Section 2 : Evidences empiriques de la relation entre
croissance économique et pauvreté
L'analyse de cette littérature a permis la mise en
évidence de controverses importantes entre les économistes. Si
certains montrent que, l'accroissement de la croissance a effet positif quel
que soit sa nature sur la réduction de la pauvreté d'autres
montrent que cet effet est positif s'il s'accompagne d'une réduction des
inégalités de revenus plus ou moins constante. Dans cette section
nous allons exposer dans la première partie les aspects
théoriques de l'effet positif de la croissance économique et la
pauvreté. La deuxième consiste à mettre l'accent sur les
approches théoriques des interactions entre croissance,
inégalité et pauvreté. Dans cette partie l'analyse de la
pauvreté sera faite d'une part sur l' « effet distributif » et
d'autre part sur l' « effet croissance ».
2.1 Aspects empirique de la relation entre croissance
économique et réduction de la pauvreté.
Dans la littérature portant la question de croissance
et pauvreté, nombreux des travaux empiriques ont été
mené ces dernières années. Cependant, l'expérience
du développement montre que la croissance est une condition
nécessaire mais pas suffisante pour réduire significativement la
pauvreté. La théorie de l'économie des retombées a
connu ses limites quand nombreux de pays en développement arrivant
à garder une croissance accélérée pendant plusieurs
années pourtant le taux de la pauvreté ne se réduit pas
proportionnellement avec le taux de la croissance.
Le Rapport de 1990 de la Banque mondiale sur la
pauvreté conclut que la stratégie la plus efficace pour faire
reculer la pauvreté à long terme comprend entre autre, la
création d'activités rémunératrices pour les
pauvres grâce à un modèle de croissance encourageant
l'utilisation efficace de la main d'oeuvre et l'amélioration des
conditions de vie actuelles des pauvres et de leur aptitude à saisir les
chances qui leur sont données grâce à l'accès aux
services sociaux.
CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
D'ailleurs, l'expérience des pays d'Asie de l'Est (en
particulier l'Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande) qui ont
réussi à réduire sensiblement la pauvreté à
long terme ont misé sur une croissance à forte intensité
de travail avec, au premier plan, l'agriculture. Cette stratégie a
permis d'accroitre les revenus des pauvres (Ehrhart, 2006).
Dans ces pays, la croissance orientée vers l'emploi a
suscité une demande de facteurs de production détenus par les
pauvres et, dans le même temps, l'amélioration du niveau de
compétence et la qualité de la main d'oeuvre ont permis aux
pauvres de saisir les opportunités créées par la
croissance économique. Suivant ce processus, les pauvres ont
participé à la croissance par leur forte intensité de
travail qui est un des facteurs de la production. C'est ainsi que, les
interventions des pouvoirs publics doivent être de nature à
stimuler le développement rural et à faciliter la création
d'emplois dans les zones urbaines.
Les responsables politiques Indiens viennent d'approuver ce
phénomène à travers les travaux de Srinivasan et Bardhan
(1974), lors du projet d''éradication de la pauvreté des masses
en quinze ans (de 1961 à 1976). Dans ce travail, il a été
prouvé que pour éradiquer la pauvreté uniquement des
individus pouvant bénéficier du processus de création de
revenus de l'économie, il faut compter sur un rythme annuel moyen de
croissance supérieure à 7 %.
Srinivasan montre que la relation négative entre la
croissance et la pauvreté (toutes les deux des variables
exogènes) repose sur l'hypothèse qu'une croissance plus rapide
est le resultat de facteurs de rentabilité des actifs détenus par
les pauvres. Par exemple, si l'avantage comparatif de l'économie
concernant les biens et services réside dans la production pour laquelle
les actifs des pauvres sont intensivement utilisés, une modification
exogène de la politique commerciale qui encourage la production de tels
bien et services réduira la pauvreté et augmentera le taux de
croissance, du moins à court terme, tant qu'une partie des gains
d'efficacité est investie dans l'accumulation de capital humain et
physique.
Par ailleurs, des études menées au cours des
années 1990 sur quelques pays africains montrent qu'en période de
croissance, la pauvreté a baissé : au Ghana entre 1988 et 1992,
au Nigeria entre 1985 et 1992, en Tanzanie entre 1983 et 1991.
Symétriquement, une augmentation de la pauvreté a pu être
constatée durant des phases de décroissance du PIB par tête
comme en Côte d'Ivoire entre 1985 et 1992, au Bénin entre 1986 et
1996, au Cameroun de 1987 à 1994, à Madagascar de 1960 à
1995. Par contre, aucune situation de diminution de la pauvreté en
période de récession n'a pu être constatée en
Afrique. On observe cependant des augmentations
MEMOIRE MASTER II/ METHODES STATISTIQUES ET
ECONOMETRIQUES/MAOULIDA SOUDJAY 30
CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
de la pauvreté en période de faible croissance
(Côte d'Ivoire, 1993-95, Tanzanie, 1993-95, Ouganda, 1989-95) mais aussi,
plus rarement, en période de forte croissance (Soudan, 199196). I1
semble donc qu'il existe bien une relation entre la croissance et la diminution
de la pauvreté, mais on ne peut pas affirmer qu'elle est
systématique, (Guénard et al., 2001).
En outre, Deaton et Drèze (2002) ont fait une
réflexion ces dernières décennies sur l'évolution
récente de l'inégalité et de la pauvreté en Inde.
