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L'infraction d'avortement face au droit de disposer de son corps.


par Frédéric Bwanakay
Université de Lubumbashi - Graduat 2017
  

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CHAPITRE II : LE DROIT DE DISPOSER LIBREMENT DE SON CORPS

Section 1 : LE DROIT A L'INTEGRITE PHYSIQUE ET L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

Le droit d'opérer des choix sur son propre corps st aujourd'hui reconnu par la cour européenne des droits de l'homme comme membre à part entière de la grande famille des garanties que renferme le droit ou respect de la vie privée67(*).

Ainsi, il convient de présenter et d'expliciter les notions étroitement liées d'intégrité physique, de disposer du corps et d'autonomie personnelle au regard de l'article 8 de la CEDH avant d'entrer dans le coeur de la problématique et de ses enjeux. A cet effet, nous analyserons dans un premier temps les prérogatives corporelles auxquelles chaque individu peut prétendre et qi ne peuvent ultimement être justifiés que par l'exercice du droit au respect de la vie privée. Nous nous intéresserons ensuite à l'autonomie personnelle, principe qui « sous-entendu », l'interprétation des garanties de l'article8 de la CEDH et dont il peut être déduit pour chaque individu le droit de faire ce qu'il veut de son propre corps68(*).

§1 : Le droit de l'intégrité physique

Est-il nécessaire de le rappeler, l'article 8 de la convention Européenne des droit de l'homme a pour objet de protéger la vie privée et intime des individus, disposant en son premier paragraphe que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »

Ainsi à l'origine, le droit au respect de la vie privée au sens de la CEDH doit s'entendre comme un « droit d'être laissé tranquille » visant particulièrement à protéger les personnes contre toutes immixtions arbitraires des pouvoirs publics69(*).

Il faut préserver « l'intimité des lieux ou s'exerce la vie privée ce qui passe avant tout le respect du domicile, lieux privilégie de cette dernière70(*)

Par la suite, l'interprétation évolutive et dynamique de cette disposition opérée par la cour de Strasbourg a permis de déduire de nombreux droits subjectifs de la notion de vie privée71(*).

Cette garantie particulièrement présente dans sa dimension négative : on ne peut pas porter atteinte à l'intégrité physique d'autrui72(*) (sans son consentement)73(*).

La dimension corporelle du droit à la vie privée s'est toutefois transformée ces dernières années pour laisser apparaitre une conception plus étendue et plus libérale de l'intégrité physique. Certains ont ainsi avancé que l'atteinte à leur intégrité physique devait être autorisée dès lors qu'ils étaient libres de disposer de leur corps, même si cela avait pour conséquence la mutilation de celui-ci, voire la mort de l'intéressé74(*). Or, lorsqu'une telle liberté corporelle est exercée par un individu dans son rapport avec autrui, elle s'accompagne généralement du risque d'une condamnation pénale dans le chef de ce dernier dès lors que de telles activités mettent en danger la sécurité des personnes. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elles sont en principe interdites par la CEDH elle-même qui, consacrant le droit à la vie, dispose en son article2 que « personne ne peut donner la mortintentionnellement »75(*). L'atteinte à l'intégrité physique est quant à elle toujours prohibée sur base de l'arcticle8. Par conséquent pour pouvoir justifier de tel comportement auprès de l'Etat, et ainsi requérir de sa part qu'il ne poursuive pas les infractions commises à l'égard de l'intégrité physique de celui qui a consentis à ce qu'il soit porté atteinte, ce dernier doit démontrer que poser de tels choix au regard de son corps relève d'un droit qu'il peut tirer de la convention. En effet, si tel est le cas, l'Etat aura l'obligation d'agir en conformité avec le droit exercé par l'individu.

Ainsi, celui qui revendique une telle disposition corporelle peut défendre sa position de deux façons distinctes : soit en arguant qu'il a renoncé au droit prohibant l'atteinte qui lui a été portée soit en invoquant l'exercice du droit de faire ce qu'il veut de son propre corps.

* 67 Art. 8 Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signé à Rome, 4 nov. 1950

* 68 D. TISSIER, « La protection du corps humain », paris, le harmattan, 2013, p. 244 ; I. ROAGNA, « La protection dudroit au respect de la vie privée et familiale par la CEDH », série des précis des droits de l'homme du conseil de l'Europe, Strasbourg, conseil de l'Europe, 2012, p. 19

* 69 E. LAGARDE, « Le principe d'autonomie personnelle, étude sur la disposition corporelle en droit européen » (multig.) thèse, pan, 2012, p. 43

* 70 E. LAGARDE, op. cit., p. 44

* 71 O. DE SCHUTTER, « La vie privée entre droit de la personnalité et liberté. », pp. 828-829

* 72 ROANIA I. « La protection du droit au respect de la vie privée et familiale par la CEDH », op. cit., pp. 14 et 27

* 73 Ibidem, p. 27 ; U. KILKELLY, « Le droit au respect de la vie privée et familiale », un guide sur la mise en oeuvre de l'article 8 de la CEDH, série des Précis des droits de l'homme, Strasbourg, n°1, conseil de l'Europe, 2003, p. 44

* 74 En effet, même si la règle est l'interdiction de poser des actes portant atteinte à l'intégrité d'autrui, ceux-ci peuvent en pratique être justifies et admis dans certains hypothèses, lorsque la personne concernée y a consenti. Tel est le cas lorsqu'une personne consent à une intervention chirurgicale, ou encore à se faire tatouer (X.PIN. Le consentement en matière pénale, Paris, Librairie générale de droit et jurisprudence, 2002, p. 83).

* 75 Art. 2 Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signés à Rome le 4 novembre 1950.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault