Chapitre II : REVUE DE LA LITTÉRATURE SUR LA
CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETÉ
Au lendemain de la dépression des années trente
et de la guerre mondiale, la théorie de la croissance comme l'essentiel
de la macroéconomie, fut naitre dans le débat économique.
Ce sont les instruments de type keynésien (taux d'intérêt
réels négatifs, crédits sélectifs, banques de
développement etc.) qui sont privilégiés pour organiser la
croissance. Les effets de cette croissance contribuent à priori dans le
développement. Cette main d'oeuvre employée permet à la
population active d'assurer un minimum de survie. De ce fait, la
problématique de la croissance et de la pauvreté, de la
redistribution des richesses et des inégalités dans les pays
Africains est au coeur des débats économiques et fait l'objet de
plusieurs travaux empiriques.
Partant du modèle néoclassique de Solow (1956)
qui fut le point du départ de la théorie de la croissance, des
théories contemporaines de la croissance jusqu'aux théories de la
croissance endogène développées ces dernières
années, nous allons au long de ce chapitre mettre en évidence la
relation croissance économique et pauvreté. La première
section s'intéresse à l'analyse théorique de la croissance
économique et son apport pour la réduction de la pauvreté
et la deuxième à l'analyse les aspects empiriques entre
croissance économiques et pauvreté.
Section 1 : Analyse théorique du lien entre
croissance économique et pauvreté
L'étude de la littérature soulève des
controverses importantes entre les économistes et entre les politiques
publiques de développement. Dans cette section, la première
partie va détailler les fondements théoriques, et la
deuxième effectuera un survol sur les récentes théories de
la croissance et son lien avec la pauvreté et la distribution des
revenus.
1.1 Fondements théoriques
La croissance a suscité beaucoup de débat dans
la littérature économique, les économistes de
développement mettaient en avant le principe d'accumulation du capital
humain dans la production de la croissance.
Dans la période des années cinquante, la
croissance économique était décomposée en trois
facteurs : la croissance de l'offre de travail, la croissance du capital et la
croissance des facteurs de productivité. L'analyse de la croissance est
devenue clair qu'à partir du modèle de Solow. En effet, le
modèle néoclassique développé par Solow (1956)
fournit le point du départ de la
CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
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théorie de la croissance. Selon sa théorie,
trois facteurs déterminent la production : le capital, le travail et la
technologie. Cette théorie est basée sur certaines
hypothèses telles que l'efficience des marchés et la
rationalité des comportements de ses différents intervenants.
La structure du modèle néoclassique repose sur
le fait que les firmes ne veulent plus acquérir de capital en raison de
la baisse des rendements marginaux qui s'explique par le fait qu'il n'y a plus
de facteur travail pour une unité supplémentaire du capital. Bien
que ce modèle soit plus clair sur les évolutions des
déterminants de la croissance, il souffre de plusieurs limites. Une des
critiques qui fut adressée concerne l'intérêt
accordé au progrès technologique. En effet, la théorie
néoclassique considère le progrès technologique comme une
variable exogène. Cette limite va être résolue, par la
suite, par la théorie de croissance endogène. Comme son nom
l'indique, cette théorie considère le progrès
technologique comme une variable endogène. Elle met l'accent sur trois
déterminants principaux de la croissance : la recherche et le
développement, le capital humain, et l'innovation.
Durant les années cinquante et soixante marquée
par l'influence accrue des écris des économistes de
développement, la Banque mondiale pensait que la meilleure façon
d'aider les pauvres, c'était de stimuler la croissance
économique. Elle avait donc foi dans les retombées positives sur
les pauvres d'une croissance rapide tirée par les investissements lourds
en capital physique et dans les infrastructures économiques. Cette foi
à la croissance prenait son origine dans l'hypothèse selon
laquelle ses avantages finiraient par être largement distribués en
masses sous la forme d'emplois ou d'autres opportunités
économiques, (Ehrhart, 2006).
Le lien entre croissance et pauvreté a
été soutenu depuis les classiques et les économistes
modernes. Adam Smith était formel au sujet de l'importance de la
croissance dans la réduction de la pauvreté. « Elle est en
phase de progression lorsque la société est en phase de
constitution de la richesse plutôt qu'au stade d'aboutissement, et
lorsque les conditions des pauvres qui travaillent, c'est-à-dire la
majorité de la population, semblent être les plus heureuses et les
plus confortables. Ces conditions sont difficiles quand la relation
croissance/pauvre est à l'état stationnaire, et misérables
à l'état déclin » (Smith, 1937).
