L'infraction d'avortement face au droit de disposer de son corps.par Frédéric Bwanakay Université de Lubumbashi - Graduat 2017 |
III. Problématique et hypothèses1. ProblématiqueLa problématique est définie de plusieurs manière par différents auteurs, mais nous adoptons ici celle-ci : la problématique est la question principale que l'auteur se pose et à laquelle il attend répondre au bout de ses recherches. Elle doit, selon lui être formulée de sorte qu'elle puisse s'allier directement au thème contenu dans le sujet. Une seule question, poursuit-il, suffit à titre de problématique, à la rigueur l'on peut admettre trois questions qui seraient complémentaires.12(*) Ainsi, au-delà de toutes les questions qui ont surgies, nous n'avons retenu que celles-ci : Ø Quel rapport peut-on établir entre la répression de l'avortement et le droit de disposer de son corps? 2. HypothèseL'hypothèse est une réponse provisoire à la problématique entant qu'expression des pressentiments de l'auteur sur la préoccupation qui le hantent et qui en tant que telle, attendent d'être déniées ou confirmées au terme des investigations.13(*) Nous partirons donc de l'hypothèse que toute intervention en vue de lutter contre l'interruption volontaire de grossesse en disposant de son corps ne peut être efficace que si l'on maitrise tous les contours de celle-ci (pratiques et usages) Et nous pouvons dire que la répression de l'avortement avec le droit de disposer de son corps ont un rapport puisque nous notons qu'en toute logique, un avortement suppose que la femme ait été enceinte au moment des manoeuvres. Dans la négative, il s'agirait d'une tentative impossible. C'est pourquoi, le code de 1867 ne reprend pas la formule de celui de 1810 qui disait : « Quiconque(...) aura procuré l'avortement d'une femme enceinte.14(*)» Le code a supprimé ce pléonasme et s'exprime simplement de la sorte : « Celui qui(...) ». Condition préalable d'une possibilité d'avortement, le diagnostic a posteriori de la grossesse est toutefois difficile à établir. Dans ce domaine, la loi n'impose aucun moyen de preuve spécial pour prouver l'infraction15(*). De nombreuses inculpations d'avortement sont vouées à un insuccès certain en cas de doute sur l'état de grossesse. Car, en l'absence de cette preuve, l'avortement devient illusoire et donc non répréhensible. La seule découverte d'une grossesse ancienne n'est pas suffisante pour établir un avortement. Le droit criminel exige qu'on lui apporte également la preuve des manoeuvres qui ont entrainé cette interruption. La détermination de ces moyens constitue souvent la preuve péremptoire de l'infraction. Et vouloir être décisionnaire de notre choix, la prise de décision des autres sur leur corps, passe également par l'interdiction d'autrui d'y porter atteinte et permet le respect de l'intégrité physique. Le droit de disposer de son corps est très étendu. Il concerne aussi bien la maitrise et le don de son corps que la sexualité16(*). Cependant, disposer de son corps n'est pas toujours aussi facile qu'on peut le croire. Le droit à l'avortement est un acquis majeur des femmes et le fruit d'un long combat pour leur droit à disposer de leur corps. Ce droit est un élément structurant de l'égalité entre les femmes et les hommes. Chaque année en France, environ 220.000 femmes ont recours à l'IVG pour interrompre une grossesse non désirée. Ce droit est garanti par la loi. L'entrave à l'IVG constitue un délit puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Exceptionnellement, la loi dans certains pays punit l'avortement provoqué non intentionnellement lorsqu'il a été le résultat de violences exercées volontairement. Il s'agit alors d'un délit qui conduit à une sanction correctionnelle, même en cas de circonstances aggravantes comme la préméditation ou la connaissance de l'état de la femme17(*). La répression de la tentative ne se conçoit pas dans le cas d'un avortement mortel car l'article 352 ne réprime qu'un résultat, le décès de l'avortée. Il en va de même pour l'article 349 : la tentative en est exclue puisqu'il est par essence même impossible de tenter un acte auquel on ne songe pas affirme Jules MESSINE18(*). L'avortement régi par les articles 350 et 351 relevant de la catégorie du délit, la répression de sa tentative n'est pas prévus. Reste à envisager l'hypothèse de la tentative de l'avortement perpétré par un membre du corps médical. C'est à ce propos qu'une controverse éclate. A la lecture des textes de loi, il semble que le Code pénal soit parvenu à trancher la question de la tentative de l'avortement : elle n'est punissable qu'en cas de non-consentement de la femme. Une inadvertance et une malheureuse transposition de textes font toutefois renaitre partiellement la question dans le cas de l'avortement procuré par un médecin sur une femme consentante. Nous avons vu que le législateur maintient ce type d'avortement dans son statut de crime. En toute logique, sa tentative devrait donc être réprimée. Or, l'article 353 fait la distinction entre l'avortement obtenu avec le consentement de la femme et celui procuré sans son accord. A l'instar des autres cas de tentative d'avortement opérée avec le consentement de la femme, celle commise par un médecin ne devrait donc pas être punie, quoiqu'il s'agisse d'une tentative de crime. Le cas contraire risquerait de rendre paradoxales et contradictoires les décisions du législateur dans le domaine de la tentative. Il faut donc introduire une disposition qui consacre le principe selon lequel la tentative d'avortement est soustraire à la répression dans tous les cas où la femme y a consenti. Un tel texte ne voit jamais le jour. * 12 Victor KALUNGA TSHIKALA, rédaction de mémoire en droit, guide pratique, p. 16-17 * 13 Victor KALUNGA, op cit, page 14 * 14 NYPELS, le code pénal belge interprété, p. 55 * 15 Avortement, droit pénal, n°5780 * 16 Wikipedia.com * 17 Jos GOEDSEELS, commentaire du code pénal belge, Bruxelles, 1928, p. 467 * 18 Jules MESSINE, La répression de l'avortement, dans Philippe TOUSSAINT (dir., l'avortement, Bruxelles, 2e éd., 1973, (coll.), pp. 140-141 |
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