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La guerre en Syrie et le jeu de pouvoir de la Russie.


par Pape Ousmane THIAW
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 en sciences politiques 2018
  

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SECTION 2 : UN CONFLIT RÉVÉLATEUR DES NOUVEAUX RAPPORTS RÉGIONAUX

Pour les spécialistes des conflits armés, la guerre en Syrie est très difficile à analyser. En effet, outre le fait d'avoir une dimension sociale évidente, elle a également une dimension hautement stratégique. Le conflit syrien se déroule dans une région réputée pour son instabilité et qui a longtemps été la chasse gardée des puissances comme les États-Unis et la Russie. Dès lors, leur influence directe ou indirecte dans la crise était envisageable, d'autant plus que la Syrie, contrairement aux autres pays, était un des rares pays arabes à connaitre une stabilité prolongée bien que celle-ci ait toujours été relative.

Quoi qu'on dise, ce conflit en dit long sur les nouvelles relations dans la région, caractérisée par des alliances etdésalliances au gré des enjeux(Paragraphe 1). Toutefois, il faut souligner le fait que le conflit syrien est tout à fait particulier et ressemble beaucoup à une guerre par procuration (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : la guerre en Syrie : entre alliances etdésalliances au niveau régional

Depuis le début des années 80, la Syrie est un allié de l'Iran, car ils avaient un allié en commun : Saddam Hussein. Cependant, après la révolution de 1979, l'Iran a perdu son influence militaire dans la zone, car ayant été délaissé par les États-Unis. Dès lors, depuis le passage de l'Égypte dans le camp américain, la Syrie était à la recherche de nouveaux alliés. Elle n'a pas alors hésité à faire de la Russie un partenaire de taille, celle-ci étant à la recherche de nouvelles zones d'influence au sortir de la guerre froide et après la chute de l'URSS.

L'alliance entre la République (chiite) d'Iran et le régime alaouite syrien n'avait rien de confessionnel, mais était bien de nature stratégique. Toutefois, au fil des années, « l'axe Chiite », constitué par l'Iran, l'Irak et le Liban s'oppose, et cette fois-ci sur le plan confessionnel, à « l'axe sunnite » constitué de l'Arabie Saoudite, de l'Égypte, des pétromonarchies du Golfe et de la Turquie, dans une moindre mesure. Chaque camp a réussi à trouver un soutien international (l'OTAN pour l'axe Sunnite et l'alliance sino-russe pour l'axe Chiite23(*)).

En ce qui concerne l'Iran, la Syrie est une pièce maitresse dans le déroulement de sa stratégie politique dans la région. En effet, sans la Syrie, le Hezbollah, qui est activement soutenu par l'Iran, ne pourrait plus bénéficier des moyens financiers et logistiques lui permettant de faire face à la menace Israël. De plus, l'Iran aimerait conserver sa capacité de riposte face au principal allié des États-Unis dans la région au cas où ce qu'on a l'habitude d'appeler le « Grand Satan » était tenté par une attaque préventive, comme il sait si bien le faire.

Le fait de soutenir le Hezbollah libanais et le Hamas24(*) était, par ailleurs, un moyen pour l'Iran de fustiger l'attitude des monarchies du golfe les accusantd'avoir abandonné la lutte pour la libération de la Palestine.

Pour l'Arabie Saoudite, l'influence iranienne est perçue comme une menace, notamment à travers la population du Hasa, située au nord-est du royaume (une zone riche en pétrole). Cela explique d'ailleurs son intervention militaire brutale au Yémen en 2011 où la majorité Chiite s'est révoltée contre la monarchie sunnite25(*).

Pour le Qatar, il faut souligner que c'est un pays qui n'avait pas l'habitude de prendre des positions diplomatiques sur les dossiers brulants de la région. Cependant, depuis 2008, il s'est réconcilié avec l'Arabie Saoudite et a commencé à s'aligner à sa stratégie dans la région. Dès lors, les deux puissances wahhabites se partagent les rôles dans la région : l'un soutenant les salafistes tandis que l'autre soutient les Frères musulmans. Par contre, certains riches dignitaires qataris continuent de financer les salafistes.

Les deux pays veulent jouer un rôle central dans la crise en Syrie. Le Qatar, par exemple, n'hésite pas à apporter son soutien financier à l'Armée syrienne libre et à peser sur le plan diplomatique pour imposer des sanctions au régime syrien au niveau de la Ligue arabe et de l'ONU.

Le but affiché des pays du Golfe, c'est de réduire considérablement l'influence iranienne dans la région en brisant ce qu'on appelle « le maillon faible » de l'axe Chiite. En effet, la Syrie est peuplée majoritairement de sunnites dirigés par une minorité alaouite. Bien entendu, cette stratégie a le soutien des États-Unis, mais c'est sans compter le retour de la Russie sur la scène régionale.

À travers cette partie, il est facile de comprendre que chaque pays de la région cherche à défendre ses intérêts politico-stratégiques. Par exemple, la stabilité de l'Arabie Saoudite dépend largement de la réduction de l'influence iranienne dans la région, car sa partie Chiite est de plus en plus exaspérée par la domination de la monarchie Sunnite. On est alors face à une guerre par procuration en Syrie.

* 23La Russie et la Chine appartiennent à une organisation régionale : « organisation de la conférence de Shanghai, destinée à renforcer la coopération entre les pays de part et d'autre de l'ancienne frontière sino-soviétique. La Russie et la Chine trouvent de nombreux points de convergence géopolitiques face à la puissance déclinante des États-Unis.

* 24Le Hamas semble avoir pris ses distances avec le régime de Bashar el Assad et par conséquent avec

Téhéran. Le 25 février 2012, Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre du Hamas, a ouvertement

Avait prononcé son soutien au peuple syrien.

* 25TETI Andrea, « Le Bahreïn entre rocher et pétrole », Outre Terre, Paris, n° 29, septembre 2011, p. 507.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld