2.2 Aspects empiriques de la relation entre repartions de
revenu et inégalités sur la réduction de la
pauvreté.
D'après le Rapport sur le développement dans le
monde de 2000-2001 de la Banque mondiale, les dimensions de la pauvreté
sont multiples et doivent bénéficier d'une attention
égale. Dans ce Rapport, la Banque mondiale rappelle néanmoins que
la croissance économique globale est indispensable au
développement des opportunités matérielles des pauvres.
Elle affirme, à ce sujet, que « les mesures favorables aux
marchés (market-friendly policies), telles que l'ouverture au commerce
international, une inflation faible et un secteur public de taille
modérée et des règles de droit bien établies,
profitent, en moyenne, autant aux pauvres qu'aux non-pauvres » (Banque
mondiale, 2001).
Le Rapport de 2000-2001 attire son attention aux canaux par
lesquels la croissance économique peut être
bénéficiée aux pauvres. Elle soutient que « pour un
taux de croissance donné, l'ampleur de la réduction de la
pauvreté dépend des variations dans la répartition du
revenu accompagnant la croissance et des inégalités initiales, au
plan des revenus, des actifs et de l'accès aux opportunités qui
permettent aux pauvres de bénéficier des fruits de la croissance
» Les auteurs de ce rapport affirment selon une réflexion
consacrés aux inégalités que l'élasticité de
la réduction de la pauvreté par rapport à la croissance
(qui mesure l'ampleur de la diminution de la pauvreté induite par un
montant donné de croissance économique) est évidemment
supérieure si l'inégalité est faible ou si elle baisse :
une faible inégalité est favorable à la réduction
de la pauvreté parce que, pour tout accroissement donné du revenu
national, un volume plus grand de ressources réelles sera disponible
pour les groupes à revenus faibles; la baisse de
l'inégalité est également un élément
favorable dans la mesure où la part dans le revenu des pauvres
s'accroît, (Banque mondiale, 2001).
Une idée assez répandue parmi les
économistes, et aussi au-delà de la sphère des
économistes, voudrait que pour un pays en développement, les
inégalités de revenus s'accroissent à mesure que le pays
se développe pour atteindre un seuil maximum à partir duquel tout
développement
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CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
ultérieur s'accompagne d'une réduction des
inégalités. On aura reconnu là, l'hypothèse
initialement émise par Kuznets. Si cette hypothèse était
vérifiée cela signifierait que le lien entre croissance et
réduction de la pauvreté serait plus faible que celui
prédit par l'élasticité théorique du taux de
pauvreté à la croissance.
L'hypothèse de Kuznets a fait l'objet d'un grand nombre
d'études empiriques et, à ce jour, le consensus parmi les
économistes est qu'il n'y a rien d'automatique dans le fait que
développement et inégalités de revenus croissent de pair
dans les premières phases du développement économique.
Ainsi par exemple, au Bangladesh, en Egypte et à Taiwan, la croissance
se serait accompagnée d'une réduction des
inégalités alors qu'au Chili, en Chine et en Pologne, la
croissance se serait accompagnée d'un accroissement des
inégalités (Rodrik, 2000). En exploitant un échantillon de
234 enquêtes de niveau de vie des ménages des pays en
développement et en transition, Ravallion (2001) montre que lorsque le
revenu ou la consommation moyenne augmente, il y a à peu près une
chance sur deux que les inégalités augmentent et une chance sur
deux qu'elles diminuent.
L'impact de la croissance économique sur le niveau de
pauvreté dépendra, d'une part, de son effet sur le revenu moyen
et, d'autre part, de son effet sur l'inégalité. Des mesures de la
sensibilité de la pauvreté par rapport à la croissance et
à l'inégalité permettent alors de voir si un accroissement
moyen de la consommation ou du revenu tend à réduire la
pauvreté tandis qu'à l'inverse, une augmentation de
l'inégalité tend à l'accroître.
Le cas de la Côte d'Ivoire entre 1985 et 1988 est, sur
ces questions, riche d'enseignement. I1 montre que l'augmentation de la
pauvreté est essentiellement le résultat de la baisse du PIB par
tête, la réduction des inégalités ayant plutôt
eu pour effet de contribuer à la réduction de la pauvreté,
et surtout de l'extrême pauvreté.
Ainsi, s'il n'y avait pas eu de croissance négative, la
pauvreté aurait quand même baissé de 20%, et
l'extrême pauvreté de 40%, par le seul fait de la réduction
des inégalités. De même, à Madagascar de 1962
à 1980, l'augmentation de la pauvreté rurale est essentiellement
due à l'augmentation des inégalités dans la distribution
des revenus ruraux, alors que la croissance de la pauvreté urbaine
résulte de performances médiocres en termes de croissance
(Guénard et al., 2001).
CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
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Ces résultats montrent simplement que pour
réduire la pauvreté au niveau global, il faut,
parallèlement à une relance de la croissance, mettre en place des
politiques géographiquement différenciées capables de
réduire les disparités sectorielles.
Une étude effectuée sur plusieurs capitales
africaines montre que les niveaux de pauvreté sont plus sensibles
à la variation des inégalités de revenu qu'à la
variation des revenus. Ainsi, pour l'ensemble formé d'Abidjan, Bamako,
Conakry, Ouagadougou et Yaoundé, toute augmentation de 1% du coefficient
de Gini se traduit par une augmentation de la pauvreté comprise entre 2
et 7% alors que l'accroissement du revenu moyen n'entraîne qu'une
augmentation de 0,5 à 1,3% de la pauvreté. A Yaoundé, un
accroissement du revenu moyen de 1% n'induit une réduction du ratio de
pauvreté que de 0,75 %.
Un autre aspect lié au niveau initial de
développement peut aussi expliquer le lien de la croissance avec la
réduction de la pauvreté. Par exemple, les pays d'Afrique et les
pays d'Amérique latine ont une élasticité du taux de
pauvreté à la croissance de l'ordre de -1. Pour les pays
d'Afrique, elle est le résultat d'un faible niveau de
développement et d'une distribution des revenus assez égalitaire
alors que pour les pays d'Amérique latine, davantage
développés, elle est le résultat des fortes
inégalités des revenus.
Epaulard (2003) présente d'autres tests
économétriques qui montrent que lorsque l'on distingue les
épisodes de croissance et ceux de contraction de l'activité, on
obtient que pour les épisodes de croissance, le taux de pauvreté
est réduit en moyenne comme le prévoit l'élasticité
théorique, alors que pour les épisodes de contraction de
l'activité et de crise, le taux de pauvreté augmente moins que ce
que prédit l'élasticité théorique.
Conformément à la littérature empirique
(Bourguignon, 2003 ; Fosu, 2010 et Epaulard, 2009), on déduit que
l'élasticité croissance du revenu à la pauvreté (en
valeur absolue) décroit avec le niveau initial des
inégalités, ainsi qu'avec la part du seuil standard de
pauvreté dans la moyenne des revenus. Cela dit, pour les régions
ou les pays présentant un niveau initial faible
d'inégalités et un niveau élevé de revenu moyen par
rapport à la pauvreté, la réponse de la réduction
de la pauvreté à la croissance du revenu par tête est plus
forte. A contrario, les pays ayant un niveau faible de revenu par tête et
une forte inégalité présenteront une faible
élasticité (en valeur absolue) croissance-pauvreté.
Cette deuxième partie nous a permis de mettre en
évidence le lien existant entre la croissance et la réduction de
la pauvreté. Selon des études faites, il a été
constaté que ce lien existe mais il
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ECONOMETRIQUES/MAOULIDA SOUDJAY 35
CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
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n'est toujours pas automatique. Pour arriver à
réduire la pauvreté, il est nécessaire
d'accélérer la croissance mais cette condition n'est pas
suffisante, d'autre facteurs sont à prendre en compte notamment les
politiques économiques mettant l'accent sur le bien-être de la
population surtout les citoyens sensiblement touchés par la
pauvreté.
Cependant dans un pays ou une zone où la
réduction de la pauvreté est devenue un objectif phare en soi
afin d'atteindre un développement très soutenu, celle-ci peut
être réalisée par la stimulation de la croissance
économique et/ou une atténuation des inégalités des
revenus et des actifs. La relation entre croissance et pauvreté tient
compte alors de la vision des économistes de développement qui
stipulent que les fruits de la croissance se diffusent automatiquement à
l'ensemble des segments de la société, conformément
à la célèbre hypothèse du « trickle down
».
D'autre part, d'autres travaux montrent que la
réduction de la pauvreté est fonction du taux de croissance et de
la variation de la distribution du revenu. De ce fait la croissance dite pro
pauvre consiste à offrir des opportunités permettant
d'améliorer la situation économique des personnes pauvres.
Cependant pour que la croissance soit bénéfique
aux pauvres, il faut que ces derniers participent massivement à
l'accroissement de la richesse nationale. Il est donc important que les
politiques économiques s'orientent sur le secteur agricole car ce
secteur emploi un effectif important des personnes vivant dans le milieu rural
qui est le milieu le plus touché par ce phénomène. D'un
autre côté, cette croissance peut agir sur les
inégalités. Une croissance accompagnée d'une forte
disparité des revenus ne contribue pas significativement à la
réduction de la pauvreté. Par conséquent, pour que la
croissance agisse significativement à la pauvreté il faut une
maitrise des inégalités donc une politique de réduction
des disparités des revenus.
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