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Etude de la croissance, de la composition biochimique et de la faune associée de l’algue rouge Gracilaria gracilis (Hudson) Papenfuss de la lagune de Bizerte.


par Zouhour MISHLI
Université de Carthage - Master 1 en Biosurveillance de l’environnement 2019
  

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2. Croissance et composition biochimique du Gracilaria gracilis

Dans les eaux de la lagune de Bizerte, le TCS (%j-1) enregistre une baisse significative en fonction du temps. Il passe de 5,60 #177; 0,94 % j-1 au mois d'Avril à 2,55 #177; 0,16 % j-1 au mois de Juin, avec une moyenne durant toute la période de culture de l'ordre de 3,05 #177; 0,78 %j-1. Une baisse sensible est observée entre le mois de Mai (3,29 #177; 0,70 % j-1) et le mois de Juin (figure 14). La variation de la teneur en sucres solubles (%) en fonction du temps est représentée par la figure 15. Cette dernière montre une variation importante de la teneur en sucres solubles au cours de la période de culture. La teneur la plus élevée a été enregistrée au mois de Mai, qui est égale à 48,86 #177; 9,16 %, alors que la teneur la plus faible a été enregistrée au mois de Juin (34,12 #177; 8,74 %). En moyenne, la teneur en sucres solubles est de 39,46 #177; 9,92 %. Quant à la teneur en protéines, une variation peu importante de sa teneur d'Avril à Juin 2019 (Figure 16). Sa valeur varie d'une moyenne de 20,26 #177; 3,52 % (Avril et Mai) à 21,92 #177; 1,74 % au mois du Juin. La variation de la teneur en R-phycoérythrine en fonction du temps, exprimée en mg.g-1 est présentée par la figure 17. La teneur moyenne de RPE, produite après 90 jours de culture varie entre 1,43 #177; 0,62 et 2,35 #177; 0,82 mg.g-1.

Les valeurs du TCS sont supérieures à ceux obtenus par Ksouri et al. (2006), Santelices et Doty (1989), Largo et al. (1989) et Kim (1970). En effet, pour une durée de culture similaires (30 jours), le TCS moyen de G. gracilis auquel a conduit notre étude est de l'ordre de 5,60 #177; 0,94 %j-1 alors que pour celle de Ksouri et al. (2006) n'atteigne pas le 1 %j-1 ainsi que ceux mentionnés par Kim (1970) et Largo et al. (1989) dont les valeurs varient de 4,29 à 4,95 %j-1. Par contre, nos résultats sont similaires à ceux de Ksouri et al. (2008) dans le même milieu et avec la même méthode de culture (4 %j-1). La différence entre les résultats pourrait être attribuée à la richesse du milieu en nutriments, la température et la salinité (Marinho-sorino et al., 2006). Selon Choi et al. (2006) et Yang et al. (2006), la plupart des espèces de Gracilaria se développent bien quand la température est supérieure ou égale à 20 °C. Dans notre étude l'algue s'est bien développée car la température a été favorable (16,50 #177; 1,70°C à 22,38 #177; 4,03°C). Nos résultats concordent avec ceux de Mensi et al. (2012) qui montrent que G. gracilis s'est bien développé à une température comprise entre 15 et 26°C et qu'au-dessus de 30°C la croissance chute et il y a dégénérescence des thalles de l'algue. De même, nos résultats, sont proches de ceux mentionnés par Yang et al. (2015) pour G. lemaneiformis (12 à 23°C) et Ksouri et al. (2008) pour G. gracilis. La température et la salinité sont considérées comme deux facteurs fondamentaux qui contrôlent la croissance saisonnière dont il est

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difficile de séparer leurs effets. L'algue G. gracilis semble capable de supporter une large gamme de variation des salinités (Cirik et al., 2006 ; Turan et al., 2006). D'après le tableau 2, les valeurs obtenues au cours de notre travail et qui sont comprises entre 34,6 et 35,4 psu, correspondent à celles signalées par Simonetti et al. (1970) et McLachlan et Bird (1985). De même, une croissance optimale entre 25 et 42 psu et une bonne croissance avec des salinités comprises entre 5 et 23 psu sont obtenus par Cirik et al. (2010) et Simonetti et al. (1970). Une nette diminution de la croissance à des salinités qui varient entre 18 psu et 25 psu et une chute lorsque la salinité est inférieure à 15 psu (Munda, 1978 ; Mensi et al., 2014).

L'ensemble des éléments nutritifs constitue un facteur abiotique clé en relation avec les autres paramètres environnementaux, qui influencent la croissance des algues (Harrison et Hurd, 2001). Dans notre expérience avec des taux en ammonium et en nitrates respectivement de 94,40 ? 9,75 ?M et de 58,46 ? 13 ?M en Avril, G. gracilis présente un TCS maximale. Cependant, lorsque les teneurs en NH4+ diminuent et celles de NO3- augmentent, le TCS de Gracilaria chute. Nos résultats s'accordent avec ceux de Hanisak (1978) qui montre qu'un ajout continu de nutriments maximiserait la croissance. Dans notre étude, la chute progressive de la teneur en ammonium dans les eaux de la lagune entre Avril et Juin, est accompagnée par une diminution du TCS. Ceci montre que G. gracilis a une nette préférence pour l'ammonium par rapport aux nitrates. Nos résultats concordent avec celui de Smit (2002) qui indique que cette préférence peut être expliquée par le fait que l'ammonium présente l'avantage sur les autres formes d'azote d'être assimilé sans réduction au préalable. De même la vitesse du vent qui diminue au cours de la période de culture et par conséquent la diminution de la turbidité de l'eau et du déplacement de la masse d'eau affecte la croissance de l'algue. Ces observations sont en concordance avec celles de Mensi et al. (2014) qui indiquent que le déplacement des masses d'eau et la turbulence provoquée par les vents sont d'importants facteurs susceptibles d'influencer l'absorption des éléments nutritifs et cela en augmentant la surface de contact des thalles, ce qui améliore la croissance et le développement de l'algue.

Le risque de pertes de touffes est un problème majeur auquel se heurte la culture de Gracilaria sur corde. Durant toute la période d'expérimentation, les pourcentages de perte des touffes sont 25 %, 62,5 % et 68,75 % pour les mois d'Avril, Mai et Juin respectivement. Ces valeurs sont similaires à celles de Ksouri et al. (1999) qui indiquent une valeur de 54 %. Cette valeur élevée pourrait être attribué au fait que les thalles de Gracilaria gracilis étant fragiles, se détachent de la corde, sous l'effet mécanique de brassage par les mouvements de l'eau. Ces

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pertes sont aussi liées à des difficultés d'insertion des touffes sur les cordes (Ksouri et al., 1999), à l'épiphytisme (Fletcher, 1995) et à la faune associée contenant plusieurs groupes zoologiques exploitant le genre Gracilaria comme source de nourriture préférée (Smit et al., 2003 ; Hansen et al., 2006). En conclusion, sous des conditions de température (16,50 °C à 22,38 °C), de salinité (34,6 à < 35 psu,) une vitesse de vent (50 à 55 km/h) et des teneurs en ammonium (94,40 ?M) et en nitrates (58,46 ?M), nous obtenons des TCS acceptable dont la moyenne est de l'ordre de 5,60 %j-1.

Tableau 2: Croissance de Gracilaria selon différente teneur en sel.

Bonne croissance

Croissance
maximale

Croissance
optimale

Chute de la

croissance Salinité létale

Munda (1978) > 18 psu 5-15 psu

Mensi (2014) 25- 30 psu > 25 psu

McLachlan et Bird (1985) > 30 psu

Simonetti et al. (1970) 5 à 23 psu = 30 psu

Cirik et al. (2010) 42 psu

La concentration moyenne en sucres solubles est proche de celles enregistrée par Mensi et al. (2009) dans le même milieu (34,10 #177; 0,15 %) avec la culture en mode suspendu de la même espèce mais elle est nettement supérieure à celle enregistrée par Nguyen (2017) sur la côte Atlantique (0,20 #177; 0,07 % MS). La différence entre les résultats pourrait être due aux conditions du milieu. Cependant, en remarque qu'il y a une relation entre la teneur en sucres solubles et la température de l'eau et la salinité ainsi qu'avec la teneur en nitrate. En effet, d'avril à mai lorsque la température, la salinité et la teneur en nitrate augmentent, la concentration en sucres solubles augmente. Nos résultats sont proches de ceux signalés par Burlot (2016) pour l'algue rouge Solieria chordalis qui montre des corrélations positives entre la teneur en sucres totaux et la température de l'eau (r = 0,49, p < 0,1) et la salinité (r = 0,47, p < 0,1).

Les teneurs de protéines sont proches de celles trouvées par d'autres auteurs pour la même espèce Gracilaria gracilis : 20-30 % (Mensi et al., 2009), 21,3 % (Gómez-Ordóñez et al., 2010), 25,4 % (Marsham et al., 2007) et 26 - 30 % signalés par Sfriso et al. (1994) dans une partie polluée da la lagune de Venise en Italie. Par contre, Ces teneurs sont beaucoup plus importantes que celles enregistrées dans un milieu lagunaire peu pollué (Sfriso et al., 1994) et

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des milieux ouverts pour d'autres espèces de Gracilaria et qui se situent entre 11 et 22 % (Morinho-Soriano et al., 2006 ; Wen et al., 2006). La variabilité entre les résultats peut s'expliquer par différents facteurs à savoir la localisation géographique, les paramètres physico-chimiques et environnementaux des milieux de culture et la saison de récolte (Chye et al., 2017). Ceci est démontré par Cirik et al. (2010) qui indiquent que les pourcentages de protéines pour la culture de Gracilaria gracilis sous serre varient selon les saisons. Les pourcentages les plus élevés de protéines ont été trouvés en décembre (20,28 #177; 0,94 %) et les pourcentages les plus faibles ont été enregistrés en mars (14,99 #177; 0,14 %). De plus, l'hypothèse des effets des fluctuations des intensités lumineuses et des températures qui caractérisent la lagune de Bizerte durant la période de culture pourrait expliquer les fortes valeurs obtenues en protéines. En effet, Mensi et al. (2009) notent que l'augmentation de l'intensité lumineuse entraîne une augmentation de la teneur en protéines brutes. La quantité d'azote dans la lagune de Bizerte pourrait aussi être à l'origine des teneurs élevés de protéines. Burlot (2016) indique que les fortes pluies peuvent entrainer les nutriments azotés comme le nitrate et l'ammonium. En effet, les protéines sont synthétisées essentiellement à partir de l'azote que les algues prélèvent de leur milieu. Durant notre expérimentation, nous avons marqué de fortes teneurs en ammonium et en nitrate entre Avril et Mai (figures 12 et 13). Ces observations s'accordent avec celles de Mensi et al. (2009) qui indique que la variabilité entre les résultats pourrait être due à la teneur en ammonium du milieu qui est considéré comme étant un facteur limitant très important et qui affecte positivement les teneurs en protéines qui augmente avec l'élévation des concentrations d'ammonium.

Les teneurs de R-phycoérythrine est supérieure à ceux signalées par Mensi et al. (2009) pour le même mode de culture sur corde tendue de G. gracilis dans la lagune de Bizerte pendant une durée de 35 jours (0,86 ? 0,03 mg.g-1). Cependant, elle est nettement inférieure à la valeur mentionnée par Francavilla et al. (2013) pour la même espèce de G. gracilis (3,6- 7 mg) qui indiquent que dans le milieu naturel, la teneur en RPE des algues rouges varie au cours de l'année. Elle est maximale au printemps ; Une baisse sensible est observée à partir du mois de Mai qui atteint un minimum à la fin du mois de Juillet. Il parait que la variation de la teneur en RPE pourrait être liée aux plusieurs facteurs tels que la lumière, la température, les nutriments et le régime du courant d'eau. Selon Mensi et al. (2009), les facteurs abiotiques de milieu de culture, excepté la salinité, affectent négativement la teneur de la R-phycoérythrine du G. gracilis. Selon et Jing-Wen et Shuang-lin (2001), la forme et la concentration de l'azote dans le milieu ainsi que l'interaction de cet élément avec la lumière affectent les teneurs en R-

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phycoérythrine de certaines espèces de Gracilaria. Cependant, Nguyen (2017) montre que la concentration en R-phycoérythrine est plus élevée en Janvier qu'en Octobre dont elle chute de plus de la moitié. Cependant, cette baisse est due à une destruction de la phycoérythrine suite à l'augmentation de l'intensité lumineuse et aussi à la baisse de la biosynthèse du fait de l'appauvrissement du milieu en ressources azotées et de l'augmentation de la température des eaux.

Avril Mai juin

mois de culture

TCS (%.j-1)

4

7

6

3

2

0

5

1

5,60

3,29

2,55

Figure 14:Variation du taux de croissance spécifique (TCS%.j-1) de Gracilaria gracilis (Avril-Juin 2019).

Sucre soluble(%)

70

60

50

40

30

20

10

0

35,42

34,12

48,86

Avril Mai Juin

mois de culture

Figure 15: Variation de la teneur en sucres solubles (%) de Gracilaria gracilis (Avril-

Juin 2019).

Avril Mai Juin

mois de culture

Proteines (%)

30

25

20

15

10

0

5

21,96

21,92

18,57

41

Figure 16: Variation de la teneur en protéines (%) de Gracilaria gracilis (Avril-Juin

2019).

Avril Mai Juin

mois de culture

R-Phycoérythrine (mg.g-1)

2,5

0,5

1,5

3

2

0

1

2,35

1,97

1,43

Figure 17: Variation de la teneur en R-phycoérythrine (mg.g-1) de Gracilaria gracilis
(Avril-Juin 2019).

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