INTRODUCTION
L'on s'accorde qu'« Il ne fait pas de doute que la guerre
est une relation humaine et en tant que telle, elle est forcément
codifiable. Au même titre que l'on règlemente la relation entre
deux personnes qui s'aiment à travers le mariage par exemple, pourquoi
ne codifierait-on pas la relation entre deux personnes qui combattent ?
»2 Cette affirmation prouve combien, au fil des années,
les Etats ont trouvé nécessaire et même plus utile de
réglementer le domaine de la guerre à l'instar des autres
domaines de la vie humaine afin de limiter les effets néfastes qui en
sont toujours les conséquences logiques.
En effet, la guerre faisant partie des relations entre les
Etats, il fallait aussi la règlementer : il y a eu tout d'abord des
règles non écrites, fondées sur la coutume qui ont
règlementé les conflits armés. Puis, progressivement sont
apparus des traités bilatéraux plus ou moins
élaborés, les Cartels,3 que les belligérants
ratifiaient parfois après la bataille ; il y'avait également des
règlements que les Etats édictaient pour leurs troupes. Le droit
alors applicable dans la guerre fut limité dans le temps et dans
l'espace en ce sens qu'il ne pouvait régir parfois qu'une bataille ou un
conflit déterminé. Signalons que ces règles variaient
aussi suivant les époques, les lieux, la morale, les civilisations,
etc.
Quincy Wright avait raison quand il écrivait dans A
study of war que « dans l'ensemble, on peut trouver dans les
méthodes de guerre des peuples primitifs l'illustration des divers
genres des lois internationales de la guerre actuellement connues : lois qui
distinguent différentes catégories d'ennemis ; règles
définissant les circonstances, les formalités et le droit de
commencer et de terminer la guerre ; règles prescrivant des limites aux
personnes, aux saisons, aux lieux, ainsi qu'à la conduite de la guerre ;
et même des règles qui mettent la guerre hors la loi.» Cela
démontre avec exactitude qu'il y a eu des règles qui ont
préexisté au Droit international humanitaire (DIH)
actuel.
Deux hommes, parmi les pionniers du DIH, inventèrent le
DIH actuel : Henry DUNANT et Guillaume-Henri DUFOUR. Le premier dans
son ouvrage intitulé « lin souvenir de Solferino » et
le second, avec ses expériences
2 NOUWEZEM S.S., L'application des règles du Droit
international humanitaire dans les conflits en Afrique : étude des cas
ivoirien et congolais (RDC), Mémoire de recherche pour l'obtention
du diplôme d'université de 3ème cycle, Université de
Nantes, Université Paris II Panthéon Assas, Université
Paris X Nanterre, Université Paris XII Val-de-Marne, 2003-2004, p.7.
3 Historiquement, écrit par lequel on défiait
quelqu'un pour un combat singulier ou un défi par écrit pour un
combat dans une fête comme au tournoi.
TSHIBUABUA KABIENAKULUILA
2
d'homme de guerre, a apporté trop vite son soutien
moral et actif au premier, notamment en présidant la conférence
diplomatique de 1864.
Le DIH fait partie du droit international ou droit
des gens. L'expression « droit des gens »4 est synonyme du
droit international public ou droit international qui se définit comme
l'ensemble des règles juridiques régissant les relations entre
les Etats ainsi qu'avec les autres membres de la société
internationale ou communauté internationale.
Le DIH est une branche du droit en constante
évolution. Les modes de conduite de la guerre ne cessent de changer, si
bien que son corpus juridique est tenu de s'adapter constamment à cette
évolution pour éviter que des failles n'apparaissent dans la
protection qu'il offre.
Les changements juridiques s'adaptent essentiellement aux
faits juridiques. Aujourd'hui, le DIH qui jadis était
créé pour réglementer les conflits armés entre
Etats au niveau international ou les conflits armés internationaux,
s'est tourné aussi vers les conflits non internationaux partant de ce
que ces derniers sont devenus de plus en plus importants et ont un impact
certain sur la scène internationale.
Le DIH s'est développé ainsi par
étapes pour répondre, trop souvent a postériori, à
des besoins humanitaires toujours croissants résultant de
l'évolution des armements et des types de conflits. Certains conflits
ont influencé plus ou moins immédiatement l'évolution du
DIH par leur gravité (Ex : 1ère guerre
mondiale, 2nde guerre mondiale, ...). C'est dans ce sens qu'en 1949,
la communauté internationale réagit au bilan de la seconde guerre
mondiale tout particulièrement aux persécutions effroyables dont
les civils ont été victimes, notamment par la révision des
conventions en vigueur alors et par l'adoption d'un nouvel instrument : la
4ème Convention de Genève protégeant les
civils, et venant comme pour compléter les 3 autres
préexistantes.
En 1874, une conférence diplomatique convoquée
à Bruxelles à l'initiative du Tsar Alexandre II de Russie, adopte
un projet d'une déclaration internationale concernant les lois et
coutumes de la guerre. Certains gouvernements présents ne souhaitant pas
être liés par une quelconque convention, refusent la ratification
de ce texte. Malgré ce geste, ce texte marqua une étape
très importante dans la codification des lois de la guerre. Dans le
4 Grotius (Hugo de Groot, 1585-1645) juriste et diplomate
néerlandais, a exercé une influence considérable sur la
théorie du droit et de l'Etat en général et sur celle du
droit international en particulier. Il est le père du « droit des
gens ». A la suite de la réforme qui divisait la
chrétienté en Europe, il a estimé que le droit
n'était plus désormais l'expression de la justice divine, qu'il
ne précédait plus l'action mais en découlait. D'où
la nécessité de trouver un autre principe d'unité pour les
relations internationales. Le « droit des gens » fournira ce
principe. Dans son ouvrage intitulé Droit de la guerre et de la paix,
Grotius énumère des règles qui sont les bases les plus
solides du droit de la guerre.
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3
même ordre d'idée, la XVème
Conférence internationale de la Croix Rouge à Tokyo approuve un
autre texte relatif aux civils de nationalité ennemie se trouvant sur le
territoire du belligérant [...]5, texte qui reste à
son tour lettre morte. S'en est suivi par après la célèbre
seconde guerre mondiale en 1945 avec toutes les conséquences connues.
C'est alors qu'en 1949 l'on connut l'adoption des Conventions de Genève,
qui sont toujours complétées par des Protocoles dits additionnels
de 1977 ; ceux-ci restant des textes juridiques qui viennent pour
compléter les premiers.
L'apparition des Protocoles additionnels est due notamment au
refus des pays décolonisés de vouloir adhérer à des
conventions auxquelles ils n'étaient pas parties au moment de leur
adoption (la plupart des pays étaient encore colonisés en 1949) ;
et, considérant qu'il serait dangereux le fait de réviser les
conventions existantes au risque de remettre en question certains acquis de
1949 juste pour besoin d'adhésion de ces Etats, on imagina dans
l'idée de renforcer la protection des victimes des conflits
armés, l'adoption des nouveaux textes sous la forme de Protocoles
additionnels aux Conventions de Genève.
La jurisprudence des instances judiciaires, mais aussi des
organes conventionnels, demeure une source importante d'interprétation
de ces textes juridiques et joue un rôle fondamental dans
l'évolution du système du DIH.
Mais pour appliquer les règles convenablement et,
surtout, assurer une protection adéquate aux populations
exposées, il faut bien comprendre les relations réciproques entre
les différentes normes et la manière dont elles se
complètent et se conjuguent pour offrir la protection la plus rigoureuse
possible.
Malheureusement, les conflits armés s'accompagnent
toujours des terribles souffrances humaines, qui sont bien trop souvent dues
à des violations du DIH.
Elles affectent non seulement les belligérants, mais
aussi les civils qui sont de plus en plus souvent les premières victimes
des conflits à l'interne comme à l'international. Il arrive
même parfois que des civils soient pris pour cible et soumis à
d'horribles atrocités en violation flagrante des Conventions de
Genève, qui sont destinées à protéger ceux qui ne
prennent pas ou plus part aux hostilités.
Voilà pourquoi, « Dans un monde de plus en plus
complexe, les conflits sont non seulement plus répandus et susceptibles
de déborder des frontières nationales, mais ils présentent
également des formes de violence plus
5 CICR, Droit international humanitaire. Guide à
l'usage du parlementaire n°25, Genève, 2016, p.3.
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4
inhabituelles. Alors que le visage et la pratique des guerres
modernes se transforment profondément, la nécessité de
respecter et de protéger les civils est plus urgente que jamais.
»6
Or, la souffrance n'est en aucun cas inévitable : nous
avons la capacité et les moyens de l'empêcher. Les Conventions de
Genève et leurs Protocoles additionnels sont des puissants
mécanismes qui ont été conçus pour protéger
ceux qui ne participent pas aux combats ou ont cessé d'y participer ;
ceci n'étant pas toujours évident car les conventions de
Genève ont connu un début plutôt difficile.
Les conflits armés non internationaux sont actuellement
intenses et complexes ; ils sont à la base d'abominables souffrances et
sont particulièrement fréquents en RDC, le cas du Kasaï
étant récemment parlant.
