Pour mieux comprendre le contexte historique dans lequel les
migrations internationales ont évolué au Burkina Faso, il est
important de remonter aux origines des migrations internationales ; de
découvrir les mobiles qui ont poussé les Burkinabè
à l'émigration et d'analyser l'évolution des flux de
migrants internationaux. En outre, la connaissance des stratégies
nationales de gestion des migrations internationales permettrait de mesurer
l'importance et la place des migrations dans les politiques nationales.
Le présent chapitre s'est construit autour de deux
grandes parties. La première partie analyse les migrations
internationales des Burkinabè d'abord, et ensuite la deuxième
partie aborde la gestion nationale des migrations internationales.
I_ Migrations internationales des
Burkinabè
Une analyse rétrospective sur l'histoire des
migrations internationales au Burkina Faso permet de répertorier trois
moments importants du phénomène. Ce sont entre autres : la
création de la colonie de Haute-Volta en 1919 ; la proclamation de
l'indépendance de la République de Haute-Volta en 1960 et les
mesures de réajustement de l'économie ivoirienne à partir
des années 1979. De ces trois dates clés, nous établissons
trois périodes déterminantes des mouvements migratoires
burkinabè : la période coloniale ; la période
postcoloniale à 1980 et la période 1980 à nos jours.
I_1. La période coloniale
(1919-1960)
La plupart des études et des recherches portant sur
les migrations internationales des Burkinabè reconnaissent que
l'émigration des Burkinabè (ex Voltaïques) a existé
bien avant la période coloniale. Mais si l'origine des migrations
internationales au Burkina Faso est souvent attribuée à la
période coloniale, c'est parce que l'administration coloniale a
amplifié considérablement le phénomène à
travers sa politique coloniale. Abraham SONGRE disait ceci : « Avec
ses diverses formes d'exploitation elle aura contribué plus que tout
autre facteur aux déplacements massifs des Voltaïques à
l'étranger : le travail forcé, le système d'exploitation
des importantes concessions détenues par des sociétés
privées, les grands travaux d'infrastructures entrepris par le
colonisateur, l'enrôlement sous les drapeaux, le système du «
volontariat », les motivations économiques enfin, ont
provoqué une émigration massive vers presque tous les
pays
53
de l'Afrique occidentale : Mali, Sénégal,
Ghana et Côte d'Ivoire. »94 Ainsi, les politiques
coloniales vont entrainer deux types de migration des Voltaïques : la
migration de travail et la migration de refuge.
A propos de la migration de travail, Irissa ZIDNABA explique
que « La migration de travail a été organisée et
entretenue par l'administration coloniale à travers les politiques de
mise en valeur des colonies de l'Afrique Occidentale Française.
»95 Cette migration a été qualifiée
de migration de travail forcé dans la mesure où les migrants
étaient recrutés de force dans les cercles de commandement et
acheminés dans les futurs chantiers de travail. Concernant la nature et
le lieu du travail à effectuer par les migrants voltaïques, le
Processus de Rabat explique que : « [...] la colonie de Haute-Volta
ayant eu pour fonction à l'époque, d'être le
réservoir de main d'oeuvre, qui devait servir aux grands travaux
d'aménagements (routes, constructions, transports, contingents de la
2e portion des conscriptions militaires) et à l'exploitation
des richesses agro-industrielles des colonies voisines (café et cacao en
Côte d'Ivoire, arachide au Sénégal, riz à l'Office
du Niger au Soudan français, actuel Mali). »96 On
remarque ainsi que même pour les deux guerres mondiales, des
Voltaïques ont été recrutés. La colonie de Côte
d'Ivoire a été la plus grande bénéficiaire de ces
migrations de travail au regard des flux migratoires de la période
coloniale. Par exemple, entre 1951 et 1958, on a enregistré 230 000
travailleurs voltaïques en destination de la Côte d'Ivoire. Ce
recrutement a été l'oeuvre du Syndicat Interprofessionnel pour
l'Acheminement de la Main d'oeuvre (SIAMO). Créé en janvier 1950,
le SIAMO était devenu l'organisme chargé du recrutement de la
main d'oeuvre voltaïque en direction de la Côte d'Ivoire. Avec la
suppression du travail forcé en 1946, l'administration
coloniale ne pouvait plus continuer ses mesures contraignantes de recrutement.
Il fallait donc laisser la tâche à une structure privée
comme le SIAMO.
Parallèlement aux migrations de travail initié
par l'administration coloniale, un autre courant migratoire s'est
développé durant la période coloniale : c'est la migration
de refuge. Cette migration, essentiellement destinée vers la Gold Coast
(Ghana actuel), était effectuée par des
94 SONGRE Abraham, 1973, L'émigration
massive des Voltaïques : réalités et effets,
Genève, Revue Internationale du Travail, vol 18, n°2-3, p. 22.
OEuvre citée par
BOUTILLIER Jean-Louis et al., 1985, « La migration de la
jeunesse du Burkina », in Cahiers de l'ORSTOM, Série
sciences humaines, vol. XXI, n° 2-3, p. 243.
