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La guerre en Syrie et le jeu de pouvoir de la Russie.


par Pape Ousmane THIAW
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 en sciences politiques 2018
  

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DEUXIÈME PARTIE : LE JEU RUSSE EN SYRIE : UNE ACTION UNILATÉRALE POUR IMPOSER LE MULTILATÉRALISME

Durant l'automne 2015, la Russie décide d'intervenir dans le conflit en Syrie en vue de venir en aide à un régime en difficulté après 4 ans de guerre civile. Selon plusieurs observateurs du conflit, il s'agit d'une intervention dictée par le caractère historique des relations entre la Russie, notamment l'URSS, et le régime des Assad. Ce qui laisse surtout croire que cette Russie est une version actuelle de l'ancienne URSS. En effet, après avoir hérité de sa place au niveau du Conseil de Sécurité des Nations Unies et de tout son arsenal nucléaire, on dirait qu'elle a aussi hérité des mêmes positions stratégiques. Il faut aussi souligner le fait que la Syrie conserve une place aussi importante dans la stratégie russe au proche orient confirme son statut d'héritier de l'URSS.

Pendant que la Russie semble vouloir retrouver sa puissance et son influence dans le jeu de puissance internationale, le conflit en Syrie devient de plus en plus incontrôlable et son intervention vient dans un moment assez délicat.

L'analyse de cette seconde partie va tourner autour d'un retour de la Russie au un premier plan dans le jeu de puissance international (Chapitre 1). Ce qui permettra de découler sur l'étude d'une collaboration particulièrement difficile entre les différentes puissances intervenant dans le conflit syrien (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LE RETOUR AU PREMIER PLAN DE LA RUSSIE DANS LE JEU DE PUISSANCE INTERNATIONALE

Depuis la révolution bolchévique de 1917, le monde n'avait jamais entendu parler de la Russie, mais de l'URSS. Une union qui a regroupé à la fois la Russie, l'Ukraine, la Biélorussie et la Transcaucasie. Avec les années, cette dernière va intégrer une quinzaine de républiques qui seront dissoutes dans la république soviétique. Du coup, pendant près de 70 ans, le monde ne va connaitre aucun État du nom de « Russie ». Le nom de l'URSS vient d'une envie bien dissimulée de la Russie de ne pas donner son nom à cet ensemble afin d'éviter toute accusation d'annexion. Cependant, malgré un réel semblant de puissance affichée durant et après la Seconde Guerre Mondiale, l'URRSS ne va pas survivre longtemps. Après s'être disloqué à la fin du siècle dernier, laissant la place à l'ancienne version de la Russie, ce qui était un véritable empire recherche désormais une place perdue dans l'échiquier international.

L'analyse de ce chapitre va porter sur la revendication du statut d'héritier de l'URSS par la Russie (Section 1) puis sur l'intervention de la Russie en Syrie comme étant plus une réaction qu'une planification (Section 2).

SECTION 1 : LA REVENDICATION DU STATUT D'HÉRITIER DE L'URSS

Après ce que l'on pouvait considérer comme la victoire de l'idéologie libérale, la Russie faisait profil bas dans les relations internationales à l'issue de la Guerre Froide. Pendant plusieurs années, on a vécu dans un monde unipolaire conduit par les États-Unis. Il aura alors fallu l'invasion du Koweït par l'Irak, la première guerre du Golfe, les évènements du 11 septembre 2001 et le printemps arabe pour que la domination américaine montre des signes d'essoufflement. Le concept de la « War Fatigue » connait enfin une définition plausible et les États-Unis ont annoncé dans la foulée qu'ils renonçaient à se considérer comme les gendarmes du monde. Un boulevard laissé à la Russie qui ne tarda pas, après sa politique de neutralité sur plusieurs questions internationales, dont l'intervention en Libye, à revendiquer son statut d'héritier de l'URSS.

L'analyse de cette partie va porter sur la dimension politique et militaire de l'héritage de l'URSS (Paragraphe 1) puis sur l'ambition de la Russie à partir de ce statut politique et militaire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : la dimension politique et militaire de l'héritage de l'URSS

L'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) a éclaté en 1991, donnant naissance à une quinzaine d'États indépendants et souverains, dont la Russie. Cependant, cette dernière a hérité d'une grande partie de son territoire, de sa population et de son industrie. Dès lors, elle paraissait être l'entité la plus apte à succéder à la défunte URSS. Cette question s'est d'ailleurs posée durant les années 90 et consistait à savoir si la Russie avait la possibilité d'hériter de la personnalité morale de l'Union40(*). Dans les deux hypothèses, il y avait des conséquences bien identifiées. En effet, dans un premier cas, la Russie ne prendrait que la place de l'URSS sans aucun transfert de droits et d'obligations. Toutefois, il y aurait certaines modifications causées par la réduction du territoire et au changement de gouvernement. Dans un second cas, l'ensemble des droits et obligations de l'URSS restaient attachés à la Russie, mais dans la mesure où ceci est prévu par le droit de la succession d'États.

