3.2.1. Annélides
Les annélides sont des vers marins avec un corps
segmenté comme celui des vers de terre. Ils se divisent en trois classes
essentielles selon la présence ou l'absence de soies jouant le
rôle de pattes : les polychètes (nombreuses), les
oligochètes (rares) et les achètes (absentes) (Csakb, 2013). Les
polychètes sont divisés selon leur mode de vie en deux grands
groupes, les polychètes errants qui nagent et les polychètes
sédentaires qui passent leur vie dans un tube qu'elles
sécrètent à partir de matériaux spécifiques
(Ben Mustapha et al., 2016).
D'après Gillet (2017), Un total de 884 espèces
d'annélides a été décrites dans les zones
côtières et profondes de la méditerranée dont 375
espèces ont été marqué en Tunisie. Environ 10
espèces habitent les lagunes et 40 dans les milieux à la fois
marin et lagunaire. Les polychètes sont significativement plus abondants
dans les zones colonisées par les gracilaires. Elles vivent dans des
tubes mucilagineux fixés aux algues et consomment les diatomées
et les petites algues filamenteuses (Hay et al., 1988). Gracilaria
est connu comme un « ancien
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habitat » qui interagit de manière
écologique avec la faune autochtone (Thomsen et McGlathery, 2005)
crée des habitats pour des annélides associés (Thomsen
et al., 2006). Les espèces Polyophtalamus pictus,
Pseudonereis anomala, Streblosoma persica, Syllis krochnii, S.
prolifera, Thelepus plagiostema (James et al., 1986),
Platynereis dumerilii et Nereis diversicolor (Hay et al.,
1988) sont les principaux polychètes qui se trouvent au niveau des
thalles des gracilaires (G. edulis, G. tikuahiae et G.
vermiculophylla).
Les annélides associés aux gracilaires ont aussi
un rôle dans la prédation et dans la compétition. Joseph
(1978 a) a montré que l'alimentation par les algivores mentionnés
au-dessus entraîne la destruction partielle ou totale des frondes de
Gracilaria et la quantité de dommages causés aux pointes
de croissance des algues est énorme. Le même auteur (1978 b) a
montré que les habitudes alimentaires influent aussi sur la distribution
des gracilaires. Selon lui (1978 b), G. edulis est l'une des algues
préférées des polychètes comme aliment, mais elle
est moins préférée que Padina, Codium, et
Dictyota (Hay et al., 1988). Il est évident que ces
organismes se rassemblent autour des algues pour se nourrir ou s'abriter, ou
les deux, sans pour autant s'attaquer directement aux algues (James et
al., 1986).
3.2.2. Arthropodes
Les arthropodes représentent le groupe animal le plus
abondant du monde marin. Ils possèdent un squelette externe et bougent
grâce à l'articulation de pièces rigides. Les
crustacés font partie des arthropodes et se distinguent grâce
à la présence de deux paires d'antennes (Chabot et Rossignol,
2003). En Tunisie, les arthropodes comptent environ 120, 27 et 24
espèces respectivement dans les golfes de Tunis, de Hammamet et de
Gabès (Afli et al., 2005). Selon Hauxwell et al.
(1998), les crustacés colonisent généralement les
lagunes, les rivières, les estuaires, les étangs et les mers.
Selon Arrontes et Anadón (1990), les crustacés
sont des constituants normaux de la faune qui habitent les macroalgues. Une
analyse des échantillons de faune prélevés sur des
gracilaires cultivées (G. edulis, G. foliifera, G. compressa, G.
debilis, G. tikvahiae, G. graciliset G. vermiculophylla) a
montré que des crustacés isopodes à savoir : Idotea
balthica (Nicotri, 1977), Paridotea reticulata (Anderson et
al., 1998), Erichsone et Edotea (Hauxwell et
al., 1998) ; des crustacés amphipodes tels que :
Microdeutopus gryllotalpa (Heckscher et al., 1996), Jassa
falcata (Anderson et al., 1998), Ampithoe longimana, Gammarus
mucronatus, Elasnurpus levis (Hauxwell et al., 1998) et
Gammarus insensibilis (Mancinelli et
Rossi, 2001) ; des crustacés décapodes
: les crabes Thalamita crenata, T. Integra et les genres
Plagusia, Charybdi (James et al., 1986),
Palaemonetes et Crangon (Mancinelli et Rossi, 2001) et autres
copépodes sont associés au Gracilaria. Cependant, Afli
et al. (2009) ont montré que l'isopode Idotea balthica
est l'espèce dominante, en particulier au printemps et au
début de l'été, habitant Gracilariopsis
longissima, G. bursa-pastoris et G. vermiculophylla.
Malgré de nombreux changements écologiques au cours des
dernières décennies dans la lagune de Bizerte, elle reste
l'espèce dominante.
Selon Arrontes et Anadón (1990), les crustacés
ont une grande variété d'habitudes alimentaires : carnivores ou
omnivores et parfois détritivores. Ainsi, les algues font partie, avec
une faible proportion, de régime alimentaire des espèces de la
zone côtière (Anonyme, 2016). Les crustacés associés
au Gracilaria peuvent exercer des pressions de pâturage pouvant
modifier la dominance des espèces de macroalgues.
Les isopodes qui se trouvent dans les lagunes et les estuaires
en associations avec Gracilaria peuvent présenter des effets
importants sur la productivité, la biomasse et la structure des thalles
de l'algue. En effet, de forts taux de pâturage de G. vermiculophylla
par Idotea balthica ont été signalés par
Weinberger et al. (2008). Selon Nicotri (1977), le
pâturage par cet isopode entraîne une réduction importante
de la productivité de G. foliifera lorsque les populations de
crustacés sont abondantes et la productivité algale est faible.
