CHAPITRE V : DISCUSION DES RESULTATS
V.1. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
V.1.1. Fréquence de l'anémie
néonatale à l'hôpital Heal Africa
Au cours de cette étude nous avons travaillé
sur un échantillon de 30 cas d'anémie néonatale sur un
total de 933 enfants hospitalisés pendant 24 mois, soit une
fréquence générale de 3,2%. Dans les séries
étrangères, sa prévalence est variable selon les modes de
recrutement et le contexte épidémiologique. C'est ainsi pour
ABDELALI GM [23], elle est de 2,7% ; pour DANIELE C et KEDY K [2] elle est de
8,71% et des prévalences très élevées ont
été retrouvées à Yopougon à Abidjan (56,8%)
par DICK-AMON et all [24].
Ces chiffres quoi que différents restent tout de
même élevés quel que soit l'endroit où l'on se
trouve, et devraient permettre de tirer la sonnette d'alarme sur cette
pathologie néonatale bien souvent négligée sur le plan
épidémiologique. De plus, il est bien établi que le
nouveau-né est particulièrement sensible à
l'anémie. Cette sensibilité est accentuée par les
multiples pathologies néonatales affectant directement (hémolyse,
infections. .etc.) ou indirectement (spoliation, hémorragie . .etc.) la
lignée des globules rouges [9].
V.2. Les caractéristiques
sociodémographiques
Dans notre étude, le sexe masculin a été
le plus représenté avec 70%. Le sexe ratio était de 2,3.
Cette prédominance masculine est supérieure à celle de
YOUSSEF A et coll. [15] qui ont trouvé 33,3% et semblable à ceux
de KAMGA [17] en 2016 au Cameroun et l'étude menée en Tunisie par
ATI J [16] qui notaient aussi une prédominance des garçons par
rapports aux filles, soit respectivement 63,1% et 58,5% des cas. Cette
prédominance masculine a également été notée
par TOURE A [18] en 2012 au Mali et DANIELLE K et al en 2013 [19] au Cameroun
qui ont trouvé respectivement 60,9% et 57,7% des cas. Cependant, nous
n'avons pas trouvé d'association entre le sexe et l'anémie
néonatale dans cette étude, la valeur de p-value étant
strictement supérieure au seuil de significativité (0,3>0,05).
Cela signifie que le sexe du nouveau-né n'a pas d'influence
significative sur l'évolution de l'anémie néonatale.
La majorité de nos patients ont développé
leur anémie pendant leur première semaine de vie, soit 63,3% des
cas, ce qui rejoint les résultats trouvés à l'institut de
nutrition et de santé de l'enfant à Dakar par CAMARA A et all
[21], soit 66,7% des cas. Il ressort de cette étude que, l'âge du
nouveau-né a une influence l'évolution de l'anémie
néonatale avec un P=0,013 statistiquement significatif.
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Dans notre étude, les prématurés ont
représenté 76,7% des cas et l'âge gestationnel compris
entre 32-34 SA a été le plus représenté chez les
prématurés soit 43,5% des cas. Selon l'OMS, en Afrique
Sub-saharienne, l'anémie est une pathologie fréquente et grave
surtout chez le prématuré, sa prévalence est de 51,5%.
Elle prédomine dans la tranche d'âge 32-34SA (42,1%) [6], ce qui
est en accord avec nos résultats (43,5%). Les mêmes observations
sont rapportées en 2014 dans l'étude de Dollat C [25] en France
avec une proportion de 93,1% de nouveau-nés prématurés
anémiques sur une population d'étude comportant 101
nouveau-nés. En Côte d'Ivoire, la prévalence de
l'anémie du prématuré a été de 25% au CHU de
Yopougon et de 21,5% au CHU de Cocody selon DICK-AMON et all [24].
L'anémie chez le nouveau-né prématuré est
fréquente et attendue. Elle est une conséquence quasi obligatoire
de la prématurité, se produisant malgré l'absence de toute
cause pathologique de nature hémorragique ou hémolytique [14,15].