95 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 82.
96 Dialogue Euro-Africain sur la Migration et le
Développement (Processus de Rabat), 2014, Guide d'utilisation des
données migratoires au Burkina Faso, ICMPD-FIIAPP, p. 3.
54
Voltaïques qui ont refusé de se soumettre aux
conditions inhumaines.97 Les flux migratoires de ce type de
migration sont difficilement accessibles compte tenu de la nature illicite des
migrations de refuge mais aussi à cause du changement d'identité
des migrants une fois à destination. Ce changement d'identité
allait leur permettre de ne pas se faire prendre par les autorités
coloniales.
L'analyse des flux migratoires de la période coloniale
permet de percevoir une évolution du contingent des migrations de
travail durant la période coloniale. Elle nous permet de comprendre
également les variations du choix de la zone de destination des migrants
d'une période à une autre. Le premier tableau ci-dessus est
consacré à l'évolution des flux migratoires de la
période coloniale.
Tableau 3 : Nombre de migrants internationaux de la
Haute-Volta par zones et périodes de départ.
Source : Service de la Statistique et de la
Mécanographie (actuel INSD), Enquête démographique par
sondage 1960-1961.
Les chiffres de ce tableau ont été obtenus
grâce à une enquête démographique
rétrospective menée entre 1960-1961 en Haute-Volta. Mais compte
tenu du caractère rétrospectif de l'enquête, les
mémoires humaines n'ont pas pu donner les chiffres justes de plus de 30
ans. Ce qui fait de ces chiffres obtenus, des chiffres minimes par rapport
à la réalité. Toutefois, cette enquête officielle
est très importante pour l'analyse de l'évolution des flux
d'émigration car elle permet d'aboutir à quelques conclusions
:
97 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 83.
55
- La Côte d'Ivoire et la Gold Coast ont
été les deux principaux pays de destination des
émigrés voltaïques durant la période coloniale ;
- Les flux migratoires des voltaïques vers le Ghana ont
été plus importants que ceux en destination de la Côte
d'Ivoire jusqu'en 1932, date de la dislocation de la colonie de Haute-Volta.
Autrement dit, les migrations de refuge ont pris la primauté sur les
migrations de travail.
- A partir de 1932 jusqu'à la veille des
indépendances, la Côte d'Ivoire prend la primauté des flux
migratoires des Voltaïques au détriment de la Gold Coast. Ceci
traduit l'importance des migrations de travail et donc de la propagation des
politiques d'orientation des flux migratoires voltaïques voulue par
l'administration française.
Pour comparer les flux migratoires des deux destinations, M.
LARRUE, Administrateur du travail de la Haute-Volta observait ceci : les
chiffres officiels en 1949 montraient que la Côte d'Ivoire recevait 50
000 travailleurs contre 25 000 au Ghana. Et les chiffres non officiels,
estimaient à 150 000 le nombre de travailleurs voltaïques en
Côte d'Ivoire contre 100 000 en Gold Coast.98
Par ailleurs, Serge Noël OUÉDRAOGO rappelle que
« les deux courants migratoires ont continué à exister
dans le cadre des migrations libres ».99
I_2. La période postcoloniale aux années
1980
Le changement des statuts politiques des colonies d'Afrique
de l'Ouest, désormais des Républiques et États,
n'impactera pas nécessairement les courants migratoires
préexistants en Haute-Volta. En effet, les flux migratoires
enclenchés pendant la période coloniale continueront de se
produire. Toutefois, on constatera quelques changements. Le premier changement
majeur réside dans le choix des terres d'accueil : la République
de la Côte d'Ivoire100 est préférée au
Ghana101. Le second grand changement a été le
remplacement des migrations de travail et de fuite par des migrations
conventionnelle, libre, saisonnier ou circulaire. Un dernier changement
98 CNAB, 42V272: Minutes of the first meeting
of the inter-colonial conference on medical control of immigrant workers held
at the office of the honorable the Directory of the medical services.
Victoriaborg, Accra on Friday the 26th august 1949.
99 OUÉDRAOGO Serge Noël, 2016-2017,
op.cit., p. 277.
100 Décembre 1958 : la Côte d'Ivoire devient une
République autonome dans le cadre d'une association avec la France
appelée Communauté française. Puis le 7 août 1960,
la Côte d'Ivoire accède à l'indépendance sous le nom
de République de la Côte d'Ivoire (RCI).
101 6 mars 1957 : la colonie britannique Gold Coast
accède à l'indépendance sous le nom de Ghana.
56
mineur, a été le début des migrations de
retour en masse de Burkinabè vivant à l'extérieur. La
situation économique des nouveaux États au lendemain des
indépendances est à l'origine de ces changements intervenus dans
le phénomène migratoire.
Au lendemain des indépendances, la situation
économique des deux principaux pays bénéficiaires des flux
migratoires de la Haute-Volta, le Ghana et la Côte d'Ivoire sont dans une
situation opposée. En effet, pendant que le Ghana est en train de perdre
son statut de « eldorado » pour les émigrés
burkinabè, la Côte d'Ivoire est en train de réaliser un
« miracle économique » selon beaucoup d'auteurs.
En 1942, Serge Noël OUÉDRAOGO résume la
situation économique de la Gold Coast en ces termes :
« La Gold Coast était plus attrayante que
toutes les autres destinations. Elle était avantagée par la
liberté de son marché du travail, ses salaires
élevés, la nourriture saine et suffisante, l'absence de
tracasseries administratives, l'offre plus grande et diversifiée et
ayant un taux de change plus favorable a attiré les travailleurs
migrants dans la localité anglaise. »102 Avec
toutes ces qualités, la Gold Coast devrait continuer à attirer le
maximum d'émigrés en provenance de la Haute-Volta. Mais à
partir des années 1946, la Gold Coast doit faire face à des
difficultés économiques suivies de l'adoption de politiques
nationales défavorables au climat de travail des migrants
voltaïques. Serge Noël OUÉDRAOGO explique :
« La crise économique au Ghana, notamment,
ses manifestations comme la hausse du chômage, le marasme
économique, la dépréciation de 44% du cedi [monnaie
ghanéenne] le 27 décembre 1971, ainsi que les mesures «
xénophobes », sinon de préférence nationale du
régime du Premier Ministre Kofi Abrefa BUSIA, ont terni l'image de la
« destination Ghana ». »103 On perçoit
ainsi les mobiles ayant concourus à la chute de la destination de
l'hégémonie du Ghana dans les courants migratoires
voltaïques. Parallèlement, on peut s'interroger de savoir si la
Côte d'Ivoire, pays en course pour le monopole des flux de migrants
voltaïques, traversait les mêmes difficultés que le Ghana
?
Pour la période 1960-1980, la Côte d'Ivoire a
bénéficié de situations politiques et économiques
avantageuses. En fait, tout part de la dislocation de la colonie de la
Haute-Volta en
102 OUÉDRAOGO Serge Noël, 2016-2017, op.cit., 258
p.
103 OUÉDRAOGO Serge Noël, Idem, 278 p.
57
1932. Après la dislocation du territoire de l'ancienne
Haute-Volta, il a été convenu que les 2/3 des territoires
voltaïques soient rattachés à la Côte d'Ivoire et les
1/3 restants seront répartis entre le Soudan français et le
Niger. A partir de ce moment, la Côte d'Ivoire bénéficia de
nouvelles terres mais surtout des hommes qui les peuplent. Ce rattachement des
territoires de la Haute-Volta à la Côte d'Ivoire allait
normalement augmenter le recrutement des Voltaïques dans les chantiers et
plantations ivoiriens. En plus, l'administration française avait
commencé à baisser les mesures coercitives à
l'égard des Voltaïques, créant un climat
atténué dans les relations. Sur le plan économique,
à partir de 1943 la Côte d'Ivoire offrait désormais aux
migrants voltaïques des salaires attractifs, des systèmes de
rémunération variés, une prise en charge financière
du processus de recrutement à l'arrivée du migrant en Côte
d'Ivoire. Pour finir, l'arrivée du chemin de fer en 1954 à
Ouagadougou et en 1934 auparavant à Bobo Dioulasso a facilité la
mobilité humaine des émigrés. Autant de facteurs
cumulés ont donc été à la base d'une
réorientation des flux migratoires du Ghana vers la Côte
d'Ivoire.
Durant la période 1960 aux années 1980, deux
principaux types de migrations internationales étaient pratiqués
par les Burkinabè. En effet avec la suppression du travail forcé
en 1946, les Burkinabè avaient le libre choix d'effectuer une migration.
C'est ainsi qu'on assiste à des départs volontaires des
Burkinabè vers l'extérieur. La « migration libre »
des Burkinabè revêt un double caractère. Elle prend
souvent la forme d'une migration saisonnière, qui consiste
à se déplacer pendant la saison sèche pour aller monnayer
sa force de travail durant toute la saison et revenir avant le début de
la saison des pluies. Lorsque la migration saisonnière est
répétée au fil des années, on parle alors de
migration circulaire pour désigner les allers et retours d'un
migrant entre deux pays. Un autre type de migration apparait en Haute-Volta aux
lendemains des indépendances : ce sont les « migrations
conventionnelles » ou « migrations légales
». En effet, réputé être un «
réservoir de main d'oeuvre », la Haute-Volta va signer des
conventions avec certains pays à partir de 1960. L'objectif de ces
conventions était d'offrir un cadre légal aux mouvements
migratoires des populations mais aussi une protection des candidats à
l'émigration. Malheureusement, la plupart de ces conventions ne durera
qu'une dizaine d'années à cause des difficultés
liées à sa mise en pratique.104
104 On peut citer la convention de main d'oeuvre avec la
Côte d'Ivoire qui a duré 14 ans (1960-1974) ; La convention
d'établissement et de circulation avec le Mali, 9 ans (1969-1978) et
La convention avec la République du Gabon, a duré
4 ans (1973-1977).
