§.2 Objectifs, fondement et motivation d'un
régime uniforme de l'organisation de la vente dans l'espace OHADA
A. Objectif du régime uniforme de l'organisation
dans l'espace OHADA
L'OHADA a été créée par le
Traité de Port-Louis (Île Maurice) en date du 17 octobre 1993.
Elle est entrée en vigueur le 18 septembre 1995. Elle a
été modifiée par le Traité de Québec en date
du 17 octobre 2008. Ce traité révisé est entré en
vigueur le 21 mars 2010. L'objectif de l'OHADA est l'élaboration et
l'adoption « de règles communes simples, modernes et
adaptées »34. Le Traité OHADA est une oeuvre
d'intégration juridique. Cette dernière est définie comme
« le processus ou le résultat d'une opération par laquelle
une diversité de normes, de règles substantielles sont
incorporées dans un ensemble unique en vue d'alléger ou de
supprimer les différences entre elles ». Selon le Pr. Joseph Issa
Sayegh, l'intégration juridique se définit comme « le
transfert de compétences étatiques de deux ou de plusieurs
États à une organisation internationale dotée de pouvoirs
de décision et de compétences supra nationales ou supra
étatiques pour réaliser un ensemble juridique unique et
33 Art. 234 de l'Acte Uniforme portant sur le droit
commercial général, in J.O OHADA, Lomé, 15eme année
n°23 Décembre 2010.
34 L'article 1er du Traité OHADA dispose que
« Le présent Traité a pour objet l'harmonisation du droit
des affaires dans les États Parties par l'élaboration et
l'adoption de règles communes simples, modernes et adaptées
à la situation de leurs économies, par la mise en oeuvre de
procédures judiciaires appropriées, et par l'encouragement au
recours à l'arbitrage pour le règlement des différends
contractuels ».
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cohérent, dans lequel les législations
nationales s'insèrent ou se fondent pour atteindre les objectifs
économiques et sociaux que les membres se sont assignés
».
A l'effet d'atteindre cet objectif, le Traité OHADA a
institué à son article 10 la primauté des règles
désignées sous le nom d' « actes uniformes » sur le
droit national de chacun des États parties et leur application directe
dans le droit interne de ces États. Mais l'acception « acte
uniforme » est difficile à définir juridiquement.
De manière générale, l'essentiel du droit
OHADA est formé de règles matérielles que sont les Actes
uniformes35.
B. Fondement de l'organisation de la vente dans
l'espace OHADA
Au-delà des soucis de rationalisation du système
juridique africain, la réglementation de la vente par le traité
de l'OHADA s'inscrit dans un vaste mouvement de régulation des relations
juridiques supervisé par les institutions financières
internationales et ressortissant de la logique de fonctionnement du
marché36. A l'évidence, la philosophie
économique dominante aujourd'hui balance en faveur du libéralisme
et place la prise en compte des exigences du marché comme indicateur de
la performance d'un ordre juridique donné. De cette relation entre le
droit et le marché, il est ressorti des techniques de réforme des
droits nationaux échappant de plus en plus à l'emprise de
l'Etat.
De telles préoccupations se retrouvent logiquement
transférées au plan régional avec surcroit
d'intérêt relevant des enjeux nationaux d'une reformulation de
leurs attributions classiques en matière de législation. Ainsi,
l'internationalisation des relations juridiques a ouvert la voie à une
compétition où la « manipulation des droits nationaux et
communautaires ». Comme l'on pouvait s'en douter, le continent africain
n'a pas pu résister à la tentation de vouloir accueillir les flux
financiers nécessaires à son développement. La
réponse à l'appel des investissements s'est faite au prix d'un
remodelage des droits nationaux autour des principes communs
dégagés par l'autorégulation des forces en présence
sur le marché mondial37.
35 L'article 5 du Traité OHADA dispose que
« Les actes pris pour l'adoption des règles communes prévues
à l'article premier du présent Traité sont
qualifiés « actes uniformes ».
36 Voir les développements de J.
LOHOUES-OBLE et J. ISSA SAYEGH, OHADA, Harmonisation du droit des affaires,
Bruylant, Bruxelles, 2002 et M.M. SALAH, « La mise en concurrence des
systèmes juridiques nationaux. Réflexions sur l'ambivalence des
rapports du droit de la mondialisation », in RIDE, n°3, 2001,
pp.251-302.
37 J. LOHOUES-OBLE, « L'apparition d'un droit
international des affaires en Afrique », in Revue international de droit
comparé, 1999 ; p.543. A ce propos, le professeur Gérard FARJAT
parle de « refondation sociale », voir G. FARJAT, « Les pouvoirs
privés économiques », in Mélanges offerts à
Philippe KAHN, Litec, Paris, 2000, p.622.
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C'est donc dans un contexte de négociation de la forme
et de la consistance des droits nationaux que le Traité de l'OHADA est
apparu pour réglementer la vente régionale. Au plan de la
pratique judiciaire, le fondement de la mise en oeuvre du droit de l'OHADA est
à l'origine d'une abondante jurisprudence38.
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