3.1.3. De la typologie de détention à la
typologie des délits
A partir de cette typologie qui nous a permis de
synthétiser les nombreuses informations recueillies dans nos entretiens,
nous pouvons désormais
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Réalisé et soutenu par NAKPON Coomlan
Paul
LE STRESS EN MILIEU CARCERAL AU BENIN : CAS DU PERSONNEL
D'ENCADREMENT DE LA PRISON CIVILE DE PARAKOU
avancer un certain nombre d'hypothèses concernant les
déterminants sociologiques qui pourraient expliquer le mode de processus
d'intégration à l'égard des différentes
sous-cultures carcérales.
Notre analyse nous a en effet permis de dégager deux
grandes variables explicatives dont le type de détention et le type de
délit.
? Type de détention
Les différents environnements carcéraux tels que
la maison d'arrêt (MA), le centre de détention (CD) ou la maison
centrale (MC), sont des milieux très distincts du point de vue de la
population accueillie, du niveau sécuritaire ou des activités
proposées. Ces fortes disparités, qui ne modifient pas
nécessairement structurellement les configurations de groupe à
l'intérieur des milieux, semblent néanmoins agir sur certaines
tendances où peuvent se renforcer les valeurs et opinions, augmentant
ainsi le degré de coercition. En effet, d'après nos
résultats, il semble exister une différence importante dans les
récits de vie évoqués pour chacun des milieux. Les
détenus disaient ainsi avoir subi ou avoir fait subir plus de violences
physiques, d'insultes ou de tentatives de suicides en prison et racontaient
avoir vécu plus d'émeutes ou d'expériences de violences
graves en MC. Aussi, avons-nous constaté que les détenus avaient
montré une plus grande résistance aux valeurs du personnel, un
plus grand renforcement de leurs valeurs anti-carcérales, avec une
participation plus accrue aux trafics, à la consommation de substances
psychoactives ou aux violences.
Dans les CD, il semble donc que la polarisation entre
sous-groupes, exprimée notamment par la violence, soit moins
présente. Nos entrevues font apparaître que les règles
moins strictes en CD, le respect du numerus clausus ou le fait
d'accueillir des détenus présentant de meilleures perspectives de
réinsertion pourraient favoriser la qualité des rapports
interpersonnels à la fois entre les détenus, mais
également entre les détenus et les membres du personnel
pénitentiaire. Il semble donc que les modes de
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gestion des différents contextes carcéraux ou la
sélection des populations accueillies aient des implications directes
sur la qualité du mode d'intégration carcérale.
? Type de délits
Nous avons constaté que l'adaptation des détenus
dépendait également des causes de l'incarcération. Ainsi,
les détenus auteurs d'agressions sexuelles éprouvaient plus de
difficultés à s'adapter, vivant une forte stigmatisation et
subissant plus d'insultes ou même de violences physiques. Nous avons
observé que ces détenus vivaient un fort rejet de la part du
reste de la population carcérale. À l'inverse, les autres
détenus pouvaient paradoxalement, se sentir valorisés pour leurs
crimes.
Il s'instaure ainsi une forme de hiérarchisation
à partir du délit qui vient déterminer le rôle et la
place du détenu dans le milieu. Conséquemment, cela vient
renforcer chez les détenus des distorsions sociales dans un
système où l'objectif est pourtant au contraire de les modifier,
une situation qui déteint sur la masse de travail du personnel
d'encadrement qui est appelé à intervenir en cas de collision
entre détenus.
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