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La répression d’infractions d’affaires en droit pénal de l’Ohada.


par Roger Bokungu
Université Catholique du Congo - Licence en droit 2018
  

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CHAPITRE I. APPROCHE ANALYTIQUE ET EXPLICATIVE DES
INFRACTIONS EN DROIT DE L'OHADA

Pour l'atteinte de ses objectifs, ceux relatifs à la sécurité juridique et judiciaire à l'investissement, l'Ohada, un vaste mouvement d'intégration juridique12, a utilisé parmi les moyens pour y parvenir, la répression et la prévention des actes qui compromettent les affaires. La décision d'harmoniser le droit des affaires en Afrique rendait inévitable cette délicate rencontre entre le droit pénal et le droit communautaire13.

Loin de la simple consécration, il s'avère parfois impérieux d'effectuer un état de lieu du droit pénal dans les États parties pour se rendre compte de son impact dans la mise en oeuvre des objectifs et objet de l'Ohada.

Et il faut rappeler qu'en se reconnaissant une compétence de législation en matière pénale, le législateur communautaire ne s'est rendu compétent que dans la description des éléments matériels et moraux, en laissant aux États parties, le soin d'annoncer les doses de sanctions conséquentes14, les États membres ont donc le pouvoir de déterminer l'élément légal.

Ainsi, il convient de procéder à une approche analytique des infractions contenues dans les Actes Uniformes, de manière à se rendre compte du régime de sanction pénale pris par les États parties. Pour ce faire, l'analyse des infractions contenues dans l'acte uniforme portant droit commercial, sureté et droit des sociétés commerciales (Section 1) précède l'approche explicative des incriminations contenues dans l'acte uniforme relatif aux procédures collectives, aux procédures simplifiées et au droit comptable dans l'espace Ohada (Section 2).

12 ISSA SAYEGH J. et LOHOUES-OBLE J., Op. cit, p.38

13 NDIAW D. « Actes uniformes et Droit pénal des États signataires du Traité de l'Ohada : la difficile émergence d'un droit pénal communautaire des affaires dans l'espace Ohada», in revue burkinabé de Droit, n°7, Ouagadougou, 2001, p. 19

14 TCHANTCHOU H. et AKUETE AKUE M., « l'Etat d'application du droit pénal dans l'espace ohada », in revue de l'ERSUMA, n°spécial, Cotonou, novembre-décembre 2011, p.22

12

SECTION 1. ANALYSE DES INFRACTIONS CONTENUES DANS
L'ACTE UNIFORME PORTANT DROIT COMMERCIAL, SURETE ET
DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES DANS LES ETATS-
PATRIES

En effet, la présente section aborde la notion et les éléments constitutifs des infractions contenues dans l'acte uniforme portant droit des sociétés commerciales et groupement d'intérêt économique d'aune part (§1), et analyse d'autre part le régime répressif des incriminations portées par l'acte uniforme portant droit commercial général et l'acte uniforme relatif aux suretés (§2),

§1. NOTIONS ET ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS CONTENUES DANS L'ACTE UNIFORME RELATIF AU DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES

En général, les règles juridiques applicables dans la plupart de pays d'Afrique en matière de sociétés, portent la marque de l'héritage de la puissance mandataire ou coloniale. En tout état de cause, au Cameroun comme en République démocratique du Congo, ou plus généralement dans les pays africains francophones. Aujourd'hui membres de l'OHADA, ils ont pour principal cadre juridique, l'Acte Uniforme relatif au Droit des sociétés commerciales et du Groupement d'intérêt économique.15 Il est constitué de 920 articles comprenant un chapitre préliminaire et quatre parties.

Il convient de signaler qu'avant l'ohada, le législateur congolais en ce qui concerne le droit pénal des sociétés a longtemps, au détriment des intérêts des associes, des actionnaires, des tiers et du fisc, maintenu un vide juridique. Le décret du 27 février 1889 sur les sociétés commerciales n'a pas prévu d'infractions propres aux sociétés commerciales, l'on retrouve en matière de responsabilité pénale des dirigeants sociaux en droit congolais, quelques infractions éparses pratiquement inappropriées.

