II.1 : LE FESTIVAL DE L'ENFER
Le Hellfest est né sur les cendres du Furyfest, un
festival de musique extrême (punk hardcore, metalcore...)
créée en juin 2002. Ce festival réunit 7 000 personnes
à Clisson, dans une salle du complexe sportif du Val de Moine. En 2004,
le festival déménage au Mans et se tient dans
les halles du circuit des 24 Heures où il attire 21
000 spectateurs. Après un déficit en 2004,
l'équipe organisatrice se décide à
léguer les droits du festival à d'autres promoteurs et à
se limiter à l'organisation. Cette fois-ci 30 000 entrées sont
enregistrées au Mans, en trois jours,
mais les problèmes financiers s'aggravent, avec la
disparition des promoteurs partis avec 600 000 € de recette, ce qui signe
la fin de ce festival en 200512.
Un an après la disparition du festival, un nouveau
projet est lancé par deux anciens salariés du FuryFest, Benjamin
Barbaud et Yohann Le Nevé. Ils proposent aux élus de Clisson de
créer un petit festival dans l'esprit des vieilles charrues qui se
nommera « hellfest ». Il se tient alors pour la première fois
en plein air et accueille 22 000 personnes sur trois jours en juin 2006.
Cette première édition est déficitaire,
ce qui n'empêche pas la tenue d'une nouvelle édition
l'année suivante. En l'espace de quelques années, le festival
acquiert une renommée internationale. Il passe de 20 000 spectateurs
pour la première édition à plus de 70 000 festivaliers en
2010.
![](Quelles-expriences-de-design-dployer-pour-promouvoir-diffrents-moyens-ddis-aux-23.png)
[ICON 2] 13eme édition du Hellfest Open
Air Festival 2018, à Clisson
12 L'histoire du Hellfest - Institut national de
l'audiovisuel
29
Cependant devant un tel succès, les critiques ne
tardent pas à se faire entendre et notamment par les associations
catholiques françaises. Christine Boutin, femme politique
française et respectivement de l'UDF et l'UMP parle alors de «
culture de la mort ». Attaques relayées les années suivantes
par des groupes catholiques plus ou moins radicaux, ainsi que des groupes
royalistes ou d'extrêmes droites. Des groupes de musique jusque-là
encore à l'affiche sont déprogrammés lors des
éditions suivantes.
Néanmoins le festival peut compter sur des soutiens
politiques comme le ministre de la Culture ou encore Patrick Roy,
député socialiste à l'Assemblée nationale fervent
défenseur du festival pour contrer les attaques. Au fil du temps les
critiques émises par des groupes politiques ou des groupes religieux de
font plus discrètes.
Le Hellfest est un événement indépendant
qui fait ce qu'il veut et quand il en a envie.
Depuis maintenant 3 ans le festival de l'enfer réussit
à vendre l'intégralité de ses pass, avant même
d'avoir annoncé sa programmation et accueil dès à
présent plus de 180 000 festivaliers sur 3 jours . Les billets de
l'édition 2018 se sont écoulés dès octobre en moins
de 30 heures. Cette année, le Hellfest a battu les records de vente avec
un sold-out en moins de 2 heures. Capable de vendre l'intégralité
des pass 3 jours13, neuf mois à l'avance, sans annoncer
d'ar-tistes il reste cependant le festival le plus cher de France avec un
billet au prix de 204 euros. Le Hellfest est le champion des festivals
français avec un budget de 23 millions d'euros en 2018 contre 13
millions d'euros pour les vieilles charrues et 9 millions d'euros pour les
Euro-chéennes de Belfort. Les acteurs locaux ont compris le poids des
retombées économiques de l'événement.
La trésorerie du Hellfest reste le fruit de la
billetterie, des produits dérivés, l'apport des
mécènes, sans oublier la recette des bars qui est au second rang
des recettes du festival après la billetterie. L'an passé, ce
sont 1,2 million de bières qui ont été
écoulées. Le Hellfest a donc dû s'adapter et a
aménagé un pipeline souterrain afin d'approvisionner en
bière les bars du site. En 2018, 3 700 bénévoles, dont 1
700 fournis par la seule association « Animaje » étaient
présents. La mobilisation de toute une petite ville de 7000 habitants
qui se met aux couleurs du Hellfest le temps d'un week-end. Même le maire
le dit « Aujourd'hui, ce n'est plus le château, mais le festival qui
fait la renommée de la cité à travers le monde ».
« L'avantage du Hellfest c'est que c'est un
modèle associatif. Au contraire de beaucoup
d'autres événements où l'objectif est
à court ou long terme la recherche de profit, chez nous
chaque euro gagné est réinvesti dans le
festival. L'autre avantage c'est que même si nous ne sommes pas
propriétaires des terrains, on a la possibilité de faire des
travaux pérennes qui font la qualité des infrastructures du
Hellfest. Aujourd'hui au Hellfest on est plus proches d'un parc d'attractions
que d'un champ à vaches transformé avec quelques tentes pour
accueillir du public. Plus de 15 millions d'euros ont été
investis ces dernières années pour la construction du site
14».
13 France bleu - Hellfest : succès de la
quatorzième édition
14 Interview de Benjamin Barbaud, président du
festival pour le journal SUDOUEST
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Tout cela va de la construction de la fibre internet ou la
mise en place de pipelines de bière pour alimenter tous les bars. Tous
ces travaux visent à améliorer l'accueil du public et faire
prospérer la fidélisation du public.
Un modèle associatif plus proche de l'artisanat que de
la macro-économie.
Le Hellfest met en avant l'artisan et ses produits locaux. Les
vignerons locaux écoulent chaque année 10 000 litres de muscadet.
Le festival fait également appel à des sculpteurs locaux, des
designers locaux et des graphistes locaux afin de scénographier le site,
mais également pour valoriser l'image du festival. L'artiste sculpteur
bordelais Jean-François Buisson fait partie des historiques. On lui doit
la guitare géante de 10 mètres de haut posée à
l'entrée du festival sur un rond-point, ou encore l'arbre de
métal, devenu un symbole du festival et le point de rencontre des bandes
égarées au milieu du site.
En 2016, les festivaliers ont pu découvrir une statue
monumentale de 15 mètres de haut du célèbre Lemmy
Kilmister, le chanteur disparu de Motörhead, réalisée par
l'artiste Jimmix, originaire de la ville de Clisson. Avec ses décors,
ses sculptures et ses conteneurs transformés en bars, le Hellfest a
acquis depuis ses débuts une réputation allant au-delà de
la programmation présentée et accueille aujourd'hui un public
à 15 % étranger.
« Durant trois jours, on arrive à les amener
dans une sorte de Nouveau Monde, où ils peuvent se déconnecter et
passer un bon moment », souligne le patron du Hellfest Ben Barbaud,
qui « assume pleinement le côté Disneyland du
métal ». D'autant que le public joue le jeu en arborant des
tenues aux couleurs du festival.
Pour l'organisation du Hellfest, plonger le festivalier en
plein milieu d'une expérience est primordial. C'est ainsi que le
festival est amené à investir chaque année une part
très importante de son budget dans la réalisation de
décors et d'aménagement. Selon Alex Rebecq, chargée de
communication du Hellfest, « Les budgets sont colossaux, le fondateur
à quand même pris beaucoup de risques dans les investissements
». Le décorateur Yvan Hart, à conçu le Hell City
Square, un village évoquant les décors de cinéma. Le
Hellfest est une véritable expérience.
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