Les déterminants géopolitiques des difficultés de la gestion communautaire des conflits en Afrique de l'Ouest. La CEDEAO face au règlement de la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte-d'Ivoire.par Christophe C. H DAVAKAN Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Paris - Master 2 en stratégie internationale 2018 |
B- La France aux commandes du règlement de la criseL'implication de la France dans le processus de rétablissement de paix en Cote d'ivoire n'est pas une donnée nouvelle. On se rappelle le rôle joué par Paris pour endiguer la 74 poussée de la rébellion en mettant en place une force d'interposition à la latitude de Yamoussoukro pour obtenir un arrêt des hostilités entre les mouvements rebelles et les forces loyalistes de Laurent Gbagbo. Même si cette intervention française faite à la demande du président Gbagbo au nom des accords de défense entre la France et la Côte d'Ivoire est justifiée côté français par des soucis humanitaires, il est évident qu'une guerre civile en Côte d'Ivoire ferait peser de graves menaces sur les importants intérêts français80 dans cette ex-colonie où vivent plus de douze milles ressortissants français. Sans doute mu par ce même souci, Paris n'avait pas hésiter à offrir ses bons offices au début de l'année 2003 quand la médiation de la CEDEAO avait commencé à s'enliser à la suite de guerres de leadership entre dirigeants ouest-africains dans la conduite des négociations. Même si les accords de Linas-Marcoussis conclus sous l'égide de la France n'ont pas in fine débouché sur une véritable solution de sortie de crise, ils ont posé les prémisses d'un principe de partage de pouvoir qui est resté la trame des négociations ayant conduit jusqu'aux élections présidentielles de novembre 2010. Mais quoique discrète, la diplomatie française a été bien active depuis bien longtemps. En effet, dès le début de la crise post-électorale, la France a mobilisé tout son réseau diplomatique au niveau de tous les cercles déterminants pour influencer les positions des puissances européennes, internationales tout comme des pays africains pour favoriser une reconnaissance internationale de Alassane Ouattara et la prise de sanctions contre le pouvoir de Gbagbo, selon des aveux de diplomates ayant suivi l'évolution de la crise.81 Compte tenu de toutes les raisons évoquées plus haut, la France qui était déjà intervenue en 2002, bien évidemment avec un esprit plutôt intéressé, pour éviter que le chaos ne s'installe en Côte d'Ivoire, ne pouvait rester insensible à la stagnation que connaît le processus de règlement de la crise post-
Guilbert, (Victor), Pourquoi la France est-elle intervenue en Côte d'Ivoire? , www.afrik.com , 5 avril 2011 81 Wyss, (Marco), Op Cit, p 99 75 électorale. C'est ce que va faire la diplomatie française avec le mérite de réussir à relancer le processus de règlement du conflit. 1- Un mandat de l'ONU au nom de l'impératif humanitairePendant que les négociations engagées dans le cadre de la médiation de la CEDEAO comme celle de l'UA sont au point mort, la violence enfle sur le terrain en Côte d'Ivoire. Les 173 morts déplorés entre le 16 et le 21 décembre , selon l'ONU, sont devenus rapidement marginaux au vue des décès enregistrés du fait de l'escalade des exactions dans le pays. Au mois de janvier, les violences se propagent à l'intérieur du pays, en particulier dans l'ouest, réputée pour être la région la plus instable, faisant plusieurs centaines de morts, notamment à Duékué où un massacre à grande échelle a été perpétré, et dont l'ONU impute la responsabilité aux deux Belligérants. A Abidjan, les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) pro-Gbagbo, musclent la répression contre les manifestations qui se multiplient notamment dans les quartiers d'Abobo, Kouassi et Treichville. La situation se dégrade sérieusement courant février et mars 2011 avec l'entrée en scène d'un «commando invisible« formé dans les quartiers pro-Ouattara pour mener des embuscades contre les FDS et les confrontations régulières entre ces dernières et les Forces Républicaines (FRCI).82 Après la mort d'au moins 6 femmes tuées par balles par les forces pro-Gbagbo qui dispersait une manifestation à Abidjan le 3 mars, et au vue des rapports de ses agences humanitaires qui estiment que près d'un million de personnes ont dû quitter leurs domiciles pour fuir les violences qui ont fait depuis l'élection du 28 novembre, des centaines de morts, l'ONU craint la «résurgence de la guerre civile« de 2002-2003.83 82 Les FRCI, ( Forces Républicaines de Côte d'Ivoire), composées essentiellement d'ex-rebelles et de mercenaires libériens, favorables à Ouattara lancent une grande offensive depuis leur base dans le nord du pays et progressent rapidement pour atteindre Abidjan le 31 mars. Elles se heurtent à une résistance des partisans de Laurent Gbagbo, transformant Abidjan déjà en proie aux pillages et aux violences en un véritable champ de batailles.
76 Le branle-bas diplomatique se fait plus intense. L'Afrique du Sud qui avait vainement tenté d'obtenir une redéfinition de la position de l'UA par rapport aux résultats de l'élection du 28 novembre infléchit sa position, notamment à la suite de la visite d'Etat effectuée par le président Jacob Zuma en France du 2 au 3 ma84rs 2011. On rapporte de sources diplomatiques qu'à cette occasion, son entretien avec le président Nicolas Sarkozy aurait principalement porté sur la situation en Côte d'Ivoire. De toute façon, dans la foulée, le projet de résolution soumis au vote du Conseil de sécurité et retoqué pour défaut de vote favorable de la Russie et de la Chine85 fut voté le 30 mars, avec des aménagements plus souples, pour une force d'interposition. Le texte voté à l'unanimité des 15 membres, reconnaît M. Ouattara comme président, condamne le refus de M. Gbagbo à une solution négociée, et autorise l'ONUCI à « utiliser tous les moyens nécessaires » pour protéger les civils, « y compris pour empêcher l'utilisation d'armes lourdes contre la population civile ». 86 La diplomatie française vient ainsi de dégager la voie, le compte à rebours peut maintenant commencer pour la fin du pouvoir de Laurent Gbagbo. |
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