15 Adopté à Cotonou le 17 avril 1997, et publié dans le journal officiel de l'OHADA à Yaoundé le 11 octobre 1997, entré en vigueur le 1 er janvier 1 998 conformément à son article 920-2, il sera révisé le 30 janvier 2014 à Ouagadougou (Burkina Faso), entre en vigueur le 05 mai 2014

13

Il est déplorable de se contenter à appliquer des sanctions civiles en lieu et place des sanctions pénales en cas de violation de la législation sur les sociétés commerciales. 16 L'inexistence d'un droit pénal congolais des sociétés a favorisé un accroissement des comportements abusifs dans le chef des dirigeants sociaux en RDC. Les dirigeants insoucieux des masses monétaires qui ne leur appartiennent pas, en abusent et vont jusqu'à confondre le patrimoine social en patrimoine personnel,17 d'où l'adhésion de la RDC à l'ohada a constitué une avancée significative à travers des incriminations portées notamment par l'AUSCGIE.

Il convient de noter par ailleurs que les incriminations visées par l'AUSCGIE sont en principe intentionnelles puisqu'elles supposent la mauvaise foi de l'auteur de l'infraction. Elles reposent sur la volonté délibérée du dirigeant de société de poser un acte passible d'une sanction pénale. Le recours constant à l'adverbe « sciemment » marque l'attachement du législateur communautaire au principe criminel de la nécessité d'une intention coupable18 et plusieurs conditions sont donc requises pour qu'une personne, dirigeant social, soit sanctionnée pénalement.

Il faut en effet qu'une infraction soit imputable au dirigeant social ; que ce dirigeant social ait commis une faute de gestion, de direction ou d'administration ; et que cette faute résulte d'un acte injustifié.

Il y a lieu de rappeler tout de même que ces incriminations sont consacrées à la troisième partie dudit acte uniforme, abordant ainsi des infractions relatives à la constitution d'une société (A), celles relatives au fonctionnement de la société (B), les infractions liées à la dissolution, à la liquidation ainsi qu'à l'appel public à l'épargne (C) ; ce qui amène à les analyser tout en exposant certaines sanctions répressives prises par quelques États parties.

A. DES INFRACTIONS RELATIVES A LA CONSTITUTION D'UNE SOCIETE

Les fondateurs de société sont parmi les personnes qui concourent activement à la réalisation de toutes les opérations conduisant à sa constitution. Leur travail débute dès l'accomplissement des premiers actes réalisés dans le but de la constitution de la société, et il prend fin dès la signature des statuts par tous les associés ou l'associé unique.

16MUANDA N., le Droit pénal des affaires, Op. cit. p.59 17 Idem

18EBELE DIKOR A., « La responsabilité pénale des dirigeants sociaux du fait d'infractions non intentionnelles », in Revue de l'ERSUMA, n° 6, Cotonou, Janvier 2016, p.2

14

En effet, le législateur de l'ohada a prévu un certain nombre de conditions de fond à respecter et de formalités à accomplir pour la validité de la constitution de la société. Ces conditions de fond et de forme sont encadrées par un contrôle préventif de l'autorité administrative et leur violation est parfois réprimée, le cas échéant, par l'autorité judiciaire.19

La première infraction relative à la constitution d'une société est le fait pour les fondateurs, le président-directeur général, le directeur général, l'administrateur général ou adjoint d'une société anonyme d'émettre des actions avant l'immatriculation ou à n'importe quelle époque lorsque l'immatriculation est obtenue par fraude ou que la société est irrégulièrement constituée.20 Il y a lieu de comprendre donc qu'en aucun cas, des actions ne peuvent être émise dans une société anonyme sans que la société soit préalablement immatriculée ; aussi, les actions sont émises mais que l'immatriculation s'avère être obtenue de manière frauduleuse ; et enfin, au delà de l'émission d'action, il semble que la société n'est pas régulièrement constituée.21

Et cela sur la responsabilité pénale du dirigeant social et/ou des fondateurs22. Il convient alors de se demander si cette possibilité, étant proscrite à la société anonyme, est autorisée dans la société par action simplifiée.