En ce sens, il faut souligner le fait que, dans le droit international, il n'existe pas de règles générales qui déterminent la manière et le moment où l'identité de l'État s'éteint. Par exemple, la France, l'Espagne et le Portugal ont continué d'exister malgré la dissolution de leurs empires coloniaux. On peut alors dire que le droit international milite plus pour la continuité que pour l'extinction41(*).

Dès lors, l'héritage politique de la Russie à l'égard de l'URSS reste marqué par la continuité. Elle devait ainsi assumer le rôle et la place de l'union au sein des institutions internationales et surtout sa place de membre permanent au sein du Conseil de Sécurité de l'ONU. On peut alors dire que la Russie a simplement vêtu les habits de l'ancienne URSS.

En ce qui concerne l'héritage militaro-nucléaire, la Fédération de Russie avait, selon ce principe de continuité, hérité de tout l'arsenal nucléaire de l'URSS sous l'impulsion du traité de Tachkent en 199242(*). Cependant, pour convaincre certains États, jadis membres de l'Union, de se dénucléariser, la Russie a dû offrir des garanties et des avantages. En ce sens, le Mémorandum de Budapest offrait à l'Ukraine plusieurs garanties dont :

· Une protection militaire en accord avec les États-Unis 

· La reconnaissance de la souveraineté et de l'impact de l'identité ukrainienne sursa politique étrangère

· Une aide économique octroyée conjointement avec les États-Unis

Après avoir obtenu ces garanties et avantages, l'Ukraine s'est engagée à transférer 1900 ogives nucléaires vers le territoire russe. Pour sa part, la Russie s'engageait à transférer plus de 100 tonnes d'uranium peu enrichi pour la production d'énergie nucléaire. La Fédération de Russie devenait alors le seul héritier du passé nucléaire de l'URSS et ceci le plaçait immédiatement derrière les États-Unis. Ce qui lui permettait de défier ces derniers sur n'importe quel dossier politique et stratégique dans le monde.

Cependant, il faut reconnaitre que, pendant un bon moment, il y eut une véritable disproportion entre le statut politique de la Russie et ses capacités réelles. En effet, les performances économiques du pays dépendent largement des secteurs stratégiques tels que l'armement et l'énergie. La Russie figureparmi les premiers producteurs mondiaux de gaz naturel, de pétrole et de charbon. C'est aussi un producteur incontournable de blé et de betterave à sucre. De plus, ses potentialités de sa zone arctique sont jugées énormes. Toutefois, malgré tout ce potentiel, l'économie russe ne semble pas vraiment suivre ce statut politique et militaire. La Russie a, alors, du mal à réaliser ses ambitions de puissance, surtout au proche et au Moyen-Orient où les États-Unis semblent avoir une longueur d'avance.

Aujourd'hui, plusieurs facteurs négatifs tendent à ralentir les ambitions de la Russie dans le monde dont :

· Des exploitations d'hydrocarbures stagnantes en raison d'un manque d'investissement

· Un manque d'innovation dans le secteur de l'armement

· Une défaillance de peuplement qui affecte une grande partie du territoire

· Une phase de sous-développement entre 1989 et 2004

· Une perspective de déclin démographique à travers le vieillissement de la population

Outre ces difficultés, la Russie n'a plus le même aura que l'URSS et devient de facto un pays que certaines puissances occidentales méprisent et se permettent de sanctionner. Ce qui n'empêche pas, toutefois, au pays de nourrir des ambitions plutôt justifiées à partir de ce statut politique et militaire. Sur le dossier syrien, par exemple, outre le fait de défendre ses intérêts, l'ambition de la Russie est de montrer au monde qu'elle est capable de rivaliser avec un occident « décadent » et en manques de solutions en ce qui concerne la résolution des crises politiques et la lutte contre le terrorisme.

* 40GERONIMO Jean, « Où va la Russie ? Moscou à la recherche d'une identité post-soviétique », Geostratégie.com, 2009, p.12-24.

* 41KOSKENNIEMI Martti, LEHTO Marja. Succession d'États de l'ex-U.R.S.S., avec examen particulier des relations avec la Finlande. In : Annuaire français de droit international, volume 38, 1992. pp. 179-219

* 42BASSOU Abdelhak, « La Russie et la crise syrienne : le come-back de l'héritier de l'URSS et le changement de la donne en Syrie », OCP Policy Paper, 2016, p.8-23.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote