODESRIA, vol. 10, n°1/2, p. 151.

108 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 88.

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- Seulement 83 479 Burkinabè résidaient à l'étranger contre 334 715 au premier recensement de 1975. Ces chiffres attestent de la baisse des migrations internationales des Burkinabè.

- Solde migratoire : - 170 000 en 1989 contre -11 359 en 1975 : bien que le solde migratoire reste négatif, on assiste par contre à une baisse du solde migratoire. Ce qui signifie qu'il y a eu moins d'émigrés à ce recensement que celui du précédent.109

Toutefois, Irissa ZIDNABA rappelle que les premières migrations de retour avaient commencé déjà dans les années 1970 : « Ces migrations de retour [les migrants touchés par la crise économique des années 1980 en Côte d'Ivoire] diffèrent de celles des années 1970 durant lesquelles les retours étaient plus volontaires et non contraignants. »110

Les premières réponses politiques face à la crise migratoire, engendrées par les difficultés économiques, ont été elles-mêmes des sources de nouvelles crises sociales en Côte d'Ivoire et au Burkina Faso. En effet, l'adoption d'un « Ordre de Conformité des Étrangers » au Ghana dans les années 1970 et la vulgarisation de la notion « d'ivoirité » en Côte d'Ivoire suivie de l'imposition d'une carte de séjour aux migrants dans les années 1990 ont mis les travailleurs migrants dans des situations d'instabilité professionnelle. Les migrants burkinabè ont commencé à être persécutés par certaines populations autochtones au Ghana et en Côte d'Ivoire. Face à cela, les émigrés se retrouvaient dans une mauvaise posture : revenir dans leurs pays avec le statut de migrants de retour ou émigrer dans un autre pays voisin, de la sous-région ou en Europe en tant qu'aventurier. Ces nouvelles orientations des migrants vont marquer le début de la diversification des zones d'arrivée des migrants burkinabè d'une part, et d'autre part de l'amplification des migrations de retour. Les données de l'enquête démographique de 1991 au Burkina Faso étaient sans appel : 188 331 immigrés enregistrés en dix ans d'intervalle. Et 85% de ces émigrés provenaient de la Côte d'Ivoire.111

Malgré ce contexte économique et politique défavorable à l'émigration, on a continué à enregistrer des départs au Burkina Faso vers l'étranger. Irissa ZIDNABA disait que :

109 Institut National de la Statistique et du Développement (INSD), 1989, Recensement Général de Population, décembre 1985. Analyse des résultats définitifs, Ouagadougou, Ministère du plan et de la coopération, 326 p.

110 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 88.

111 Institut National de la Statistique et du Développement (INSD), 1994, Analyse des données de l'Enquête Démographique de 1991. Deuxième partie : Phénomène démographique, Ouagadougou, Ministère du plan et de la coopération, 175 p.

61

« Parallèlement à ces mouvements de retour, on enregistrait des départs migratoires. Les résultats de l'enquête ont également dénombré 293 870 émigrés durant la période de référence, soit presque 49 000 personnes par an. Ces départs migratoires traduisent en partie la forte circulation migratoire entre le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire. »112 Ces chiffres montrent que des flux migratoires ont bien continué à la veille du XXIe siècle.

A partir des années 2000, la situation socio-politique, économique et culturelle des pays au monde est très changeant et varie d'une année à une autre, d'un pays à un autre. Ces bouleversements permanents qui surviennent dans les pays font des migrants internationaux en général et des émigrés burkinabè en particulier des potentielles populations en situation permanente d'expulsion dans leurs pays d'accueil. « La crise ivoirienne de 2002, les expulsions des Burkinabè de la Libye, du Gabon et de la Guinée, ont suscité des retours massifs. »113 explique Irissa ZIDNABA. A cela s'ajoutent, les effets de la crise économique de 2008 en Italie, en Allemagne, en France ; la crise sécuritaire au nord du Mali, au nord du Nigeria ; etc. Ces crises ont toutes entrainé des vagues de migrants burkinabè de retour, parfois minime et parfois immense.

Des nouveaux concepts migratoires sont nés à partir des années 1990 et se poursuivent jusqu'à nos jours chez les migrants burkinabè. Ce sont les « migrations circulaires », les « pratiques transnationales migratoires », les « investissements migratoires », les « migrations de refuge », les « personnes déplacées internes », etc. Autrement dit, la migration connait une diversification sans précédent de ses mobiles, sa typologie, ses trajets, ses impacts. Plusieurs diasporas burkinabè existent de par le monde avec pour objectif de faciliter l'insertion de leurs compatriotes dans les zones d'accueil.

Les migrations internationales des Burkinabè peuvent être réparties en trois séquences chronologiques allant de la période coloniale à nos jours en passant par la période postcoloniale. Le contexte politique, socio-économique dans lequel se pratiquait l'émigration des Burkinabè conditionnait la nature de ces migrations : migration de travail, migration libre et volontaire, migration forcée, migration de fuite, etc. Plusieurs mobiles, dépendants (condition sociale ou économique précaire) ou indépendants (contexte politique et économique) du migrant justifiaient son choix d'émigrer. Du Ghana à la Côte d'Ivoire, puis de l'Afrique à l'Europe, tel a été le parcours résumé des migrations internationales des Burkinabè depuis la période coloniale.

112 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 89.

113 ZIDNABA Irissa, Idem, p. 89.

62

II_ Gestion des migrations internationales des Burkinabè

Plusieurs autorités publiques, des structures nationales, des organismes internationaux en charge de la migration, des organisations de la société civile, des partenaires techniques et financiers ont travaillé sur la question de la migration internationale des Burkinabè. Cependant, l'immensité des acteurs chargés de la question migratoire au Burkina Faso n'a pas toujours facilité l'atteinte des résultats escomptés. Pour se faire, nous allons donner un bref aperçu de la gestion des migrations internationales des Burkinabè depuis la période coloniale jusqu'à nos jours.

II_1. L'administration coloniale face à la question de la migration

Sous la période coloniale, l'administration était l'autorité compétente en charge de la mobilité humaine des Voltaïques. Elle était chargée d'organiser, d'orienter et de suivre les flux migratoires. Ainsi, des décrets et recommandations issus du Gouvernement général de l'Afrique Occidentale Française parvenaient à l'administration coloniale. Ces mesures portaient sur des actions à mener en lien avec la gestion de la main-d'oeuvre voltaïque.

Ce n'est qu'avec la création de l'Office Central du Travail (OCT), qu'une structure en charge de la gestion de la main d'oeuvre va apparaître. L'objectif principal de cet office était d'apporter une meilleure gestion à la question de la main-d'oeuvre à travers une répartition optimale des territoires de l'AOF. Par la suite, le mécanisme sera renforcé avec la création d'une structure financière pour les migrations de travail : la Caisse Provisoire de Main-d'oeuvre. Selon Serge Noël OUÉDRAOGO, cette structure « couvrait dans l'immédiat toutes les dépenses urgentes après le recrutement des manoeuvres, c'est-à-dire, le transport, les frais de route, l'hébergement, etc. »114 Toujours dans l'objectif de mieux réguler le secteur des migrations de travail, le Syndicat Interprofessionnel pour l'Acheminement de la Main-d'oeuvre (SIAMO) sera également créé en janvier 1950 en Côte d'Ivoire. Très rapidement, le SIAMO va installer des centres de recrutement à Ouagadougou, Bobo Dioulasso et Koudougou. L'objectif du syndicat était d'« assurer la migration du plan grand nombre possible de travailleurs au profit de toutes les entreprises ivoiriennes. »

114 OUÉDRAOGO Serge Noël, 2016-2017, op.cit., 171 p.

63

La période coloniale a donc été une période où la gestion de la migration avait pour but de mettre à disposition des colonies ou des entreprises privées, des migrants de travail issus de la colonie de Haute-Volta.

II_2. La gestion des migrations internationales burkinabè pendant la période postcoloniale

Il est fortement regrettable que le Burkina Faso, pays à caractère migratoire, n'ai pas pu se doter d'une politique nationale en matière de gestion des migrations dès les indépendances. Il a fallu attendre le 07 mars 2012 pour qu'une Politique Nationale de Population115 soit adoptée. C'est à cette démarche qu'on doit la mise en place en 2016 de la Stratégie Nationale pour la Migration, 2014-2025. A la question de savoir pourquoi les décideurs politiques ont mis assez d'années avant de consacrer à la migration internationale une attention particulière, la réponse la plus plausible semble être le manque de volonté de la part des premières autorités du pays.

Toutefois, d'un régime présidentiel à un autre, la situation nationale en matière d'émigration des populations a nécessité la prise de certaines mesures ou directives. C'est le cas en 1981, où le gouvernement du Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National (CMRPN) a émis une ordonnance face à la situation économique ivoirienne dégradante. Il s'agissait de : « l'ordonnance n° 81-8 PRES.CMRPN du 11 mars 1981 portant suspension de l'émigration et du décret n° 81-135 PRES.CMRPN du 12 mars 1981 définissant les conditions de délivrance et d'utilisation du laissez-passer institué par l'ordonnance n° 81-8 PRES.CMRPN du 11 mars 1981. »116 L'objectif principal du régime militaire dirigé par le Colonel Saye ZERBO était de suspendre temporairement les migrations de travail des Voltaïques à l'étranger. En raison de plusieurs facteurs, cette ordonnance n'arrivera pas à atteindre les résultats escomptés.

Un autre régime politique, le Conseil National de la Révolution (CNR) du Capitaine Thomas Isidore SANKARA, a adopté une autre ordonnance en 1984 pour contrôler toute mobilité humaine au Burkina Faso. Il s'agissait de « l'ordonnance n°84-49 CNR.PRES du 4 août 1984 fixant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie du Burkina Faso des nationaux et des

115 Décret n° 2012-253/PRES/PM/MEF du 7 mars 2012 a adopté l'actuelle Politique Nationale de Population qui couvre la période 2010-2030. Décret cité par le Ministère de l'Economie et de Finances, 2012, Politique Nationale de Population 2010-2030, p. 48.

116 Journal officiel de la République de Haute-Volta n° du 19 mars 1981.

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étrangers. »117 Cette mesure dans la pratique cherchait à protéger l'émigré burkinabè lors de son activité migratoire.

Le régime politique qui s'en suivra, celui du Président Blaise COMPAORE, va se démarquer de ces prédécesseurs par la création de structures techniques et nationales en charge de la migration. C'est l'exemple de la création du Conseil Supérieur des Burkinabè de l'Étranger (CSBE) le 07 mai 1993118 puis réaménagé le 24 mai 2007119, en tant que structure chargée de la gestion de la diaspora burkinabè. D'autres actions seront posées par le gouvernement pour accompagner la diaspora : l'ouverture de nouveaux Consulats, d'Ambassade ou la participation des Burkinabè de l'Extérieur notamment ceux de la Côte d'Ivoire aux dernières élections présidentielles120 et référendaires.

De nos jours, sous la présidence de son excellence Roch Marc Christian KABORE, différentes politiques migratoires nationales sont orientées vers la mobilisation de la diaspora burkinabè afin d'en faire un partenaire financier pour le développement socio-économique du pays. C'est d'ailleurs dans cette optique, qu'en 2018, tout un Ministère est aménagé et alloué à la gestion des Burkinabè de l'Extérieur : c'est le Ministère de l'Intégration Africaine et des Burkinabè de l'Extérieur (MIABE)121. L'édification d'un Ministère chargé de la définition et de la mise en oeuvre de la politique de migration122, atteste de tout l'intérêt que les décideurs politiques actuels accordent à la question des migrations internationales des Burkinabè.

En rappel, avant même l'adoption de toutes ces mesures politiques et la création des structures de gestion des migrations internationales des Burkinabè, des accords et conventions ont été signés au lendemain des indépendances entre la Haute-Volta et quelques États de la sous-région. Ces accords établissent les termes de collaboration entre les deux États pour la gestion de la main-d'oeuvre voltaïque. Ce sont entre autres :

117 Journal officiel du Burkina Faso n° 33 du 16 août 1984.

118 Décret n° 93/132/PRES/PM/REX du 07 mai 1993 cité par OUÉDRAOGO Serge Noël, 2016-2017, op.cit., p. 211.

119 Décret n° 2007-38/PRES/PM/MAECR du 24 mai 2007 portant création, attributions, organisations et fonctionnement du Conseil Supérieur des Burkinabè de l'Étranger, Journal Officiel du Faso n° 24 du 14 juin 2007.

120 Prévu pour être effectif lors des élections de 2010 et celles de 2015, le vote des Burkinabè de l'extérieur a finalement eu lieu en 2020. Au total, 18 563 burkinabè ont pu voter en restant dans leurs pays d'accueil.

121 Décret n° 2018-0035/PRES/PM portant remaniement du Gouvernement.

122 Décret n° 2018-1162/PRES/PM/MIABE portant organisation du Ministère de l'Intégration africaine et des Burkinabè de l'extérieur.

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- La Convention du 9 mars 1960 entre le Gouvernement de la République de Haute-Volta et le Gouvernement de la République de la Côte d'Ivoire relative aux conditions d'engagement et d'emploi des travailleurs voltaïques en Côte d'Ivoire.

- Le Protocole d'accord entre le Niger et la Haute-Volta du 23 juin 1964 autorisant la libre circulation et le droit d'établissement pour les citoyens des deux États.

- La Convention d'établissement et de circulation des personnes entre la Haute-Volta et le Mali du 30 septembre 1969.

- La Convention du 13 août 1973 entre le Gouvernement de la République de Haute-Volta et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la coopérative technique en matière de main-d'oeuvre.

- L'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire du 10 janvier 2009.

II_3. L'accompagnement des organismes sous-régionaux et mondiaux dans la gestion des
migrations internationales burkinabè

Plusieurs structures, services et directions existent sur le territoire national et sont impliquées dans la question migratoire du Burkina Faso. Certaines de ces structures sont chargées de collecter des données sur la migration : c'est le cas de l'INSD, de l'Agence Nationale pour l'Emploi, de la Direction de la Police des Frontières, etc.). D'autres par contre comme l'ISSP, les laboratoires de recherches universitaires, les structures bancaires sont spécialisées dans la production des données migratoires. Enfin, une dernière catégorie est celle du groupe des consommateurs de données produites sur la migration : les organismes sous-régionaux et internationaux, la communauté des chercheurs, les partenaires financiers, etc. De nos jours, les Organisations de la Société Civile (OSC) s'intéressent également à la question des migrations internationales et de la diaspora. C'est le cas de l'Associations Tous pour le Combat de la Solidarité et de l'Intégration (TOCSIN). Le TOCSIN, créé en 1997 a été reconnu en 2013 d'utilité publique pour ses multiples actions d'intégration et de sensibilisation des migrants burkinabè.

L'Etat burkinabè bénéficie de l'appui stratégique, technique et financier de quelques institutions internationales représentées à Ouagadougou. Il s'agit de l'Organisation Mondiale

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pour la Migration (OIM), l'Organisation Internationale du Travail (OIT), le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), l'Union Européenne (UE), etc.

L'analyse des flux migratoires des Burkinabè de l'extérieur permet de distinguer trois principales phases dans l'évolution des migrations internationales. La première phase, la période coloniale est celle qui a amplifié les flux migratoires. En effet, l'objectif de faire de la Haute-Volta un « réservoir de main-d'oeuvre » a entrainé la réalisation de plusieurs recrutements de travailleurs voltaïques en destination des colonies comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Mali. Mais une partie des populations s'opposa à ces migrations de travail et préféra fuir les recrutements forcés pour se réfugier dans la colonie de Gold Coast : c'est le début des migrations de fuite. Durant la période coloniale, la plus grande partie du flux migratoire était dirigée vers la Gold Coast jusqu'en 1947, période à laquelle la Côte d'Ivoire commençait à supplanter la colonie britannique. Cette dualité entre la Gold Coast et la Côte d'Ivoire dans le monopole des flux migratoires burkinabè se poursuit dans la deuxième phase : de la période postcoloniale aux années 1980. Entre 1947 à 1969, le Ghana perd donc son monopole des flux migratoires à la faveur de la Côte d'Ivoire. Tandis que l'économie ghanéenne faisait face à des difficultés, la Côte d'Ivoire réalisait un « miracle économique » avec une croissance qui attirait de plus en plus de migrants travailleurs. Les Voltaïques vont effectuer durant cette deuxième phase des migrations libres, des migrations saisonnières ou circulaires en destination de la Côte d'Ivoire. Quant à la troisième phase débutée en 1980, elle est marquée par de vastes turbulences économiques et politiques en Côte d'Ivoire. Un climat d'insécurité et de persécutions des travailleurs voltaïques s'installe. Deux nouvelles trajectoires dans les migrations apparaissent : le courant migratoire de retour en Haute-Volta et le courant migratoire en destination des pays de la sous-région, de l'Europe et même d'Amérique. C'est le début de la diversification des migrations internationales des Burkinabè. Puis à partir des années 1990-2000 jusqu'à nos jours, ce sont beaucoup plus les conditions économiques, sociales et culturelles qui poussent les jeunes burkinabè à l'émigration. La Banque Mondiale a estimé à 1 642 600 émigrés burkinabè en 2013 soit 9.6% de la population totale (population estimée à cette année à 17 600 000).123

123 World Banque Group, 2016, Migration and Remittances Factbook 2016, Third edition, [version numérique téléchargée en juillet 2020], p. 110.

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L'évolution des flux migratoires burkinabè ne s'est pas passée à l'insu des autorités politiques. De l'administration coloniale au Gouvernement actuel en passant par les régimes présidentiels du Burkina Faso, chaque décideur politique a tenté de contrôler le phénomène migratoire. Mais sa densité et sa dynamique ont très souvent mis en échec les mesures politiques adoptées à son égard. Par conséquent, la gestion nationale des migrations se retrouve avec un bilan mitigé. Mais avec l'aménagement du Ministère de l'Intégration Africaine et des Burkinabè de l'Extérieur en 2018, nous nous attendions à une meilleure gestion nationale de la question migratoire à travers la mise en place de politiques nationales migratoires.

Nous retenons de ce chapitre, que les migrations internationales des Burkinabè ont connu trois phases majeures : la période coloniale, la période postcoloniale jusqu'aux années 1980 et la période des années 1980 à nos jours. Plusieurs mobiles ont été à la base des migrations voltaïques à l'extérieur. Il y a les contraintes coloniales, le manque de terres agricoles, les difficultés socio-économique et politique des pays d'accueil (Ghana et la Côte d'Ivoire). Pour échapper aux conséquences de ces crises, certains Burkinabè vont migrer de la Côte vers les pays africains (Gabon, Libye, Mali, etc.) ou de la Côte d'Ivoire vers les pays européens (Italie, Allemagne). Le reste des Burkinabè fera une migration de retour sur leur terre d'origine.

Quant aux migrations internationales des Bissa, ils sont similaires à celui du pays en général. On y trouve trois séquences du phénomène.

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