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Migrations et impacts socio-économiques à  Béguédo, centre-est, Burkina Faso : 1919-2017


par Thomas Frank Bancé
Université Joseph Ki-Zerbo - Master de recherche 2021
  

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Chapitre IV : Historique des migrations internationales des Bissa

Les Bissa, peuples originaires du nord Ghana actuel, partagent la région du Centre-Est burkinabè avec les Moose. Au regard des multiples déplacements que le peuple bissa a subi lors de son installation dans le « Bisako », la mobilité humaine est devenue une pratique très courante. La situation économique parfois difficile associée aux mesures coercitives engendrées par l'administration coloniale, certaines populations bissa se voient contraintes à émigrer. L'histoire des migrations internationales des Bissa est étroitement liée à celle des Burkinabè dans l'ensemble. Pour ce faire, nous avons distingué trois phases dans l'historique de l'émigration des Bissa : la période coloniale ; la période postcoloniale jusqu'aux années 1980 et des années 1990 à nos jours. Béguédo est certes une ville bissa mais la forte mobilité de sa population requiert que nous établissions l'historique des migrations internationales des populations de Béguédo.

Dans ce chapitre à deux parties, nous donnons un aperçu historique des migrations internationales en pays bissa dans la première partie. La deuxième partie est consacrée à l'historique des migrations des Bissa de Béguédo.

I_ Aperçu historique des migrations internationales en pays bissa

L'analyse des mobiles, du choix de la destination ou encore de la durée des migrations internationales des Bissa a conduit à la détermination de trois principales phases dans l'historique des migrations bissa. Durant chacune de ces phases, d'importants flux migratoires sont enregistrés.

I_1. La période coloniale

Situés au sud de la Haute-Volta, les Bissa occupaient pendant la période coloniale les cercles de Zabré et de Garango et une partie du cercle de Tenkodogo. Cette situation géographique des Bissa les rapprochait de la partie nord de la colonie de Gold Coast. C'est

pourquoi ils n'ont pas hésité à émigrer en Gold Coast lorsqu'ils fuyaient les recrutements forcés
de travailleurs ou encore les recouvrements d'impôts. C'est la naissance du courant migratoire des Bissa en destination de la Gold Coast. Les populations qui acceptaient de se faire recruter dans l'armée ou les travaux à l'étranger se retrouvaient dans des colonies comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Gabon ou en Afrique du Nord. Le tableau ci-dessous nous donne une vue large de la présence des Bissa à l'extérieur mais aussi des autres ethnies.

69

Tableau 5 : Répartition des émigrations (%) selon le groupe ethnique et selon la destination.

Destination/Ethnie

Mossi

Bissa

Gourmantché

Bobo

Divers
mandingues

Gourounsi

Famille
Sénoufo

Lobi-
Dagari

Peuls

Ensemble

Côte d'Ivoire

56,2

28,2

13,6

51,9

45,9

39,2

78,9

31,8

34,7

49

Ghana

28,6

52,7

65,6

3,7

10,3

38,2

1,4

52,2

31,6

30,6

Autres pays

15,2

15,2

20,8

44,4

43,8

22,6

19,7

16

33,7

20,4

Total

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

 

Source : RHV et RF, 1972, p. 26.

Ce tableau sur la proportion des ethnies émigrantes de la Haute-Volta permet de savoir que les populations choisissent d'émigrer dans la zone de destination la plus proche de leur localisation géographique. Ainsi, les Bissa (sud-est), les Gourmantché (Est) et les Lobi-Dagari (Sud-ouest) sont les ethnies dominantes en Gold Coast. Par contre, les Moose et les Senoufo émigrent plus en Côte d'Ivoire. Dans l'ensemble, on retient que les Bissa représentaient une proportion importante parmi les populations émigrantes de la Haute-Volta.

70

I_2. La période postcoloniale aux années 1980

Les migrations internationales des Bissa à partir de 1960 se feront toujours en direction de la Côte d'Ivoire et du Ghana mais cette fois-ci avec deux types de mobilité : des allers et retours fréquents (migration circulaire) ou des installations définitives dans le pays d'accueil (migration définitive).

Tableau 6 : Répartition des migrations circulaires (%) selon les zones de départ et d'arrivée.

Destination

Koudougou

Yatenga

Bissa

Ouagadougou

Koupéla

Kaya

Ensemble

Côte d'Ivoire

59

50

76

54

56

52

55

Ghana

10

18

58

16

31

16

29

 

Source : RHV et RF, 1975, p. 95.

Ce tableau montre que les Bissa représentent l'ethnie qui a le plus grand nombre d'émigrés à l'étranger qui effectuent des migrations circulaires. 76% des émigrés Bissa pratiquent la migration de mobilité en Côte d'Ivoire contre 58% au Ghana. Une autre caractéristique de ce tableau est qu'il montre que seuls les Bissa continuent à migrer au Ghana. Les autres ethnies abandonnant la destination Ghana.

Les migrations internationales des Bissa pendant la période postcoloniale s'expliquent par une situation socio-économique complexe dans le pays bissa. Irissa ZIDNABA observe que :

« Les caractéristiques migratoires des Bissa tiennent aux facteurs sociohistoriques et géographiques : le système colonial et l'insalubrité liée à l'onchocercose. Les migrations de refuge vers le Ghana se sont en effet inscrites dans un contexte de refus du système colonial qui a duré jusqu'en 1947, date à laquelle le travail forcé a été aboli, favorisant ainsi les installations définitives dans les pays d'immigration. L'épidémie de l'onchocercose ne favorisait pas également des retours migratoires, notamment dans les villages riverains des cours d'eau, Nakambé, Nazinon à cause de la contagion de la maladie. »124 Ainsi dit, on comprend aisément le dilemme dans lequel étaient les émigrés bissa, celui de choisir entre revenir au pays de départ avec tous les risques que cela comporte ou soit rester dans les pays d'accueil tout en risquant de ne plus revoir leur famille d'origine.

124 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 94.

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L'analyse des flux migratoires des Bissa est riche en données au regard des nombreuses études qui ont été menées à partir des années 1960. Les Bissa ont une fois de plus figuré parmi les populations dominantes en matière de migrations internationales en Haute-Volta. Les résultats du Recensement Général de la Population de 1975 chiffraient à 24 605 émigrés issus de la région du Centre-Est, un nombre qui équivaut à 5,7% de la population totale résidente. Quand bien même qu'il n'y ait pas de chiffres exacts sur le nombre de Bissa émigrés, on sait tout de même que 25% des émigrés de la région appartenait à Garango (terre des Bissa)125. La recherche de meilleures conditions de vie était le principal mobile des émigrés bissa.

Le Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 1985 fournit encore des données sur les flux migratoires des Bissa à l'international. La province du Boulgou, province peuplée en majorité par des Bissa, était la quatrième province qui fournit le plus d'émigrés avec 5,4% du flux total des émigrés du Burkina Faso. Les trois premières provinces étaient respectivement la province du Yatenga (14%), du Boulkiemdé (8%) et du Passoré (7%).126 Cette position de la province vient confirmer la présence des Bissa dans les courants migratoires internationaux. Cette place avancée des Bissa dans les mouvements migratoires au Burkina Faso les expose aussi aux bouleversements subis par les migrations internationales. A partir des années 1980, on assistait à des migrations de retour en masse dans la province du Boulgou. L'INSD avait enregistré 12 825 migrants de retour entre 1985 et 1991.127

I_3. Des années 1990 à nos jours

Les années 1990 vont constituer des années décisives dans les migrations internationales des Bissa dans la mesure où elles riment avec une approche nouvelle du phénomène migratoire. La crise sociale, économique et politique qui caractérise cette décennie sème le désarroi dans l'esprit des travailleurs étrangers. Et face aux licenciements consécutifs dû au marasme économique ivoirien, les étrangers étaient obligés de retourner sur les terres d'origine ou de s'aventurer sur de nouveaux horizons. Pour Irissa ZIDNABA, « c'est ainsi qu'à partir de ce pays [la Côte d'Ivoire], les migrants bissa ont saisi l'opportunité offerte par les réseaux cosmopolites

125 Institut National de la Statistique et du Développement (INSD), 1982, Recensement Général de la Population de 1975. Analyse des données démographiques, Département du Centre-est, Ouagadougou, République de la Haute-Volta, 57 p.

126 Institut National de la Statistique et du Développement (INSD), 1989, op.cit., 57 p.

127 Institut National de la Statistique et du Développement (INSD), 1994, Analyse des résultats de l'enquête démographique 1991, Ouagadougou, République de la Haute-Volta, 175 p.

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pour émigrer en Italie. »128 L'émigration des Burkinabè vers l'Italie venait de commencer. Le FORIM ajoute en disant que « les zones de départ sont par ailleurs beaucoup plus localisées que dans les cas français et ivoirien. Elles sont concentrées essentiellement dans la région du Centre-Est et plus spécifiquement dans la Province du Boulgou et des départements de Niahogo et de Béguédo. »129 Autrement dit, les Bissa sont l'ethnie majoritaire en Italie.

L'analyse des flux des migrations internationales des Bissa à partir des années 1990 montre deux trajectoires migratoires distinctes : les migrations de retour et les migrations en Italie. Au Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 2006, la région du Centre-Est, région des Bissa, avait accueillie 1 653 migrants de retour. Ce chiffre est important car il équivaut à 5,6% du total des émigrés de retour au Burkina Faso.130 Cette situation traduit la pertinence de la détérioration du contexte socio-politique et économique ivoirien. Par contre, les statistiques en Italie ont connu de grands bouleversements à partir des années 2000. Le FORIM observait que « Entre 1993 et 2007, l'effectif des immigrés burkinabè dénombrés en Italie par le Ministère de l'Intérieur italien est passé de 763 à 5 178, soit une augmentation d'environ 300 individus par an. » Cela atteste que les migrants burkinabè en l'occurrence les Bissa ont décidé de faire de l'Italien, le « nouvel eldorado » après le Ghana et la Côte d'Ivoire. Le FORIM ajoute que « la croissance de l'effectif des Burkinabè en Italie s'est accélérée de 2007 à 2013 à travers une augmentation de près de 1 000 individus. »131

Depuis les années 2010, suite à la crise économique de 2007-2008 en Italie et à une mécanisation des industries, l'Italie est de moins en moins attractive pour les émigrés bissa, surtout ceux qui sont à leur première tentative migratoire. Les destinations actuelles des jeunes bissa sont entre autres le Gabon, l'Algérie, la Guinée, l'Allemagne ou encore les Etats-Unis d'Amérique.

128 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 95.

129 Forum des Organisations de Solidarité Internationale issue des Migrations (FORIM), 2018, Comprendre et promouvoir la contribution de la diaspora dans le développement du Burkina Faso : Etudes de cas sur les organisations diasporiques en France, Italie et Côte d'Ivoire et leur rôle dans la création et la consolidation d'emplois, Made Afrique de l'Ouest, Paris, p. 16.

130 Institut National de la Statistique et du Développement (INSD), 2009, Recensement Général de la Population et de l'Habitat (RGPH) de 2006. Analyse des résultats définitifs ; thème 8 : migration, Ouagadougou, p. 58.

131 Forum des Organisations de Solidarité Internationale issue des Migrations (FORIM), 2018, op.cit., p. 18.

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II_ Historique des migrations internationales des Bissa de Béguédo

L'histoire des migrations internationales des Bissa de Béguédo est en partie liée à l'histoire des migrations internationales des Bissa. Les premiers bissa ayant émigrés en Italie via la Côte d'Ivoire dans les années 1980 étaient en majorité des ressortissants de Béguédo. Si aujourd'hui la commune de Béguédo est souvent appelée « petit Italien » ou « little Italian », c'est aussi montrer à quel point les ressortissants de Béguédo ont fait de cette destination migratoire leur « préférence ». Par ailleurs, la génération actuelle de jeunes émigrés semble ne plus avoir les mêmes préférences que leurs aînés ou leurs parents.

Cette partie est structurée en deux points : le premier point traite des différentes vagues de migration en Italie et le deuxième point présente les nouvelles destinations des émigrés bissa de

Béguédo.

II_1. Les vagues d'émigration en Italie

L'émigration des Bissa en Italie s'est faite autour de trois vagues distinctes les unes des

autres.

Tous les Bissa de Béguédo qui ont émigré en Italie avant 1990 en provenance de la Côte d'Ivoire font partie de la première vague. Ainsi, on comprend que les premiers émigrés Bissa en Italie n'ont pas quitté Béguédo pour aller en Italie. Ils ont d'abord émigré de Béguédo en Côte d'Ivoire et de la Côte d'Ivoire à l'Italie. Irissa ZIDNABA explique qu' « ils [les émigrés bissa] ont émigré en Italie à partir de la Côte d'Ivoire comme précédemment expliqué. La plupart des pionniers sont des Bissa qui se sont appuyés sur leurs relations professionnelles nées avec des cadres italiens en fin de mandat. »132 Quant au nombre et aux mobiles des émigrés bissa de Béguédo en Italie, Bernard HAZARD observe qu'« À partir de 1987, en fonction du processus de recomposition des espaces migratoires en Afrique de l'Ouest, les anciens migrants de Côte d'Ivoire reconvertis dans le commerce allèrent alors tenter leur chance en Italie, dans l'espoir de trouver des fonds permettant de redynamiser leurs affaires. De là, entre 1987 et 1994, ils organisèrent une filière familiale qui permit à un millier de Béguédolais de « partir à l'aventure », d'où ils assurèrent une diversification des sources de production de revenus et un

132 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 100.

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accroissement de la rente migratoire. »133 Mais pour plus de détails sur les pionniers de l'émigration bissa en Italie, Irissa ZIDNABA explique que le premier bissa à émigrer en Italie en partant de la Côte d'Ivoire est originaire du village de Ouarégou (5km de Béguédo) et c'était en 1973. Le deuxième bissa est allé en 1975 en provenance de la Côte d'Ivoire mais cette fois-ci originaire de Béguédo.134

La deuxième vague concerne tous les Bissa de Béguédo qui ont émigré en Italie entre 1990 et 1994. En effet, craignant une arrivée massive d'étrangers sur son sol, l'Italie a décidé de conditionner l'accès sur son territoire aux émigrés par la présentation d'un visa à partir de 1994. Mais avant, la loi 419 du 30 décembre 1989 dite « loi Martelli » adoptée en février 1990135 avait commencé à contrôler les entrées en Italie et établir des quotas annuels aux émigrés. Par ailleurs, au regard du besoin ardent en main d'oeuvre des activités arboricoles et maraichères au Sud de l'Italie, des migrations clandestines ou illégales étaient organisées : c'est le début de l'immigration clandestine en Europe. En d'autres termes, cette loi dit loi Martelli n'a pas pu arrêter les émigrations des Bissa en Italie. Les Bissa ont usé de leurs réseaux familiaux pour aider les nouveaux à s'insérer en Italie. Il y a eu très peu de chiffres sur les émigrés de la deuxième vague au regard du type d'émigration qui prévalait. Toutefois, Éric-Bertrand Pasba BANGRE note que le Ministère de l'intérieur italien a délivré 769 permis de séjour à des émigrés Burkinabè136 qui sont en majorité des émigrés bissa.

Les émigrés bissa de Béguédo arrivés en Italie à partir de 1994 sont des émigrés de la troisième vague. Ils sont rentrés sur le sol italien à travers deux stratégies : les migrations de regroupements familiaux et l'immigration clandestine. Pour les émigrés ayant utilisés le premier canal, Irissa ZIDNABA explique que « le regroupement familial est un droit accordé au travailleur migrant résidant légalement dans un pays donné de réunir les membres de sa famille afin de rétablir l'unité familiale de façon permanente. » C'est donc en application de ce droit, que la plupart des émigrés de la première vague vont faire émigrer leurs femmes, leurs enfants et leurs parents proches. Les candidats à l'émigration n'ayant pas donc d'affiliation avec un immigrant bissa en Italie étaient contraints d'utiliser l'autre canal : celui de l'immigration

133 HAZARD Benoît, 2004, op.cit., p. 8.

134 ZIDNABA Irissa, 2016, op.cit., p. 100.

135 ZIDNABA Irissa, 2016, Idem, p. 101.

136 BANGRE Eric-Bertrand Pasba, 2005, op.cit., p.95.

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clandestine. Toutefois, les émigrés clandestins avaient une trajectoire migratoire différente car ils devaient transiter par la région de Naples (Sud de l'Italie) avant de rejoindre la région du Nord, plus industrialisée avec des droits de travail meilleurs que ceux du Sud. 137 Deux des caractéristiques de cette troisième vague migratoire en Italie sont la jeunesse de ses émigrés mais aussi la présence du genre féminin. Tous les Bissa qui émigrent actuellement en Italie sont classés dans cette troisième vague migratoire.

II_2. Les nouvelles destinations des émigrés bissa de Béguédo

L'Italie n'est pas la seule zone d'accueil des émigrés bissa. Ce pays a juste eu le mérite d'être la première destination des Bissa en Europe mais aussi d'avoir permis à plus de trois générations de populations bissa de pouvoir se ressourcer financièrement pour offrir de meilleures conditions de vie économique à leurs familles d'origine.

Par ailleurs, avec la crise économique de 2008 qui a entrainé deux recessons en Italie (2008-2009 et 2011-2012), le marché de l'emploi de la main d'oeuvre non qualifiée s'est atténué. Il devenait plus difficile d'obtenir un emploi sans une qualification dans un domaine. Aussi, la modernisation de l'agriculture italienne à partir des années 2000 a rendu minime le besoin en main d'oeuvre agricole. Souvent qualifiés de « cultivateurs de tomates » par les autres ethnies burkinabè, la force de travail des émigrés bissa semble ne plus être nécessaire en Italie. Bref, on assiste doucement à une saturation du marché italien. La réorientation du flux migratoire des Bissa commence à se faire valoir.

A cette même période en Afrique, d'autres pays laissaient entrevoir des besoins de main d'oeuvre pour soutenir leurs secteurs économiques. En effet, certains pays de l'Afrique du Nord, de l'Afrique centrale et de l'Afrique de l'Ouest ont mis en place une économie florissante. C'est pour cela que de nos jours, les émigrés bissa sont plus attirés par des destinations africaines comme le Gabon, l'Algérie, la Guinée, la Libye, etc. Ces pays africains se révèlent être en majorité des territoires de transit vers l'Europe pour les émigrés.

En sommes, on retient que ce chapitre sur les migrations internationales des Bissa nous a permis de retracer l'historique d'un phénomène débuté au XXe siècle pour se poursuivre au siècle suivant. En effet, l'administration coloniale semble avoir été la variable qui a intensifié

137 Forum des Organisations de Solidarité Internationale issue des Migrations (FORIM), 2018, op.cit., p. 30.

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l'émigration des Bissa. Les premières destinations étaient le Ghana et la Côte d'Ivoire puis vint la traversée du continent africain vers l'Europe. Les flux migratoires produits lors des migrations des Bissa à l'étranger sont énormes et sont restés constants dans la majorité du temps.

Les Bissa de Béguédo se singularisent dans cette émigration de masse pour avoir eu le mérite d'être aujourd'hui l'ethnie majoritaire d'émigrés en Italie. Ce statut leur confère de nombreux avantages tels que l'amélioration des conditions de vie de leurs familles restées à Béguédo, la réalisation d'investissement immobilier à usage économique ou social, des investissements économiques.

77

En guise de conclusion, on retient que cette deuxième partie qui traite du contexte des migrations internationales des Bissa a permis de découvrir le climat socio-économique et politique dans lequel les migrations internationales des Burkinabè en général et des Bissa en particulier se sont déroulées. Partis de l'étude des migrations des Burkinabè à l'étranger dans un premier temps, nous avons pu établir que les mesures administratives prises pendant la colonisation ont été à l'origine de la migration de masse des Voltaïques avant les années 1960. Puis, ce sont les potentialités économiques de la Gold Coast (Ghana actuel) qui attireront les travailleurs voltaïques avant que la Côte d'Ivoire offre à son tour des conditions économiques plus attractives aux Burkinabè. On s'aperçoit donc que les principales destinations des émigrés burkinabè ont été le Ghana et la Côte d'Ivoire dans un premier temps puis le reste de l'Afrique et de l'Europe dans un second temps.

Les migrations internationales des Bissa, une des ethnies les plus mobiles du Burkina Faso, est singulière mais pas assez différente de celles des Burkinabè en général. L'émigration des Bissa tire son origine également de la période coloniale avec les mêmes zones d'arrivée : Ghana, Côte d'Ivoire, Italie. C'est surtout la préférence de l'Italie (comme zone de destination) aux autres pays européens par les Bissa qui fait la particularité de cette émigration. Les émigrés bissa ont fait de l'Italie leur « fief » en réalisant de fortes émigrations de masses depuis les années 1980 jusqu'à nos jours. Ce choix de destination des Bissa semble être efficace au regard des investissements réalisés par ces derniers en pays bissa. Et c'est justement en termes d'impacts socio-économiques des migrations internationales, que les émigrés de la commune de Béguédo ou « les Italiens »138 attirent toute l'attention de leurs confrères. Par conséquent, on peut se demander de savoir : quels sont les impacts socio-économiques des migrations internationales dans la commune de Béguédo ?

138 Le terme Italien a été attribué aux émigrés bissa d'Italie. Le terme offre un certain nombre de prestiges à son porteur construisant un certain mythe au passage. Le rêve de nombreux candidats à l'émigration est de pouvoir porter un jour ce titre d'Italien nous confient les jeunes de la commune de Béguédo.

78

TROISIÈME PARTIE : IMPACTS SOCIO-

ÉCONOMIQUES DES MIGRATIONS

 

79

Plusieurs travaux scientifiques ont été effectués sur la migration avec des problématiques aussi diverses que riches en enseignement. La problématique de la contribution des migrations au développement économique des pays bénéficiaires revêt de plus en plus une importance au sein de la communauté scientifique et des décideurs publics. En effet, les transferts de fonds des migrants constituent la première source de financement en Afrique se situant en première position devant les investissements directs étrangers (IDE) et l'aide publique au développement (APD) selon une étude publiée par le Policy Center for the New Sud139.

Pour une petite commune comme Béguédo de par sa superficie, les migrations internationales de sa population semblent avoir des impacts sur le développement social et économique de la commune. Il s'avère important de montrer en quoi les fonds transférés par les émigrés améliorent la vie sociale et économique des ménages bénéficiaires ? Quels types d'investissements sont réalisés par les émigrés à travers les fonds transférés ? Dans quelle mesure les investissements des émigrés contribuent-ils à accélérer la croissance de Béguédo ? Quelles peuvent être les retombées négatives du phénomène migratoire sur les populations de la commune ? Pour répondre à toutes ces questions, des données statistiques ont été mises à contribution (appuyées d'enquêtes terrains) sur la ville de Béguédo lors de ces trois (03) dernières années soient de 2017 à 2019. Toutefois, comme annoncer au début de notre étude, nous accordons plus d'intérêt aux effets positifs de l'émigration à Béguédo qu'aux conséquences négatives.

Cette troisième partie est subdivisée en deux chapitres. Le premier chapitre présente les caractéristiques des ménages de la commune de Béguédo. Le deuxième chapitre révèle les fonds et les investissements des émigrés de Béguédo puis évoque les retombées négatives de la migration sur Béguédo.

139 OUMANSOUR Nor-eddine et al., 2019, Les transferts de fonds des migrants vers l'Afrique exercent-ils un effet de levier sur l'investissement et sur la croissance économique ? Rabat, Policy Center for the New Sud, p.7.

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La Quadrature du Net

Ligue des droits de l'homme