De même, elle provoque de forte diminution d'environ 31,8% de la biomasse
humide de l'espèce hôte (Shacklock et Doyle, 1983). Gracilaria
peut être considérée comme un aliment de
prédilection pour les isopodes. En effets, des forts taux de
pâturage de G. gracilis par l'isopode Paridotea reticulata
ont été observés lorsque des populations de
l'épiphyte Ceramium diaphanum atteints de faibles
densités (Anderson et al., 1998).
Les herbivores non seulement choisissent de manière
sélective les différentes sources de nourriture proposées,
et les preuves suggèrent que le pâturage peut aussi cibler une
partie spécifique du thalle d'algues (Smit et al., 2003). Par
exemples, Idotea balthica préfère les branches apicales
de G. gracilis et de Gracilaria sp. ce qui délimite la
structure du thalle (Cruz-Rivera et Hay, 2001). Aussi, Paridotea reticulata
qui se trouve en abondance au cours de l'été, consomme
fortement les sommets des thalles de G. gracilis ce qui entraîne
une réduction importante de la croissance et de la production algale.
Une étude a admis que cette préférence pour les branches
latérales est probablement due à la différence de
ténacité entre
20
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les branches latérales et l'axe principal (Smit et
al., 2003). D'autres études ont montré que la
préférence pour certaines algues est corrélée aux
concentrations tissulaires d'azote (N) (Kraufvelin et al., 2006).
Les amphipodes aussi qui se trouvent en association avec les
gracilaires peuvent grandement influencer la biomasse des algues. Nicotri
(1977) a émis l'hypothèse que le pâturage peut affecter de
manière marquée la croissance des algues si les amphipodes ne se
nourrissent que de certaines parties du thalle, telles que les
extrémités de croissance contenant les méristèmes
apicaux (Smit et al., 2003). Mancinelli et Rossi (2001) ont
étudié les préférences alimentaires de Gammarus
insensibilis et ses effets sur la biomasse de G. gracilis. Ils
ont constaté que cette espèce manifeste une nette
préférence pour les structures apicales et les
extrémités coupées de G. gracilis, ce qui
entraine une réduction de 13,9 % de la biomasse humide de cette
espèce hôte.
Ces organismes peuvent choisir les aliments en se basant sur
des indices chimiques (nutrition) et/ou sur la morphologie des macroalgues
(Heckscher et al., 1996). La sélection des aliments par les
amphipodes est clairement corrélée à la teneur en azote ;
Microdeutopus gryllotalpa a montré une préférence
significative même lorsque les différences de teneur en N est
aussi faibles que 0,7 % (Galàn Jiménez et al., 1996). La
préférence ne peut pas être uniquement due à la
teneur en N ; d'autres signaux chimiques peuvent être
corrélés à la teneur en N des macroalgues et peuvent
également être importants pour les herbivores. Heckscher et
al. (1996) ont trouvé dans des expériences similaires sur
l'agar consistant à comparer les préférences alimentaires
de M. gryllotalpa entre Cladophora vagabunda (4,5 % de N) et
G. tikvahiae (2,1 % de N), que G. tikvahiae est le
préféré ; dans ce cas, un signal chimique en plus de la
teneur en N influe sur la palatabilité. Par conséquent, il est
probable que, en l'absence de signaux morphologiques, l'N ainsi que des
composés défensifs déterminent les
préférences alimentaires des herbivores.
La morphologie et le volume du thalle sont aussi des facteurs
importants expliquant la hiérarchie de préférences. En
effet, la plus forte densité d'amphipodes a été
trouvée sur les macroalgues ramifiées ; (Fukunaga et
al., 2014) Où, Galàn Jimenez et al. (1996) ont
observé que M. gryllotalpa construit davantage de tubes dans
les algues filamenteuses vivantes. De même, Cruz-Rivera et Friedlander
(2011) ont montré que l'amphipode Ampithoe ramondi
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possède des pièces buccales pouvant trancher
beaucoup plus la surface de G. lemaneiformis que celles de
Gracilaria conferta ou de Gracilaria cornea.
Les crabes sont des décapodes qui se nourrissent
préférentiellement d'herbiers. Stachowicz et Hay (1999) ont
montré que le crabe Libinia dubia a consommé des
quantités considérables d'Hypnea et de G.
tikvahiae, avec davantage d'Hypnea que de Gracilaria ;
dans ce cas, Gracilaria peut être considéré
comme aliment de préférence inferieure pour les crabes. Ces
préférences ne sont pas liées au contenu nutritionnel des
algues. Mais elles sont liées aux volumes et au degré de
ramification du thalle. Une étude a montré que G.
conferta, la plus préférée, et G. lemaneiformis
sont deux espèces finement ramifiées qui peuvent être
facilement coupées par les chélas d'Acanthonyx
lunulatus. En revanche, G. cornea est plus large et
ramifiée plus grossièrement, ce qui rend plus difficile la
manipulation de cette algue par les crabes (Cruz-Rivera et Friedlander, 2011).
Il s'est avéré que les crabes s'associent autour des algues pour
se nourrir ou se mettre à l'abri, ou les deux, mais ne se nourrissent
pas directement des algues. Une étude a montré que la coupe par
les crabes ne peut pas expliquer la quantité énorme de dommages
causés aux pointes de croissance des algues (James et al.,
1986).
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