PARTIE 1 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
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1- 1. Vecteurs du paludisme et de la dengue
1- 1.1. Classification
Les moustiques constituent l'une des plus importantes
familles de vecteurs d'agents pathogènes appartenant à la classe
des insectes. (Duvallet, Fontenille et Robert, 2017). Parmi ces vecteurs nous
avons les Anopheles, vecteurs de Plasmodiums sp, parasites
responsables du paludisme et les Aedes, vecteurs de Flavivirus
(DENV), virus de la dengue. Ces vecteurs sont des arthropodes appartenant
au :
o Règne : Animalia
o Sous-règne : Metazoa
o Phylum : Arthropoda (= pattes et appendices
articulés)
o Classe : Insecta (= corps segmenté en trois
parties)
o Ordre : Diptera (= une paire d'ailes)
o Sous-ordre : Nematocera (= avec antennes rondes et
longues)
o Famille : Culicidae (= moustique)
- Sous-famille : Anophelinae (Anophèles) -
Sous-famille : Culicinae (Aedes)
- Genre : Anopheles, Aedes.
Le genre Anopheles, vecteur du paludisme, comporte
plus de 400 espèces mais seulement une trentaine assure, avec une
efficacité importante, la transmission des Plasmodium humains
dans le monde (Sinka et al., 2010; Sinka et al., 2012; OMS,
2020). En Afrique subsaharienne, les vecteurs du paludisme appartiennent
majoritairement au complexe Anopheles gambiae s.l. (Figure 1A) (9
espèces dont trois vecteurs principaux : An. coluzzii, An.
gambiae et An. arabiensis), groupe An. funestus (neuf
espèces dont deux vectrices : An. funestus s.s. et An.
rivulorum) et An. nili (quatre espèces dont trois vecteurs
principaux : An. nili s.s., An. carnevalei et An.
ovengensis) ( Carnevale et Robert, 2009; Sinka et al., 2012; Soma
et al., 2020). Certaines espèces de Anopheles jouent
également un rôle en santé animale en assurant la
transmission de Plasmodium de mammifères, notamment de rongeurs, et de
filaires animales (Carnevale et Robert, 2009). D'autres sont impliquées
dans la transmission de virus animaux tels que ceux de la myxomatose et de la
fièvre de la Vallée du Rift (ANSES, 2020).
Le genre Aedes, vecteur des arboviroses, regroupe
actuellement 263 espèces en 21 sous-genres (Harbach, 2007). Le
sous-genre Stegomyia héberge de nombreuses espèces vectrices
d'arboviroses humaines dont Aedes aegypti (Figure 1B) vecteur de la
dengue et dans une moindre mesure, Aedes albopictus (OMS, 2020b).
Aedes aegypti est aussi vecteur de l'infection à Zika, du
chikungunya et de la fièvre jaune (OMS, 2022).
A B
A : Anopheles gambiae. Foto: James
Gathany, Scientific Photographer, Center for Disease
Control, U.S. Department of Health & Human Services .
www.cdc.gov
www.vectorbase.org
Figure 1: Images de moustiques A
et B
|
B : Aedes aegypti. Tis.re/[Projet] TIS 2B -
Technique de l'Insecte Stérile (c) IRD - Nil Rahola
|
1- 1.2. Cycle de développement des
moustiques
Les moustiques sont des insectes à métamorphose
complète ou holométaboles. Leur cycle de développement
(Figures 2 et 3), comme chez tous les insectes diptères, est un cycle
biphasique qui se déroule en quatre stades (l'oeuf, la larve, la nymphe
et l'adulte). Le temps de développement de chaque stade dépend de
la température de l'eau et d'autres facteurs.
1- 1.2.1. Phase pré-imaginale
La phase pré-imaginale qui se déroule en milieu
aquatique regroupe le stade oeuf, le stade larvaire et le stade nymphal.
o Les oeufs
Les femelles des moustiques (Anophèles et Aedes) ne
s'accouplent qu'une seule fois au cours de leur vie et peuvent continue
à pondre pendant toute leur vie. La plupart des femelles
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pondent 1 à 3 fois, mais certaines peuvent pondre
jusqu'à 5 à 7 fois (OMS, 2014). Pour la maturation des oeufs, les
femelles prennent un repas de sang. Les oeufs des moustiques mesurent environ 1
millimètre de long. Blanchâtres au moment de la ponte, ils
s'assombrissent dans les heures qui suivent.
Les oeufs des moustiques comprennent 3 membranes : la membrane
interne qui entoure le vitellus et l'embryon ; la membrane intermédiaire
ou endochorion et la troisième membrane ou exochorion.
En fonction des espèces de moustiques, nous avons une
variété bien déterminée de gîtes aquatiques
pour la ponte :
· Chez les Anopheles, les oeufs sont pondus
isolément à la surface de l'eau 100 à 150 oeufs et sont
munis de flotteurs latéraux qui les rendent insubmersibles. Les
anophèles pondent dans les petites quantités d'eau, dans des
empreintes de pas, des flaques d'eau de pluie ou collections plus grandes comme
des rivières, canaux, marécages, lacs, rizières, etc.
· Chez les Aedes, les oeufs sont pondus isolement sur
des supports humides à proximité immédiate de la surface
de l'eau, ou à même le sol sec. Ces oeufs doivent attendre
d'être submergés pour éclore. L'éclosion se produit
au bout de 36 à 48 heures après la ponte, dès que
l'embryon est entièrement développé. Ce délai est
allongé lorsque la température diminue (Carnevale et Robert,
2009). Les Aedes pondent préférentiellement dans les pneus
usagés, les fûts récupérateurs d'eau, les pots de
fleurs, les bouteilles ou les tasses jetés, etc.
o Les larves
Les larves de moustiques ressemblent à des vers et
sont dépourvues de pattes et d'ailes. Le corps de la larve comporte 3
parties : la tête, le thorax et l'abdomen avec une croissance discontinue
en quatre stades dits L1, L2, L3 et L4 morphologiquement comparables
séparés par trois (3) mues. Le premier stade correspond à
la larve nouvellement éclos ou sorti de l'oeuf. Après un jour ou
deux, elle mue, abandonnant son enveloppe et devient ainsi le second stade,
suivi par le troisième stade et le quatrième stade, à des
intervalles d'environ deux jours chacun.
Les larves des moustiques sont le plus souvent
détritivores mais certaines sont prédatrices ou même
cannibales. Elles se nourrissent généralement par filtration,
soit à la surface, soit au fond de l'eau et se déplacent par
saccades.
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Chez les Anophelinae, les larves respirent
directement l'air extérieur par des stigmates dorsaux, ce qui leur
impose une position de repos parallèle à la surface de l'eau
donnant l'impression qu'elles flottent (Figure 4) tandis que celles des
Culicinae respirent par un siphon situé à
l'extrémité de l'abdomen et sont donc obliques par rapport
à la surface de l'eau au repos (Figure 4).
Le développement larvaire a une durée variable
dépendant de la température, de l'humidité et des
nutriments retrouvés dans le milieu de vie (Carnevale et Robert,
2009).
o Les nymphes
La nymphe ou pupe est le stade pendant lequel une
transformation majeure se produit : le passage de la vie aquatique à la
vie aérienne de l'adulte.
Les nymphes ont la forme d'une virgule et restent
généralement à la surface de l'eau (Figure 1) mais
plongent lorsqu'elles sont dérangées, en déployant et
reployant l'abdomen terminé par deux palettes natatoires. Elles ne
peuvent pas se nourrir mais respirent à l'aide de deux trompettes
situées sur le céphalothorax et non au bout de l'abdomen comme
chez la larve. La durée de vie de la nymphe est courte, 1 à 2
jours généralement chez Anopheles. Chez Aedes, ce stade peut
aller jusqu'à 3 jours. A la fin de ce stade, la nymphe subit des
changements morphologiques aboutissant à la formation de l'adulte. En
effet, au moment de l'émergence de l'adulte, en général la
nuit, l'enveloppe de la nymphe se fend longitudinalement, le moustique adulte
se gonfle d'air et s'extrait de l'exuvie à la surface de l'eau puis s'y
repose temporairement jusqu'à ce qu'il soit capable de s'envoler (OMS,
2014).
1- 1.2.2. La phase imaginale
La phase imaginale qui est aérienne concerne le stade
adulte ailé ou imago. Le moustique adulte se gonfle d'air et s'extrait
de l'exuvie (mue) à la surface de l'eau. Les moustiques adultes volent
après avoir émergé puis s'accouplent. Les premiers jours
de la vie imaginale sont caractérisés par le durcissement de la
cuticule, la prise de repas sucré et la maturation des organes de
reproduction sexuels. Une période de 24 heures est nécessaire
à la femelle pour que ses pièces buccales soient assez rigides
pour pouvoir percer l'épiderme des hôtes vertébrés
et prendre un repas de sang. Tous les adultes des moustiques s'alimentent de
nectars ou du jus sucrés des fleurs
afin de couvrir leurs besoins énergétiques. Les
mâles deviennent fertiles après 3 jours de vie imaginale et
contrairement aux femelles, ils peuvent s'accoupler plus d'une fois.
Plusieurs caractéristiques permettent de distinguer
les moustiques adultes du genre Anopheles à ceux du genre
Aedes.
· Les moustiques du genre Anopheles n'ont pas
d'écailles sur leur abdomen.
Les palpes sont aussi longs que la trompe chez la femelle ou
renflés à leur extrémité chez le mâle. Les
Anophèles se développent dans des eaux calmes, douces, rarement
dans des gîtes de petites dimensions. Les femelles piquent
généralement à partir du crépuscule. Au repos,
l'adulte des Anophelinae a son abdomen maintenu à un certain
angle par rapport à la surface sur laquelle il se pose et forme une
ligne droite avec la trompe. Au repos, les Anophèles adoptent
généralement une position oblique par rapport au support, les
différenciant facilement des autres Culicinae qui se
positionnent parallèlement au support (Figure 4).
· Les moustiques du genre Aedes ont des
écailles sur l'abdomen et des soies insérées en
arrière des spiracles antérieurs. Les femelles ont des palpes
plus courts que la trompe et des crèques apparents à
l'extrémité de l'abdomen. Les plus dangereux, Aedes aegypti
et Aedes albopictus, se développent dans des gîtes
créés par l'homme (récipients de stockage d'eau
abandonnés autour des maisons et les pneus au rebut) (OMS, 2014).
Le cycle gonotrophique se caractérise
premièrement par la recherche de l'hôte pour le repas sanguin,
suivi de l'ingestion et la digestion du sang accompagnées de la
maturation des follicules ovariens. Pendant cette phase, le moustique est moins
actif. La femelle gravide achève ce cycle par la recherche d'un site
d'oviposition.
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Figure 2: Cycle biologique de l'anophèle
(Carnevale et al., 2009)
Figure 3: Cycle de développement des
moustiques (
http://www.institutpasteur.nc/les-moustiques-et-la-dengue/)
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Figure 4: Comparaison des Anophelinae et
Culicinae (OMS 2013)
1- 1.3. Répartition géographique mondiale
des moustiques Aedes aegypti et Anopheles gambiae
Historiquement, les moustiques se sont toujours
déplacés au gré des migrations humaines, de leurs habitats
d'origine en Afrique et en Asie au reste du monde. Au cours des prochaines
années, le changement climatique leur permettra de se déplacer
encore davantage, y compris dans des zones qu'ils n'avaient pas encore
colonisées.
o Cas de Aedes aegypti
Le commerce des pneus usagés, qui constituent l'un des
principaux gîtes larvaires artificiels, a joué un rôle
important. Ajoutons que Ae. aegypti est essentiellement urbain. Son
caractère anthropophile (qui aime les lieux habités par l'homme)
explique qu'une fois installer dans une zone, il est pratiquement impossible de
s'en débarrasser.
La carte montrant la distribution mondiale prédite pour
Ae. aegypti est présentée dans la Figure 5. Ae.
aegypti est principalement présente dans les régions
tropicales et subtropicales, avec des concentrations dans le nord du
Brésil et dans le sud-est de l'Asie, y compris toute l'Inde, mais
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avec relativement peu de zones propices en Europe (uniquement
en Espagne et en Grèce) et en Amérique du Nord
tempérée (Kraemer et al., 2015).
Figure 5: Répartition géographique
mondiale de Aedes aegypti (Kraemer et al., 2015).
o Cas de Anopheles gambiae
La Figure 6 représente la carte montrant la
distribution mondiale pour An. gambiae. Dans les conditions
climatiques actuelles, les zones potentiellement favorables à An.
gambiae sont principalement situées près de
l'équateur, comprenant le centre et le nord de l'Amérique du Sud,
une fraction des zones proches de l'équateur en Amérique du Nord,
le centre et le sud de l'Afrique, certaines régions tropicales du sud de
l'Asie et de petites zones en Océanie (Li et al., 2021). Les
zones hautement et moyennement appropriées étaient principalement
distribuées en Afrique centrale et australe (y compris la Gambie, le
Ghana, le Nigeria, l'Afrique centrale, le Soudan, Madagascar, le Mozambique);
en Asie du Sud et du Sud-Est (y compris la côte sud-ouest de l'Inde, la
Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam); dans les parties les plus
occidentales, les plus orientales et les plus septentrionales de
l'Amérique du Sud (Est du Brésil, Équateur, Venezuela) ;
et sur la côte Nord de l'Australie (Li et al., 2021). Les zones
faiblement adaptées étaient principalement distribuées le
long de la côte sud-ouest de l'Amérique du Nord (y compris le
Mexique et le Nicaragua), le centre de l'Amérique du Sud (y compris le
Brésil), le Sud de
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l'Afrique (y compris l'Angola, la Zambie, le Zimbabwe et
l'Afrique du Sud), le Centre de l'Inde et le Laos en Asie, et la côte
Ouest et Nord de l'Australie (Li et al., 2021).
Figure 6: Distributions potentielles de
Anopheles gambiae dans les conditions climatiques actuelles (Li et
al., 2021).
1- 1.4. Écologie et comportement des
moustiques
La biologie des adultes des moustiques est
caractérisée par deux principales phases qui sont l'alimentation
et la reproduction. Le cycle de reproduction étant conditionné
par le repas sanguin chez les femelles, entraine leur dispersion à la
recherche successive de l'hôte vertébré, du site de repos
et du gîte de ponte. L'ensemble de ces comportements définit ce
qu'on appelle le « cycle gonotrophique » qui ne concerne que la
femelle, hématophage (se nourrissant de sang) car le mâle se
nourrit exclusivement de jus sucré et n'est pas hématophage. En
effet, le repas sanguin sert pour la maturation des oeufs chez les femelles
pares.
L'accouplement (2 à 3 jours après
l'émergence, avant ou après le premier repas de sang) est souvent
précédé d'un essaimage de mâles observables
au-dessus de plusieurs marqueurs
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physiques (Sawadogo et al., 2013). L'accouplement
peut se dérouler entièrement pendant le vol ou débuter
pendant le vol et s'achever lorsque le couple est au sol. Il aboutit au
stockage du sperme dans la spermathèque de la femelle. Les femelles sont
attirées dans les essaims par des stimuli optique, olfactif
(phéromone) et auditif tandis que les mâles sont attirés
par la fréquence de vibration des ailes de la femelle (Carnevale et
Robert 2009).
Une légère différence de comportement
trophique s'observe chez les deux types de moustiques. L'espèce Ae.
aegypti, étroitement liée à l'homme à cause de
la nature anthropisée de ses gîtes, présente une
anthropophilie relativement exclusive. Quant au vecteur du paludisme, An.
gambiae, il est très fortement anthropophile et endophages, mais
l'abondance locale du bétail ou la mise en place de méthodes de
lutte contribue à moduler ce comportement (Boussès et
Granouillac, 2011). Les deux espèces de moustiques peuvent piquer aussi
bien à l'extérieur qu'à l'intérieur des
habitations. Ae. aegypti pique principalement pendant la
journée et An. gambiae pique généralement la
nuit, du crépuscule à l'aube. Après son repas sanguin, les
femelles de Ae. aegypti comme celle de An. gambiae peuvent se
reposer aussi bien à l'intérieur (endophilie) qu'à
l'extérieur (exophilie) des habitations. En milieu urbain, l'endophilie
semble plus prononcée.
Les gîtes de ponte de An. gambiae sont
très variés et constitués généralement de
petites collections d'eau temporaires dépendant des pluies, peu
profondes et ensoleillées dans lesquelles la végétation
est absente : empreintes de pas, de sabots ou de roue, trous d'emprunt de
terre, marécages partiellement drainés, flaques
résiduelles à la décrue des cours d'eau, etc. An.
gambiae disparait pendant la saison sèche, dans les zones de savane
et réapparait en grand nombre dès les premières pluies
(Boussès et Granouillac, 2011; Lehmann et al., 2014).
Les gîtes de ponte de Ae aegypti sont des
réservoirs artificiels crées par l'Homme : vases, soucoupes des
fleurs, récipients de stockage des eaux de pluies, bidons,
gouttières, gobelets en plastique usagés, bouchons de bouteilles.
Ces gîtes sont apprécies des Aedes, car ils contiennent
généralement de l'eau stagnante et claire (peu polluée)
(Carnevale et Robert, 2009). C'est pourquoi ils se déplacent peu, et
restent souvent à proximitéì des habitations,
dans lesquelles ils rentrent pour piquer ou se reposer (Carnevale et Robert,
2009). La capacité à piquer à la fois à
l'intérieur et à l'extérieur des habitations, et aussi la
nature essentiellement diurne de l'activité de piqûre de Ae.
aegypti constituent d'ailleurs une véritable
difficultéì à surmonter pour la mise en place
de stratégies efficaces de lutte contre le vecteur de la dengue.
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1- 1.5. Les conséquences du repas sanguine des
femelles de Aedes et de Anopheles
Le moustique femelle lors de son repas de sang, pique une
personne, il lui injecte sa salive et aspire son sang.
Si cette personne auparavant était infecté par
le virus de la dengue ou le plasmodium agent causal du paludisme, le moustique
femelle aspire le sang contenant des virus de la dengue (DENV) ou des
plasmodiums, selon qu'il soit de l'espèce Ae. aegypti ou
An. gambiae. L'agent causal va se multiplier dans l'organisme du
moustique puis s'accumuler dans ses glandes salivaires. Lors d'un repas de
sang, ce moustique infectieux pique une personne (saine) et lui injecte sa
salive contenant l'agent causal de la dengue ou du paludisme.
La continuité de ce cycle entretient l'expansion des
maladies dont les vecteurs sont des moustiques.
1- 2. Méthodes de luttes antivectorielle
actuelles
La lutte antivectorielle est une composante importante de la
prévention des maladies à transmission vectorielle.
Les stratégies de lutte anti vectorielle (LAV) ont
trois (3) objectifs : la diminution du contact homme - vecteur, la lutte contre
les moustiques adultes et la lutte contre les larves (OMS, 2014). Les deux
derniers objectifs visent la diminution de la densité des vecteurs et la
durée de vie des vecteurs adultes.
1- 2.1. La diminution du contact
homme-vecteur
L'objectif majeur de ces outils de lutte est d'empêcher
les vecteurs d'entrer en contact direct avec l'Homme (Duvallet, Fontenille et
Robert, 2017). Cette barrière direct Homme-vecteur peut se faire par
l'installation des barrières physiques. En effet, elles permettent la
protection de l'individu contre les piqûres de moustiques. Parmi ces
outils, nous avons : les vêtements, les tentes, les bâches, les
moustiquaires, les rideaux, les grillages pour la protection des ouvertures des
maisons et les répulsifs. La plupart de ces outils sont des
barrières physiques direct Homme-vecteur. L'efficacité des
barrières physiques a été renforcée par leur
imprégnation aux insecticides pyréthrinoïdes qui procurent
en plus un effet répulsif et létal (Darriet, 1998).
La moustiquaire imprégnée à longue
durée d'action (MILDA) et la moustiquaire imprégnée
d'insecticide (MII) agissent i) en protégeant la personne qui dort en
dessous (niveau
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individuel : protection personnelle) et ii) en étendant
leur effet à l'ensemble d'une zone (niveau communautaire : effet de
masse). La protection personnelle opère en évitant le contact
entre le moustique et la personne qui se trouve sous la moustiquaire. Le
succès des moustiquaires imprégnées d'insecticides (MII)
fut observé dans les années 1980 avec l'utilisation
d'insecticides de la famille des pyréthrinoïdes.
L'efficacité résiduelle de la deltaméthrine et de la
perméthrine a été évaluée par des bio essais
en utilisant la souche Aedes aegypti à Bobo-Dioulasso ( Hervy
et Sales, 1980). Dans la MII, l'insecticide à effet rémanent
constitue une barrière chimique qui renforce la barrière
physique.
Un répulsif est une substance chimique naturelle
très volatile capable de repousser tout animal nuisible pour l'homme.
Les essences de certaines plantes sont utilisées pour chasser les
moustiques (Paluch, Bartholomay et Coats, 2010 ; Rehman, Ali et Khan, 2014 ;
Deletre et al., 2013 ; Semmler et al, 2014). Des
répulsifs chimiques ont été développées pour
renforcer le pouvoir de répulsion des substances naturelles (Semmler et
al., 2014). Ces répulsifs chimiques sont des molécules
dérivées des principes actifs de plantes, telle que la
pyréthrine, ou des molécules provenant des composés
chimiques simples, tel que le DEET (N1, N-diéthyl-m-toluamide), IR35-35
(N-acétyl-N-butyl-ß-alaninate d'éthyle), KBR3023
(Carboxylate de Sec-butyl 2-(2-hydroxyéthyl)
pipéridine-1/Icaridine).
o La pyréthrine, de la famille chimique des
pyréthrinoïdes, est efficace contre les piqûres de vecteurs
de maladies (Banks et al., 2014 ; Schreck et McGovern, 1989). Certes,
les pyréthrinoïdes sont des insecticides, ils peuvent être
répulsifs-irritants à de faibles concentrations. (ANSES,
2013).
o Le N,N-diéthyl-3-méthyl-benzamide (DEET) est
un répulsif efficace à large spectre, utilisé comme actif
principal ou unique dans de nombreuses formulations commerciales disponibles
pour protéger les humains contre les piqûres d'arthropodes
(Rutledge et al., 1989 ; Fradin et Day, 2002; Katz, Miller et Hebert,
2008).
o L'icaridine, appelée aussi picaridine ou KBR3023,
est une substance chimique peu nocive conçue en 1996 par les
laboratoires allemands Bayer (Paluch et al., 2010) pour pallier les
effets secondaires du DEET (Lundwall et al., 2005). Il est aussi
efficace que le DEET contre les moustiques Ae. aegypti, Ae.
albopictus et An. gambiae (Costantini et al, 2004 ; Licciardi et
al., 2006). Il est l'un des répulsifs les plus utilisés
dans le monde
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et est recommandéì par l'OMS en LAV,
notamment dans les zones où le paludisme est endémique
(Costantini, Badolo et Ilboudo-Sanogo, 2004).
o Insect Repellent 3535 (IR3535) ou éthyl butyl
acétyl aminopropionate est plus efficace que le DEET sur certains
vecteurs de maladies tels que les tiques (Boulanger et Lipsker, 2015) et les
moustiques An. gambiae et An. funestus (Licciardi et
al.. 2006). Cependant, il est moins efficace sur Ae. aegypti
que le DEET (Fradin et Day 2002).
