Section 2 : Croissance pro-pauvres et politiques de
réduction de la pauvreté au sein de l'UEMOA
Au cours de la dernière décennie, les Etats de
l'UEMOA se sont engagés à des reformes importantes pour redresser
leur cadre macroéconomique afin de lutter contre la pauvreté.
Cela à travers un ensemble de politique inclusive et une croissance
rapide malgré jugé insuffisante.
1. Croissance pro-pauvres et leur extension aux dimensions
non monétaires de la pauvreté
Nouvellement apparue, la croissance pro-pauvre accorde un
intérêt très particulier aux pauvres. Les
économistes ont été contraints d'admettre que la
croissance elle seule ne suffisait pas à réduire la
pauvreté. Ils mettent à présent l'accent sur la croissance
pro-pauvre « pro-poor growth (PPG), concept qui représente un
véritable dépassement de l'approche dite du « trickle
down2 » (« effet de diffusion vers le bas »).
Dans la mesure où la réduction de la
pauvreté est considérée comme objectif prioritaire dans
l'agenda du développement, celle-ci peut être atteinte par la
stimulation de la croissance économique et/ou par une atténuation
des inégalités des revenus. En outre, la pauvreté peut
être attaquée d'abord par des politiques de croissance inclusive
à travers des politiques industrielles intensives en main-d'oeuvre.
Deuxièmement la redistribution, qui demande des bases fiscales assez
puissantes et stables. Enfin, investir dans le capital humain des personnes les
plus pauvres en leur donnant accès à de meilleurs systèmes
de santé et d'éducation.
La relation croissance et pauvreté émerge
fondamentalement, deux visions concurrentes. Une vision dont l'économie
du développement a largement insisté en expliquant que les fruits
de la croissance se diffusent automatiquement à l'ensemble des segments
de la société, conformément à la
célèbre hypothèse « trickle down ». Plus
précisément, cette hypothèse laisse comprendre que les
riches seront les premiers à bénéficier les fruits de la
croissance puis par un effet redistributif, les pauvres en profiteraient
à leur tour. De ce fait, le développement est
appréhendé comme un flux de richesses allant des riches vers les
pauvres. Dans une telle situation, les effets de la croissance sur les pauvres
ne peuvent être qu'amoindris.
2 Le terme trickle-down, qui désigne
l'économie des retombées, décrit, en fait, la croissance
capitaliste dans une économie de marché comme étant un
processus inégalitaire du point de vue distributif et dont les
bénéfices se propagent de manière graduelle et en
général de façon incomplète d'une minorité
vers la majorité de la population.
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CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
Le résultat issu d'un certain nombre d'études
empiriques récentes suggère qu'en moyenne, les revenus des
pauvres augmentent dans la même proportion que le revenu global, de sorte
que « la croissance est bonne pour les pauvres ». Ceci implique que
la clé de la réduction de la pauvreté est une croissance
économique rapide et que les gouvernements n'ont donc pas besoin de
poursuivre des politiques de PPG (Dollar et Kraay, 2002).
Cependant, d'autres études empiriques soulignent
l'existence des fortes différences sur la manière dont les
pauvres perçoivent les dividendes de la croissance économique,
qui reposent sur des différences importantes et spécifiques aux
pays en matière de répartition initiale des revenus et des
actifs. En conséquence, une stratégie de lutte contre la
pauvreté doit incorporer des programmes de redistribution en faveur des
pauvres (Ravallion, 2001).
La relation entre croissance et pauvreté est complexe
et fait intervenir le niveau et les variations des inégalités
économiques et sociales. D'un point de vue théorique, le concept
de PPG s'appuie sur les travaux récents portant sur le triangle
pauvreté-inégalité-croissance (Bourguignon, 2003). Ces
travaux montrent que la réduction de la pauvreté est fonction du
taux de croissance et de la variation de la distribution du revenu.
De manière générale, la PPG peut se
définir comme la croissance qui bénéficie aux pauvres et
leur offre des opportunités d'améliorer leur situation
économique. Mais cette définition ne donne aucune indication du
degré et du seuil à partir duquel la croissance peut être
considérée comme telle. Toutefois, elle présente
l'intérêt de rappeler que les stratégies de
développement doivent s'intéresser aux deux dimensions «
croissance » et « pauvreté » en y intégrant le
rôle déterminant joué par la redistribution.
C'est clair que la croissance est une composante
nécessaire mais elle seule ne peut pas réduire la
pauvreté. Dans la plupart des pays de l'UEMOA, le taux de croissance
économique annuel moyen excède rarement 5 % sur la période
1994-2016. Même pour les pays ayant une croissance moyenne qui
excède 5%, le taux réalisé est inférieur au minimum
requis pour pouvoir lutter efficacement contre la pauvreté.
En tenant compte des élasticités entre
croissance et la réduction de la pauvreté, une étude de la
CEA a montré que, pour réduire la pauvreté de
moitié en 17 ans dans les Etats de l'UEMOA, il faut une croissance
annuelle d'au moins 7 %. Avec un taux de croissance pareil, la pauvreté
diminuera significativement de 4 % par an. Globalement, les performances
économiques n'ont pas été suffisantes pour réduire
substantiellement la pauvreté (Voir tableau 2).
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CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
Avec un taux de croissance annuel moyen de 4 % à 5 %
retenu pour le moyen terme dans les documents de stratégies de
réduction de la pauvreté (DSRP) nationaux et une incidence de la
pauvreté de 30 à plus 80 % en 1998, il était difficile aux
Etats membres de réduire de moitié la pauvreté pendant la
période escomptée notamment jusqu'à en 2015.
Ainsi, le Bénin aurait besoin d'un taux de croissance
de 6.6% alors que son taux de croissance moyen entre 1994 et 2016 était
de 4.32%. Quant au Sénégal, il aurait besoin d'un de croissance
de 6,30% alors que son taux de croissance moyen entre 1994 et 2016 était
de 4.06%. Le Togo est le pays qui a besoin d'un taux très
élevé dans la zone notamment 8,16% pour pouvoir réduire
significativement la pauvreté, or dans la période 1994 à
2016, son niveau de croissance moyenne est mitigé avec un taux de 3,88%
largement faible pour atteindre cet objectif (CEA, 1999)
Tableau 2: Estimations de
l'élasticité de la croissance de la pauvreté et du taux de
croissance du FIB requis pour réduire l'incidence de la pauvreté
de 4 % par an.
Elasticité de la Croissance Taux de croissance Taux de
croissance
croissance de la requise par de la population du PIB requis
pauvreté habitant
Bénin
|
-1,8
|
3,70
|
2.90
|
6,60
|
Burkina
|
-1,01
|
3,96
|
2.80
|
6,76
|
Côte d'Ivoire
|
-1,06
|
3,77
|
3,10
|
6,87
|
Guinée Bissau
|
-0,88
|
4,55
|
2,10
|
6,65
|
Mali
|
-0,81
|
4,94
|
2,80
|
7,74
|
Niger
|
-0,62
|
6,45
|
3,3
|
9,75
|
Sénégal
|
-1,08
|
3,70
|
2,60
|
6,30
|
Togo
|
-0,79
|
5,06
|
3,10
|
8,16
|
Source : CEA : Rapport Economique sur l'Afrique, 1999
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CROISSANCE ECONOMIQUE ET PAUVRETE DANS LES PAYS DE
L'UEMOA
? Concept de croissance pro-pauvre et indicateur de
politique pro-pauvres
La croissance pro-pauvre est définie au sens large,
comme toute croissance qui réduit significativement la pauvreté
(OCDE, 2001 et Nations unies, 2000). Cependant, pour donner une
définition très pointue de ce concept, deux approches sont
généralement appréhendées:
- L'approche dite "relative" considère une croissance
pro-pauvres lorsque les plus pauvres bénéficient plus que les
autres des fruits de la croissance, la croissance est donc accompagnée
d'une réduction des inégalités (White et Anderson, 2001 ;
Kakwani et Pernia, 2000).
- La seconde, dite «absolue», considère comme
croissance pro-pauvres une croissance qui accélère la croissance
du revenu des pauvres indépendamment de l'évolution des
inégalités (Ravallion and Chen, 2003).
L'analyse empirique indique que souvent l'effet de la
croissance économique sur la pauvreté est positif et l'impact de
l'inégalité sur la pauvreté est négatif. Cependant,
la pauvreté peut s'accroître si l'inégalité des
revenus s'accentue au cours du processus de croissance. Ainsi, la grande
question qui se pose est de savoir comment accélérer le rythme de
réduction de la pauvreté et de l'inégalité. Quelles
sont les politiques pro-pauvres les plus efficaces ?
Pour donner des piste de réponse, Kakwani (1993, 2001)
propose « le taux marginal proportionnel de substitution entre la
croissance et l'inégalité des revenus ». Ce taux indique le
pourcentage d'accroissement du revenu moyen nécessaire pour que la
pauvreté ne change pas consécutivement à une variation de
1 % de l'indice de Gini. Il est égal au rapport -
précédé du signe moins - entre l'élasticité
partielle de la pauvreté par rapport à l'indicateur de
l'inégalité (í) et l'élasticité croissance
de la pauvreté (ç).
IGTI = (1)
Ti
Plus ce rapport est grand (>1), plus grands sont les
avantages des politiques pro-pauvres de redistribution qui réduiraient
l'inégalité. Plus l'IGTI est petit (<1), plus grands sont les
avantages des politiques de croissance pro-pauvres. Ainsi, pour des pays
où l'inégalité initiale est élevée,
même de faibles réductions de l'inégalité auront un
impact significatif sur la réduction de la pauvreté.
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