Dans un pays comme le nôtre, où une complaisance
dangereuse se développe à l'égard du respect des lois, la
pertinence et l'importance de cette branche du droit n'ont peut-être
jamais préoccupé ceux qui sont censés être
considérés comme bouches et garants de la loi, alors
qu'en réalité il s'agit d'une question qui prend la dimension des
Droits de l'homme et de facto une préoccupation à
portée universelle.
Cela étant, nous nous sommes posé la question
suivante : « Comment assurer la protection effective des droits des
personnes pendant les conflits armés internes à l'instar des
règles du DIH, étant donné que parler d'une
protection effective sous-entend normalement que la protection n'est pas
efficace ou tout simplement que la protection est de façade. La
loi est là, mais l'application est inexistante, bien qu'il reste
à le démontrer au cours de ce travail dans le cadre du DIH.
Entendu que le DIH reste lié aux Droits de
l'homme, il est donc important de faire montre du contenu de chacun de ces
droits (DIH et DIDH) qui doivent être considérés comme des
règles impératives de Droit, surtout en temps où l'ordre
public est bouleversé : la guerre.
Par ailleurs, il s'agit d'un domaine hautement politisé
dans lequel les responsables politiques et représentants des peuples
doivent être à l'avant-garde des efforts visant à s'assurer
que le DIH est appliqué scrupuleusement. Cela pose encore
d'énormes problèmes à cause des intérêts
politiques multiformes qui motivent les acteurs politiques congolais à
autre chose qu'à l'effectivité législative. D'où
l'impérieux souci d'informer et de former la classe politique quant
à ce.
6CICR, Op.cit., p.3.
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5
Alors que les victimes des conflits dans toutes les
régions du monde nous rappellent chaque jour que la
responsabilité de protéger les personnes les plus
vulnérables et de mettre fin à la souffrance humaine est une
responsabilité collective, le pouvoir qu'ont les dirigeants de notre
pays (République démocratique du Congo) de changer la vision
des choses en prenant des dispositions au plan national à cette fin est
immense.
Parler du DIH et des défis des conflits du
Kasaï, le cas des conflits Kamuina Nsapu en République
démocratique du Congo (RDC) revient à adapter le profil des
règles humanitaires aux réalités courantes des conflits
internes en vue d'en dégager les mérites et les limites. Ceci
dans le but de vérifier si la protection valable des droits humains a
été assurée dans différents conflits internes en
RDC prenant pour référence les conflits Kamuina Nsapu au
Kasaï.
« Si tous les pays ont ratifié les Conventions de
Genève de 1949, bon nombre d'entre eux n'ont pas encore ratifié
les Protocoles additionnels de 1977 et les traités de DIH ou
n'y ont pas adhéré. La ratification universelle des instruments
du DIH est un premier pas essentiel pour s'assurer que les personnes
ayant droit à une protection prévue en droit en
bénéficient effectivement. »7 Avant de proposer
d'autres voies de sortie pour ce faire.
Pour qu'il y ait application du DIH, il faut une
condition objective qui est une situation de guerre. Ainsi,
l'application ne dépendra ni de la nature du conflit ni de la
genèse du conflit, mais uniquement elle vient régenter le cadre
du conflit, limite les moyens de la guerre, protège des personnes
s'étant rendues ou n'ayant pas participé au conflit, les civils
non impliqués dans les conflits, etc.
Le DIH s'applique dans deux situations, ou même
connait deux régimes dans lesquels il s'applique :
? Le conflit armé international est
régi par la Convention de Genève de 1949 et le Protocole
additionnel I de 1977. Le DIH s'adresse aux parties impliquées
dans un conflit armé et protège tout individu ne participant pas
ou ne participant plus activement au conflit ; qu'il s'agisse des militaires
blessés, des prisonniers de guerre ou de la population civile qui peut
être constituée des étrangers ou des nationaux, personnels
sanitaires, religieux, etc.
Il faut aussi ajouter à la catégorie de conflits
armés internationaux la guerre de libération nationale, telle que
définie à l'article 1er du Protocole additionnel
I.8
7CICR, Op.cit., p.4.
8 Article 1er du Protocole additionnel I de 1977.
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6
? Le conflit armé non international
est régi par l'application de l'article 3 commun aux quatre Conventions
de Genève et le Protocole additionnel II. Les règles qui
régissent les conflits internes sont moins élaborées que
celles couvrant le conflit international. Cette difficulté est due au
fait que l'on se heurte au principe capital de la souveraineté des
Etats, car ce sont des conflits qui se déroulent en
général sur un territoire d'un Etat donné.
Au début du DIH, la Convention de
Genève de 1864 posait déjà les bases du Droit humanitaire
contemporain, avec comme caractéristiques :
- Des règles permanentes, écrites, universelles
qui tendent à protéger les victimes des conflits ;
- Un traité ouvert à tous les Etats du monde
;
- L'obligation de donner les soins sans discrimination aux
militaires blessés et malades ;
- Le respect de signalisation par un emblème (croix
rouge sur un fond blanc) du personnel sanitaire et du matériel et des
équipements sanitaires.
