INTRODUCTION GENERALE
Thèse de Doctorat unique - 2
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Introduction générale
Les maladies à transmission vectorielle sont des
maladies infectieuses causées par des parasites, des virus ou des
bactéries qui sont transmis par des vecteurs (OMS, 2020). Ces maladies
à transmission vectorielle sont la dengue, la fièvre jaune,
l'encéphalite japonaise, la leishmaniose, la maladie de Chagas,
l'onchocercose, le paludisme, la schistosomiase et la trypanosomiase humaine
africaine. Elles sont responsables de plus de 17% des maladies infectieuses et
provoquent plus d'un million de décès par an dans le monde (OMS,
2021a).
Parmi les maladies à transmission vectorielle, le
paludisme et la dengue sont les plus répandues. Au cours de la
dernière décennie, l'incidence mondiale et la mortalité
dues au paludisme ont considérablement diminué. En revanche,
l'incidence mondiale de la dengue est en pleine croissance (OMS, 2020). Ces
deux grandes maladies à transmission vectorielle ont approximativement
les mêmes symptômes à telle enseigne que certains ont
nommé la dengue « palu-dengue ».
Le paludisme est une maladie potentiellement mortelle
causée par des parasites transmis aux hommes par des piqûres de
moustiques femelles, du genre Anopheles, infectés. Parmi les
nombreuses espèces de Anopheles, seulement une vingtaine
assurent la transmission du paludisme dans le monde (Pagès,
Orlandi-Pradines et Corbel, 2007). En 2019, le nombre de cas de paludisme dans
le monde a été estimé à 229 millions et le nombre
estimé de décès imputables à cette maladie à
transmission vectorielle s'élevait à 409.000 (OMS, 2020). Et de
surcroit, ce sont les enfants âgés de moins de cinq ans et les
femmes enceintes qui constituent le groupe le plus vulnérable
touché par cette maladie. En effet, 67 % des décès dus au
paludisme dans le monde concernent les enfants âgés de moins de
cinq ans (OMS, 2021a). Selon le Bulletin épidémiologique, le
Burkina Faso a enregistré en 2021, plus de 12 millions de cas dans les
établissements sanitaires avec 605.504 cas de paludisme grave et 4.355
décès (Ministère de la Santé du Burkina Faso,
2022).
Quant à la dengue, elle est une infection virale
transmise à l'être humain par la piqûre de moustiques
femelles, du genre Aedes, infectés. Les principaux vecteurs de
cette maladie sont les moustiques de l'espèce Aedes aegypti et
dans une moindre mesure Aedes albopictus (OMS, 2022a). Selon Bhatt et
al. (2013), on compterait dans le monde 390 millions de cas de dengue
par an, dont 96 millions présentent des manifestations cliniques (quelle
que soit la gravité de la maladie). Une autre étude sur la
prévalence de la dengue avait estimé que 3,9 milliards de
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personnes dans 128 pays étaient exposées
à l'infection par les virus de la dengue (Brady et al., 2012).
Le nombre de cas de dengue notifiés dans le monde a atteint son maximum
en 2019 et toutes les Régions de l'OMS ont été
touchées (OMS, 2021a).
Au Burkina Faso, une augmentation de l'incidence hebdomadaire
de cas de dengue a été constatée à partir de la
31ème semaine de l'année 2017 (Ministère de la
Santé du Burkina Faso, 2017).
La lutte contre les maladies à transmission vectorielle
humaine repose principalement sur l'utilisation des Moustiquaires
Imprégnées d'insecticide à Longue Durée d'Action
(MILDA) et dans une moindre mesure sur la Pulvérisation Intra
Domiciliaire (PID) d'insecticides à effet rémanent pour
réduire le contact homme-vecteur et/ou diminuer la population vectrice
(OMS, 2021b). Par ailleurs, les insecticides anciennement utilisés en
santé publique pour l'imprégnation des moustiquaires sont de la
famille des pyréthrinoïdes (Zaim, Aitio et Nakashima, 2000). En
effet, ils présentent des propriétés physico-chimiques
nécessaires pour protéger à la fois l'utilisateur de la
moustiquaire et avoir un impact au niveau communautaire (Henry et al.,
2005 ; Fegan et al., 2007). Les pyréthrinoïdes à
faible dose sont inoffensifs pour l'homme, agissent très rapidement sur
les moustiques (effet Knock down) et présentent un effet
excito-répulsif (Zaim, Aitio et Nakashima, 2000). Cet effet
excito-répulsif empêche le moustique de rester suffisamment
longtemps au même endroit sur la moustiquaire pour pouvoir piquer en cas
de contact entre le dormeur et la moustiquaire pendant son sommeil.
Malheureusement, l'émergence de la résistance aux
pyréthrinoïdes chez les vecteurs du paludisme constitue une menace
à l'encontre des stratégies de lutte utilisées par les
Programmes Nationaux de Lutte contre le Paludisme (Ranson et Lissenden, 2016).
En effet, des études antérieures avaient rapporté la
résistance des vecteurs du paludisme aux insecticides chimiques (Chandre
et al., 1999; Diabate et al., 2002; Namountougou et
al., 2019). Aussi, plusieurs études ont signalé une
résistance aux insecticides chez les vecteurs de la dengue dans le monde
entier, notamment en Inde (Bharati & Saha, 2018), au Brésil (de
Araújo et al., 2019), en Malaisie (Ishak et al.,
2017), au Laos (Marcombe et al., 2019), au Myanmar (Kawada et
al., 2014), en Afrique (Kamgang et al., 2011; Kawada et
al., 2016), et particulièrement au Burkina Faso (Badolo et
al., 2019; Sombié et al., 2019; Namountougou et
al., 2020, Toé et al., 2022).
Face à l'émergence de la résistance aux
insecticides chimiques qui a réduit l'efficacité des outils
actuels de lutte antivectorielle, les recherches sont dirigées de plus
en plus sur d'autres
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formes de luttes qui peuvent être des alternatives
efficaces contre les moustiques vecteurs de maladie (Vani, Cheng et Chuah,
2009; Ileke et al., 2015). En effet, plusieurs stratégies
alternatives et/ou complémentaires sont envisagées afin de
contourner les mécanismes de résistance. Parmi ces moyens
complémentaires, nous avons les insecticides biologiques notamment les
extraits naturels de plantes.
Les extraits naturels de plantes offrent l'avantage de
provoquer très peu de résistance contrairement aux insecticides
synthétiques, car leur efficacité provient d'une synergie
d'action entre les différents composés organiques qu'ils
contiennent (Pavela, 2014 ; Deletre et al., 2015). Les huiles
essentielles (HE) étant biodégradables et peu toxiques pour les
mammifères, elles font partie des produits d'origine naturelle les plus
employés dans la lutte antivectorielle (LAV) (Deletre et al.,
2013). En effet, elles possèdent des propriétés
insecticides et répulsives (Deletre et al., 2016; Pohlit et
al., 2011).
Au Burkina Faso où les vecteurs du paludisme ont une
activité surtout nocturne, les hommes reçoivent un nombre
important de piqûres, environ 15% des piqûres des moustiques du
genre Anopheles intervenant entre 18 et 20 heures (Badolo et
al., 2004). Le moustique de l'espèce Ae. aegypti se
nourrit le jour ; il pique principalement tôt le matin, ainsi que le soir
avant le coucher du soleil (Trpis et al., 1973). Cette situation
nécessite l'usage de moyens complémentaires comme les
répulsifs pour prévenir les piqûres de moustiques avant de
se retrouver sous la moustiquaire.
En effet, des évaluations quantitatives récentes
indiquent que la lutte contre les larves peut entraîner des
réductions plus importantes que prévues de la transmission des
agents pathogènes dans certaines circonstances (Smith et al.,
2013; Ouédraogo et al., 2018). Par conséquent, cibler
les moustiques vecteurs au stade larvaire demeure une des meilleures
alternatives, car les larves sont relativement confinées dans des sites
de reproduction souvent accessibles ; elles sont donc plus vulnérables
par rapport aux moustiques adultes (Tomé et al., 2014).
Toutefois, au Burkina Faso, les études menées
sur l'activité insecticide des extraits végétaux
vis-à-vis des moustiques est en plein essor avec des travaux
déjà menés par Bassolé et al. (2003),
Gnankiné et Bassolé (2017), Yameogo et al. (2021) et
récemment Wangrawa et al.(2022a; 2022b). Mais ces études
n'ont pas concerné les populations de moustiques de la partie
occidentale du pays. Aussi, ces études ne se sont pas
intéressées aux effets combinés et répulsifs des HE
sur les populations de moustiques.
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Les travaux de notre thèse s'inscrivent dans un
contexte de recherche de nouvelles stratégies de lutte antivectorielle
et ont été initiés dans le but d'acquérir de
meilleures connaissances sur les effets insecticides et répulsifs
irritants de contact des huiles essentielles (HE) et des combinaisons d'HE sur
des vecteurs du paludisme et de la dengue.
Nos travaux ont pour objectif principal d'examiner
l'efficacité entomologique des HE de cinq (5) plantes locales,
Cymbopogon citratus, Cymbopogon nardus, Eucalyptus camaldulensis, Lyppia
multiflora, Ocimum americanum, et des combinaisons des HE de deux plantes,
Cymbopogon nardus et Ocimum americanum en vue d'une meilleure
gestion de la résistance de An. gambiae s.l., responsable de la
transmission du parasite du paludisme et de Ae. aegypti, vecteur du
virus de la dengue au Burkina Faso.
De façon spécifique, nous avons d'abord
évalué l'efficacité larvicide et adulticide des HE de ces
plantes sur des populations de moustiques de An. gambiae
collectées au niveau de la Vallée du Kou (VK) et de Ae.
aegypti collectées à Bobo-Dioulasso.
Ensuite, nous avons examiné le renforcement de
l'efficacité insecticide de différentes combinaisons des HE de
deux (2) des plantes sur les adultes des mêmes populations de moustiques
de An. gambiae et de Ae. aegypti.
Enfin, nous avons évalué l'effet répulsif
irritant de contact des HE de ces cinq (5) plantes locales sur les adultes des
mêmes populations de moustiques de An. gambiae et de Ae.
aegypti. Les hypothèses de recherche suivantes ont
été émises :
· Les HE des plantes de C. citratus, C. nardus, E.
camaldulensis, L. multiflora et de O. americanum ont des
propriétés larvicides ;
· Ces HE sont des adulticides efficaces contre les
moustiques vecteurs de la dengue et du paludisme ;
· Ces HE sont des répulsifs de contact contre les
vecteurs de la dengue et du paludisme ;
· Les combinaisons de deux HE améliorent
l'efficacité de ces HE.
Le présent document est structuré en trois
parties et est basé sur les différentes publications relatives
aux travaux de recherche liés à notre thèse.
o La première partie intitulée « Revue
bibliographique » présente les connaissances sur la
classification et la bio-écologie des vecteurs de la dengue et du
paludisme. Nous y évoquons également les mécanismes de
résistance des vecteurs de ces deux maladies à transmission
vectorielles aux insecticides chimiques et les stratégies
de LAV utilisées ou en développement. Enfin, nous évoquons
les informations sur les répulsifs et les HE.
o La deuxième partie nommée «
Méthodologie générale »
présente le matériel et les méthodes utilisées aux
laboratoires et sur le terrain depuis la collecte larvaire jusqu'aux
différents tests réalisés.
o La troisième partie intitulée «
Résultats et Discussion » subdivisée en
trois chapitres présente les résultats des différents
travaux effectués dans le cadre de cette thèse. Chaque chapitre
est structuré en introduction, méthodologie spécifique
utilisée, résultats, discussion et conclusion partielle. Ces
trois (3) chapitres sont articulés autour des articles publiés ou
en cours de préparation.
Nous terminons par une Discussion
générale, une Conclusion générale et des
Perspectives à nos travaux.
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