58
L'analyse des flux migratoires de la première partie
de la période postcoloniale se résume par une nette domination de
la destination Côte d'Ivoire par rapport à celle du Ghana. En
effet, au regard du « marasme économique » de la Gold
Coast dans les années 1940 et face à l'hostilité des
autorités ghanéennes pour les étrangers, le Ghana a
commencé à ne plus être le premier choix pour les
émigrés voltaïques. La proportion des flux
d'émigrés dans ce premier tableau illustre la prédominance
de la destination Côte d'Ivoire.
Tableau 4 : Flux migratoires des Voltaïques des zones
rurales vers l'étranger de 1969 à 1973.
Source : COULIBALY Sidiki et al., 1980, op.cit.,
p.39.
Quand bien même que ce tableau comporte quelques
insuffisances (absence des émigrés en provenance des zones
urbaines ; toutes les zones rurales de la Haute-Volta n'y figurent pas), force
est de reconnaitre qu'il est l'un des plus importants sur les flux migratoires
de cette période. En effet, ce tableau nous montre que la zone rurale
mossi est la première fournisseuse de migrants à
l'étranger durant la période 1969-1973. Ensuite, on observe que
la Côte d'Ivoire est de loin la première destination du contingent
de migrants voltaïques. Le Ghana, qui jouissait d'un immense
privilège pendant la colonisation a perdu cet honneur. En plus, on
constate que le taux annuel d'émigration des Voltaïques
était de 15%o. Quelques années plus tard, soit en 1975, la
Haute-Volta effectue le premier recensement démographique de sa
population en général. Les résultats définitifs
font état de 334 715 émigrés vivant à
l'étranger, avec 70,4% d'hommes et 29,6% de femmes.105
On n'aperçoit pas malheureusement la répartition des
émigrés par zone de destination.
Malgré la primauté du courant voltaïque
vers le Ghana, aucune convention officielle de migration n'a été
signée après les indépendances.
105 COUREL Marie-Françoise et al., 1979, « La
population de la Haute-Volta au recensement de décembre 1975 », In
Cahiers d'Outre-mer, n°125-32 année, p. 54.
59
A la fin des années 1970, le déclin de la
destination du Ghana était amorcé tandis que la suprématie
de la Côte d'Ivoire s'imposait dans les flux migratoires internationaux
des Voltaïques. Les Burkinabè représentaient 18% de la
population masculine (15 à 54 ans) de la Côte d'Ivoire. 106
Cet état de changement a été l'émanation de
plusieurs facteurs économiques et politiques qui prévalaient dans
les territoires d'accueil des migrants internationaux.
I_3. Les années 1980 à nos
jours
Pendant que l'« Eldorado » perdait sa
renommée auprès des Voltaïques, la Côte d'Ivoire
semblait être le « nouveau Eldorado » des émigrés
de la Haute-Volta. Les flux migratoires vers la Côte d'Ivoire
témoignaient de la primauté de cette destination dans les
migrations internationales. Mais à la fin des années 1978-1979,
la situation économique en Côte d'Ivoire rencontre de grandes
difficultés.
Entre 1978 et 1979, les deux produits d'exportation de la
Côte d'Ivoire connaissent une chute de leurs cours. Et la
conséquence directe de cette chute a été la contraction
des marchés traditionnels du café et du cacao, marché
sous-régional et international.107 Avec le ralenti
économique général observé dans le monde à
partir de 1980, c'est tout le commerce extérieur de la Côte
d'Ivoire qui est à l'arrêt. Or, si le marché stagne, la
production ralentie. C'est ainsi qu'on commence à observer des
licenciements massifs des travailleurs nationaux et internationaux dans les
plantations, les sociétés de transformation ou encore les
chantiers publics. C'est dans ces turbulences du secteur économique que
les émigrés voltaïques se retrouvent sans emplois,
obligés de retourner dans leurs zones de départ.
Conséquence, on observe un nouveau type de migration chez les
Voltaïques : les migrations de retour. Irissa ZIDNABA revient sur
cela : « Cette turbulence migratoire a été
essentiellement marquée par des retours des émigrés de la
Côte d'Ivoire, en majorité des femmes, des enfants et des
personnes âgées de plus de 55 ans. Ces retours migratoires sont
liés aux licenciements et à la baisse de revenus
consécutifs à la chute des cours des produits de base,
café, cacao, en 1978-1979. »108 Les données
recueillies lors du Recensement Général de la Population de 1985
mentionnent la preuve des migrations de retour à travers deux chiffres
:
106 BOUTILLIER Jean-Louis et al., 1985, op.cit., p. 246.
107 MOUSSA Bemba, 1985, « Les mesures de
réajustement de l'économie ivoirienne face à la crise
économique mondiale : leurs résultats et leurs implications
sociales », In Afrique Développement/Afrique et
Développement, CODESRIA, vol. 10, n°1/2, p. 151.
108 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 88.
60
- Seulement 83 479 Burkinabè résidaient
à l'étranger contre 334 715 au premier recensement de 1975. Ces
chiffres attestent de la baisse des migrations internationales des
Burkinabè.
- Solde migratoire : - 170 000 en 1989 contre -11 359 en 1975
: bien que le solde migratoire reste négatif, on assiste par contre
à une baisse du solde migratoire. Ce qui signifie qu'il y a eu moins
d'émigrés à ce recensement que celui du
précédent.109
Toutefois, Irissa ZIDNABA rappelle que les premières
migrations de retour avaient commencé déjà dans les
années 1970 : « Ces migrations de retour [les migrants
touchés par la crise économique des années 1980 en
Côte d'Ivoire] diffèrent de celles des années 1970 durant
lesquelles les retours étaient plus volontaires et non contraignants.
»110
Les premières réponses politiques face à
la crise migratoire, engendrées par les difficultés
économiques, ont été elles-mêmes des sources de
nouvelles crises sociales en Côte d'Ivoire et au Burkina Faso. En effet,
l'adoption d'un « Ordre de Conformité des Étrangers »
au Ghana dans les années 1970 et la vulgarisation de la notion «
d'ivoirité » en Côte d'Ivoire suivie de l'imposition d'une
carte de séjour aux migrants dans les années 1990 ont mis les
travailleurs migrants dans des situations d'instabilité professionnelle.
Les migrants burkinabè ont commencé à être
persécutés par certaines populations autochtones au Ghana et en
Côte d'Ivoire. Face à cela, les émigrés se
retrouvaient dans une mauvaise posture : revenir dans leurs pays avec le statut
de migrants de retour ou émigrer dans un autre pays voisin, de
la sous-région ou en Europe en tant qu'aventurier. Ces
nouvelles orientations des migrants vont marquer le début de la
diversification des zones d'arrivée des migrants burkinabè d'une
part, et d'autre part de l'amplification des migrations de retour. Les
données de l'enquête démographique de 1991 au Burkina Faso
étaient sans appel : 188 331 immigrés enregistrés en
dix ans d'intervalle. Et 85% de ces émigrés provenaient de la
Côte d'Ivoire.111
Malgré ce contexte économique et politique
défavorable à l'émigration, on a continué à
enregistrer des départs au Burkina Faso vers l'étranger. Irissa
ZIDNABA disait que :
109 Institut National de la Statistique et du
Développement (INSD), 1989, Recensement Général de
Population, décembre 1985. Analyse des résultats
définitifs, Ouagadougou, Ministère du plan et de la
coopération, 326 p.
110 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 88.
111 Institut National de la Statistique et du
Développement (INSD), 1994, Analyse des données de
l'Enquête Démographique de 1991. Deuxième partie :
Phénomène démographique, Ouagadougou, Ministère du
plan et de la coopération, 175 p.
61
« Parallèlement à ces mouvements de
retour, on enregistrait des départs migratoires. Les résultats de
l'enquête ont également dénombré 293 870
émigrés durant la période de référence, soit
presque 49 000 personnes par an. Ces départs migratoires traduisent en
partie la forte circulation migratoire entre le Burkina Faso et la Côte
d'Ivoire. »112 Ces chiffres montrent que des flux
migratoires ont bien continué à la veille du XXIe
siècle.
A partir des années 2000, la situation
socio-politique, économique et culturelle des pays au monde est
très changeant et varie d'une année à une autre, d'un pays
à un autre. Ces bouleversements permanents qui surviennent dans les pays
font des migrants internationaux en général et des
émigrés burkinabè en particulier des potentielles
populations en situation permanente d'expulsion dans leurs pays d'accueil.
« La crise ivoirienne de 2002, les expulsions des Burkinabè de
la Libye, du Gabon et de la Guinée, ont suscité des retours
massifs. »113 explique Irissa ZIDNABA. A cela s'ajoutent, les effets
de la crise économique de 2008 en Italie, en Allemagne, en France ; la
crise sécuritaire au nord du Mali, au nord du Nigeria ; etc. Ces crises
ont toutes entrainé des vagues de migrants burkinabè de retour,
parfois minime et parfois immense.
Des nouveaux concepts migratoires sont nés à
partir des années 1990 et se poursuivent jusqu'à nos jours chez
les migrants burkinabè. Ce sont les « migrations circulaires
», les « pratiques transnationales migratoires », les «
investissements migratoires », les « migrations de refuge », les
« personnes déplacées internes », etc. Autrement dit,
la migration connait une diversification sans précédent de ses
mobiles, sa typologie, ses trajets, ses impacts. Plusieurs diasporas
burkinabè existent de par le monde avec pour objectif de faciliter
l'insertion de leurs compatriotes dans les zones d'accueil.
Les migrations internationales des Burkinabè peuvent
être réparties en trois séquences chronologiques allant de
la période coloniale à nos jours en passant par la période
postcoloniale. Le contexte politique, socio-économique dans lequel se
pratiquait l'émigration des Burkinabè conditionnait la nature de
ces migrations : migration de travail, migration libre et volontaire, migration
forcée, migration de fuite, etc. Plusieurs mobiles, dépendants
(condition sociale ou économique précaire) ou indépendants
(contexte politique et économique) du migrant justifiaient son choix
d'émigrer. Du Ghana à la Côte d'Ivoire, puis de l'Afrique
à l'Europe, tel a été le parcours résumé des
migrations internationales des Burkinabè depuis la période
coloniale.