En terme d'élément moral, c'est que la lecture de l'article 886 de l'acte uniforme n'indique pas clairement la nature de l'infraction d'émission, il apparait soutenir cette infraction fondée sur la faute des administrateurs, car ils ont l'obligation de vérifier toutes les formalités de constitution de la société, une simple négligence ou omission, l'infraction est consommée, mais certains auteurs arguent que c'est purement matérielle, ce que d'autres ne partagent pas.23

La seconde incrimination concerne, ceux qui, sciemment, par l'établissement d'une déclaration notariée de souscription et de versement ou du certificat du dépositaire, auront affirmé sincères et véritables des souscriptions qu'ils savaient fictives ou auront déclaré que

19POUGOUE P.G et alii, OHADA sociétés commerciales et GIE, Bruxelles, bruylant, 2002, p.249

20 Art. 886 de l'AUSCGIE, in code vert : traité et actes uniformes commentés, Paris, Juriscope, 2014, p.432

21 La RDC prévoit dans son projet de loi la peine d'un à trois ans et de cent mille à trois cent mille francs d'amende, le Cameroun punit de trois mois à trois ans et d'une amende de cinq cent mille à cinq millions de franc ou l'une de ces deux peines seulement/ le Benin punit de trois ans à dix ans et d'une amende de deux millions de franc à dix millions/ la République Centrafrique quant elle la punit d'un emprisonnement d'un à cinq ans et ou d'une amende de un millions à cinq millions de franc

22 Président du conseil d'administration, Président-directeur général, le Directeur général, le Directeur général adjoint, l'Administrateur général ou l'Administrateur général adjoint

23 MUANDA N., le Droit pénal des affaires, Op. cit. p.80

15

les fonds qui n'ont pas été mis définitivement à la disposition de la société ont été effectivement versés.24

Il s'agit là de la simulation de souscriptions ou de versements, elle consiste à présenter pour vrais, des souscriptions ou des versements qui, en réalité, n'existent guère.25

Elle s'entend par l'établissement du caractère fictif des souscriptions ou des versements26 et la preuve qu'ils étaient affirmés sincères et véritables, le caractère fictif doit absolument être de mise. Et les versements sont fictifs quand il est affirmé qu'ils ont été effectués, alors qu'il n'en a été rien, l'objectif affiché de la simulation est d'obtenir des souscriptions ou des versements27.

Le caractère fictif des souscriptions demeure l'élément qui, en pratique, se rencontre le plus souvent28, et il est difficile dans la plupart de cas d'échapper au versement des fonds parce que les fondateurs ont le devoir de les déposer soit chez le notaire ou auprès d'une banque. Il faut distinguer la simulation de souscriptions de celle de versement, en ce sens que l'une peut exister sans l'autre et vice versa ; la simulation de souscription fait référence à une déclaration qui n'existe pas, c'est dire que nul associé ne s'est engagé pour une action quelconque tandis que, la simulation de versements consiste dans l'affirmation de libération effective de souscription faite alors que ça n'a pas été le cas.

L'alinéa 2 de l'article 887 poursuit en incriminant ceux qui, auront remis au notaire ou au dépositaire, une liste des actionnaires ou des bulletins de souscriptions et de versements mentionnant des souscriptions fictives ou de versements de fonds qui n'ont pas été mis définitivement à la disposition de la société. Il est ici question de publication de faits faux, une publication de souscriptions ou de versements qui n'existe pas ou de tous autres faits

24 Art. 887 al.1 de l'AUSCGIE, in code vert : traité et actes uniformes commentés, Paris, Juriscope, 2014, p.433

25 MOUKOKO C., « le fondement juridique de la responsabilité pénale du dirigeant social : incidences entre Droit pénal interne et Droit pénal des affaires Ohada », in revue de l'ERSUMA, n°34, Douala, 2015, p.8

26 La RDC prévoit dans son projet de loi la peine de cinq à dix ans et une amende de cinq cent mille à cinq million de francs, le Sénégal en sanctionne d'un an à cinq ans d'emprisonnement et une amende allant de cent mille à un millions de francs cfa ou l'une des ces peines ; le Cameroun punit de trois mois à trois ans et d'une amende de cinq cent mille à cinq millions cfa ou l'une des ces peines seulement ; la loi Centrafricaine d'un an à cinq ans et d'une amende un millions à cinq millions cfa ; le Benin réprime de trois ans à dix ans d'emprisonnement et d'une amende de deux millions à dix millions de cfa/ le Congo c'est de six mois à deux ans et l'amende de cent mille à dix millions ou l'une de ces deux peines.