Dans leur récent article sur la «pauvreté et
l'inégalité en Inde», les données d'enquête
fournies par trois cessions quinquennales de questionnaires (respectivement
conduites au cours des périodes 1987-1988, 1993-1994, et 1999-2000) sur
la consommation des ménages pour un panier de biens durables et non
durables ont été utilisé pour évaluer le nombre
d'individus qui vivent sous le seuil de pauvreté, divisé par la
population totale, pour obtenir ce que l'on appelle le head-count ratio.
Le premier résultat principal rapporté par ces
deux auteurs, est celui selon lequel, même lorsque l'on prend en compte
les modifications des questionnaires d'une cession à l'autre
(méthodologie officielle), ou les changements dans les indices de prix
au cours du temps (méthodologie ajustée), la pauvreté a
baissé de manière substantielle au cours des vingt
dernières années, à la fois dans les zones rurales et
urbaines. En Inde la réduction a connu une baisse importante durant ces
dernières années avec une croissance soutenue.
Autre étude portant sur la croissance et la
réduction de la pauvreté a été faite en Egypte de
1990 à 2004, relève que l'évolution des variables
d'intérêt (le taux de croissance, le niveau de pauvreté et
le degré d'inégalité) n'a pas été uniforme
sur la même période. L'auteur de cette étude, distingue
deux périodes, une (1990-1995) selon laquelle le rythme de la croissance
a été comparativement le plus faible (hausse de 1,44%) mais elle
a été suivit d'un important progrès en matière de
réduction de la pauvreté monétaire, (avec des diminutions
de l'ampleur, de la profondeur et de la sévérité de la
pauvreté respectivement égales à 11,25%, à 10,82%
et à 8,46%). Cette situation peut s'expliquer par la réduction
importante de l'inégalité dans la répartition des
dépenses (-1,20%), (Ehrhart, 2008).
Et une seconde période, dont la croissance ayant un
rythme d'accélération (+3,21%) a conduit à une
réduction substantielle du pourcentage de pauvres dans (-7,34%) et de
l'intensité de la pauvreté (-1,84%). Mais cette situation s'est
traduite par un accroissement notable de la sévérité de la
pauvreté (+4,85%), c'est-à-dire de l'indicateur de la
pauvreté qui accorde le poids le plus important au bien-être des
plus pauvres. Cette dégradation résulte de l'accentuation de
MEMOIRE MASTER II/ METHODES STATISTIQUES ET
ECONOMETRIQUES/MAOULIDA SOUDJAY 31
MEMOIRE MASTER II/ METHODES STATISTIQUES ET
ECONOMETRIQUES/MAOULIDA SOUDJAY 32
CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
l'inégalité totale mesurée par l'indice
de Gini (+2,12%). La croissance a eu donc un effet sur la réduction de
la pauvreté mais d'autre part, une augmentation des
inégalités a été observée, (Ehrhart,
2008),
D'autres études empiriques ont analysé
l'évolution de la pauvreté dans ce même pays (El-Laithy,
Lokshin et Banerji, 2003 ; World Bank and Ministry of Planning, Government of
the Arab Republic of Egypt, 2002) soit sur la période 1990/91et 2004/05.
Les auteurs montrent que la pauvreté diminue sensiblement durant les
années 90, quel que soit l'indicateur de pauvreté
considéré. Ils attribuent cette baisse importante de la
pauvreté à une forte reprise/accélération de la
croissance du PIB en 1994/95, qui s'est poursuivie jusqu'à la fin de la
décennie, (Kheir-El-Din et al., 2006).
Cependant les auteurs soulignent que la répartition des
dépenses n'a pas été uniforme. En effet, l'indice de Gini
a diminué très nettement (passant de 44,6% à 34,5%) durant
la première moitié des années 90 en raison de la hausse
des revenus agricoles qui est survenue à la suite des efforts de
stabilisation et de libéralisation entrepris par l'économie
égyptienne. En revanche, on assiste à une légère
remontée de l'inégalité des dépenses durant la
seconde moitié de la décennie. Celle-ci s'explique par
l'aggravation de l'inégalité dans la répartition des
dépenses dans les gouvernorats métropolitains et en particulier
dans ceux situés en Haute-Egypte (World Bank and Ministry of Planning,
Government of the Arab Republic of Egypt, 2002).
De ce fait, il est clair qu'à travers un
mécanisme d'accélération de la croissance, des
progrès important en matière de réduction de la
pauvreté seront observés mais ce phénomène doit
s'accompagner d'une réduction des inégalités de
distribution des revenus. Cependant la croissance impact significativement la
pauvreté une fois que les inégalités sont
maitrisés.
Par ailleurs, deux enquêtes effectuées sur 99
ménages des pays en développement et en transition, concernant la
consommation ou le revenu moyen et du taux de pauvreté (moins de 2$ par
jour), dans 47 cas, le taux de croissance annuel moyen de la consommation ou du
revenu par tête est positif, dans 42 cas il est négatif. Les
résultats de cette étude nous dit qu'en moyenne une augmentation
(resp. baisse) de 1% du revenu par tête se traduit par une baisse (resp.
une hausse) de 1,4% du taux de pauvreté (ie, l'élasticité
du taux de pauvreté à l'activité économique serait
de -1,4). En moyenne, un pays qui connaîtrait une croissance de 5%
verrait son taux de pauvreté baisser d'environ 9%, passant par exemple
de 70% à 64,6% (Épaulard, 2002).
CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
D'autres estimations économétriques sur les
mêmes données montrent que l'on peut raisonnablement conclure que
l'élasticité moyenne du taux de pauvreté serait de l'ordre
de -1,1 seulement et serait identique à la hausse et à la baisse
: une contraction de l'activité de 1% n'augmente pas la pauvreté
davantage que ne la réduit une augmentation de l'activité de 1%,
(Epaulard, 2003).
|