Le DIH est un domaine très important qui
nécessite une attention et un respect particuliers car, comportant des
aspects humanitaires universellement reconnus.
« Ainsi, les États doivent assurer à leurs
forces armées une formation au droit international humanitaire afin
d'éviter les violations éventuelles ; ils doivent en encourager
l'enseignement à la population civile ; il faut que soit adoptée
une législation interne qui donne effet à ses dispositions, et
qui traite notamment des crimes de guerre ; les États doivent poursuivre
les personnes qui ont commis de tels crimes. Les poursuites consécutives
des crimes de guerre qui constituent des violations graves des Conventions de
Genève et du Protocole I doivent être menées
conformément au principe de la compétence universelle,
c'est-à-dire indépendamment du lieu où le crime a
été commis et de la nationalité tant de l'auteur que des
victimes. Ainsi, certaines infractions au DIH peuvent être
constatées et leurs auteurs sanctionnés hors du cadre temporel et
géographique des hostilités elles-mêmes. »9
Il importe toutefois, avant de traiter de notre sujet dont la
problématique de mise en oeuvre reste pertinente, de définir
certaines étapes constitutives de notre travail.
9Nations Unies, la protection juridique
internationale des droits de l'homme dans les conflits armés, New
York et Genève, 2011, p.126.
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7
A. PROBLEMATIQUE
La problématique est définie selon Georgetta
CISLARU, Camille CLAUDEL et VLAD comme « l'introduction du travail de
recherche car elle permet de poser des jalons, de fixer des objectifs et
d'attirer l'attention du lecteur »10. Pour cela, entendons que
c'est la problématique qui identifie ou définit le type de
travail, son objet et ses objectifs et même oriente le travail.
Qui plus est, ils ajoutent que la problématique
identifie un secteur « incomplet » dans les recherches
antérieures faites dans le même domaine et se positionnent, donc,
à l'intérieur de ce secteur.11
Notre problématique se posant, nous ferons une
constatation avant de l'étaler. Cela constitue en ce que « les
conflits armés en Afrique restent une réalité tristement
actuelle ».12 La RDC, Etat situé au coeur de l'Afrique,
n'en est pas épargnée pourtant.
Les règles humanitaires prévues dans les
Conventions de Genève et dans les protocoles additionnels
n'étaient pas au début conçues pour couvrir les conflits
internes, mais plutôt ceux internationaux, alors que les premiers sont
devenus de plus en plus recrudescents.
Ainsi, la problématique étant définie de
plus comme un ensemble de questions qu'une science ou une philosophie se pose
dans un domaine particulier par certains auteurs; dans le domaine des conflits
armés internes où nous avons constaté plusieurs abus de
droits de la part de ceux qui participent aux conflits internes en RDC et
particulièrement dans le Kasaï, nous devrions répondre
à la question : «quelles sont les règles applicables dans
les conflits armés internes ?», et bien évidemment autour de
cette question gravitent d'autres à savoir : « les conflits du
Kasaï sur lesquels se basent nos recherches constituent-ils des conflits
armés non internationaux ?», « comment arriver
à sauvegarder et assurer le respect spontané des règles du
DIH pendant les conflits armés internes et éviter les violations
du DIH à l'avenir ? ». Cela implique logiquement le
problème de la mise en oeuvre du DIH, du moins de
manière efficace au plan interne, et des mesures de répression,
de réparations, des actes attentatoires au DIH.
Le problème de la protection des personnes pendant les
conflits armés étant considéré à l'heure
actuelle comme un problème majeur du
10CISLARU G., CLAUDEL C., et VLAD M., cités
par SHOMBA KINYAMBA S., Méthodologie et épistémologie
de la recherche scientifique, Kinshasa, Presse de l'Université de
Kinshasa, 2016, p.38.
11Idem, p. 40.
12 NOUWEZEM S.S., Op.cit., p.6.
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8
Droit des droits de l'homme, notre travail devra
contribuer ainsi à aider à connaitre les droits garantis par les
instruments juridiques internationaux en vue de les sauvegarder au mieux.
Si l'on affirme par ailleurs que les mécanismes de
protection des personnes pendant les conflits armés internes sont mis en
place quant à ce, au-delà de toutes les conventions
internationales (en la matière) que la RDC a ratifiées, quelque
chose nous donne toujours l'impression qu'il y a lieu de se préoccuper
de l'effectivité de la mise en oeuvre de ces règles car
l'expérience des conséquences fâcheuses est très
triste à ce sujet.
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