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UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DU
CONGO
FACULTE DE DROIT
2, Avenue de l'Université
BP 1534
KINSHASA - LIMETE
LA REPRESSION D'INFRACTIONS D'AFFAIRES EN
DROIT
PENAL DE L'OHADA
Roger BOKUNGU EMELA
Gradué en Droit
Mémoire présenté et
défendu en vue
de l'obtention du grade de
licencié
en Droit
Option: Droit économique et
social
Sous la direction de Serge MAKAYA
KIELA
Professeur associé
Année
Académique 2017-2018
2
Épigraphe
« L'ambition des règles secrétées par
l'OHADA est d'apporter la sécurité juridique et judiciaire aux
investissements privés »
AKAM A., Les mutations juridiques dans le système
OHADA, Paris, l'Harmattan,
2009, p.23
3
Dédicace
Aux parents : Paul BAKOMBE et
Chantal MBELU, cette oeuvre scientifique de votre
fils, loin d'être la dernière, demeure le fruit de vos durs
labeurs. Vous avez donc jeté des graines sur une bonne terre.
Aux frères et soeurs : Christella NAKENDE,
Pétrisson BILONDA, Dalycia LUBAKI, Exaucé LUBAKI, Divine ZOKA,
Deborah LIASSA, Nadège BULABULA et Betty TOPE.
Roger BOKUNGU EMELA
4
Remerciements
Au terme des études de deuxième cycle en Droit
à l'université Catholique du Congo, nous avons
élaboré le présent travail scientifique par des efforts
fournis. C'est ainsi que nous tenons à remercier les autorités de
l'Université Catholique du Congo. Nous exprimons nos sincères
expressions de reconnaissance à monsieur le Professeur Serge
MAKAYA KIELA qui, en dépit de ses multiples occupations, a
accepté de diriger ce travail scientifique.
Aux ami (es) : François LANGWANA, Eli MULEMA, Pascal
MUGASA, Elvir KILENSELE, Keren MANDAR, Emmany KETO et Jonathan LUBANSI.
Roger BOKUNGU EMELA
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SIGLES ET ABBREVIATIONS
Al. : Alinéa
Art. : Article
AU : Acte Uniforme
AUDCG : Acte uniforme portant droit commercial
général
AUPC : Acte uniforme portant procédure collective
d'apurement du passif AUPSRVE : Acte uniforme portant procédures
simplifiées de recouvrement et
des voies d'exécution
AUS : Acte uniforme portant organisation des
sûretés
AUSCGIE : Acte uniforme portant droit des sociétés
commerciales et du
groupement d'intérêt économique
CCJA : Cour commune de justice et d'arbitrage
CIMA : Conférence interafricaine des marchés
d'assurance
Éd. : Edition
OAPI : Organisation africaine de la propriété
intellectuelle
OHADA : Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des
affaires
Op. Cit : Opere citate
P. : Page
6
INTRODUCTION
I. POSITION DU PROBLEME
Depuis toujours, le droit pénal demeure une branche du
droit déterminant les actes socialement reprouvées, les peines
qui y sont associées et les procédures applicables en cas de
transgression. Il a pour objet la défense de la société
contre des comportements prohibés, l'Etat organise donc une
réponse aux phénomènes criminels.1
Le droit pénal correspond à l'une des
principales prérogatives de puissance publique : la détermination
des limites aux libertés individuelles. Cela explique que, de
manière classique, l'Etat se soit réservé un monopole sur
le droit pénal.2
Il y a cependant lieu de relever l'impératif de
l'ajustement aux nouvelles structures que l'harmonisation du droit en Afrique
apporte, lequel s'exprime par la fidélité à la
contribution d'unification de l'Afrique. C'est dans cette optique d'unification
et d'harmonisation, que certains États africains vont songer à
créer l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des
affaires (OHADA).
Mise en place par le traité de port louis (Ile
Maurice), le 17 Octobre 19933, révisé au Québec
en 2008, cette organisation mène un objectif fondamental, celui de
réaliser une harmonisation progressive et générale des
législations afin de favoriser le développement harmonieux de
tous les États parties.4 Et cette organisation harmonise le
droit des affaires dans les États parties au moyen d'Actes
Uniformes5, qui demeurent des actes pris pour l'adoption des
règles communes.6 Dans son objectif d'harmonisation du droit
des affaires7, les Etat membres ont également doté
à l'OHADA une compétence en droit pénal.
1 MUANDA N., le Droit pénal des affaires,
Kinshasa, CERDA, 2011, p. 72
2 Idem
3 AKAM A., les mutations juridiques dans le
système OHADA, Paris, l'Harmattan, 2009, p23
4 ISSA-SAYEGH J. et LOHOUES-OBLE J., OHADA :
harmonisation du droit des affaires, Bruxelles, bruylant, 2002, p.93
5MARTOR B., Le droit uniforme africain des
affaires issu de l'Ohada, Paris, Litec, 2004, p.9
6 Art. 5 al. 1 du Traité de l'Ohada,
adopté à Port louis (Ile Maurice), le 17 Octobre 1993,
révisé au Québec en 2008, in code vert : traité
et actes uniformes commentés, Paris, Juriscope, 2014, p.79
7 Art. 1 du Traité de l'Ohada, in code
vert : traité et actes uniformes commentés, Paris,
Juriscope, 2014, p.78
7
Aux termes de l'article 5 alinéa 2 dudit traité
« les actes uniformes peuvent inclure des dispositions d'incrimination
pénale, les États parties s'engagent à déterminer
les sanctions pénales encourues ».8
Il ressort de cette disposition que le législateur
communautaire a consacré en matière du droit pénal des
affaires, la méthode du renvoi législatif, laissant ainsi la
possibilité aux États parties de fixer les sanctions
pénales, par le truchement des parlements nationaux pour les infractions
portées par les actes uniformes. Cependant, il y a lieu de se demander
comment concilier l'objectif d'harmonisation des législations avec cette
méthode de renvoi législatif, car le danger est le risque d'avoir
au final, une disparité des législations en droit pénal
des affaires.