Plus récemment, Lewis (1955), dans son enquête
magistrale sur la croissance, a abordé de façon exhaustive
plusieurs aspects de la croissance, y compris sa relation avec la
pauvreté. Son annexe, intitulée « La croissance est-elle
souhaitable ? » anticipe tout ce que les critiques contemporains ont dit
sur la croissance, et va même au-delà ! Mais bien entendu, Smith
et Lewis
MEMOIRE MASTER II/ METHODES STATISTIQUES ET
ECONOMETRIQUES/MAOULIDA SOUDJAY 21
MEMOIRE MASTER II/ METHODES STATISTIQUES ET
ECONOMETRIQUES/MAOULIDA SOUDJAY 22
CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
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avaient écrit bien avant la réapparition
récente des régressions sur différents pays, et avant que
Wolfensohn, le président de la Banque mondiale, et son Grand Vizir de
l'économie de l'époque, Joseph Stiglitz, n'aient
été considérés comme partisans de ceux qui
mettaient en doute l'existence, le sens et la force de ladite relation
(Wolfensohn et al., 1999)
En effet, particulièrement, les modèles de
développement « classiques » de Lewis (1954) et de Fei et
Ranis (1961) suggéraient que la croissance du secteur industriel, si
elle était soutenue, conduirait effectivement à une propagation
de ses bénéfices à travers, tout d'abord, un effet de
diffusion verticale vers le bas (vertical trickle-down effect) des riches vers
les pauvres dans le secteur moderne puis via un effet de diffusion horizontale
(horizontal spread effect) de l'enclave industrielle en expansion vers le
secteur traditionnel3. C'est par cet effet redistributif, (via les
dépenses publiques ou privées) que les pauvres pouvaient en
profiter à leur tour.
Cette croyance en l'économie des retombées
implique donc que, même si la pauvreté diminue substantiellement
dans un contexte de croissance rapide, il n'en demeure pas moins que,
conformément aux enseignements des modèles d'une économie
duale de Lewis (1954) et de Fei et Ranis (1961) et à la
célèbre conjecture de Kuznets (1955), les
inégalités de revenu commencent par augmenter puis
décroît au fur et à mesure que l'économie se
développe, les bénéfices de la croissance allant
inévitablement, au cours des premières étapes du
développement, davantage aux riches qu'aux pauvres avant de se diffuser
automatiquement par la suite plus largement au sein des couches sociales les
plus défavorisées de la population.
Du fait que, la réduction de la pauvreté devait
arriver non seulement graduelle mais aussi dans un ordre hiérarchique
bien précis, elle concernerait d'abord les capitalistes et les
travailleurs urbains puis les paysans, (Ehrhart, 2006). La répartition
des revenus est donc considérée étant indispensable
à la réalisation d'une croissance profitable aux pauvres. Il
devait donc il y avoir un compromis clair entre répartition et
croissance.
Dans une telle configuration, les bénéfices que
les pauvres tirent de la croissance ne peuvent être qu'indirects et
amoindris. C'est dans cette perspective que les économistes de
développement ont proposé la croissance pro-pauvre comme solution
à ces résultats insatisfaisants, en termes de réduction de
la pauvreté. Elle peut être définie comme un processus qui
permet aux pauvres de participer activement à la croissance
économique et d'en être ainsi les premiers
bénéficiaires. On parlera alors de croissance inclusive.
3 Pour une présentation des différentes
versions du trickle-down effect, voir notamment Arndt (1983).
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En effet, une croissance économique forte peut induire
des résultats mitigés en matière de réduction de la
pauvreté dans un contexte de forte inégalité de revenu
(Addison et Cornia, 2001). Cette évidence intéressante remet
d'emblée en cause la théorie Kaldorienne (Kaldor 1956), selon
laquelle une forte inégalité est utile pour la croissance
économique, car les plus riches ont une plus forte propension à
épargner que les pauvres; ce qui est essentielle pour l'investissement
en capital physique et donc pour la réduction de la pauvreté.
Ainsi, des fortes inégalités affectent
négativement la croissance du produit par tête (Benabou, 1996 ;
Perotti, 1996). Pour réduire la pauvreté, la croissance doit
s'accompagner de la mise en place de politiques de réduction des
inégalités présentes et futures (Bourguignon, 2003; Cling
et al, 2002). La redistribution des revenus et des richesses jouent alors un
rôle crucial dans la relation croissance-pauvreté. Cela dit,
l'impact de la croissance économique sur la pauvreté
dépend de la manière dont la croissance agit sur les
inégalités.
Selon la théorie économique, un niveau
élevé de croissance est essentiel pour réduire la
pauvreté (Dollar et Kraay, 2001, 2002 ; Ravallion, 2004). Mais en
Afrique, les élasticités de la croissance-pauvreté
différenciées souvent faibles, ont nourri et relancé le
débat économique sur le sujet. Le nombre persistant de pauvres
dans le monde notamment dans les pays en développement et ayant parfois
de forte croissance remet au coeur des débats l'efficacité de
cette croissance à réduire la pauvreté (Epaulard,
2003).
Dans la mesure où d'autres auteurs pensent que la
croissance économique ne contribue pas directement à la
réduction de la pauvreté dans l'Afrique, la littérature
ressente met en évidence la problématique de la croissance
pro-pauvre. Elle a montré le rôle ou l'importance de la
redistribution des fruits de la croissance pour lutter efficacement contre la
pauvreté.
Depuis les travaux pionniers de Kuznets (1955), mettant en
évidence la relation en forme de « U inversée »
postulant que les inégalités générées par la
croissance économique tendent à augmenter dans les
premières phases du développement du fait des changements dans la
structure économique et à baisser par la suite, plusieurs travaux
empiriques ont montré que cette relation n'est pas souvent
vérifiée.
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