4. Interaction de Gracilaria gracilis et sa faune
associée
Pour étudier l'interaction faune associé et
G. gracilis, nous avons choisi de focaliser notre étude sur
l'isopode (Idotea balthica) et l'amphipode (Gammarus sp.),
les espèces les plus abondants dans nos échantillons. On remarque
des corrélations positives entre les fréquences des isopodes
(Idotea balthica) et les différentes réponses
étudiées au cours des mois de Mai (TCS, sucre soluble et
protéines) et Juin (RPE) (Tableau 3). Par contre on remarque qu'il y a
une corrélation négative entre la fréquence des isopodes
et la teneur en matière sèche et les protéines en Avril et
avec la teneur de l'algue en sucre au mois de Juin. Cependant, la
fréquence de l'espèce Idotea balthica est fortement
corrélé positivement à la fois avec le poids des touffes
(r= 0,66 > 0,5), le TCS (r= 0,66) et la teneur en MS de G. gracilis
(r= 0,91) au mois de Mai. De ce fait, l'augmentation de la
fréquence des isopodes est liée au TCS et à la teneur en
matière sèche de l'algue. En effet, la fréquence la plus
élevée est mentionnée au mois de Mai où le TCS et
la biomasse de Gracilaria sont optimales. De même, la
fréquence des isopodes est fortement corrélée à la
fois avec les teneurs en protéines (0,57) et en MS de G. gracilis
(0,58) au mois de Juin, mais de moindre mesure avec le TCS (0,34) et le
poids des touffes (0,35). Les fréquences des amphipodes (Gammarus
sp.) sont corréler d'une manière significative aux Poids,
TCS, MS, protéines et RPE (Tableau 4).
Nos résultats sont proches de celles signalés de
Zaabar et al. (2017) qui ont montré une relation positive entre
la fréquence de l'espèce Idotea balthica et le TCS de
Gracilaria sp. dans la lagune de Bizerte. En effet, plus les
touffes sont volumineuses, riches en protéines et en sucres solubles et
plus elles sont présentes en couleur vive, plus le nombre d'isopode
attiré à l'algue est élevé. Les isopodes
s'associent donc au G. gracilis soit pour se mettre à l'abri
et/ou pour se nourrir. Selon Smit et al. (2003) et Cruz-Rivera et Hay
(2001), les isopodes préfèrent G. gracilis comme source
de nourriture et choisissent de manière sélective les
différentes parties du thalle de l'algue. Cependant, Idotea balthica
préfère les branches apicales riches en sucre soluble. Selon
Smit et al. (2003) et Kraufvelin et al. (2006), cette
préférence pour les branches latérales est probablement
due à la différence de ténacité entre les branches
latérales et l'axe principal ou bien aux concentrations tissulaires
d'azote (N) donc à la teneur de l'algue en protéine. Quant aux
amphipodes et d'après nos résultats, les individus de
Gammarus sp. ont bien proliféré dans la zone de culture
lorsque l'algue devient riche en nutriment (protéines) en Avril, le
poids des touffes augmente et l'algue devient riche en sucres solubles au mois
de Mai et de couleur vive en Juin. Nos résultats concordent
avec ceux de
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Fukunaga et al. (2014) qui ont montré que
l'abondance totale des amphipodes est significativement corrélée
à la fois avec la biomasse de Gracilaria salicornia, le volume
du thalle et sa qualité nutritionnelle. Du fait que Gracilaria
ne contient aucun moyen de défense chimique connu contre les
herbivores (Amsler, 2009), la qualité nutritionnelle est probablement un
indice important pour les brouteurs. Cependant, Ces organismes sont connus
d'importants consommateurs de macroalgues (Hayward et Ryland, 2002). Ainsi, ils
peuvent choisir les aliments en se basant sur des indices chimiques (nutrition)
et/ou sur la morphologie des macroalgues (Heckscher et al., 1996).
Dans notre étude, le nombre de Gammarus sp. est
corrélé positivement à la fois avec la teneur en
protéines, la teneur en RPE et la teneur en sucres solubles. Nos
résultats concordent avec ceux de Galàn Jiménez et
al. (1996) qui ont montré que la sélection des aliments par
les amphipodes est clairement corrélée à la teneur en
azote et que l'amphipode Gammarus mucronatus a montré une
préférence significative pour G. tikvahiae même
lorsque les différences de teneur en N est aussi faibles que 0,7 %.
Enfin, plus le TCS, la MS, les protéines et les sucres solubles sont
importants, plus le nombre d'amphipode est élevé. Toutefois,
l'espèce Gammarus sp. vive souvent dans les macroalgues, ils
les consomment et doivent donc les considérer à la fois comme des
lieux de vie et d'alimentation (Hay et al., 1988).
Dans la lagune de Bizerte, les Gracilaires sont une composante
essentielle de son écosystème. En effet, l'algue rouge
Gracilaria gracilis est utilisée comme source de nourriture et
d'habitat pour les communautés faunistiques. Cependant, sa faune
associée est largement dominée par les crustacés isopodes
(Idotea balthica) et les crustacés amphipodes (Gammarus
sp.). Ainsi, avec chaque récolte de G. gracilis, nous
avons collecté un totale des isopodes par kilogramme d'algue fraiche de
506,53 N/kg en Avril ; 232,02 N/kg en Mai et 351,84 N/kg en Juin. Ces
récoltent pourraient entrainer la perturbation des assemblages
faunistiques, ce qui génère des perturbations au niveau de la
biodiversité, en particulier celle des isopodes et amphipodes. Peu
d'efforts ont été consacrés à l'étude de
l'interaction entre des méthodes de récolte et de la culture de
cette algue et sa faune associée dans la lagune de Bizerte. Il en
ressort qu'il faudrait approfondir les connaissances sur ces activités
et sur l'abondance des espèces faunistiques associées aux algues
mais aussi développer des méthodes de collecte et de culture des
algues sans toucher la diversité biologique en générale et
faunistique en particulier, afin de conserver les ressources naturelles et
leurs services écologiques et assurer un approvisionnement stable des
marchés émergents avec des produits de qualité. À
terme, ces informations seront indispensables pour anticiper les changements
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causés par la culture de cette algue sur sa faune.
Cependant, afin d'éviter la destruction du cycle de vie de ces animaux,
une stratégie de récolte de ces algues, dite
écoresponsable doit être employée. En fait, nous
suggérons qu'à la fin du mois de Mai, nous procédons
à la collecte d'une partie de touffes. Ainsi nous conservons la faune
vivante établie au sein des gracilaires et nous maintenant
l'équilibre faune-algue dans la lagune.
Tableau 3: Coefficients de corrélation
entre le nombre de l'isopode (Idotea balthica) et les
différentes réponses étudiées à savoir le
poids des touffes, le taux de croissance spécifique (TCS), la teneur en
matière sèche (MS), le sucre soluble, les protéines et la
R-phycoérythrine (RPE) au cours de la période d'étude
(Avril, Mai et Juin 2019).
|
Poids (kg)
|
TCS (% j-')
|
MS (%)
|
Sucre (%)
|
Protéines (%)
|
RPE (mg.g-')
|
Avril
|
0,22
|
0,30
|
-0,03
|
|
-0,04
|
0,22
|
Mai
|
0,66
|
0,66
|
0,91
|
0,21
|
0,49
|
0,35
|
Juin
|
0,35
|
0,34
|
0,58
|
-0,06
|
0,57
|
0,54
|
Tableau 4: Coefficients de corrélation
entre le nombre de l'amphipode (Gammarus sp.) et les
différentes réponses étudiées à savoir le
poids des touffes, le taux de croissance spécifique (TCS), la teneur en
matière sèche (MS), le sucre soluble, les protéines et la
R-phycoérythrine (RPE) au cours de la période d'étude
(Avril, Mai et Juin 2019).
|
Poids (kg)
|
TCS (% j-')
|
MS (%)
|
Sucre (%)
|
Protéines (%)
|
RPE (mg.g-')
|
Avril
|
-0,20
|
-0,18
|
0,09
|
|
0,63
|
0,43
|
Mai
|
0,81
|
0,73
|
0,71
|
-0,04
|
0,84
|
0,45
|
Juin
|
0,08
|
-0,03
|
0,07
|
0,23
|
-0,09
|
0,05
|
48
|
|