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La guerre en Syrie et le jeu de pouvoir de la Russie.


par Pape Ousmane THIAW
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 en sciences politiques 2018
  

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Paragraphe 2 : Des réponses économiques inadaptées à la crise

Dès les premiers jours de la révolte, à la lumière de ce qu'ont fait les gouvernements de l'Algérie, du Maroc pour apaiser les tensions sociales, le pouvoir syrien annonçait dans la foulée un ensemble de mesures afin de calmer la révolte. Parmi celles-ci, on a l'augmentation de 30% du salaire des fonctionnaires18(*). Il faut noter qu'il s'agissait d'une décision qui, dans un passé récent, aurait été très bien accueillie par les intéressés et surtout par le secteur privé qui y voyait un très bon moyen de relancer la consommation, car la moitié de la population syrienne active travaille pour l'État. Cependant, ce contexte de révolte politique se faisait sur fond de gel des recrutements au niveau de la fonction publique. Dès lors, la mesure en question n'a pas pu avoir le succès escompté. En effet, cela n'a pas pu résoudre le problème du chômagequi touchait une bonne partie de la population ni résoudre le problèmede millions de travailleurs évoluant dans le secteur informel et qui ne sont guère épargnés par la Police19(*).

D'ailleurs, l'augmentation du salaire des fonctionnaires a été prise pour une mauvaise chose par ceux qui sentaient dupés par cette décision qui, selon eux, favorisait encore plus la communauté alaouite très présente dans la sphère étatique20(*).

Au début de la révolte, à Banias, un haut lieu de la contestation, les habitants ont réclamé la création de plus de 2000 emplois pour les habitants majoritairement sunnites au niveau de la raffinerie et de la centrale thermique, jusqu'alors dominés par les alaouites. Il faut noter que dans la plupart des villes contestataires (Idleb, Rastan, Deraa, Tel Bisseh, etc.), les populations sont victimes du désengagement de l'État au moment où la croissance de la population reste très forte avec toutes les exigences que cela implique, surtout en termes de création d'emplois. Dès lors, comme dans les autres pays qui ont connu le « printemps arabe », la dimension sociale est un des éléments principaux à retenir pour expliquer le déclenchement du conflit syrien, celle-ci étant aggravée par une situation démographique particulièrement tendue.

L'accès à l'eau est, également, un motif de mécontentement chez le peuple syrien. Entre 2007 et 2011, le pays a connu une période de sécheresse qui a obligé le gouvernement à fermer les nombreux puits illégaux et à interdire de nouveaux puits. Cependant, dans un pays corrompu, cette mesure n'a pas été appliquée sur le territoire avec la même diligence, mais au gré des réseaux clientélistes. D'ailleurs, le gouvernement avait tenté de remédier aux difficultés liées à l'accès à l'eau en lançant un vaste plan de modernisation des techniques d'irrigation21(*), mais avec une gestion bureaucratique peu efficace, les résultats n'ont pas pu suivre.

Heureusement que les 4 ans de sécheresse ont été suivis par de fortes pluies en pleine crise. Ce qui avait d'ailleurs contribué à l'époque à modérer la crise politique, notamment dans le nord-est du pays. Cette forte pluviométrie avait aussi permis à la zone de surmonter les effets des sanctions économiques.

On a par ailleurs, la croissance galopante de la population syrienne qui a créé une véritable crise du logement. Celle-ci a été accentuée par une véritable incurie en matière d'urbanisme. En effet, à cause de l'absence de prêts immobiliers auprès des banques pour les populations ne pouvant pas justifier de revenus fixes, beaucoup de Syriens vivent dans la promiscuité. Ce qui a provoqué l'apparition de vastes banlieues dans la périphérie de Damas, sans véritable aménagement ni infrastructures publiques. De plus, elles ne sont que partiellement alimentées en eau. De plus, environ 40% de cette population issue del'exode rural travaille dans le secteur informel.22(*)

Il faut souligner que la crise du logement a des conséquences assez importantes sur la société syrienne, car cela représente une condition sine qua non pour se marier. L'homme n'est, en effet, considéré comme prêt à épouser une femme que lorsqu'il prouve qu'il est capable d'avoir une maison. En un moment donné, l'État a tenté d'endiguer ce phénomène d'habitation anarchique, mais comme toujours, ses efforts ont rapidement été freinés par la corruption. Dès le début de la crise, le gouvernement a tenu à désamorcer qu'on peut appeler la « bombe du logement » en levant les restrictions sur les constructions informelles. Ce qui a pu détourner certains jeunes manifestants. Cependant, cela n'a représenté qu'une solution provisoire à la crise sociale et plus généralement en ce qui concerne le malaise social qui règne en Syrie.

Par ailleurs, le régime n'a pas hésité à brader les ressources naturelles du pays et ceci est le résultat d'un système politique tout à fait inadapté et appelé à disparaitre, du moins selon les prétentions de l'opposition syrienne.

L'ensemble des facteurs évoqués ci-dessus ont vivement participé à l'exacerbation des mouvements de contestation en Syrie qui ont découlé sur la guerre civile que nous vivons aujourd'hui. Il conviendrait alors de l'étudier en profondeur, notamment en prenant en compte le contexte régional.

* 18BACZKO Adam, DORRONSORO Gilles, QUESNAY Arthur. Op.cit., p.59.

* 19SEURAT Michel, Op.cit., p.47.

* 20 BALANCHE Fabrice : La région alaouite et le pouvoir syrien, Karthala, Paris, 2006, p.53.

* 21METRAL France, « Maîtrise de l'eau et société dans la plaine du Ghab », Revue de Géographie deLyon, 1979, vol. 54, no3, p. 305-325

* 22 BALANCHE Fabrice, « L'habitat illégal dans l'agglomération de Damas et les carences de l'État », Revue de géographie de l'Est, octobre 2010, p.23-29.

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