Il s'agit d'une anémie physiologique qui s'explique par une suppression
de la réponse postnatale à l'érythropoïétine
(elle-même secondaire au taux élevé de la PaO2 postnatale
en rapport avec le taux d'hémoglobine foetal très
élevé), une durée de vie courte des globules rouges chez
le nouveau-né, une croissance rapide de l'organisme, une augmentation
rapide du volume sanguin à mesure qu'il grandit alors que le stock
d'hémoglobine est plus faible et une spoliation sanguine importante [23,
25]. Ceci pourrait justifier la proportion élevé de
l'anémie chez les nouveau-nés prématurés (76,7%)
dans notre étude.
La majorité des femmes (36,7%) de notre étude
n'avait pas suivi de CPN et 33,3% avaient fait en nombre insuffisant (1-3 CPN).
Cela pourrait s'expliquer par la méconnaissance de l'importance de la
consultation prénatale. Ceci est lourd de conséquences
étant donné que cette consultation constitue une activité
conduisant à la prévention de plusieurs situations
déplorables telles que les infections maternelles (d'infections
urogénitales : 30%, paludisme : 36,7%...) pouvant conduire aux
infections néonatales, la prématurité, l'avortement, les
mort-nés, le faible poids de naissance et le paludisme
congénital. En analysa la dépendance entre le suivi
prénatal et l'âge gestationnel du nouveau-né, nous
constatons que le suivi prénatale (CPN) n'est pas en association avec
l'âge gestationnel du nouveau-né, P=0,578. Mais le suivi
prénatale (nombre de CPN) n'est pas en corrélation avec
l'évolution de l'anémie néonatale chez nos patients car
P=0,407>0,05.
Notre résultat est comparable à celui de GUINDO
S [26] qui décrit 56,80% de femmes n'ayant pas fait de CPN et il n'a pas
trouvé de lien entre la fréquence de l'anémie et la
consultation prénatale.
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V.2. DONNEES CLINIQUES
1. Signes cliniques
Les principaux signes cliniques étaient la
pâleur cutanéomuqueuse (43,3%) et l'ictère (33,3%). La
pâleur des téguments est un signe très subjectif qui
dépend de l'appréciation de l'observateur. Des études
réalisées par l'OMS dans plusieurs pays ont montré une
faible sensibilité du degré de pâleur des conjonctives :
62% des anémies ne sont pas détectées par cette
méthode. Néanmoins, lorsque l'anémie est
sévère (taux d'Hb < 8g/dl) la sensibilité est meilleure
[27]. L'anémie est l'une des causes les plus fréquentes de
pâleur persistante. Elle correspond à une baisse du taux
d'hémoglobine dans le sang. Dans ce cas, la pâleur est
généralisée, mais elle se voit surtout au niveau des
ongles, du visage et des paupières, des plis des paumes, les
lèvres, l'intérieur des yeux, la face interne des joues, etc. Il
découle de cette étude que les signes cliniques n'étaient
pas en corrélation avec l'évolution de l'anémie
néonatale chez nos patients. En effet, le P-value=0,239>0,05
n'était pas statistiquement significatif.
2. Etiologies (pathologies associées)
L'infection néonatale demeure une pathologie
préoccupante par sa fréquence et sa gravité. Sa
gravité est liée à l'immaturité immunologique du
nouveau-né et au risque de mortalité qui est de l'ordre de 10
à 30% selon les séries. Elle s'explique aussi par le retard du
diagnostic avec un délai moyen d'hospitalisation par rapport aux
premières manifestations cliniques de 9H. Presque tous les agents
pathogènes (bactéries, champignons et virus) peuvent être
responsables d'infection chez le nouveau-né. Cependant, l'infection
à parvovirus B19 anténatale peut engendrer une anémie
foetale sévère [28,29]. Dans les syndromes infectieux
sévères, les mécanismes de l'anémie sont multiples
associant non seulement une érythroblastopénie mais aussi un
hyper hémolyse due aux toxines microbiennes [30].
Dans notre étude, l'anémie néonatale
était d'origine infectieuse dans 9 cas soit 47,3% de l'ensemble des
étiologies. En effet, selon RIGOURD V [31] la CRP est le meilleur
indicateur de la phase aiguë de l'inflammation. Sa
spécificité est de 90%, sa sensibilité après
l'âge de 12h de vie est de 89%.
L'anémie néonatale était associée
à la prématurité dans 76,7% des cas. Des proportions
similaires ont été trouvées par ABOUSSAD A [32], RIGOURD V
[33] et ALT R [34], soit respectivement 79,2% et 77,88% des cas d'anémie
due à la prématurité. Cette étude a montré
que l'étiologie est en association avec l'évolution de
l'anémie néonatale chez nos patients (P=0,040).
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2. Paraclinique
Dans notre étude 20 nouveau-nés ont fait une CRP
et 16, 80% avaient une CRP positive. L'anémie néonatale
était sévère chez 23,3% des cas, le dosage de la
bilirubine a été fait chez 18 nouveau-nés et 14 soit 77,7%
avaient un taux de bilirubine libre au-delà de 50 mg/l ; le test de
Coombs direct a été fait chez 4 nouveau-nés dont 1 cas
avait un Coombs direct positif soit 25%. Cette série montre que
l'âge gestationnel influence la sévérité de
l'anémie néonatale avec un P=0,015 qui est statistiquement
significatif. D'autres auteurs comme : DICK-AMON et all [24] (P=0,0023) et
ABDELALI GM [23] (P=0,001) ont trouvé de corrélation entre
l'âge gestationnel et la sévérité de
l'anémie, plus la prématurité est grande plus
l'anémie est sévère. Cela pourrait se justifier la
l'immaturité de l'érythropoïèse.
V.3. PRISE EN CHARGE
En dehors de la transfusion, la photothérapie et
l'exsanguino-transfusion, d'autres moyens thérapeutiques sont
indiqués selon l'étiologie à savoir
l'antibiothérapie [35].
La transfusion sanguine est une pratique courante en
néonatologie. Les changements de la pratique transfusionnelle en
période néonatale ont permis de faire chuter le pourcentage
d'enfants transfusés. Les directives transfusionnelles tiennent compte
de plusieurs facteurs, notamment les taux d'hémoglobine et
d'hématocrite, l'âge gestationnel à la naissance,
l'âge postnatal, la rapidité d'installation de l'anémie et
sa tolérance [36].
Dans notre étude 14 nouveau-nés ont
été transfusé soit 46,6%. Une parfaite connaissance des
particularités hématologiques spécifiques aux
nouveau-nés permet d'assurer une efficacité optimale et de
réduire au maximum les risques inhérents à cette pratique.
En revanche, un taux d'Hte ou d'Hb bas sans signe clinique, ou le remplacement
des spoliations sanguines par prélèvements itératifs, ne
constituent pas une indication à transfuser. La quantité à
transfuser habituellement préconisée est de 15ml/kg,
administrée en intraveineuse lente(IVL) sur deux à quatre heures,
sans corriger au-delà d'un hématocrite à 45% ou d'un taux
d'hémoglobine de 15g/dl. Une étude récente a montré
que la transfusion d'un volume de 20ml/kg par jour était plus efficace
qu'un volume de 10ml/kg par jour chez le prématuré, en termes
d'augmentation du taux d'hémoglobine et de réduction du nombre de
transfusions [36,37].
Le traitement de l'hyper bilirubinémie vise à
éviter des concentrations de bilirubine pouvant susciter l'apparition
d'un ictère nucléaire. La photothérapie, demeure une
intervention thérapeutique efficace qui réduit les concentrations
de bilirubine et qui, par conséquent, prévient l'atteinte des
niveaux de bilirubine élevés reliés aux séquelles
permanentes.
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Les soins complémentaires à une
photothérapie consistent à assurer une bonne hydratation, on
préserve un bon débit urinaire, ce qui contribue à
l'élimination des dérivés de la photo-oxydation. Le
meilleur système pour assurer cet objectif est l'alimentation
précoce, qui permet par ailleurs d'interrompre la circulation
entéro-hépatique de la bilirubine. L'allaitement maternel est
recommandé en toute circonstance, bien que, au cas par cas, on puisse
proposer, en accord avec la mère après lui avoir exposé le
rapport risques/bénéfices, une substitution temporaire avec un
lait adapté [38]. Dans notre étude 4 nouveau-nés ont
bénéficié d'une photothérapie soit 13,3%. L'analyse
de la dépendance entre le traitement et l'évolution de
l'anémie a montré que l'évolution n'est pas en
corrélation avec le traitement (P=0,351). Une affirmation similaire a
été faite par KAMGA [17] en 2016 au Cameroun (P=0,243).
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