Aussi, il s'avère que cette méthode de renvoi
législatif opéré par le législateur communautaire
dans la répression d'infractions d'affaires, a conduit en même
temps à la séparation des éléments constitutifs de
l'infraction en ce que, l'élément matériel et moral
révèlent de la norme communautaire tandis que
l'élément légal quant à lui relève de la loi
nationale de chaque Etat partie. L'élément légal tient au
fait que, pour qu'une personne puisse être sanctionnée
pénalement, il faut qu'elle ait violé une loi qui emporte une
sanction, l'élément matériel est l'acte
concrétisant l'infraction, l'élément moral enfin, demeure
la volonté de commettre la faute, intentionnellement ou non.9
Alors comment confronter cette séparation d'éléments
constitutifs de l'infraction avec le principe de nullum crimen nulla poena
sine lege. Le problème est le risque d'avoir un vide juridique en
termes d'éléments légal car il se constate que les
États membres n'ont pas tous exécuté de bonne foi
l'engagement de la détermination des sanctions pénales.
Cette technique de renvoi législatif crée en
outre des conflits énormes en matière pénale des affaires
entre la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, organe judiciaire de l'OHADA
et les juridictions de cassation des États parties, en ce sens qu'en cas
d'un pourvoi en cassation portant sur une infraction contenue dans les actes
uniformes, celui-ci soit partagé entre la CCJA, compétente pour
apprécier si le délit est constitué, et la cour de
cassation nationale, compétente pour apprécier la
légalité de la sanction.10
8Art. 5 al. 2 du traité OHADA,
adopté à Port louis (Ile Maurice), le 17 Octobre 1993,
révisé au Québec en 2008, in code vert : traité
et actes uniformes commentés, Paris, Juriscope, 2014, p.79
9 MUANDA N., le Droit pénal des affaires,
op. cit, p.69
10 MUANDA N., L'escroquerie et la distribution
des dividendes fictifs en droit pénal des sociétés issu de
l'OHADA : esquisse d'une théorie de droit pénal congolais des
sociétés, Kinshasa, Fenaco, 2010. p.69.
8
Ceci ressort de l'article 14 du Traité de l'OHADA qui,
après avoir établi que « la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage assure dans les États parties, l'interprétation et
l'application commune du présent Traité, des règlements
pris pour son application et des Actes uniformes », mentionne
expressément que la Cour est « saisie par la voie du recours en
cassation » et qu'elle « se prononce sur les décisions rendues
par les juridictions d'appel des États parties, dans toutes les affaires
soulevant des questions relatives à l'application des Actes uniformes...
à l'exception des décisions appliquant des sanctions
pénales ». 11 La cassation relative à une
décision appliquant les sanctions pénales se pourvoit donc devant
la cour de cassation nationale.
Le problème est que, dans un même litige, une
partie peut déférer une décision au pourvoi en cassation,
en se fondant sur la violation de la disposition d'incrimination et de celle
établissant la sanction. Il n'est évidemment pas impossible
d'imaginer qu'un pourvoi en cassation implique à la fois, une ou
plusieurs règles de droit uniforme (incriminations) et une ou plusieurs
dispositions de droit national (sanction pénale). Alors dans ce cas, le
justiciable doit-il mener deux cassations instantanément à la
fois devant la CCJA et la cour de cassation nationale, ou commencer par celle
devant la juge communautaire après le juge national, ou l'inverse.
Au regard de ce qui précède, quelle
appréciation critique faire sur la problématique d'harmonisation
du système répressif en droit de l'OHADA ? Et quelles sont les
perspectives pouvant pallier à cette problématique ? Les
réponses à ces préoccupations font l'objet du travail.
Ainsi, il y a lieu de partir de l'hypothèse selon
laquelle, pour une mise en oeuvre effective et efficace du droit pénal
issu de l'Ohada, il serait nécessaire de compléter le droit
interne sur renvoi du législateur OHADA et le cas le plus typique et
controversé est le renvoi du traité à des dispositions
pénales internes. La détermination des sanctions serait
primordiale et urgente pour permettre l'application cohérente des
incriminations édictées par les actes uniformes, perfectionnant
ainsi l'oeuvre d'intégration.
Il serait en outre préférable pour le
législateur communautaire, par le biais du conseil des ministres, de
poser des principes directeurs pour orienter et encadrer les
législations internes afin d'éviter une grande disparité
et dysharmonie de sanctions pénales.
11 Art. 14 du traité de l'Ohada,
adopté à Port louis (Ile Maurice), le 17 Octobre 1993,
révisé au Québec en 2008, in code vert : traité
et actes uniformes commentés, Paris, Juriscope, 2014, p.79
11 MUANDA N., le Droit pénal des affaires,
Op. cit, p.77
Enfin, le travail démontre que si les disparités
dans l'appréciation du quantum de la sanction sont effectives, il n'est
pas impossible de trouver une moyenne commune à tous les
9
Enfin, l'intégralité de la matière
pénale devrait être conférée au législateur
communautaire, ce qui pourrait permettre d'éviter notamment les risques
des disparités de sanctions pénales et éventuellement les
conflits de compétence entre la CCJA et les juridictions nationales de
cassation.
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