112 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 89.
113 ZIDNABA Irissa, Idem, p. 89.
62
II_ Gestion des migrations internationales des
Burkinabè
Plusieurs autorités publiques, des structures
nationales, des organismes internationaux en charge de la migration, des
organisations de la société civile, des partenaires techniques et
financiers ont travaillé sur la question de la migration internationale
des Burkinabè. Cependant, l'immensité des acteurs chargés
de la question migratoire au Burkina Faso n'a pas toujours facilité
l'atteinte des résultats escomptés. Pour se faire, nous allons
donner un bref aperçu de la gestion des migrations internationales des
Burkinabè depuis la période coloniale jusqu'à nos
jours.
II_1. L'administration coloniale face à la
question de la migration
Sous la période coloniale, l'administration
était l'autorité compétente en charge de la
mobilité humaine des Voltaïques. Elle était chargée
d'organiser, d'orienter et de suivre les flux migratoires. Ainsi, des
décrets et recommandations issus du Gouvernement général
de l'Afrique Occidentale Française parvenaient à l'administration
coloniale. Ces mesures portaient sur des actions à mener en lien avec la
gestion de la main-d'oeuvre voltaïque.
Ce n'est qu'avec la création de l'Office Central du
Travail (OCT), qu'une structure en charge de la gestion de la main d'oeuvre va
apparaître. L'objectif principal de cet office était d'apporter
une meilleure gestion à la question de la main-d'oeuvre à travers
une répartition optimale des territoires de l'AOF. Par la suite, le
mécanisme sera renforcé avec la création d'une structure
financière pour les migrations de travail : la Caisse Provisoire de
Main-d'oeuvre. Selon Serge Noël OUÉDRAOGO, cette structure «
couvrait dans l'immédiat toutes les dépenses urgentes
après le recrutement des manoeuvres, c'est-à-dire, le transport,
les frais de route, l'hébergement, etc. »114
Toujours dans l'objectif de mieux réguler le secteur des migrations de
travail, le Syndicat Interprofessionnel pour l'Acheminement de la Main-d'oeuvre
(SIAMO) sera également créé en janvier 1950 en Côte
d'Ivoire. Très rapidement, le SIAMO va installer des centres de
recrutement à Ouagadougou, Bobo Dioulasso et Koudougou. L'objectif du
syndicat était d'« assurer la migration du plan grand nombre
possible de travailleurs au profit de toutes les entreprises ivoiriennes.
»
114 OUÉDRAOGO Serge Noël, 2016-2017, op.cit., 171
p.
63
La période coloniale a donc été une
période où la gestion de la migration avait pour but de mettre
à disposition des colonies ou des entreprises privées, des
migrants de travail issus de la colonie de Haute-Volta.
II_2. La gestion des migrations internationales
burkinabè pendant la période postcoloniale
Il est fortement regrettable que le Burkina Faso, pays
à caractère migratoire, n'ai pas pu se doter d'une politique
nationale en matière de gestion des migrations dès les
indépendances. Il a fallu attendre le 07 mars 2012 pour qu'une
Politique Nationale de Population115 soit adoptée.
C'est à cette démarche qu'on doit la mise en place en 2016 de la
Stratégie Nationale pour la Migration, 2014-2025. A la question
de savoir pourquoi les décideurs politiques ont mis assez
d'années avant de consacrer à la migration internationale une
attention particulière, la réponse la plus plausible semble
être le manque de volonté de la part des premières
autorités du pays.
Toutefois, d'un régime présidentiel à un
autre, la situation nationale en matière d'émigration des
populations a nécessité la prise de certaines mesures ou
directives. C'est le cas en 1981, où le gouvernement du Comité
Militaire de Redressement pour le Progrès National (CMRPN) a émis
une ordonnance face à la situation économique ivoirienne
dégradante. Il s'agissait de : « l'ordonnance n° 81-8
PRES.CMRPN du 11 mars 1981 portant suspension de l'émigration et du
décret n° 81-135 PRES.CMRPN du 12 mars 1981 définissant les
conditions de délivrance et d'utilisation du laissez-passer
institué par l'ordonnance n° 81-8 PRES.CMRPN du 11 mars 1981.
»116 L'objectif principal du régime militaire
dirigé par le Colonel Saye ZERBO était de suspendre
temporairement les migrations de travail des Voltaïques à
l'étranger. En raison de plusieurs facteurs, cette ordonnance n'arrivera
pas à atteindre les résultats escomptés.
Un autre régime politique, le Conseil National de la
Révolution (CNR) du Capitaine Thomas Isidore SANKARA, a adopté
une autre ordonnance en 1984 pour contrôler toute mobilité humaine
au Burkina Faso. Il s'agissait de « l'ordonnance n°84-49 CNR.PRES
du 4 août 1984 fixant les conditions d'entrée, de séjour et
de sortie du Burkina Faso des nationaux et des
115 Décret n° 2012-253/PRES/PM/MEF du 7 mars 2012
a adopté l'actuelle Politique Nationale de Population qui couvre la
période 2010-2030. Décret cité par le Ministère de
l'Economie et de Finances, 2012, Politique Nationale de Population
2010-2030, p. 48.
116 Journal officiel de la République de Haute-Volta
n° du 19 mars 1981.
64
étrangers. »117 Cette mesure
dans la pratique cherchait à protéger l'émigré
burkinabè lors de son activité migratoire.
Le régime politique qui s'en suivra, celui du
Président Blaise COMPAORE, va se démarquer de ces
prédécesseurs par la création de structures techniques et
nationales en charge de la migration. C'est l'exemple de la création du
Conseil Supérieur des Burkinabè de l'Étranger (CSBE) le 07
mai 1993118 puis réaménagé le 24 mai
2007119, en tant que structure chargée de la gestion de la
diaspora burkinabè. D'autres actions seront posées par le
gouvernement pour accompagner la diaspora : l'ouverture de nouveaux Consulats,
d'Ambassade ou la participation des Burkinabè de l'Extérieur
notamment ceux de la Côte d'Ivoire aux dernières élections
présidentielles120 et référendaires.
De nos jours, sous la présidence de son excellence
Roch Marc Christian KABORE, différentes politiques migratoires
nationales sont orientées vers la mobilisation de la diaspora
burkinabè afin d'en faire un partenaire financier pour le
développement socio-économique du pays. C'est d'ailleurs dans
cette optique, qu'en 2018, tout un Ministère est aménagé
et alloué à la gestion des Burkinabè de l'Extérieur
: c'est le Ministère de l'Intégration Africaine et des
Burkinabè de l'Extérieur (MIABE)121.
L'édification d'un Ministère chargé de la
définition et de la mise en oeuvre de la politique de
migration122, atteste de tout l'intérêt que les
décideurs politiques actuels accordent à la question des
migrations internationales des Burkinabè.
En rappel, avant même l'adoption de toutes ces mesures
politiques et la création des structures de gestion des migrations
internationales des Burkinabè, des accords et conventions ont
été signés au lendemain des indépendances entre la
Haute-Volta et quelques États de la sous-région. Ces accords
établissent les termes de collaboration entre les deux États pour
la gestion de la main-d'oeuvre voltaïque. Ce sont entre autres :
117 Journal officiel du Burkina Faso n° 33 du 16 août
1984.
118 Décret n° 93/132/PRES/PM/REX du 07 mai 1993
cité par OUÉDRAOGO Serge Noël, 2016-2017, op.cit., p.
211.
119 Décret n° 2007-38/PRES/PM/MAECR du 24 mai
2007 portant création, attributions, organisations et fonctionnement du
Conseil Supérieur des Burkinabè de l'Étranger, Journal
Officiel du Faso n° 24 du 14 juin 2007.
120 Prévu pour être effectif lors des
élections de 2010 et celles de 2015, le vote des Burkinabè de
l'extérieur a finalement eu lieu en 2020. Au total, 18 563
burkinabè ont pu voter en restant dans leurs pays d'accueil.
121 Décret n° 2018-0035/PRES/PM portant remaniement
du Gouvernement.
122 Décret n° 2018-1162/PRES/PM/MIABE portant
organisation du Ministère de l'Intégration africaine et des
Burkinabè de l'extérieur.
65
- La Convention du 9 mars 1960 entre le Gouvernement de la
République de Haute-Volta et le Gouvernement de la République de
la Côte d'Ivoire relative aux conditions d'engagement et d'emploi des
travailleurs voltaïques en Côte d'Ivoire.
- Le Protocole d'accord entre le Niger et la Haute-Volta du
23 juin 1964 autorisant la libre circulation et le droit d'établissement
pour les citoyens des deux États.
- La Convention d'établissement et de circulation des
personnes entre la Haute-Volta et le Mali du 30 septembre 1969.
- La Convention du 13 août 1973 entre le Gouvernement
de la République de Haute-Volta et le Gouvernement de la
République gabonaise relative à la coopérative technique
en matière de main-d'oeuvre.
- L'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement du Burkina Faso relatif à la gestion
concertée des flux migratoires et au développement solidaire du
10 janvier 2009.
II_3. L'accompagnement des organismes
sous-régionaux et mondiaux dans la gestion des
migrations
internationales burkinabè
Plusieurs structures, services et directions existent sur le
territoire national et sont impliquées dans la question migratoire du
Burkina Faso. Certaines de ces structures sont chargées de collecter des
données sur la migration : c'est le cas de l'INSD, de l'Agence Nationale
pour l'Emploi, de la Direction de la Police des Frontières, etc.).
D'autres par contre comme l'ISSP, les laboratoires de recherches
universitaires, les structures bancaires sont spécialisées dans
la production des données migratoires. Enfin, une dernière
catégorie est celle du groupe des consommateurs de données
produites sur la migration : les organismes sous-régionaux et
internationaux, la communauté des chercheurs, les partenaires
financiers, etc. De nos jours, les Organisations de la Société
Civile (OSC) s'intéressent également à la question des
migrations internationales et de la diaspora. C'est le cas de l'Associations
Tous pour le Combat de la Solidarité et de l'Intégration
(TOCSIN). Le TOCSIN, créé en 1997 a été
reconnu en 2013 d'utilité publique pour ses multiples actions
d'intégration et de sensibilisation des migrants burkinabè.
L'Etat burkinabè bénéficie de l'appui
stratégique, technique et financier de quelques institutions
internationales représentées à Ouagadougou. Il s'agit de
l'Organisation Mondiale
66
pour la Migration (OIM), l'Organisation Internationale du
Travail (OIT), le Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD), Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés
(HCR), l'Union Européenne (UE), etc.
L'analyse des flux migratoires des Burkinabè de
l'extérieur permet de distinguer trois principales phases dans
l'évolution des migrations internationales. La première phase, la
période coloniale est celle qui a amplifié les flux migratoires.
En effet, l'objectif de faire de la Haute-Volta un « réservoir de
main-d'oeuvre » a entrainé la réalisation de plusieurs
recrutements de travailleurs voltaïques en destination des colonies comme
la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Mali. Mais une partie des
populations s'opposa à ces migrations de travail et
préféra fuir les recrutements forcés pour se
réfugier dans la colonie de Gold Coast : c'est le début des
migrations de fuite. Durant la période coloniale, la plus grande partie
du flux migratoire était dirigée vers la Gold Coast jusqu'en
1947, période à laquelle la Côte d'Ivoire commençait
à supplanter la colonie britannique. Cette dualité entre la Gold
Coast et la Côte d'Ivoire dans le monopole des flux migratoires
burkinabè se poursuit dans la deuxième phase : de la
période postcoloniale aux années 1980. Entre 1947 à 1969,
le Ghana perd donc son monopole des flux migratoires à la faveur de la
Côte d'Ivoire. Tandis que l'économie ghanéenne faisait face
à des difficultés, la Côte d'Ivoire réalisait un
« miracle économique » avec une croissance qui attirait de
plus en plus de migrants travailleurs. Les Voltaïques vont effectuer
durant cette deuxième phase des migrations libres, des migrations
saisonnières ou circulaires en destination de la Côte d'Ivoire.
Quant à la troisième phase débutée en 1980, elle
est marquée par de vastes turbulences économiques et politiques
en Côte d'Ivoire. Un climat d'insécurité et de
persécutions des travailleurs voltaïques s'installe. Deux nouvelles
trajectoires dans les migrations apparaissent : le courant migratoire de retour
en Haute-Volta et le courant migratoire en destination des pays de la
sous-région, de l'Europe et même d'Amérique. C'est le
début de la diversification des migrations internationales des
Burkinabè. Puis à partir des années 1990-2000
jusqu'à nos jours, ce sont beaucoup plus les conditions
économiques, sociales et culturelles qui poussent les jeunes
burkinabè à l'émigration. La Banque Mondiale a
estimé à 1 642 600 émigrés burkinabè en 2013
soit 9.6% de la population totale (population estimée à cette
année à 17 600 000).123
123 World Banque Group, 2016, Migration and Remittances
Factbook 2016, Third edition, [version numérique
téléchargée en juillet 2020], p. 110.
67
L'évolution des flux migratoires burkinabè ne
s'est pas passée à l'insu des autorités politiques. De
l'administration coloniale au Gouvernement actuel en passant par les
régimes présidentiels du Burkina Faso, chaque décideur
politique a tenté de contrôler le phénomène
migratoire. Mais sa densité et sa dynamique ont très souvent mis
en échec les mesures politiques adoptées à son
égard. Par conséquent, la gestion nationale des migrations se
retrouve avec un bilan mitigé. Mais avec l'aménagement du
Ministère de l'Intégration Africaine et des Burkinabè de
l'Extérieur en 2018, nous nous attendions à une meilleure gestion
nationale de la question migratoire à travers la mise en place de
politiques nationales migratoires.
Nous retenons de ce chapitre, que les migrations
internationales des Burkinabè ont connu trois phases majeures : la
période coloniale, la période postcoloniale jusqu'aux
années 1980 et la période des années 1980 à nos
jours. Plusieurs mobiles ont été à la base des migrations
voltaïques à l'extérieur. Il y a les contraintes coloniales,
le manque de terres agricoles, les difficultés socio-économique
et politique des pays d'accueil (Ghana et la Côte d'Ivoire). Pour
échapper aux conséquences de ces crises, certains
Burkinabè vont migrer de la Côte vers les pays africains (Gabon,
Libye, Mali, etc.) ou de la Côte d'Ivoire vers les pays européens
(Italie, Allemagne). Le reste des Burkinabè fera une migration de retour
sur leur terre d'origine.
Quant aux migrations internationales des Bissa, ils sont
similaires à celui du pays en général. On y trouve trois
séquences du phénomène.
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