La guerre en Syrie et le jeu de pouvoir de la Russie.par Pape Ousmane THIAW Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 en sciences politiques 2018 |
SECTION 1 : LA LIGNE ROUGE ET LES ÉTATS-UNISLe concept de « ligne rouge » est très présent dans les débats sur la guerre en Syrie. En termes simples, il indique « la limite à ne pas franchir » par le régime syrien, celle-ci pouvant justifier de manière légitime une intervention militaire américaine dans le conflit. En 2013 Barack Obama s'était déclaré « fier » de ne pas être intervenu dans le conflit en Syrie malgré la ligne rouge. Quelques mois plus tard, c'est la Russie qui avait décidé d'intervenir militairement en Syrie. Le Président américain avait surtout mis en avant l'utilisation des armes chimiques comme « ligne rouge » comme étant un préalable à l'intervention américaine en Syrie. À travers l'analyse de la notion de ligne rouge, il s'agira d'évoquer l'incohérence de la position américaine dans le conflit syrien (Paragraphe 1). On évoquera aussi le fait que cette position est largement critiquée à l'international (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : l'incohérence de la position américaineDès le début de la guerre en Syrie, les États-Unis et les pays européens ont rapidement exigé le départ de Bachar Al Assad afin de mettre un terme au conflit. Au départ, les Américains et les Européens avaient envisagé le spectre d'une intervention en Syrie. Cependant, les forces rebelles n'ont presque jamais vu l'aide arriver. Il faut souligner que l'incohérence de la position américaine s'est manifestée lorsque le régime d'Al Assad avait franchi la supposée « ligne rouge » en utilisant des armes chimiques et tuant plus de 1700 civils. Barack avait alors déclaré que l'utilisation de ces armes prohibées était un préalable à toute intervention américaine sur le terrain. Dès lors, on s'attendait à ce qu'il y ait des frappes américaines début septembre 201330(*). Cependant, les faits indiquentquelesÉtats-Unis ne sont pas intervenus dans le conflit par peur de le voir devenir plus incontrôlable qu'il ne l'est. La véritable raison reste le fait que les Américains ne veulent plus vraiment d'une « guerre par territoire interposé ». Selon eux, tout ce qui rappelle de près ou de loin les pratiques de la guerre froide doit être dépassé et on devrait s'acheminer vers un nouveau paradigme. En reculant face à ce qu'on peut appeler une limite à ne pas dépasser, le président Obama venait de donner à Bachar Al Assad le « droit de tuer » et ceci malgré les accords de destruction des armes chimiques qui ont été signés. Ce qui explique cette passivité, du moins en partie, c'est le fait que Barack Obama avait été élu sur la base d'un programme visant à désengager les États-Unis, dans la région, notamment dansdes pays comme l'Irak et l'Afghanistan. Le président américain avait d'ailleurs avoué que les États-Unis n'avaient pas vraiment d'intérêt stratégique en Syrie. Toutefois, même si les Américains manquent réellement d'intérêt pour ce conflit, il convient de ne pas en négliger un aspect fondamental : le développement du djihadisme. C'est sans doute le principal motif qui justifie aujourd'hui la participation américaine dans ce conflit. En aout 2014, un ressortissant américain du nom de James Foley a été exécuté par les combattants de l'État islamique31(*). Quelques semaines plus tard, les États-Unis décidèrent d'effectuer leurs premiers bombardements contre Daech en Irak et en Syrie. Cependant, cette riposte était seulement considérée comme un mouvement d'humeur, car elle n'était accompagnée d'aucune stratégie politique. Comme conséquence, ces bombardements n'avaient servi qu'à limiter les capacités opérationnelles de Daech et surtout leur expansion territoriale. Jusqu'en 2015, les Américains n'étaient pas parvenus à imposer leur agenda stratégique dans la région, laissant un vaste champ d'action à la Russie. D'ailleurs, face aux nombreux blocages sur le terrain et à la détermination de la Russie, il fallait rapidement trouver un terrain d'entente concernant certains points. Pour cela, le secrétaire d'Etat John Kerry n'a pas hésité à réaliser plusieurs consultations en se rendant, notamment à Moscou. On se rend alors compte que les Américains diminuaient progressivement leurs exigences afin de mieux se conformer à celles des Russes. Dès lors, un calendrier de transition politique a été mis en place, mais celui-ci était assez vague, notamment en ce qui concerne le rôle de Bachar Al Assad dans cette transition. Jusqu'en 2016, les États-Unis ont maintenu une politique ambiguë vis-à-vis de la Syrie. En effet, ils n'ont pas varié sur le principe selon lequel Bachar Al Assad devait quitter le pouvoir, mais continuaient parallèlement à négocier avec les Russes qui, à leur niveau, prônaient le maintien du dictateur syrien au pouvoir. De plus, ils ont cessé de livrer des armes à l'opposition syrienne afin de les contraindre à aller aux négociations qui se sont tenues à Genève. Le fait est que, comme évoquée plus haut, la priorité reste la lutte contre Daech. Pour cela, les États-Unis ont passé des accords avec la Russie afin d'éviter tout incident aérien sur le théâtre d'opérations. Ils sont aussi tenus à soutenir les Kurdes et les Forces Démocratiques Syriennes, au détriment des insurgés. Enfin, l'ambiguïté de la position américaine en Syrie se justifie par la crainte de voir l'Iran quitter la table des négociations, notamment sur son projet nucléaire. Un accord a pu d'ailleurs être conclu dans la foulée. Tous ces éléments laissent penser que les États-Unis jouent un double jeu en Syrie. D'abord, en cherchant à combattre l'État islamique. Ensuite, en cherchant ouvertement le départ de Bachar Al Assad avec lequel, ils ont un ennemi commun (Daech). Pour l'opinion internationale, cette attitude américaine est largement critiquable. * 30 LAMBERT Michael : « Les États-Unis et la Ligne Rouge en Syrie », Altantico, 2016, p.2. * 31 Voir le site www.lexpress.fr |
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