1- 2.2. La diminution de la densité
vectorielle
Afin de réduire la densité du vecteur, la lutte
antivectorielle doit perturber le cycle de développement des moustiques
ceci soit en agissant directement sur les oeufs et les larves soit en visant
les adultes ou indirectement en se concentrant sur leur milieu naturel et le
rendant défavorable. Ils se présentent sous les trois formes de
lutte : physique, chimique et biologique
1- 2.2.1. La Lutte biologique
La lutte biologique est définie comme l'utilisation de
prédateurs, parasites ou pathogènes dans le biotope des larves ou
des adultes de moustiques. Le lâcher de mâles stériles
relève également de ce type de lutte lorsque le génome de
ces moustiques n'est pas modifié (figure 7).
Les poissons larvivores comme le Gambusia et les insectes
aquatiques entomophages (se nourrissent d'insectes) ou de certains
microorganismes (bactérie, prédateurs, virus...) sont des
prédateurs de larves de moustiques. En effet, Gambusia affinis,
un poisson culiciphage, est très vorace (Bendali, Djebbar et Soltani,
2001) et a permis d'obtenir de bons résultats dans la lutte contre les
larves de moustique du genre Culex (Lacey, 1990). Aussi, des
espèces de poissons, telles que Poecilia reticulata et
Aplocheilus blochi sont utilisées contre les larves
d'anophèle (Duvallet, Fontenille et Robert, 2017). Également, des
larves de Toxorhynchite, un Culicidae, sont des prédatrices de larves de
Aedes (Rodhain et Perez, 1985). Cette prédation s'observe
également chez les batraciens qui utilisent les larves de Culicidae
comme source de protéines.
Des organismes entomopathogènes tels que certains
virus, bactéries, champignons et helminthes peuvent être
utilisés dans la lutte contre les moustiques. En effet, les
bactéries Bacillus sphaericus sont utilisées contre les
larves de Culex et Bacillus thurengiensis israeliensis H14 contre les
larves d'anophèles (Darriet, 1998; Osborn et al., 2007 ;Boyce
et al., 2013). Aussi, Eliminate Dengue utilise des bactéries
naturelles appelées Wolbachia, endosymbiontes
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bactériens, pour réduire la capacité des
moustiques à transmettre aux hommes des virus nocifs tels que ceux de la
dengue, chikungunya et Zika. L'utilisation de la bactérie Wolbachia
pourrait aider à réduire non seulement la population de
Ae. aegypti, sa capacité à transmettre les virus ainsi
que la capacité de prise de sang des femelles âgées (Aliota
et al., 2016).
Les champignons entomopathogènes, des
pathogènes fongiques, peuvent être utilisés comme
mosquitocides ou malariacides à travers leurs spores qui infectent les
moustiques (Bilgo et al., 2017 ; Lowett et al., 2019) . Ces
études ont montré que les actions des spores du champignon du
genre Metarhizium entraînaient une réduction du
comportement d'alimentation sanguine, rendant ainsi les Anopheles
incapables de transmettre le paludisme dans les 5 jours suivant l'infection.
Figure 7 : Méthodes biologiques de
contrôle des moustiques (Benelli, Jeffries et Walker, 2016)
1- 2.2.2. Lutte physique
La lutte physique, ou mécanique, permet
l'éradication pérenne d'un gîte larvaire, en
aménageant l'environnement (assèchement des marais, drainage...)
(Duvallet, Fontenille et
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Robert, 2017). Ces actions permettent en outre, de
réduire la productivité des gîtes en adultes ou
d'éliminer complètement ces gîtes. Cette méthode de
lutte présente un réel intérêt, lorsqu'il s'agit de
moustiques dont le mode de vie est domiciliaire ou péri-domiciliaire. Il
s'agit d'éliminer tous les récipients naturels ou anthropiques
pouvant contenir de l'eau stagnante, soit en éliminant ces gîtes
potentiels ou en les vidant de leur eau, soit en les couvrant afin
d'empêcher les femelles d'y pondre (Duvallet, Fontenille et Robert,
2017).
L'OMS et ses groupes d'experts ont élaboré des
guides pratiques (guidelines) pour faciliter la prise en considération
du volet « santé publique » inéluctablement lié
à toute modification de l'environnement. Ces modifications sont
envisagées en fonction de l'échelle spatiale : concernant de
grandes surfaces, pour les travaux de type barrages, routes, zones
d'agriculture irriguée, déforestation ; ou bien, au contraire,
portant sur des micro-chantiers comme les trous d'emprunt de terre pour faire
des briques pour construire les maisons, par exemple. Tout cela relève
de l'hygiène générale du milieu ainsi que
d'éducation sanitaire (Duvallet, Fontenille et Robert, 2017).
1- 2.2.3. La lutte chimique
La lutte chimique repose sur l'utilisation de produits
chimiques (insecticides de synthèse) à effet toxique ou
répulsif sur les insectes cibles. Ces insecticides chimiques
utilisés à la fois contre des adultes et des larves de moustiques
ont connu une forte utilisation dans la deuxième moitié du
siècle dernier, suite à la seconde guerre mondiale. Tous ces
insecticides sont utilisés dans plusieurs méthodes de lutte
antivectorielles : dans les matériaux imprégnés
d'insecticides (moustiquaires et rideaux imprégnés d'insecticides
à longue durée d'action, etc.), les pulvérisations extra
et intra domiciliaires, dans les serpentins, les crèmes
répulsives, les aérosols et le plus souvent dans les gîtes
larvaires.
Les principaux insecticides de synthèse
utilisés en LAV appartiennent à quatre familles chimiques selon
leur mode d'action lié à la neurotoxicité de certaines
molécules, à l'impact sur la respiration cellulaire, à la
formation de la cuticule ou à la perturbation de la mue. Ces familles
sont : les organochlorés (OC), les organophosphorés (OP), les
carbamates (CX) et les pyréthrinoïdes (PY). Ainsi :
o Les organochlorés (OC) sont des
insecticides de contact, neurotoxiques provenant de l'industrie du chlore. Ils
sont considérés comme la plus ancienne famille d'insecticides.
Thèse de Doctorat unique - 23
-
Cependant, leur emploi est en très nette
régression. Outre leur rémanence excessive, leur usage a
été freiné suite à l'apparition des
phénomènes de résistance apparus chez certains moustiques
(Carnevale et Robert, 2009). Cette famille regroupe le DDT et ses analogues, le
lindane (hexachloro-cyclohexane ou HCH) et les cyclodiènes (dieldrine,
endosulfan, chlordecone etc). Le DDT agit à la fois sur le
système nerveux central et périphérique de l'insecte par
contact et ingestion (Carnevale et Robert, 2009) en modifiant les
caractéristiques pharmacologiques et électrophysiologiques des
protéines des canaux sodium voltage-dépendant (CNaVdp)
entraînant ainsi une perturbation des courants calcium/magnésium
(Ca2+/Mg2+) et sodium/potassium
(Na+/K+) le long de l'axone. A cet effet, il exerce sur
les insectes un effet KD comme les pyréthrinoïdes.
o Les organophosphorés (OP) sont des
dérivés de l'acide phosphorique. Ce sont des
insecticides neurotoxiques agissant au niveau du
système nerveux central sur l'acétylcholinestérase (AChE),
enzyme responsable de la dégradation de l'acétylcholine en acide
acétique et en choline ( Rübsamen et al., 1976). La forme
oxydée de ces molécules se fixe sur cette enzyme entraînant
une accumulation d'acétylcholine dans la jonction synaptique. Lorsque sa
concentration devient trop forte, les récepteurs de
l'acétylcholine se bloquent en position ouverte, empêchant la
transmission de l'influx nerveux. Ce qui conduit à la paralysie, puis
à la mort de l'insecte (Carnevale et Robert, 2009). A la
différence des organochlorés, ils présentent une
toxicité aigüe élevée, mais une faible
rémanence. Ils pénètrent facilement dans l'organisme des
insectes à cause de leur liposolubilité élevée.
Parmi ces molécules, nous pouvons citer : le dichlorvos, le malathion,
le fénitrothion, le parathion, le chlorpyriphos-méthyl, le
diazinon, le pirimiphos-méthyl, le téméphos, le fenthion,
etc.
o Les carbamates (CX) dérivés
de l'acide carbamique, sont des insecticides de contact agissant sur le
système nerveux central en inhibant l'acétylcholinestérase
(comme les organophosphorés). Cependant, contrairement aux
organophosphorés, les carbamates agissent directement sans oxydation
préalable. Ils ont généralement une faible
rémanence. Ils sont moins utilisés en santé publique
à cause de leur coût de production et leur toxicité souvent
plus élevée vis-à-vis des mammifères. Les
carbamates sont entre autres, le carbaryl, le propoxur, le bendiocarbe, le
carbofuran, etc.
Thèse de Doctorat unique - 24
-
o Les pyréthrinoïdes sont des
dérivés synthétiques des pyréthrines, insecticides
naturels extraits des fleurs d'une espèce de chrysantème,
Chrysanthemum cinerariaefolium (Namountougou et al., 2013).
Dotés d'une toxicité considérable, mais moins aiguës
que le DDT, les pyréthrinoïdes tuent presque instantanément
les insectes par effet de choc neurotoxique, ce qui permet de les utiliser
à des doses très réduites. Comme les organochlorés,
les pyréthrinoïdes tuent l'insecte en bloquant le fonctionnement
des canaux sodium indispensables à la transmission de l'influx nerveux
(Chapman, 1969). Réputés peu toxiques pour les mammifères,
on leur attribue le coefficient de sécurité le plus
élevé parmi les insecticides chimiques. Très
biodégradables, donc peu persistants, ils sont cependant très
toxiques pour certains organismes aquatiques (poissons) ainsi que pour les
insectes auxiliaires de l'agriculture dont les abeilles qui assurent la
pollinisation. Les pyréthrinoïdes sont des candidats de choix en
santé publique pour l'imprégnation des MILDA à cause de
leur photo-stabilité, leur toxicité sélective et leur
innocuité pour les vertébrés à sang chaud (Zaim,
Aitio et Nakashima, 2000). Les pyréthrinoïdes sont en autres, la
bifenthrine, la bioresméthrine, la deltaméthrine, l'etofenprox,
la cyperméthrine, la cyfluthrine, la lambda-cyhalothrine, la
perméthrine, etc.
Certains insecticides chimiques sont des Régulateurs de
Croissance d'Insectes (RCI). Ils sont caractérisés par un mode
d'action perturbant la mue ( Casida et Quistad, 1998).
1- 2.3. La réduction de la durée de vie des
vecteurs adultes
La réduction de la longévité des vecteurs
adultes peut être obtenue surtout par les luttes génétique
et chimique.
1- 2.3.1. La lutte chimique
La généralisation des aspersions intra
domiciliaires d'insecticides à effet rémanent et les
pulvérisations spatiales à l'intérieur mais surtout
à l'extérieur des maisons peuvent influencer la durée de
vie des vecteurs adultes.
Cet objectif de LAV peut être atteint surtout avec
l'utilisation des Régulateurs de Croissance d'Insectes (RCI). Ces RCI
peuvent être :
· les juvénoïdes (méthoprène
et pyriproxyfène) qui sont des analogues de l'hormone juvénile
inhibant la nymphose, donc provoquant la mort des moustiques avant ou
pendant
Thèse de Doctorat unique - 25
-
la nymphose. Le pyriproxyfène est utilisé dans
l'imprégnation des MILDA et dans les peintures insecticides (Mosqueira
et al., 2010; Bayili et al., 2015).
· les benzoylurées (diflubenzuron) qui inhibent
la sclérification du tégument de la larve après une mue
larvaire ou nymphale. Elles peuvent aussi provoquer la mort des moustiques
à tous les stades du développement pré-imaginal.
Les RCI sont recommandés par l'OMS pour des
traitements larvaires (WHOPES, 2016). Cependant, leur application sur le
terrain pose d'énormes problèmes opérationnels du fait de
leur durée de vie très courte (2-7 jours) et de la
mortalité des moustiques qui est lente rendant difficile la
vérification de leur efficacité ( Bouyer, Gentile et Chandre,
2017; Robert, Ayala et Simard, 2017).
1- 2.3.2. Lutte génétique
La lutte génétique ou encore lutte autocide
affecte les insectes au sein de leur patrimoine génétique. Son
but est d'éliminer une espèce ou de modifier le génome de
l'espèce en introduisant un gène étranger pour la rendre
réfractaire au pathogène (Alphey, 2014). Il s'agit principalement
de :
· La technique de l'insecte stérile qui consiste
à rendre stérile des insectes mâles puis les relâcher
en grand nombre dans une zone d'intervention afin qu'ils puissent entrer en
compétition avec la population locale (Nolan et al., 2011;
Boyer et al., 2012). Après l'accouplement avec un mâle
stérile, les femelles sauvages pondent des oeufs non viables entrainant
ainsi une diminution du nombre d'individus à chaque
génération et à long terme, la disparition de
l'espèce vectrice ciblée. Compte tenu du fait que les mâles
ne piquent pas, cette technique ne risque pas d'accroître l'expansion des
épidémies.
Elle a permis de contrôler la population de
Glossina palpalis gambiensis dans le sud-ouest du Burkina Faso
(Cuisance et al., 1978). Malheureusement, elle reste inefficace contre
les Culicidae, car les mâles stériles sont moins
compétitifs que les mâles sauvages (Maïga et al.,
2014).
· L'incompatibilité cytoplasmique consistant
à utiliser des mâles hybrides nés de la multiplications de
souches dont les origines sont géographiquement éloignées.
Le lâcher de ces mâles hybrides dans des populations
indigènes aboutit à des croisements qui donnent des oeufs
stériles.
·
Thèse de Doctorat unique - 26
-
Moustiques réfractaires au Plasmodium par
l'intégration de gènes responsables de la résistance
à l'infection chez des mâles afin qu'ils soient transmis aux
femelles lors de la copulation. L'expression de ces gènes dans le
génome des femelles leur confère la capacité de
réfractivité au Plasmodium (Rodhain et Perez, 1985).
· Les technologies « Gene Drive »
basées sur des systèmes d'hérédité
biaisés qui
accélèrent la transmission d'un
caractère génétique ciblé d'un parent à sa
descendance à travers la reproduction sexuée (Flannery et
al., 2016 ; Sinkins et Gould, 2006). Cette technologie permet d'augmenter
la probabilité de transmission d'un gène désiré,
sans tenir compte de la valeur sélective. Elle peut être
utilisée dans la LAV, contre les ravageurs agricoles et les
espèces envahissantes (Flannery et al., 2016).
· L'intégration de la bactérie symbionte
intracellulaire Wolbachia dans le vecteur et sa transmission de
génération en génération via les oocytes
infectés de la femelle dans le but de raccourcir sa durée de vie
et empêcher ainsi les parasites d'avoir un développement complet
(Hoffmann et al., 2011).
De nos jours, certaines méthodes de lutte
génétique ont été expérimentées avec
succès sur le terrain en Malaisie, en Polynésie française,
au Brésil et en Australie (Alphey, 2014).
1- 3. Mécanismes de résistance des
moustiques aux insecticides
La résistance est une adaptation
génétique aux modifications de l'environnement. Elle a
été définie par l'OMS comme étant la
capacité d'une population à tolérer des doses de
substances toxiques qui seraient létales pour la majorité des
individus d'une population normale de la même espèce (OMS,
2012).
Trois termes sont employés pour décrire les
patrons de résistance des insectes aux insecticides: résistance
croisée, résistance multiple et résistance multiplicative
(Nikou, Ranson et Hemingway, 2003). Quand un gène/une mutation est
responsable de la résistance à plusieurs familles d'insecticides,
on parle de résistance croisée. Un tel phénomène
s'observe généralement entre des molécules ayant le
même site d'action. Par exemple, les organophosphorés et les
carbamates ont des cibles et des modes d'actions relativement similaires et la
résistance à une famille entraîne souvent une
résistance à l'autre. La résistance multiple est la
résistance conférée par plusieurs mécanismes de
résistances chez un insecte. Enfin, la résistance multiplicative
désigne le fait que le niveau de résistance conféré
par plusieurs mécanismes de résistances aux
Thèse de Doctorat unique - 27
-
insecticides chez un insecte sera plus élevé que
la somme des niveaux de résistance conférée par ces
mêmes mécanismes isolés (Hardstone, Leichter et Scott,
2009). Autrement dit, les mécanismes de résistances peuvent agir
en synergie.
Différents mécanismes de résistance ont
été sélectionnés par l'utilisation massive
d'insecticide aussi bien pour la LAV que pour les traitements agricoles
(Chandre et al., 1999; Dabiré et al., 2012a; Gnankine
et al., 2013).
Les insectes peuvent utiliser deux types de mécanismes
pour résister aux insecticides. Ces mécanismes peuvent être
dus à un changement de comportement, ou une modification physiologique
(métabolique et cuticulaire) ou une modification de la cible (Figure
8).
Figure 8: Mécanismes de
résistance des vecteurs aux insecticides (in Carnevale et Robert,
2009)
1- 3.1. Résistances liées à la
modification physiologique 1- 3.1.1. Mécanismes de résistance
métabolique
Elle se traduit par une augmentation du métabolisme
des insecticides grâce à des enzymes dites de
détoxification présente dans l'ensemble du règne animal et
végétal. L'augmentation du
Thèse de Doctorat unique - 28
-
métabolisme des insecticides peut être due soit
à une augmentation de la production d'une ou de plusieurs enzymes de
détoxication existantes, soit à un meilleur métabolisme de
l'insecticide suite à une mutation d'une ou de plusieurs enzymes. Ces
enzymes dégradent les insecticides en molécules non toxiques ou
moins toxiques. La surproduction d'enzymes peut être due à une
modification d'un gène régulateur contrôlant le
degré d'expression de l'enzyme (Mouchès et al., 1987) ou
à une augmentation du nombre de copies du gène qui code pour ces
enzymes (Hemingway et al., 2004). Ce phénomène se
traduit par une diminution de la quantité d'insecticide atteignant la
cible et donc à une augmentation de la tolérance de l'insecte.
La détoxification fait intervenir trois groupes
d'enzymes à savoir les estérases, les oxydases et les
Glutathion-S transférases (GST) (Enayati, Ranson et Hemingway, 2005) qui
permettent à l'insecte soit :
· de dégrader l'insecticide en métabolite
moins toxique;
· d'augmenter la solubilité des molécules
d'insecticide dans l'eau pour accroitre leur excrétion ;
· d'augmenter la résistance liée à
l'activité catalytique et ou d'augmenter la quantité d'enzymes
intervenant dans la dégradation des insecticides (Enayati, Ranson et
Hemingway, 2005).
Les enzymes intervenant dans les mécanismes de
résistance métabolique peuvent être classées en
trois familles : les estérases, les Glutathion-S transférases
(GST) et les oxydases.
o Les estérases attaquent les
liaisons carboxyester et phosphotriester des organophosphorés, des
carbamates et des pyréthrinoïdes rendant l'insecte résistant
à ces insecticides.
o Les Glutathion-S transférases (GST)
est la famille d'enzymes qui catalyse la liaison du glutathion avec des
composés dotés d'un centre électrophile réactif. Il
en résulte la formation de produits hydrosolubles moins réactifs
moins toxiques et faciles à éliminer.
o Les oxydases sont impliquées dans
la résistance à plusieurs groupes d'insecticides. Il s'agit de
phénomènes métaboliques relativement mal connus pour ce
qui concerne leur implication dans la résistance aux insecticides.
Thèse de Doctorat unique - 29
-
1- 3.1.2. La résistance cuticulaire
Elle désigne toute modification chimique de la
cuticule de l'insecte entraînant une réduction de la
pénétration de l'insecticide dans son organisme aboutissant
à une meilleure protection des individus (Plapp, 1984).
1- 3.2. La résistance liée à la
modification de la cible
C'est un mécanisme très efficace
conférant une résistance croisée à tous les
insecticides agissant sur la même cible. La résistance liée
à la modification d'une cible s'explique par la substitution d'un ou de
plusieurs acide (s) aminé (s) dans la séquence de la
protéine cible suite à une mutation non synonyme
(Ffrench-Constant, Daborn et Le Goff, 2004). Cela aboutit à
l'altération de la molécule d'origine (d'où la diminution
de l'affinité de la cible pour les insecticides concernés)
permettant aux insectes de supporter une longue exposition aux insecticides
sans être tués.
1- 3.2.1. Les mutations kdr/le canal sodium
Plusieurs mutations ont été recensées
à ce jour dont les plus importantes sont celles du canal sodium voltage
dépendante (CNaVdp) où l'on note une substitution de la leucine
au niveau du codon 1014 dans le domaine II du 6ème segment
(IIS6), par la serine (L1014S) ou la phénylalanine (L1014F)
(Martinez-Torres et al., 1998 ; Ranson et al., 2000).
En Afrique de l'Ouest, la mutation L1014F est
fréquemment retrouvée dans les populations de An. gambiae
s.l. (Martinez-Torres et al., 1998), alors que la
mutation L1014S est plus fréquente chez les populations d'Afrique de
l'Est (Ranson et al., 2000). Cependant, chez la souche
résistante (knock down resistant « kdr »),
une mutation ponctuelle entraine une diminution de l'affinité de
l'insecticide aux CNaVdp, conférant ainsi la résistance aux
pyréthrinoïdes et au DDT.
Actuellement la mutation L1014F est quasiment
fixée dans la majorité des zones endémiques au Burkina
Faso (Namountougou et al., 2019).
1- 3.2.2. La mutation
Ace-1/l'acétylcholinestérase (AChE)
Cette mutation du gène codant
l'acétylcholinestérase résulterait d'un remplacement de la
glycine par la serine au niveau du segment 119 (mutation G119S) de l'enzyme,
entraînant ainsi
Thèse de Doctorat unique - 30
-
une diminution de l'affinité de l'AChE vis-à-vis
de l'insecticide (organophosphoré et carbamate) (Weill et al.,
2003, 2004). Cette résistance a été mise en
évidence à des fréquences plus élevées chez
An. gambiae et An. coluzzii dans le Sud-ouest du
Burkina Faso (Dabiré et al., 2009).
1- 3.3. Résistance comportementale
Il s'agit d'un changement de comportement de la part des
insectes permettant d'éviter tout effet létal ou contact avec des
endroits et surfaces traités avec des insecticides (Bogh et
al., 1998; Ranson et al., 2011). Ce changement de
comportement en réponse à l'exposition aux insecticides peut
conduire à une meilleure survie des insectes. Ces mécanismes,
moins étudiés, interviennent souvent en synergie avec les
mécanismes précédents. Cependant, ce type de
mécanisme de résistance reste relativement difficile à
étudier et peu d'études sont disponibles.
1- 4. Stratégies de gestion de la
résistance aux insecticides
Le développement de la résistance dans les
populations d'insectes est un phénomène évolutif
basé sur les mécanismes adaptatifs de la sélection
naturelle. Ce n'est pas l'utilisation d'insecticides qui crée la
résistance, mais la résistance apparait par mutation
spontanée ou par migration au niveau des descendants. Si la pression
insecticide est maintenue sur plusieurs générations, alors la
fréquence des individus porteurs d'allèles de résistance
augmente progressivement à chaque génération (CNEV, 2014).
Ce processus de sélection est sous la dépendance de facteurs tels
que la biologie de l'insecte, les facteurs liés aux gènes de
résistance (CNEV, 2014). Par exemple, les insectes qui ont un temps de
développement court, de nombreuses générations par an et
une forte prolificité (stratégie R, exemple des moustiques)
deviennent plus rapidement résistants que les insectes au
développement long, avec un nombre limité de
générations et de descendants (stratégie K, exemple des
glossines).
Le plan mondial de gestion de la résistance aux
insecticides des vecteurs du paludisme (GPIRM) comprend cinq activités
décrites en cinq « piliers » visant à contrôler
la résistance aux insecticides afin de garantir l'efficacité
continue des outils de LAV (OMS, 2012). Ce plan repose sur les cinq piliers
suivants :
o Planifier et appliquer des stratégies de gestion de
la résistance aux insecticides dans les pays endémiques;
o Veiller au suivi entomologique en temps utile, à la
surveillance de la résistance et à une
Thèse de Doctorat unique - 31
-
gestion efficace des données;
o Élaborer des outils novateurs de lutte antivectorielle
;
o Combler les lacunes de connaissances au niveau des
mécanismes de résistance aux insecticides et de l'impact des
stratégies actuelles de gestion de la résistance.
o Veiller à mettre en place des mécanismes
(plaidoyer, ressources humaines et financières) créant des
conditions favorables.
De nos jours, plusieurs outils sont proposés afin de
maintenir l'efficacité de la LAV malgré la menace de
résistances (OMS, 2012).
1- 4.1. Peintures insecticides
Ce sont de nouvelles formulations de peintures dans lesquelles
différents insecticides microencapsulés sont incorporés
dans des résines, puis sont libérés progressivement
à la surface des supports peints. Les insectes volants ou rampants se
contaminent par un simple contact avec la surface du revêtement. Puis, de
la partie contaminée de l'insecte, la matière active de
l'insecticide va remonter jusqu'à son système nerveux. Il s'en
suit alors un effet Knock down et l'insecte tombe sur le sol sans tacher le
support peint.
Les peintures insecticides s'adaptent à toutes sortes
de supports minéraux, poreux ou absorbant.
En fonction des conditions ambiantes, les peintures
insecticides peuvent rester actives sur les supports peints, pendant plusieurs
années. Malgré cela, elles ne sont pas nocives ou toxiques pour
les humains ou les animaux domestiques et n'émettent pas de vapeurs
odorantes.
Inesfly ®5A IGR est un exemple de peinture de vinyle avec
une base aqueuse contenant deux organophosphorés, le chlorpyriphos
(1,5%) et le diazinon (1,5%) et un régulateur de croissance d'insectes
(RCI), le pyriproxyfène (0,063%) incorporés dans du carbonate de
calcium (CaCO3) et des microcapsules de résine. Des études
antérieures ont démontré que le chlorpyrifos induit une
excito-toxicité due au glutamate, que le diazinon provoque la mort
neuronale apoptotique et que pyriproxyfène agit sur la fertilité
des femelles de moustiques, sur les larves et les nymphes des insectes
(Aldridge, 1950; Dhadialla, Carlson et Le, 1998; Mbare, Lindsay et Fillinger,
2014 ; Bayili et al., 2015).
Thèse de Doctorat unique - 32
-
1- 4.2. L'ivermectine comme outil de lutte
antivectorielle
L'ivermectine (IVM) est un dérivé des
avermectines, isolé à partir de la fermentation de bouillons de
Streptomyces avermitilis. Il est utilisé en santé animale contre
les nématodes (vers ronds) et les arthropodes (insectes et tiques)
(Campbell et al., 1983; Benz, Roncalli et Gross, 1989). En
santé humaine, il est très utilisé pour le traitement des
maladies tropicales négligées telles que l'onchocercose, la
filariose lymphatique et les strongyloidoses (Suputtamongkol et al.,
2011).
Au début de la pandémie, l'intérêt
de l'ivermectine pour traiter le COVID-19 a été
évalué avec quelques études qui ont semblé
être prometteuses (Caly et al., 2020; Kory et al.,
2021) mais qui n'ont pas connu le consensus scientifique.
Autrefois, utilisée pour lutter contre les maladies
parasitaires négligées, l'ivermectine suscite un
intérêt grandissant pour les chercheurs qui l'envisagent comme un
outil alternatif de lutte contre les vecteurs du paludisme (Chippaux,
Boussinesq et Prod'hon, 1995; Chaccour et al., 2013; Pooda et
al., 2015). Plusieurs études ont montré les
propriétés insecticides de l'ivermectine sur différentes
espèces d'anophèles (Jones et al., 1992; Rohrer et
al., 1994; Foley, Bryan et Lawrence, 2000; Chaccour, Lines et Whitty,
2010; Pooda et al., 2015; Sampaio et al., 2016). Aussi,
d'autres études ont montré une diminution de la survie et de la
fécondité chez des populations d'anophèles gorgées
sur des sujets humains ou animaux ayant pris des doses thérapeutiques
d'ivermectine (Sylla et al., 2010 ; Kobylinski et al., 2011,
2014; Chaccour et al., 2013; Slater et al. 2020). En effet,
les distributions de masse d'ivermectine peuvent constituer un outil
très efficace dans la LAV, si ces distributions sont
répétées fréquemment avec une couverture large
(Slater et al., 2014, 2020).
1- 4.3. Les stratégies des pièges à
appât sucré et des « tubes d'avant-toit »
La stratégie des pièges à appât
sucré sur l'approche « attirer et tuer » (ou « attractive
toxic sugar bait » (ATSB) en anglais). Elle consiste en l'utilisation des
pièges contenant à la fois du jus sucré qui attire les
moustiques et des substances toxiques comme les insecticides pour les tuer
(Müller et al., 2010 ; Marshall et al., 2013 ; Traore et
al., 2020) . Les études effectuées ont montré des
résultats encourageants. En effet, une étude menée au Mali
à grande échelle a montré que cette stratégie
entrainait une réduction considérable de la densité
d'agressivité des moustiques (Traore et al., 2020).
Thèse de Doctorat unique - 33
-
La stratégie « tubes d'avant-toit » ou
(« Eavetubes » en anglais) consiste à fermer les ouvertures
des avant-toits des habitations à l'aide de revêtement
électrostatique afin d'empêcher les moustiques d'entrer dans les
maisons (Knols et al., 2016 ; Sternberg et al., 2016;
Snetselaar et al., 2017 ; Barreaux et al., 2019).
1- 4.4. Huiles essentielles comme bio-insecticides
alternatifs
Les extraits de plantes sont aussi utilisés comme
outils dans la lutte anti vectorielle. En effet, ces extraits de plantes aqueux
ou sous forme d'huiles essentielles (HE) contiennent des substances toxiques
pouvant agir efficacement sur les moustiques.
Ce sont des sources de molécules naturelles
présentant un grand potentiel d'application contre les insectes et
d'autres parasites des plantes et du monde animal (Guarrera, 1999).
Les HE sont classées usuellement selon la nature
chimique des composés actifs majeurs. On retient neuf principales
classes (Georges, 1979) :
· huiles essentielles riches en carbures terpéniques
et sesquiterpéniques (HE de citron) ;
· huiles essentielles riches en alcools (HE de coriandre)
;
· huiles essentielles mélanges d' esters et
d'alcools (HE de lavande, HE de menthe...) ;
· huiles essentielles riches en aldéhydes HE de
citronnelle ;
· huiles essentielles riches en cétones (HE de
camphrier ) ;
· huiles essentielles riches en phénols (HE de
girofle) ;
· huiles essentielles riches en éthers (HE d'
Eucalyptus) ;
· huiles essentielles riches en peroxydes (HE de
Eucalyptus globulus (Eucalyptol)) ;
· huiles essentielles sulfurées (HE d'ail).
La plupart des HE sont constituées dans leur grande
majorité d'un mélange assez complexe de monoterpènes, de
sesquiterpènes, d'alcools, d'esters, d'aldéhydes, d'oxydes,
etc.
Les HE sont des mélanges naturels complexes de
métabolites secondaires volatils, isolées par hydrodistillation
ou par expression mécanique (Kalemba et Kunicka, 2003). Elles sont
obtenues par hydrodistillation, expression à froid à partir de
feuilles, de graines, de bourgeons, de fleurs de brindilles, d'écorces,
de bois, de racines, de tiges ou de fruits (Burt, 2004), mais également
à partir de gommes qui s'écoulent du tronc des arbres.
Les plantes ayant des propriétés insecticides
sont réparties dans une cinquantaine de familles incluant les Lamiaceae,
les Asteraceae, les Rutaceae, les Lauraceae, les Magnoliaceae et
Thèse de Doctorat unique - 34
-
les Verbenaceae (Bruneton, 1993). On dénombre plus de
1200 plantes répertoriées comme possédant des effets
répulsifs (Curtis et al., 1987). Différentes parties des
plantes sont utilisées pour les extractions des différents
composés : les feuilles, les fleurs, les écorces et les tiges.
Les HE contiennent surtout des terpénoïdes
oxygénés et hydrocarbonés. Ces composés peuvent
être extraits et utilisés comme insecticides ou répulsifs
contre les insectes. Les HE peuvent tuer les insectes à tous les stades
de développement (Dell`Agli et al., 2012). Plusieurs
études ont démontré les effets ovicides, larvicides et
adulticides des HE vis-à- vis des moustiques (Bassolé et
al., 2003; Sengottayan, 2007; Tchoumbougnang et al., 2009;
Dua, Pandey et Dash 2010.; Wangrawa et al., 2015; Yameogo et
al., 2021; Balboné et al., 2022a, 2022b).
Les larves de Aedes aegypti et de Culex pipiens
sont tuées à de faibles doses par les HE de Citrus
bergamia, Cuminum myrrha, Pimenta racemosa, Psidium
rotundatum et Melaleuca leucadendron qui entrainent 100% de
mortalité à 25 ppm (Lee, 2006). Les HE exercent
également une activité Knock down et adulticide sur
différentes espèces de moustiques (Dua, Pandey, and Dash 2010).
Les HE sont toxiques vis-à-vis des larves et des adultes de An.
gambiae, Ae. aegypti, Cx. quinquefasciatus, An. culicifacies, An. fluvialitis
et An. stephensi (Dua, Pandey, and Dash 2010.; Oparaocha, Iwu et
Ahanaku, 2010; Kweka et al., 2011).
Les méthodes d'extraction des HE peuvent être
entre autres, la méthode par hydrodistillation avec le Clevenger, la
méthode par hydrodistillation avec le Soxhlet et la méthode
d'extraction par hydro-diffusion avec l'alambic.
o Principe de la méthode par hydrodistillation
avec le Clevenger
L'eau et les échantillons de la plante à
extraire sont dans un ballon qui est place dans un dispositif de chauffage. La
vapeur monte dans le tube à dégagement jusqu'à un
condensateur, et le condensat retombe dans une petite burette. L'huile flotte
sur l'eau, qui est pour sa part progressivement renvoyée dans le ballon
chauffé par un conduit en diagonale. Ce processus peut durer deux heures
et le volume d'huile recueilli peut être mesuré directement dans
la burette.
o Principe de la méthode par hydrodistillation
avec le Soxhlet
L'échantillon broyé (broyat) de la plante
à extraire est entassé dans une cartouche qui est
déposée dans le Soxhlet avec 1L de solvant pour chaque
extraction. Soixante-quinze (75) centilitres de solvant sont versés
directement sur le broyat et les 25cl restants versés dans le ballon
dans lequel sont déposés au préalable quelques grains de
pierres ponces. Le tout est porté à
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ébullition dans le thermostat. L'ensemble est donc
prêt pour l'extraction à l'aide de l'éther de
pétrole 60-80 à ébullition qui dissout graduellement
l'huile végétale. Le solvant contenant l'huile
végétale retourne dans le ballon par déversements
successifs causés par un effet de siphon dans le coude latéral.
La matière grasse s'accumule dans le ballon jusqu'à ce que
l'extraction soit complète. Une fois l'extraction terminée,
l'éther de pétrole est évaporé,
généralement sur un évaporateur rotatif.
o Principe de la méthode d'extraction par
hydro-diffusion avec l'alambic
Ce dispositif est composé d'une cuve dans laquelle on
place les plantes à distiller. Les plantes sont dissociées de
l'eau dans la même cuve. La cuve est chauffée et recouverte par un
chapiteau qui est prolongé par un col de cygne, celui-ci est
raccordé à un serpentin de refroidissement. Pour cela, celui-ci
est plongé dans une cuve d'eau froide. Le serpentin débouche sur
l'essencier, muni de deux robinets. Celui du bas permet de recueillir
l'hydrolat ou eau florale et celui du haut l'huile essentielle.
A B C
Figure 9: Appareils d'extraction des huiles
essentielles (A = Appareil de Clevenger ; B =
Alambic ; C = Dispositif par le Soxhlet)
1.5. Importance des HE
Les extraits de plantes jouent un rôle dans
l'écologie de la plante, notamment dans les interactions plantes-plantes
et les interactions plantes insectes. C'est ainsi que la plupart des HE,
produits du métabolisme secondaire, ont des propriétés
allopathiques ou pesticides.
Les HE sont utilisées dans différentes
formulations, comme les médicaments traditionnels pour des soins de
santé primaire et dans la parfumerie (Heath, 1981; OMS, 2002).
Cette ruée vers la médecine par les plantes peut
s'expliquer par le fait que les plantes sont accessibles et abondantes, surtout
dans les pays en voie de développement (OMS, 2002; Muthu et
al., 2006) . De plus, les effets secondaires causés par les plantes
sont minimes voire absents, au contraire des médicaments
semi-synthétiques ou synthétiques (Iwu, Duncan et Okunji, 1999).
Plusieurs études ont montré les propriétés
antibactériennes et antifongiques des HE (Bassolé et
al., 2005; Burt, 2004 ; Samba et al., 2020 ; Sawadogo et
al., 2022).
Les HE présentent également un
intérêt scientifique en plus de celui économique et
agro-alimentaire, résidant dans le fait qu'elles procurent souvent de
nouvelles molécules, qui servent de modèles pour la
synthèse industrielle d'analogues structuraux.
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