27 La RDC prévoit dans son projet de loi la peine de cinq à dix ans et une amende de cinq cent mille à cinq million de francs, le Sénégal en sanctionne d'un an à cinq ans d'emprisonnement et une amende allant de cent mille à un millions de francs cfa ou l'une des ces peines.

28POUGOUE P.G et alii, op. Cit. p.250 et 256

16

faux, et de la publication des noms de personnes désignées contrairement à la vérité comme étant ou devant être attachées à la société, à un titre quelconque.

Matériellement, le délit de publication des faits faux29 suppose un fait de publication, des faits faux, avec l'intention de d'obtenir de souscriptions ou de versements. Et cette publication est réalisée par l'emploi de tout moyen d'information destiné à toucher le public.

Toujours dans le même article, l'alinéa trois incrimine ceux qui, sciemment, par simulation de souscription ou de versement ou par publication de souscription ou de versement qui n'existe pas ou de tous autres faits faux, auront obtenu ou tenté d'obtenir des souscriptions ou de versements30.

Cette infraction constitue l'établissement du certificat de dépôt des souscriptions ou de versements ; l'élément matériel dans ce cas, est l'établissement d'un certificat de dépôt de souscription ou de versement, dans l'intention d'obtenir ou de tenter d'obtenir des souscriptions ou des versements.31

Enfin, la dernière infraction de cette disposition se trouve à l'alinéa 4, incrimine ceux qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou des versements auront publié les noms des personnes désignées contrairement à la vérité comme étant ou devant être attachées à la société à un titre quelconque ; ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature, une évaluation supérieure à sa valeur réelle.

Il est ici question de la publication des noms de personnes faussement désignées comme attachées à la société et seul la publication de ces noms de personne faussement désignées peut retenu comme constitutif du délit.32 Et la simulation des biens en nature en nature apportés à la société ; cette infraction consiste dans le simple fait de participer à

29 La république du Sénégal sanctionne l'infraction de publication de faits faux d'un an à cinq ans de prison et d'une amende de cent mille à un millions cfa ou l'une de ces deux peines seulement/ le Cameroun punit de trois mois à trois ans d'emprisonnement et cinq cent mille à cinq millions d'amende ou l'un de ces peines seulement/ en RCA, elle est sanctionnée d'un an à cinq ans et/ou d'une amende qui va d'un million à cinq millions cfa/ le Benin a fixé la peine de trois ans à dix ans et une amende entre deux millions et dix millions cfa et le Congo a prévu six mois à deux ans et une amende de cent mille à dix millions Cfa ou l'une de ces deux peines seulement.

30 Art. 887 al. 3 de l'AUSCGIE, in code vert : traité et actes uniformes commentés, Paris, Juriscope, 2014, p.432

31 Le Sénégal sanctionne d'un an à cinq ans et l'amende de cent mille à un million ou l'une de ces deux peines seulement/ La loi camerounaise en punit de trois mois à trois ans et d'une amende de cinq cent mille à cinq millions de francs Cfa ou l'une de ces deux peines seulement/ la RCA punit d'un an à cinq ans et ou d'une amende d'un million à cinq millions de cfa/ le Benin quant à lui réprime de trois ans à dix ans et d'une amende de deux millions à dix millions de franc cfa/ la loi congolaise de 2013 la sanctionne d'un emprisonnement allant de six mois à deux ans et une amende de cent mille à dix millions cfa ou l'une de ces deux peines seulement.

32 POUGUE P.G et alii, op. Cit. p257

17

l'attribution de la valeur d'un apport et de l'existence d'une évaluation excessive. 33 Le mensonge dans la surévaluation constitue l'élément matériel et la mauvaise foi en constitue l'élément intentionnel.34

L'analyse des incriminations relatives à la constitution de la société ayant ainsi été exposée, il importe à présent de procéder à celle relative au fonctionnement de la société.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote