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Croissance économique et pauvreté dans les pays de l’UEMOA.


par Soudjay MAOULIDA
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) - Master 2 méthodes statistiques et économétriques 2016
  

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Section 2 : Croissance pro-pauvres et politiques de réduction de la pauvreté au sein de l'UEMOA

Au cours de la dernière décennie, les Etats de l'UEMOA se sont engagés à des reformes importantes pour redresser leur cadre macroéconomique afin de lutter contre la pauvreté. Cela à travers un ensemble de politique inclusive et une croissance rapide malgré jugé insuffisante.

1. Croissance pro-pauvres et leur extension aux dimensions non monétaires de la pauvreté

Nouvellement apparue, la croissance pro-pauvre accorde un intérêt très particulier aux pauvres. Les économistes ont été contraints d'admettre que la croissance elle seule ne suffisait pas à réduire la pauvreté. Ils mettent à présent l'accent sur la croissance pro-pauvre « pro-poor growth (PPG), concept qui représente un véritable dépassement de l'approche dite du « trickle down2 » (« effet de diffusion vers le bas »).

Dans la mesure où la réduction de la pauvreté est considérée comme objectif prioritaire dans l'agenda du développement, celle-ci peut être atteinte par la stimulation de la croissance économique et/ou par une atténuation des inégalités des revenus. En outre, la pauvreté peut être attaquée d'abord par des politiques de croissance inclusive à travers des politiques industrielles intensives en main-d'oeuvre. Deuxièmement la redistribution, qui demande des bases fiscales assez puissantes et stables. Enfin, investir dans le capital humain des personnes les plus pauvres en leur donnant accès à de meilleurs systèmes de santé et d'éducation.

La relation croissance et pauvreté émerge fondamentalement, deux visions concurrentes. Une vision dont l'économie du développement a largement insisté en expliquant que les fruits de la croissance se diffusent automatiquement à l'ensemble des segments de la société, conformément à la célèbre hypothèse « trickle down ». Plus précisément, cette hypothèse laisse comprendre que les riches seront les premiers à bénéficier les fruits de la croissance puis par un effet redistributif, les pauvres en profiteraient à leur tour. De ce fait, le développement est appréhendé comme un flux de richesses allant des riches vers les pauvres. Dans une telle situation, les effets de la croissance sur les pauvres ne peuvent être qu'amoindris.

2 Le terme trickle-down, qui désigne l'économie des retombées, décrit, en fait, la croissance capitaliste dans une économie de marché comme étant un processus inégalitaire du point de vue distributif et dont les bénéfices se propagent de manière graduelle et en général de façon incomplète d'une minorité vers la majorité de la population.

MEMOIRE MASTER II/ METHODES STATISTIQUES ET ECONOMETRIQUES/MAOULIDA SOUDJAY 13

CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE L'UEMOA

Le résultat issu d'un certain nombre d'études empiriques récentes suggère qu'en moyenne, les revenus des pauvres augmentent dans la même proportion que le revenu global, de sorte que « la croissance est bonne pour les pauvres ». Ceci implique que la clé de la réduction de la pauvreté est une croissance économique rapide et que les gouvernements n'ont donc pas besoin de poursuivre des politiques de PPG (Dollar et Kraay, 2002).

Cependant, d'autres études empiriques soulignent l'existence des fortes différences sur la manière dont les pauvres perçoivent les dividendes de la croissance économique, qui reposent sur des différences importantes et spécifiques aux pays en matière de répartition initiale des revenus et des actifs. En conséquence, une stratégie de lutte contre la pauvreté doit incorporer des programmes de redistribution en faveur des pauvres (Ravallion, 2001).

La relation entre croissance et pauvreté est complexe et fait intervenir le niveau et les variations des inégalités économiques et sociales. D'un point de vue théorique, le concept de PPG s'appuie sur les travaux récents portant sur le triangle pauvreté-inégalité-croissance (Bourguignon, 2003). Ces travaux montrent que la réduction de la pauvreté est fonction du taux de croissance et de la variation de la distribution du revenu.

De manière générale, la PPG peut se définir comme la croissance qui bénéficie aux pauvres et leur offre des opportunités d'améliorer leur situation économique. Mais cette définition ne donne aucune indication du degré et du seuil à partir duquel la croissance peut être considérée comme telle. Toutefois, elle présente l'intérêt de rappeler que les stratégies de développement doivent s'intéresser aux deux dimensions « croissance » et « pauvreté » en y intégrant le rôle déterminant joué par la redistribution.

C'est clair que la croissance est une composante nécessaire mais elle seule ne peut pas réduire la pauvreté. Dans la plupart des pays de l'UEMOA, le taux de croissance économique annuel moyen excède rarement 5 % sur la période 1994-2016. Même pour les pays ayant une croissance moyenne qui excède 5%, le taux réalisé est inférieur au minimum requis pour pouvoir lutter efficacement contre la pauvreté.

En tenant compte des élasticités entre croissance et la réduction de la pauvreté, une étude de la CEA a montré que, pour réduire la pauvreté de moitié en 17 ans dans les Etats de l'UEMOA, il faut une croissance annuelle d'au moins 7 %. Avec un taux de croissance pareil, la pauvreté diminuera significativement de 4 % par an. Globalement, les performances économiques n'ont pas été suffisantes pour réduire substantiellement la pauvreté (Voir tableau 2).

MEMOIRE MASTER II/ METHODES STATISTIQUES ET ECONOMETRIQUES/MAOULIDA SOUDJAY 14

CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE L'UEMOA

Avec un taux de croissance annuel moyen de 4 % à 5 % retenu pour le moyen terme dans les documents de stratégies de réduction de la pauvreté (DSRP) nationaux et une incidence de la pauvreté de 30 à plus 80 % en 1998, il était difficile aux Etats membres de réduire de moitié la pauvreté pendant la période escomptée notamment jusqu'à en 2015.

Ainsi, le Bénin aurait besoin d'un taux de croissance de 6.6% alors que son taux de croissance moyen entre 1994 et 2016 était de 4.32%. Quant au Sénégal, il aurait besoin d'un de croissance de 6,30% alors que son taux de croissance moyen entre 1994 et 2016 était de 4.06%. Le Togo est le pays qui a besoin d'un taux très élevé dans la zone notamment 8,16% pour pouvoir réduire significativement la pauvreté, or dans la période 1994 à 2016, son niveau de croissance moyenne est mitigé avec un taux de 3,88% largement faible pour atteindre cet objectif (CEA, 1999)

Tableau 2: Estimations de l'élasticité de la croissance de la pauvreté et du taux de croissance du FIB requis pour réduire l'incidence de la pauvreté de 4 % par an.

Elasticité de la Croissance Taux de croissance Taux de croissance

croissance de la requise par de la population du PIB requis

pauvreté habitant

Bénin

-1,8

3,70

2.90

6,60

Burkina

-1,01

3,96

2.80

6,76

Côte d'Ivoire

-1,06

3,77

3,10

6,87

Guinée Bissau

-0,88

4,55

2,10

6,65

Mali

-0,81

4,94

2,80

7,74

Niger

-0,62

6,45

3,3

9,75

Sénégal

-1,08

3,70

2,60

6,30

Togo

-0,79

5,06

3,10

8,16

Source : CEA : Rapport Economique sur l'Afrique, 1999

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MEMOIRE MASTER II/ METHODES STATISTIQUES ET ECONOMETRIQUES/MAOULIDA SOUDJAY 16

CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE L'UEMOA

? Concept de croissance pro-pauvre et indicateur de politique pro-pauvres

La croissance pro-pauvre est définie au sens large, comme toute croissance qui réduit significativement la pauvreté (OCDE, 2001 et Nations unies, 2000). Cependant, pour donner une définition très pointue de ce concept, deux approches sont généralement appréhendées:

- L'approche dite "relative" considère une croissance pro-pauvres lorsque les plus pauvres bénéficient plus que les autres des fruits de la croissance, la croissance est donc accompagnée d'une réduction des inégalités (White et Anderson, 2001 ; Kakwani et Pernia, 2000).

- La seconde, dite «absolue», considère comme croissance pro-pauvres une croissance qui accélère la croissance du revenu des pauvres indépendamment de l'évolution des inégalités (Ravallion and Chen, 2003).

L'analyse empirique indique que souvent l'effet de la croissance économique sur la pauvreté est positif et l'impact de l'inégalité sur la pauvreté est négatif. Cependant, la pauvreté peut s'accroître si l'inégalité des revenus s'accentue au cours du processus de croissance. Ainsi, la grande question qui se pose est de savoir comment accélérer le rythme de réduction de la pauvreté et de l'inégalité. Quelles sont les politiques pro-pauvres les plus efficaces ?

Pour donner des piste de réponse, Kakwani (1993, 2001) propose « le taux marginal proportionnel de substitution entre la croissance et l'inégalité des revenus ». Ce taux indique le pourcentage d'accroissement du revenu moyen nécessaire pour que la pauvreté ne change pas consécutivement à une variation de 1 % de l'indice de Gini. Il est égal au rapport - précédé du signe moins - entre l'élasticité partielle de la pauvreté par rapport à l'indicateur de l'inégalité (í) et l'élasticité croissance de la pauvreté (ç).

IGTI = (1)

Ti

Plus ce rapport est grand (>1), plus grands sont les avantages des politiques pro-pauvres de redistribution qui réduiraient l'inégalité. Plus l'IGTI est petit (<1), plus grands sont les avantages des politiques de croissance pro-pauvres. Ainsi, pour des pays où l'inégalité initiale est élevée, même de faibles réductions de l'inégalité auront un impact significatif sur la réduction de la pauvreté.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon